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4 LE PARCOURS DE SOINS EN SANTÉ MENTALE

4.2 RESSENTI DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE FACE AUX DIFFÉRENTS ACTEURS DE SANTÉ

4.2.1 Les intervenants humains : ressenti des médecins généralistes

4.2.1.1 Psychiatres

Les médecins généralistes interrogés décrivaient différentes prises en charge par les psychiatres

libéraux.

ESD 6 L64 : "Bah dans le coin, y'en a une heu… (Soupire)… Y'en a qui prennent pas

beaucoup de temps avec les patients, y'en a qui prennent le temps mais qui ont des délais de rendez-

vous de deux-trois mois d'attente donc heu… en attendant (bruitage de désolation)…"

Le défaut principal évoqué par les praticiens interrogés au sujet de leurs confrères était le manque de

temps consacré aux patients (consultations courtes).

ESD 10 L219 : "mais j'pense que...voilà, j'pense qu'on est plus à leur écoute que les

psychiatres. Enfin, voilà, le psychiatre j'ai l'impression que c'est très heu... On renouvelle les... Bah,

ils le disent tous hein, après... On renouvelle les médicaments, ça dure quinze minutes et encore..."

Pour certains des médecins généralistes, un des rôles des psychiatres était de prescrire les traitements

psychotiques adéquats.

ESD 4 L102 : "Je ne me permettrais pas de prendre la place d'un psychiatre parce que c'est

vrai que... D'abord parce qu'il passe plus de temps et puis c'est vrai qu'après l'adaptation des

neuroleptiques, des trucs comme ça, c'est pas toujours évident."

Pour d'autres, il semblerait que leur attente du rôle du psychiatre soit davantage de pratiquer un

accompagnement psychothérapeutique plutôt que d'avoir un rôle de prescripteur de molécules

chimiques.

ESD 7 L194:"Le psychiatre à (ville B)… (quelques secondes de silence)… Comment dire…

On va dire qu'il est très heu… médicamenteux, que… nous n'avons pas beaucoup de rapports

hein…"

ESD 9 L112 : "Alors après, parmi les psys, y'en a qui sont chimiatres, y'en a qui sont

vraiment pour le suivi... Mais un truc qui m'étonne pas mal aussi, c'est que il y a des psychiatres qui

reçoivent, qui donnent que le traitement et qui font pas du tout de...psychothérapie. Et qui envoient

chez des psychologues"

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ESD 10 L248 : "J'crois qu'il y a un psychiatre sur (ville E plus éloignée) qui voit assez

rapidement, mais heu...J'ai plus son nom...j'l'avais noté...mais heu... Du coup les patients ils en sont

pas contents quoi enfin... il met le traitement en route, il les shoote un peu et puis...il leur demande je

ne sais pas combien pour les prendre dix minutes et...enfin (petit rire) voilà. Du coup ça, ça compte

pas. Enfin, et puis c'est pas forcément ce qu'on recherche, enfin... "

4.2.1.2 Psychologues

Les médecins généralistes interrogés avaient un avis globalement positif sur le rôle joué par les

psychologues au sein du parcours de soins en santé mentale.

La plupart des praticiens rencontrés adressaient leurs patients à des psychologues.

ESD 6 L88-92 : "donc je vais assez…très facilement adresser au psychologue sachant que

j'en ai du coup deux-trois autour, là, dans le coin qui sont…dont j'ai des bons retours et où les

patients vont et continuent leur suivi donc heu… Voilà. […] Dans tous les cas, le suivi psychologique

je…c'est pas que je l'exige parce que y'en a qui n'ont pas les moyens mais heu, globalement, ceux

qu'on pas les moyens, quand ils ont compris le pourquoi, pourquoi je leur proposais ça, ils…ils

adhèrent quand même. Et c'est bien."

4.2.1.3

Infirmiers et infirmières (IDE) de psychiatrie

Le rôle des IDE de psychiatrie était évoqué par peu de médecins interrogés.

Leur importance dans le parcours de soins en santé mentale n'était pas contestée.

ESD 5 L451 : "Ils font vraiment partie de la chaîne de soins."

Leur rôle était perçu positivement, parce qu'ils auraient plus de temps à consacrer à l'écoute.

ESD 9 L199-203 : "y'a un boulot qui est très très bien fait, souvent, c'est par les infirmières

psys. Parce que les infirmières psys, elles sont très à l'écoute. […] Les infirmières psys sont plus à

l'écoute. Enfin, elles disposent de plus de temps bien sûr, ça c'est pas mal."

4.2.1.4 Autres spécialités médicales sollicitées

Le médecin du travail peut être sollicité pour certaines situations de souffrance au travail.

ESD 8 L130 : "Et puis heu...autrement… Alors quand c'est au travail, le médecin du travail,

beaucoup. Médecin du travail, ouais, je leur fais des courriers, en leur expliquant qu'ça va pas bien

au travail, etc., qu'est-ce qui peuvent faire eux quoi."

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Les médecins généralistes avaient parfois recours à d'autres médecins qui se sont formés à des

approches psychothérapeutiques spécifiques.

ESD 8 L122 : "Je l'ai adressé à ma confrère qui fait de l'hypnose. Parce que…pour les

insomnies... (Nom de la consœur médecin généraliste), à (ville D), et du coup ça l'a amélioré, ouais."

ESD 10 L107 : "Bah là, depuis cet hiver, j'ai une patiente heu…qui voit un médecin

acupuncteur heu...bon, alors, c'est pas une psychologue, c'est un médecin acupuncteur"

Un praticien faisait référence aux médecins addictologues. Cette spécialité serait très peu représentée

en Haute-Savoie.

ESD 5 L498-525 : "Dans les sevrages, ça m'arrive d'avoir des gens, des sevrages à domicile.

Les gens ne veulent pas aller, et puis de toute façon, y'a plus de place, au (référence au centre

hospitalier public le plus proche), y'a des lits d'addictologie, le directeur a décidé qu'il fallait les

fermer, enfin manifestement… […] Médecin alcoologue on n'en a pas ici, malheureusement."

Certains médecins interrogés adressaient parfois leurs patients à des neurologues, spécialisés en santé

mentale.

ESD 4 L121 : "Après y'a tout ce qu'est neuro-psy, c'est plus pour les démences, les choses

comme ça mais y'a pas…pareil, avoir rendez-vous, c'est heu...C'est un peu galère."

ESD 5 L519 : "Y'a une neurologue qui gère un peu la psy ici, avec qui je travaille aussi, (nom

de la neurologue) oui oui… J'sais pas maintenant, mais elle avait aussi un cabinet où elle menait

des…des analyses."

4.2.1.5 Autres intervenants paramédicaux ou associatifs sollicités

Certains médecins généralistes pouvaient adresser leurs patients à d'autres professionnels

paramédicaux ou à des associations (regroupement de patients ou associations sportives).

ESD 5 L553 : "Pour la nutrition, oui la diététicienne. Mais, les diététiciennes maintenant font

un peu de…ouais des formations comportementales donc, le tout c'est de bien les adresser au bon

endroit !"

ESD 6 L120-238 : "je l'ai orientée un peu vers les espaces Femmes et compagnie […] enfin,

quand c'est assez léger, que les troubles sont assez légers heu... ça m'arrive d'envoyer vers

des...heu...de dire aux gens : "Faites un peu, p't-être de sophrologie, yoga "

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4.2.2 Les structures sollicitées : ressenti des médecins généralistes

Les structures publiques semblaient prioritairement sollicitées devant le meilleur remboursement des

soins pour les patients.

4.2.2.1 Centres médico-psychologiques (CMP)

Une partie des médecins rencontrés travaillaient en lien avec les CMP proches de leur lieu d'exercice.

L'avis sur ces structures était globalement positif.

ESD 1 L148 : "Alors le CMP, oui, intéressant ! Le CMP ça m’arrive souvent de collaborer

avec eux."

ESD 10 L258 : "Parce qu'au CMP ils voient quand même l'infirmière heu...la psychologue

s'il y a besoin, le psychiatre, enfin, y'a quand même...une fois qu'ils ont franchi la porte du CMP,

j'trouve qu'ils sont quand même bien pris en charge, enfin j'sais pas vous...mais moi j'trouve qu'il y

a...y'a une structure en fait, autour"

4.2.2.2 Hôpital public

Parmi les médecins interrogés, la plupart n'avaient pas confiance dans les services de psychiatrie des

hôpitaux publics à proximité de leur cabinet.

ESD 2 L129-132-135 : " L'hôpital, le problème, c'est que, la psychiatrie à (ville A) heu…bah

y’a deux-trois psychiatres, y’en a trois qui parlent même pas bien français […] C'est à dire que, j'ai

déjà eu des patients dépressifs qui étaient là-bas, qui se sont retrouvés hospitalisés. Ils m'disent

qu'ils n’ont même pas eu d'entretien, on leur a juste collé des médocs […] Donc après quand y a

besoin d'une HDT, oui, c'est très bien mais heu pour le reste heu... Pour de la psychiatrie courante,

j'ai envie de dire, y a pas, on a pas... de ressource quoi."

Les services de psychiatrie au sein de l'hôpital public n'étaient pas décrits comme aidants pour la

gestion des pathologies psychiatriques "courantes" et celle des urgences psychiatriques.

Les médecins généralistes se sentaient incompris par leurs confrères psychiatres.

ESD 1 L74-77 : " vouloir collaborer avec les psychiatres hospitaliers, c’est peut être plus

délétère qu’autre chose […] Moi, j’ai essayé maintes et maintes fois de préparer le terrain,

d’appeler les médecins psychiatres. Alors…tu tombes sur une équipe, un médecin psychiatre de

garde, le temps d’organiser son HDT, tu vas tomber sur un autre, le patient il va arriver, il va

tomber sur un autre médecin psychiatre de garde parce que tout ça prend du temps, et que l’autre

médecin psychiatre de garde n’a pas été nécessairement informé, qu’il n’aura pas exactement la

même attitude que le précédent dans l’acceptation de l’hospitalisation. C’est le bordel !"

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ESD 8 L135 : "Alors en fait, le problème, des structures hospitalières, le (nom d'un

établissement public en santé mentale), etc., c'est qu'tu les appelles pour un patient, c'est urgent

(claquement de doigts) (petits rires). Ils t'disent : " Bah non, on n'a pas de place" ou "Appelez tel

numéro" etc. Puis ils t'disent au final : "Bah allez aux urgences". Maintenant j'appelle plus."

Les services d'urgences étaient sollicités pour les situations psychiatriques complexes. Les médecins

généralistes saluaient le travail de ces services mais laissaient transparaître un choix par défaut, un

sentiment de délégation.

ESD 1 L83 : "Conclusion, après avoir essayé de collaborer, et bien maintenant je fais

autrement : j’appelle le SMUR (service mobile d'urgence et de réanimation), j’explique ma situation,

le SMUR vient, et ils emmènent le patient, et ils se débrouillent."

ESD 5 L306 : "Mais, je trouve qu'envoyer une personne aux urgences pour un problème de

santé mentale, c'est pas facile."

ESD 10 L181-L189 : "Et bah là j'me dis, le quinze...pfff...le temps qu'ils arrivent heu... Enfin

franchement, ça m'embête de les déranger pour ça quoi. […] Bah du coup j'ai appelé le psychiatre

qui le suivait, mais finalement, il est passé par la case urgence, donc heu... Ça n'a servi à rien en

fait… Donc heu...maintenant je le sais de toute façon, il faut les faire passer par les urgences…"

4.2.2.3 Structures privées

Certains praticiens collaboraient avec les structures privées installées dans le département.

D'après eux, les patients accepteraient plus facilement les hospitalisations dans ces structures.

ESD 1 L178 : "c’est peut être un peu moins "violent" entre guillemets comme environnement

que l’hôpital psychiatrique local…c’est peut être un peu moins violent…hum… Et donc, quand les

gens sont un peu au rebut d’une hospitalisation, j’oriente plutôt vers ce type de structure."

La prise en charge de ces structures ne semblait pas les décevoir.

ESD 8 L144 : "elle m'a parlé de la (clinique privée en dehors du département), qui fait aussi

"dépression et alcoolisme". Et donc, du coup, elle m'a dit, bah en fait voilà... J'ai regardé sur

internet et puis j'ai appelé là-bas et j'ai eu un médecin, il m'a dit "Oui, bah faut faire un courrier,

etc.", il a pris les coordonnées de la patiente, ils l'ont rappelée, elle s'est fait hospitalisée une

semaine après, elle est restée trois semaines en hospitalisation et là je l'ai revue, bah cette semaine,

là : nickel !"

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Cependant, un médecin déplorait une volonté de rentabilité.

ESD 5 L7-12 : "après ça fait un p'tit peu…ça fait un peu clinique-usine. Y'a la rentabilité […]

la pression d'une clinique où souvent ce sont des financiers qui donnent le ton ! Et…si pour eux c'est

"rentabilité à tout va", et bah, ça se ressent sur le patient … et le patient tôt ou tard le ressent.

Voilà."

4.3 PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE DANS LE