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L’instabilité et l’insécurité pour la société du Nord depuis 2013 a contribué à une migration accélérée vers le sud du Cameroun (voir aussi chapitre 2.1). Un autre effet est la paupérisation de beaucoup d’éleveurs dans la région Nord par manque de pâturage. Il est fort probable que ces anciens éleveurs se sont transformés en bandits vivant aujourd’hui de rançons (source : I16, I17 dans l'Annexe 99). Les rançons sont estimées à plusieurs milliards par année (Rapport du gouvernement) et constituent un facteur social et économique dans l’extrême-Nord.

Les enquêtes de terrain nous permettent de dessiner un sociogramme global et structurel reflétant la perspective des producteurs de coton notamment pour la région Nord (Figure 4.2). Au sein de la population des paysans, les producteurs de coton se partagent la terre agricole avec les agriculteurs autochtones, les agro-éleveurs et les agro-éleveurs. Ensemble, ils progressent vers les régions de protection naturelle. Les conflits sont inévitables.

TABLEAU 4-2:DÉMOGRAPHIE ET PRODUCTEURS DE COTON DANS LE GRAND-NORD (ESTIMATIONS) La proportion de la population des familles producteurs de coton dans la population totale est estimée entre 30 et 40%, elle est plus élevée dans le Nord (35%) que dans la région Extrême-Nord (30%), où la moitié de la surface n’est pas utilisable pour le coton et les surfaces disponibles sont souvent au-dessous de 1 ha de coton par famille. A noter que des familles sont aussi dans le coton sans être enregistrées comme producteurs de coton au sein de la CNPC-C. Ces producteurs vont fournir du coton grain aux producteurs CNPC-C et falsifient ainsi les statistiques sur la productivité et le rendement du coton au Cameroun. Il est donc important de faire une différence entre le rendement agronomique (le réel sur le champ) et le rendement administratif (dans les livres de la Sodecoton). Nous estimons cette différence à 300-500 kg/ha. Les chiffres sur le rendement coton sont donc à prendre avec précaution. Du point de vue sociologique, le fait de « tromper » les institutions avec la production non-officielle démontrent l’importance du coton comme stratégie de survie des ménages. Les chefs de famille cherchent à échapper à la misère grâce au coton en échappant aux critères sévères d’éligibilité. Bien conscient de l’exigence de productivité, les producteurs assurent avec cette stratégie la continuation de pouvoir fournir du coton. Ils ne veulent pas tomber dans les problèmes économiques comme leurs frères et sœurs qui ont été effacés de la liste des éligibles (voir Chapitre 2.1.4).

pop 2018 pop concernée 2010 ** estimation pop concerné coton 2017 estimation* % pop concernée producteurs coton 2017 (formels) n GP (2017) n circle (2017) agents de suivi (2017) agents de suivi (femmes) ratio ferme coton/agent Extreme-Nord 4’169’801 2’624’795 1’250’940 30% 65466 712 9818 631 2 104 Nord 2’581’584 1’687’959 903’554 35% 86802 1355 19620 1516 34 57 Adamaoua 1’327’335 280’225 0 0% 0 0 total 8’078’720 4’592’979 2’154’495 152’268 2’067 29’438 2’147 36 71 ** SDCC *9.5 pers/ménage au Nord; 19 pers au E-N

Occupation espace Nord et E-Nord (km2) Zone agricole 50’790 Zone cynégétique 23’790 Montagnes 14'000 Parc nationaux 7’678 reste 4’095 Totale 100’353 (source : Sodecoton)

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FIGURE 4.2:SOCIOGRAMME Il y a donc, contrairement à la situation de 2012, plus de ménages agriculteurs-sans coton que de ménages de producteurs de coton. Le manque de statistiques ne permet pas de fournir l’état des lieux exact.

Le sociogramme (Figure 4.2) suggère aussi une barrière sociale entre les agriculteurs/producteurs de coton et les éleveurs qui ne font pas d’agriculture (notamment les Bororos ; mais aussi les propriétaires de troupeaux des centres urbains. Les villages près des « camps de Blancs » (dénomination par les paysans des sites de chasse commerciaux ; notamment dans la région de Nord) se plaignent des punitions sévères des employés qui n’hésitent pas à abattre leurs animaux quand ils dépassent la ligne des campements. Les bandits, un autre groupe d’acteurs devenu important, causent avec leurs rançons des dégâts considérables dans les familles touchées et de la souffrance dans beaucoup de villages, notamment dans le Nord.

La société civile, définie comme espace constitué par les acteurs ni traditionnels ni gouvernementaux ni du secteur privé, est encore marginale, mais émergente ; notamment les jeunes, qui sont souvent organisés par le gouvernement mais cherchent de plus en plus leurs propres voies. Elle est aussi constituée d'agriculteurs-citoyens qui se sont positionnés dans la société sans un attachement fort à un groupe ethnique ou politique. Les trois régions du Nord sont les plus pauvres du Cameroun, avec un gradient Nord-Sud (Figure 4.3). Notamment les indicateurs « pauvreté » et sous-alimentation » ainsi que le taux d’alphabétisation sont les plus faibles du pays. Cependant, cette mission n’a pas permis de mesurer l’impact du coton en mesurant la différence entre famille coton et agriculteurs sans coton. D’après les interviews dans les 8 villages avec plus de 1500 participants (tous producteurs de coton), la différence par rapport à la pauvreté est significative. Les cotonculteurs sont convaincus d’être moins pauvres que les familles qui ne font pas ou ne font plus du coton. Ceci explique la haute motivation des producteurs de rester dans la filière et de faire tout pour remplir les critères d’éligibilité (notamment produire le rendement requis en fonction de la zone agroécologiques donc entre 900 et 1 100 kg/ha).

La production de coton avec moins de 5 ha ne permet pas de sortir de la classe des pauvres, même si les parents arrivent à payer les frais scolaires avec le revenu du coton. Elle assure juste de ne pas tomber dans la classe ou catégorie des malheureux.

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FIGURE 4.3:

INDICATEURS SOCIO -ECONOMIQUES DES TROIS REGIONS NORD DU CAMEROUN

Plus de 1600 groupements de producteurs de coton, dont la grande majorité au Nord, structurent les producteurs de coton au niveau des villages (Tableau 4-3). Ces groupements ont été construits durant une période de 30 ans. Ils constituent un capital social considérable, mais aussi la base de la CNPC-C.

TABLEAU 4-3: DISTRIBUTION DES GP DANS LES NEUF REGIONS SDCC, CAMPAGNE 2016/2017

Les Figure 4.4 et Figure 4.5 montrent la distribution des montants de crédit coton (en million FCFA) par zone, et la distribution des cultures importantes parmi un échantillon de producteurs de coton assez grands (moyenne de 5.9 ha de coton).. Le coût de la main d’œuvre (MO) pour la récolte est en moyenne de 21'755 FCFA. Les engrais constituent 50% des frais financés avec le crédit coton, suivi des insecticides avec 27%. Ceci explique que plus de la moitié des agriculteurs, notamment ceux avec une surface modeste voire moins de 3 ha, ne produisent pas de coton. Les attentes des producteurs de coton sont : (i) Produire plus et plus diversifié avec le crédit coton ; gagner mieux ; (ii) Régler les conflits avec l’élevage ; (iii) Avoir de l’appui de l’Etat (santé, éducation,

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sécurité, autre), donc bref avoir une meilleure vie (voir plus en A8). Les besoins varient de village à village et de département à département, étant donné que la diversité socio-culturelle et écologique est considérable.

FIGURE 4.4:COUTS MOYENS FINANCES AVEC LE CREDIT COTON,2018

Beaucoup de femmes aimeraient réduire les frais en engrais et faire face au problème de fertilité du sol. Le manque de moyens ne permet pas d’obtenir des petits ruminants d’après leurs témoignages. Les connaissances sur l’utilisation et la fabrication de biopesticides (Neem) sont pratiquement inexistantes.

Les organisations clefs dans le coton sont la SDCC et la CNPC-C (cf. les sections 2.1.1 et 2.1.2), fortement encadrées par le cadre gouvernemental. Le plan de redressement prévoit une production de 400 000 t en 2022, dont 15% devrait résulter d’une augmentation de la productivité de 15% (actuellement autour de 1’400 kg/ha coton graine) et le reste de l’augmentation de la surface coton (Sodecoton, 2017). Seulement une légère augmentation de ferme de type 1 et 2 est attendue (et envisagé).

L’augmentation de la productivité réelle, donc agronomique, est fort improbable vue la dégradation de la fertilité des sols et la qualité des sols au sud encore relativement vierge. Considérant la démographie et le manque d’alternative pour l’agriculture ainsi que l’attachement des jeunes à la terre et aux traditions, le plan de produire plus de 400 000 ha est du point de vue social fort improbable pour les 20 prochaines années.

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