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4 LE PARCOURS DE SOINS EN SANTÉ MENTALE

4.3 PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE DANS LE PARCOURS DE SOINS SANTÉ MENTALE

4.3.2 Ressenti du médecin généraliste vis-à-vis du réseau de soins

4.3.2.1 Constat

4.3.2.1.1 Nécessité

Le travail avec un réseau de professionnels en santé mentale était perçu comme nécessaire auprès de

la totalité des médecins généralistes rencontrés. Il paraissait important pour les praticiens interrogés

de partager des expériences et d'avoir accès à des avis extérieurs facilement.

ESD 1 L203 : "et puis après, il y a la mise en confrontation de…de situations qu’on a pu

gérer d’une certaine façon et avec le regard neutre d’une personne extérieure, heu, confraternelle,

c’est pas mal aussi, c’est important, voilà."

4.3.2.1.2 Isolement

Cependant, dans les faits, une majorité de médecins généralistes avaient un avis négatif sur leur

situation dans le parcours de soins en santé mentale. Ils déploraient surtout un isolement.

ESD 2 L185 : "enfin j'ai pas, à part la psychiatre de (ville B à proximité du lieu d'exercice de

M2), j'ai pas un interlocuteur... pas vraiment, c'est pas..."

ESD 4 L168 : "Mais c'est vrai qu'on aurait besoin d'être... De pouvoir appeler quelqu'un plus

facilement et de pouvoir avoir un avis rapidement."

ESD 9 L397 : "Parcours de soins mental... (soupire) Y'a un parcours de soins ?! (rires)"

4.3.2.1.3 Peu de ressources

Les praticiens rencontrés semblaient dépourvus de solutions pour les prises en charges courantes.

ESD 8 L173 : "Ah, bah en fait… Un peu démuni face à ces patients-là qui nécessitent des

hospitalisations, on n'a pas... Ceux qui ont vraiment la maladie psychiatrique, suivie par le

psychiatre et qui décompensent...bah, démuni quoi !"

4.3.2.1.4 Prises en charges expérimentales

La plupart des médecins rencontrés évoquaient des situations pour lesquelles leurs décisions de prise

en charge avaient été expérimentales.

ESD 1 L43 : "on est obligé de bidouiller hein…souvent…voilà."

ESD 2 L50-338 : "c'était le sentiment de devoir faire un peu sa sauce sans voir beaucoup de

psy... […] Ouais, c'est "démerde toi "quoi ! "

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4.3.2.1.5 Manque d'échanges inter professionnels

La majorité des médecins généralistes rencontrés déploraient un manque de communication entre les

différents acteurs du réseau de soins.

Le manque d'échanges entre les psychiatres et les médecins généralistes était dénoncé à l'unanimité.

ESD 5 L435 : "On reçoit des comptes-rendus de l'ensemble des consœurs et confrères, mais,

les psychiatres, à quatre vingt-dix neuf pour cent, c'est non !"

ESD 8 L231 : "En fait, ils ont leur psychiatre, des fois ils ont un psychologue mais heu, on

partage rien hein. Que dalle."

Certains médecins interrogés regrettaient également qu'il n'y ait pas de lien entre les acteurs

paramédicaux de la santé mentale et les médecins spécialistes.

ESD 2 L158 : "C'est à dire que chacun travaille un peu de leur côté et ce que je regrette, c'est

que le psychologue dise pas souvent "Je vous renvoie vers le psychiatre", qu'ils travaillent pas plus

main dans la main quoi."

Quelques médecins généralistes avouaient cependant ne pas informer les psychiatres par un courrier

lorsqu'ils adressaient un de leur patient en consultation.

ESD 6 L210 : "Quand on dit aux gens d'aller voir un psychiatre, c'est vrai qu'on fait pas

toujours des lettres (petit rire) Mea culpa... Parce qu'on sait que y a pas, la coordination est pas

obligatoire, donc heu..."

Un seul médecin estimait ne pas avoir à intervenir dans la relation entre le patient et le psychiatre.

ESD 9 L235 : "J'leur dis : "Voilà, vous allez être pris en charge par un psy. Ce qui va être

dit entre votre psy et vous, ça vous regarde. Je ne serai sans doute, jamais tenu au courant de ce qui

se passe, c'est vraiment le secret le plus profond que vous aurez avec lui.""

4.3.2.1.6 Méconnaissance de la pratique quotidienne des médecins généralistes

Certains médecins généralistes avaient le sentiment d'être incompris par leurs confrères psychiatres.

ESD 1 L53 : "comprendre pour, de la part du psychiatre que si on demande un avis c’est pas

pour…heu…drainer le menu fretin de la psychopathologie en médecine générale, mais c’est

vraiment parce qu’on en a besoin"

ESD 10 L127 : "Et il était hyper agressif et...et j'ai appelé la psy de garde qui était pas là et

qui m'a dit : "Faut rappeler demain matin" (rire). Et après y'a eu un autre psy qui m'a rappelée, qui

m'a dit : "Faut lui faire du Loxapac® (DCI : Loxapine) "... qu'on a pas au cabinet"

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Si un échange écrit avait lieu, les réponses ne semblaient pas convenir aux attentes des praticiens

rencontrés.

ESD 6 L196 : "J'ai reçu une phrase, j'ai reçu une phrase du psychiatre ! Heu..ça me…j'étais

dépitée…"

ESD 4 L234 : "Et puis pour l'instant, c'est surtout que je reçois les courriers des psys avec la

description des patients est plus heu... Bah pas à la poubelle mais heu... on nous renvoie les patients,

ils se déchargent et puis le pire c'est ça."

Ceci était source de colère et d'épuisement.

ESD 6 L204 : "J'me suis sentie.... bah un peu, même...en colère quoi. Parce j'me dis, que

j'essaie de faire le mieux..."

4.3.2.2 La construction du réseau

4.3.2.2.1 Épreuve

La construction d'un réseau professionnel et le travail en collaboration semblait complexe pour la

majorité des médecins généralistes interrogés.

ESD 1 L55 : "ça se travaille hein de trouver les interlocuteurs….c’est pas facile"

ESD 2 L189 : " En psychiatrie, purée, mais trouver un psychiatre qui va lire un mail que tu

lui envoies, y en a pas. Y en a pas...a l'hôpital, ils sont tous, déjà...personne les connaît ! Tu peux

même pas les joindre."

4.3.2.2.2 Turn over des psychiatres

Une des particularités en Haute-Savoie évoquée par quelques praticiens était le changement régulier

des professionnels de santé au sein des structures de soins de santé mentale.

ESD 1 L95 : "Ils ont un turn-over qui est énorme, ils n’arrivent pas à fidéliser les médecins

psychiatres"

ESD 5 L5 : "J'trouve que les… les ténors de cette clinique sont partis. Donc je bosse un peu

moins"

ESD 9 L194-197 : "L'impression que ça me donne, vu de l'extérieur, c'est qu'il y a un turn-

over assez rapide des psys […] Alors des fois avec une espèce d'affinité avec un thérapeute qu'il va

p't-être pas se retrouver parce que y'a un turn-over."

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4.3.2.2.3 Premiers professionnels de santé sollicités

Faute de pouvoir contacter facilement des spécialistes en santé mentale, les premiers professionnels

sollicités par les praticiens interrogés semblaient être les associés, les autres médecins généralistes,

les conjoints ou les amis médecins.

ESD 3 L124-L126 : "Et puis j’ai la chance d’avoir épousé (nom de son épouse) qui est

psychothérapeute […] qui a aussi une écoute analytique, ce qui fait, que du coup, ça me permet,

dans certains cas un peu particuliers, d’en discuter avec elle et de ne pas rester avec ça…un peu

comme une sorte de supervision…"

ESD 10 L316 : "J’ai une de mes bonnes copines aussi qui est pédo-psy. Qui n'est pas du tout

dans la région, mais du coup ça peut heu... Ça m’est déjà arrivé de l’appeler aussi pour heu...pour

discuter de cas d’enfants, de ce qu’elle ferait ou...voilà."

ESD 7 L64 : "Ma femme qui est aussi mon associée, qui est médecin généraliste, a fait des

formations. Elle a fait du droit médical, elle a fait du droit pour les assurances aussi, elle a fait de la

sexologie, une formation sur les maltraitances, et là elle fait une formation sur les thérapies

systémiques. Donc, c'est pas sexuellement transmissible, enfin, j'sais pas si je peux dire ça… (Rire)

Mais, quand même, j'me suis imprégné de ses, de ses…connaissances quoi !"

4.3.2.2.4 Affinités relationnelles

Le réseau professionnel sollicité par chaque médecin généraliste était très personnel. Il se construisait

en fonction des rencontres réalisées et des affinités professionnelles.

ESD 1 L51 : "C’est compliqué, ou alors il faut avoir un ou deux interlocuteurs avec lequel on

est vraiment…on est en phase et on a pu collaborer, se connaître, savoir comment on fonctionne"

ESD 5 L259 : "Sinon, rapidement, je propose de travailler en réseau et avec les gens avec qui

je m'entends bien."

Pour l'un des médecins interrogé, la participation à des formations post-universitaires offrait la

possibilité de rencontrer d'autres intervenants du réseau santé mentale.

ESD 4 L140 : "La formation post-universitaire donc que... Ouais. Où des mecs ils te font des

topos sur la schizophrénie, sur la prise en charge, des traitements, des nouveaux trucs... Donc ça, ça

te permet de rencontrer un peu des psys..."

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4.3.2.3 Évaluation de la qualité du réseau

Pour les praticiens interrogés, la qualité de leur réseau s'affinait au travers des critiques et des

expériences vécues par les patients qu'ils adressaient aux professionnels de santé.

ESD 5 L558 : "De toute façon, la qualité du réseau, le patient va vous le dire hein ! Il peut

des fois y avoir des gens manipulateurs mais à quatre-vingt-dix-neuf pour cent, les gens ne sont pas

manipulateurs ! Hein… "Docteur, vous m'avez adressé là, c'est bien!" C'est le meilleur ressenti hein!

Donc voilà. Et c'est là-dessus qu'on fait notre réseau. Voilà."

4.4 RESSENTI DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE VIS-À-VIS DE