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CHAPITRE II. IDENTITÉ D’UNE DESTINATION, TYPICITÉ /

2.2. Identité d’une destination touristique

2.2.1. Identité de lieu

Korpela (1989 : 245) souligne la connexion entre le lieu et l'identité personnelle en décrivant l'identité de lieu en termes de « cognitions de ces paramètres physiques et de parties de

l'environnement physique, dans ou avec lequel un individu - consciemment ou inconsciemment - régule ses expériences psychiques et maintient son sens de soi ». D’après

Proshansky et al. (1983 : 59), « l'identité de lieu est une sous-structure de l'auto-identité de la

personne constituée des cognitions sur le monde physique dans lequel vit un individu. Ces cognitions représentent des souvenirs, des idées, des sentiments, des attitudes, des valeurs, les préférences, les significations et les conceptions du comportement et de l'expérience qui se rapportent à la variété et à la complexité des paramètres physiques qui définissent l'existence de chaque être humain au jour le jour ».

L'identité de lieu diffère donc plus de l’attachement à un lieu ; c’est « la cognition d'un

individu, les croyances, les perceptions ou les pensées que l'individu investit dans un cadre spatial particulier » (Jorgensen & Stedman, 2001 : 238). L’identité de lieu influence donc

l’identité d’un individu, son identité sociale, ses attitudes et ses comportements, y compris le comportement envers la communauté locale (Bow & Buys, 2003 ; Proshansky et al., 1983 ; Twigger-Ross & Uzzell, 1996)

Tableau 6. Théorie du processus de l’identité de lieu

Les principes Significations

Distinction/différentiation Distinction personnelle à travers les lieux fréquentés Continuité

Lieu de référence Lieu de congruence

Continuité de l’identité à travers le lieu

Les lieux spécifiques de référence liés au passé de l’individu Les types de lieux de référence similaires à ceux du passé

Estime de soi Associée aux lieux préférés

Auto-efficacité Capacité à gérer un mode de vie personnel associé à un lieu

Source : (Twigger-Ross & Uzzell, 1996)

Pour un certain nombre de chercheurs, l’identité de lieu est l’une des quatre dimensions de l’attachement au lieu (Bowlby, 1969, 1973, 1975) qui sont la dépendance au lieu (Gross & Brown, 2008 ; Prayag & Ryan, 2012 ; Stokols & Shumaker, 1981), l'identité du lieu (Prayag & Ryan, 2012 ; Proshansky et al., 1983 ; Twigger-Ross & Uzzell, 1996), le lien social avec le lieu (Kyle, Mowen, & Tarrant, 2004) et plus récemment, l’attachement affectif (Halpenny, 2010). L’identité de lieu est déterminée non seulement par les composantes physiques, mais aussi par le sens et les différentes sortes de liens développés entre les gens et le lieu (Wang & Xu, 2015). Les milieux naturels offrent ainsi aux individus la possibilité de développer un sentiment d'identification avec ce lieu (Ramkissoon et al., 2013) grâce à leur caractère distinctif ou unique par rapport à d’autres lieux (Twigger-Ross & Uzzell, 1996). Plus largement, le caractère distinctif d’un lieu tend à renforcer le processus de création de l’identité de lieu : en vertu de ce principe, le fait de visiter un lieu marqué par des caractéristiques distinctes ou uniques, aussi bien physiques que culturelles, favorise le développement d’un fort sentiment d’identification (Wang & Chen, 2015) ou même un fort attachement affectif à son égard (Proshansky, Fabian, & Kaminoff, 1983). En conséquence, les spécificités territoriales pourraient être considérées comme des « ingrédients » du processus d'identification cognitive du lieu pour un individu.

Toutefois, la définition de l’identité de lieu repose sur une forme de sélection parmi les « ingrédients » possibles, et la question se pose de l’échelle à laquelle s’opère cette sélection, et des groupes d’acteurs qui la contrôlent : ainsi la théorie de l’identité de lieu (« place identity theory ») (Proshansky et al., 1983) renvoie-t-elle plutôt à une identité définie « d’en haut », par des acteurs extérieurs au territoire (par exemple par les aménageurs ou par les tour-opérateurs et leurs offres), alors que les notions de sens du lieu (sense of place) ou de sentiment d'appartenance reflètent davantage un « point de vue du

bas » (Carter, Dyer, & Sharma, 2007), celui des habitants. Appliquée par aux paysages

transformés par l’urbanisation de la Sunshine Coast en Australie, cette distinction les amène ainsi à « reconnaître les géographies inégales du pouvoir qui façonnent le paysage régional à

l'intérieur des processus de transformation du lieu. Ces géographies du pouvoir suggèrent que le sens du lieu peut s'appuyer sur un «point de vue du bas», tandis que l'identité du lieu est principalement une fonction d'un «point de vue du haut» (Carter et al., 2007).

Du point de vue géographique, l’identité de lieu fait référence au sentiment d'appartenance, notion multidimensionnelle et multidisciplinaire qui prend appui sur les significations que les individus donnent à leur environnement, à la manière dont ils le perçoivent et tendent à l’intégrer à leur identité propre, dans la mesure de l’attachement qu’ils ont développé par rapport à lui (Ujang, 2012). Pour (Stokols & Shumaker, 1981 : 445), cette perception sociale correspond au processus par lequel un groupe social perçoit et interprète (« ascribe meaning », donne du sens) à son environnement physique et social. Dans cette logique, le lieu peut être caractérisé par de nombreux critères, qui englobent aussi bien ses attributs matériels que les représentations individuelles et collectives de ces derniers. Les significations sociales d’un lieu, d’ordre fonctionnel, motivationnel ou évaluatif, peuvent être décrites par leur plus ou moins grande complexité, clarté ou hétérogénéité, ainsi que par leur degré de distorsion ou de contradiction par rapport à la réalité du territoire (Stokols & Shumaker, 1981 : 448). Le lieu est ici envisagé dans une perspective transactionnelle entre les individus et/ou les groupes, et les lieux, qui s’influencent de manière réciproque : l'identité du lieu est déterminée non seulement par les composants physiques, mais également par les différentes formes de transaction entre les personnes et les lieux, et par les significations qu’elles construisent. L’identité de lieu est ainsi influencée par les aspects fonctionnels (physiques) comme par les aspects émotionnels et symboliques de l'expérience environnementale (Stedman, 2003). Elle résulte de l'interaction entre ses caractéristiques physiques et ses utilisateurs (Kaymaz, 2013). Les significations et les expériences de ceux qui vivent dans un lieu, le visitent ou l’imaginent déterminent le sens individuel ou collectif du lieu, et conduisent à des identités plus ou moins marquées selon les territoires (Kneafsey, 2000), en fonction notamment d’attributs – naturels ou sociaux – plus ou moins distinctifs.

Selon Relph (1976), l'identité d'un lieu contient trois composantes interreliées: (i) les caractéristiques physiques et les apparences, (ii) les activités et (iii) le sens et les symboles. Montgomery (1998) a catégorisé les déterminants de la cognition d'un lieu en tant que (1) formes, (2) activités et (3) images. Les composants physiques comprennent tous les environnements naturels (tels que les éléments de relief, les forêts ou les lacs) ou artificiels (tels que les bâtiments et les rues), chacun offrant ses propres caractéristiques. Les caractéristiques physiques et l’apparence contribuent à rendre les lieux plus visibles car ils peuvent être identifiés, organisés ou expérimentés par les gens en termes de forme et de

comprennent celles projetées et celles perçues par les différents acteurs concernés dans le domaine du tourisme, sont porteuses de sens et de symboles (Relph, 1976). La figure 6 présente les composantes de l’identité de lieu que notre thèse a adapté des travaux de Montgomery (1998) et Ujang (2012).

Figure 6. Les composantes de l’identité de lieu, modèle adapté de Montgomery (1998) et Ujang (2012)

Souvent abordée dans les espaces urbains en lien avec l’attachement au lieu (Ujang, 2012), l’identité du paysage urbain (Kaymaz, 2013) ou la dimension culturelle d’une ville (Ziyaee, 2017), la question des rapports entre identité de lieu et expérience de destination est toutefois davantage vis-à-vis des problématiques d’aménagement que par rapport aux problématiques du tourisme.