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Ressources territoriales, ressources touristiques et méthodes d’évaluation

CHAPITRE II. IDENTITÉ D’UNE DESTINATION, TYPICITÉ /

2.4. Ressources territoriales, ressources touristiques et méthodes d’évaluation

2.4.1. Les ressources territoriales

La notion de ressource territoriale a été développée par les chercheurs grenoblois pour apporter une nouvelle approche territoriale aux théories économiques et au développement local. La ressource territoriale a été abordée dans ce cadre à partir d’une proposition qui privilégie la compréhension des relations qui s’établissent entre la ressource et le territoire, le contexte dans lequel elle est produite (Peyrache-Gadeau & Perron, 2010). Cette réflexion renvoie aussi à l’effort des territoires pour se distinguer dans un contexte concurrentiel lié à la mondialisation. L’entrée par l’espace et le territoire s’inscrit dans une vision local versus global, dans laquelle le développement régional/local retient tout particulièrement l’attention de chercheurs de plusieurs disciplines.

En géographie et en économie, la notion de ressource est souvent abordée dans les recherches portant sur le développement. Selon Brunet, Théry, & Ferras (1993), la ressource désigne les moyens dont dispose un individu ou un groupe pour mener à bien une action, ou pour créer de la richesse. Elle correspond à des facteurs à révéler, à exploiter ou encore à organiser (Benko & Pecqueur, 2001). La ressource existe non seulement sous forme matérielle mais également idéelle, et n’existe que pour autant qu’elle est mise en œuvre et se manifeste à travers des transformations du territoire, sans quoi elle reste une ressource potentielle, virtuelle (Gumuchian & Pecqueur, 2007). Ainsi, une ressource n’existe que si elle est connue, révélée et exploitable, que si des hommes lui attribuent une valeur d’usage (Praly, 2010). Dans ce sens la « ressource » est aussi considérée comme produit de la mobilisation des acteurs sur un territoire, notamment dans le champ de l’économie territoriale (Oiry-Varacca & Tricoire, 2016), approche qui a conduit à développer la notion de ressource territoriale.

De l’intérieur, la ressource territoriale est définie comme « une ressource spécifique qui

peut être révélée selon un processus intentionnel, engageant une dynamique collective d’appropriation par les acteurs du territoire, de nature différente selon qu’elle emprunte ou non le circuit de la valorisation » (François, Hirczak, & Senil, 2006 : 696). Selon Gumuchian &

Bernard (2007 : 5), la ressource territoriale est « une caractéristique construite d’un territoire

spécifique et ce, dans une optique de développement ». Pour (Duperre, 2007), la ressource

territoriale est le résultat d’une dynamique d’acteurs dans un lieu donné où se développent des mécanismes de coordination entre les différents acteurs qui permettent à leur tour des apprentissages collectifs. Dans cette perspective, la ressource territoriale est une construction sociale localisée qui « n’est pas seulement inscrite dans un cadre spatial

particulier, elle est « consubstantielle au territoire considéré inscrit lui-même dans une temporalité donnée » (Gumuchian & Bernard, 2007 : 45). « La ressource territoriale ne préexiste pas au territoire mais se construit avec et dans le territoire » (Lajarge, Pecqueur,

Landel, & Lardon, 2012).

De l’extérieur, il est possible de voir les manifestations des ressources territoriales sous l’angle de l'attractivité, de l'image ou de l'identité territoriale, en lien avec des éléments spécifiques, identifiables ou mémorables et représentatifs du territoire. Du point de vue du

facteurs d’attirance, d’attraction, elles construisent l’image de la destination » (Escadafal,

2004, cité dans Senil, Francois, & Hirczak, 2006).

Les ressources territoriales incluent ainsi des facteurs internes tels que des ressources potentielles, ou déjà exploitées, résultant des efforts de coopération /coordination entre les acteurs du territoire (internes et externes) et souvent se manifestent à travers des éléments spécifiques et marquants. Cet ancrage territorial de la ressource traduit un dynamisme de la géographie économique, pour laquelle la notion de ressource était traditionnellement considérée comme générique et statique. Benko & Pecqueur (2001) distinguent deux catégories de ressources : 1) des ressources génériques (par exemple la main-d’œuvre, le capital, la matière première et l’information) qui se définissent par l’indépendance de leur valeur par rapport au processus de production et au lieu où elles sont produites et 2) des ressources spécifiques qui sont l’ensemble des facteurs dont la valeur est liée à un usage particulier et sont caractérisées par leur caractère unique, intransférable ou non reproductible, leur ancrage dans un territoire, leur patrimonialisation. Au-delà des ressources génériques qui sont indépendantes du lieu où elles sont mobilisées (Oiry-Varacca & Tricoire, 2016), les territoires offrent donc également des ressources spécifiques, intransférables, incomparables sur le marché. Ces ressources spécifiques diversifient les espaces, et stabilisent les localisations des activités économiques (Benko & Pecqueur, 2001 : 7) et constituent la véritable source de différentiation durable d’un territoire dans une optique de concurrence, la principale différence entre les ressources génériques et celles spécifiques se trouvant dans la rigidité de leur localisation (François et al., 2006).

D’après Gumuchian & Bernard (2007), la ressource territoriale comporte quatre caractères fondamentaux : 1) des attributs de position et de localisation qui sont liés à l’histoire du lieu, aux apprentissages locaux ; 2) des attributs de constructibilité qui relèvent des jeux d’acteurs locaux, de leurs coordinations et conflits ; 3) la complexité systémique qui résulte d’une synergie de ressources locales combinées au sein du projet de territoire ; et 4) le sens (la nature idéelle de la ressource, sa signification) et la temporalité dans laquelle son usage se déploie, qui sont liés à l’évolution du territoire (cf. aussi Sébastien, 2008). Dans une optique de développement durable, François (2008) ajoute un caractère renouvelable en dépit de l’usage à la notion de ressource territoriale, en se référant à la dimension culturelle des territoires. Grenouillet (2015 : 300) en abordant les notions de territoire et de ressource territoriale conclut que « la ressource territoriale possède des éléments permettant

d’intégrer la durabilité au sein des projets de territoire, tels que l’approche par le panier de richesses et la patrimonialisation ».

Ainsi, la/les ressource(s) territoriale(s) existe(nt) avec le territoire, évolue(nt) dans le temps et l’espace du territoire et selon la perception des acteurs de ce territoire-là. Elles contribuent à rendre le territoire devient plus identifiable, dans la mesure où, une fois activées, les ressources participent directement à la construction de l’identité du territoire. Le territoire qu’elles servent à construire doit être envisagé en tant que territoire-produit dans une perspective de développement et de marketing, ainsi qu’en tant qu’un territoire- patrimoine inscrit dans le temps et dans l’espace avec sa structure organisationnelle (Grenouillet, 2015). Ces interrelations entre territoire et ressource(s) permettent de renforcer l’identité territoriale.

Certaines recherches identifient plusieurs « gisements » de ressources territoriales comme le patrimoine (Landel & Senil, 2009), la culture (Landel & Pecqueur, 2009), le paysage

(Peyrache-Gadeau & Perron, 2010), et même les TIC (Landel & Leroux, 2012). Le point commun de ces études réside dans le fait qu’elles montrent comment ces ressources participent au processus de construction du territoire à partir des éléments matériels et immatériels existants sur place. Ces ressources territoriales doivent être analysées dans une perspective dynamique, comme en témoignent des exemples sur de ressources introduites ou construites sans enracinement initial dans le territoire, mais qui sont devenues des ressources spécifiques, étroitement connectées avec le territoire (p. ex. la tour Eiffel). Quelques auteurs ont tenté une typologie des ressources territoriales dans le but non seulement de les décrire, mais aussi de les évaluer par rapport d’autres types de ressources, et d’examiner leurs interactions avec ces dernières. La typologie élaborée par Fremont (2007) comprend d’abord 1) des ressources matérielles (des ressources issues de la polyculture et de l’élevage, les ressources naturelles (sol, eau, forets, minéraux, etc.) et le patrimoine historique) ; 2) les hommes et leurs activités ; et 3) les interrelations entre toutes ces composantes. La ressource territoriale possède des composantes géographiques (patrimoine naturel et culturel) et idéologiques (histoires, valeurs), propres au territoire concerné, et renvoie à une intentionnalité des acteurs (Perrin-Malterre, 2014). Selon Grenouillet (2015), on peut intégrer en tant que ressource territoriale tous les éléments en lien direct avec le territoire (richesses naturelles, richesses culturelles, historiques, richesses humaines, sociales, organisationnelles).

La construction de la ressource territoriale reste cependant fortement liée aux capacités de coordination des acteurs autour de ces ressources. Celle-ci résulte de leur capacité à développer une autonomie relative à leur territoire d’appartenance, à l’origine d’une différenciation des modes de gouvernance. Les ressources, qu’elles soient matérielles ou immatérielles, latentes ou potentielles appellent la formalisation et l’organisation pratique de leur mise en œuvre.

Notre thèse s’inscrit dans la logique de spécification par la différentiation qu’apporte la ressource territoriale pour le territoire-destination.

2.4.2. Les ressources touristiques

Les ressources touristiques sont l'un des éléments de base, une condition préalable au développement du tourisme d'un territoire. La quantité de ressources présentes, leur qualité et la capacité de combiner ces ressources dans une même zone sont fondamentaux pour le développement du tourisme.

Les ressources touristiques sont définies comme « tout élément ayant joué un rôle majeur

dans l’attraction de touristes d’une région donnée » (Spotts, 1997 : 5). Les ressources

touristiques servent en quelque sorte de « matière première » pour développer les différents types de tourisme d’une destination. Sur le plan de marketing, les ressources touristiques uniques d’une région ou d’une destination nourrissent, nous l’avons vu plus haut, le sentiment d’appartenance au lieu, et contribuent à alimenter chez les touristes le désir de découverte et l’envie de revenir, qui sont fondamentaux pour l’expérience touristique.

2.4.3. L’évaluation des ressources touristiques

L’évaluation des ressources touristiques est l'une des conditions préalables au développement du tourisme dans un territoire. Elle comporte généralement trois étapes principales : l'identification, la classification et l'évaluation des ressources (Priskin, 2001):

- Étape 1 : inventaire des ressources touristiques

Cette première étape consiste à identifier les attributs potentiels du territoire-destination qui représentent des ressources locales pour le tourisme à travers différentes méthodes de terrain et d’inventaire, qui, pour chaque type de ressource, mobilisent enquêtes internes, enquêtes externes (le territoire tel que perçu de l’extérieur) et sources documentaires (références bibliographiques, études antérieures, documents promotionnels…).

- Étape 2 : Classification des ressources touristiques

Il existe plusieurs types de ressources touristiques. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT, 1997, cité dans (Bui & Nguyen, 2006) a développé un système de classification des ressources touristiques en trois catégories avec neuf types de ressources touristiques potentielles : ressources de base potentielles (trois groupes : Facteurs culturels traditionnels, facteurs naturels traditionnels, activités) ; ressources existantes (trois groupes : système de transport, équipements, image globale) ; ressources techniques (trois groupes : activités touristiques, mécanisme/processus et potentialité du territoire13). De son côté, Cazes & Lanquar (2000) divise les ressources touristiques en trois catégories principales : les ressources naturelles, les ressources socioculturelles et les ressources économiques. Bui & Nguyen (2006) ont développé un système de classification des ressources touristiques assez similaire qui comprend les ressources touristiques naturelles, les ressources touristiques humaines, et les ressources techno-économiques et auxiliaires.

- Étape 3 : Évaluation des ressources touristiques du territoire

Selon Bui & Nguyen (2006), l'évaluation des ressources touristiques est une tâche difficile et complexe parce que ce processus dépend simultanément des types de ressources, des techniques d’évaluation appliquées, et des conditions d’évaluation, tout en tenant compte des besoins, des préférences, des caractéristiques psychologiques des individus concernés – l’évaluation d’une même ressource sera souvent différente selon la catégorie de touristes considérée). On peut procéder à cette évaluation en fonction de chaque type de ressource dans le système général de classification des ressources touristiques ou de façon globale pour toutes les ressources touristiques d’un territoire.

Bui & Nguyen (2006) ont mentionné quatre méthodes pour évaluer les ressources touristiques :

13 Il s’agit du mécanisme ou du processus de gouvernance touristique concernant l’aménagement au niveau du

pays, au niveau de la destination, le système de gestion publique en tourisme ainsi que l’ensemble des parties prenantes en tourisme comme les chaines d’hôtels, les organisations en communication touristique et les politiques de transport, de promotion des investissements, ou de circulation monétaire. La potentialité du territoire fait référence aux ressources communautaires, de la destination telles que les patrimoines communautaires, les langues locales, les accords dans la région ou les systèmes de transport internes (Bui & Nguyen, 2006 : 98-99)

- Méthode d'évaluation psycho-esthétique, basée principalement sur la perception et les préférences des touristes et des résidents pour les types de ressources de l'environnement touristique, principalement fondée sur des enquêtes.

- Méthode d’évaluation bioclimatique reposant principalement sur des indicateurs climatiques pour identifier les paramètres les plus appropriés pour la santé et le bien- être des êtres humains. Cette méthode sert de base pour identifier et classer les sites, les attractions et les centres touristiques.

- Méthode d'évaluation technique : Il s'agit d'utiliser des critères et des moyens techniques pour évaluer la quantité et la qualité des ressources touristiques afin de déterminer la valeur des ressources touristiques pour différents types de développement touristique.

- Méthode d'évaluation économique : elle consiste à appliquer des méthodes et des critères permettant de déterminer l'efficacité économique et sociale actuelle et future des zones dans lesquelles les ressources peuvent être exploitées et protégées pour le développement du tourisme. Il s’agit là de mesurer la valeur économique de chaque ressource à travers les plus-values qu’elles engendrent – sur le territoire même ou hors du territoire.

Les ressources territoriales spécifiques d’une destination demandent en effet un processus d’évaluation particulier car elles doivent être mesurées tant au niveau qualitatif que quantitatif de manière à démontrer également leur degré de « territorialisation », en lien avec l’identité de la destination : pour reprendre l’exemple du trekking au Népal, la ressource peut être considérée comme territoriale au sens où elle est effectivement peu délocalisable (on peut faire du trekking ailleurs, mais le tour des Annapurnas ne peut se faire qu’au Népal), mais son exploitation produit de la richesse ailleurs que dans les territoire concernés, par exemple pour les tours opérateurs spécialisés occidentaux.

2.5. Identification, typologie et évaluation de la typicité locale d’une