• Aucun résultat trouvé

Parmi les quarante-et-un dossiers récoltés, seuls sept ont donné lieu à une procédure devant des tribunaux ; un arbitral, un pénal et six civils, tous les six suite à une poursuite faite par le créancier. Le recours aux mesures du droit des poursuites est plus fréquent : quatorze cas, y compris les six ayant donné lieu à des jugements.

A titre comparatif, selon une étude américaine portant sur les litiges de consommation en général, il apparaît que seul 1 % des litiges finissent devant un tribunal et 3 % devant des instances informelles (instances de médiation). (Etude citée par Louis PINTO, Du "pépin" au litige de consommation, Actes de la recherche en sciences sociales, no 76/77).

Il faut souligner qu'ici, les actions judiciaires sont toutes faites à l'initiative des créanciers puisque dans la majorité des cas, le litige porte sur le fait que le débiteur estime ne plus devoir payer ou ne peut plus le faire ou encore estime que le contrat est nul ou annulable. Ce sont des situations où le créancier doit agir s'il veut obtenir l'exécution du contrat.

S'agissant de la fréquence des litiges judiciaires portant sur des contrats de crédit, une petite recherche effectuée dans le cadre de la préparation d'un séminaire sur le désendettement et le surendettement, a montré que seul 33 (1 ou - 6) cas sur 936 (soit statistiquement entre 2,6 et 5,1 %) des cas de mainlevée jugés 1993 par le Tribunal de Première Instance de Genève concernent des contrats de crédit à la consommation (70 % étant des crédits bancaires).

Au niveau des poursuites, aucun chiffre n'est publié qui permettrait de connaître le nombre de contrats de crédit donnant lieu à des mesures d'exécution forcée, il n'est donc pas possible de savoir si la proportion rencontrée ici est représentative. De plus, 1 est également impossible de savoir s'il y a peu de poursuites faites sur la base de contrats de crédits ou peu d'oppositions de la part des débiteurs aux commandements de payer qui leur sont notifiés.

Le règlement des litiges à un niveau infra judiciaire représente la majorité absolue du mode de résolution dans les cas observés. Les raisons de cet état de fait ont déjà été avancées plus haut.

Ce sont principalement l'économie en temps et en argent que représente un règlement amiable, l'incertitude quant à l'issue judiciaire et plus particulièrement dans les cas où le débiteur est en demeure suite à une baisse de son revenu, le risque d'une saisie infructueuse.

Par la conclusion d'un nouvel accord supportable pour le débiteur (dossiers CSP) ou même par l'abandon de la poursuite de l'exécution comme dans beaucoup de dossiers FRC, le créancier économise des frais qu'il n'aurait pas été sûr de pouvoir recouvrir en poursuivant l'exécution du contrat.

Les motivations sont différentes pour ne pas utiliser la voie de l'exécution forcée ou la voie judiciaire : dans les dossiers FRC, en cas de nullité du contrat, le créancier sait qu'il n'a

presque aucune chance de faire exécuter le contrat dont la nullité a été découverte, alors que dans les dossiers CSP, il a tout a gagner en prévoyant un nouvel accord qui lui rapportera même des intérêts supplémentaires.

Outre les cas simples où, soit le débiteur ne remet pas en cause la validité du contrat, soit la nullité du contrat entraîne simplement l'inexécution d'un contrat qui n'a pas encore été exécuté, on trouve des cas plus « compliqués » lorsque le contrat a déjà été exécuté

partiellement. Il est alors difficile d'estimer les conséquences pratiques de la nullité. Le droit renvoie le juge à l'équité puisqu'il devra tenir compte d'un contrat de fait exécuté valablement

en estimant la valeur des ce qu'il est juste de considérer comme prix de la prestation déjà exécutée jusqu'à la constatation de la nullité.

Dans ces cas de contrats de location, de leasing et de financement lié notamment, les parties doivent faire cette estimation eux-mêmes si ils ne veulent pas directement recourir à la voie judiciaire. Outre l'économie des frais de procédure qui seront à la charge du perdant, un

accord amiable à l'avantage de la certitude et de la rapidité du règlement. On trouve plusieurs cas de ce genre dans les dossiers FRC.

Dans le dossier no 7, le contrat de leasing a été rompu après quinze mois. Ce cas étant prévu par les conditions générales du contrat (résiliation possible après quinze ou vingt-sept mois sur une durée prévue de quarante-huit mois). Le calcul de l'indemnité due par le débiteur pour l'utilisation du véhicule peut correspondre aux mensualités du contrat de leasing selon la FRC.

Ceci est contesté par la société de leasing dont le contrat prévoit une recalculation des

mensualités en cas de résiliation anticipée. L'augmentation du montant est de 40 %. De plus, la société estime que le contrat a en fait duré 18 mois. Cette différence d'estimation aurait peut-être pu peut-être éliminée si les négociations avaient pu se terminer. Le débiteur a quitté la Suisse avant qu'un accord ne puisse être trouvé. lasociété de leasing a donc dû se contenter des mensualités déjà payées.

La marge de négociation était donnée ici par la différence de 40 % sur les mensualités, les mensualités supplémentaires réclamées par la société de leasing et la caution déposée par le débiteur à la signature du contrat.

L'intérêt du créancier de trouver un accord réside dans le fait que la nullité du contrat aurait certainement été reconnue par un juge et ainsi le calcul de l'indemnité n'aurait pas été fait selon les conditions générales du contrat avec la majoration de 40 %. Pour le débiteur représenté par la FRC, le moyen d'éviter le recours à une autorité judiciaire pour obtenir le remboursement éventuel d'un certain montant était de considérer que ce qui avait déjà été payé jusqu'ici représentait l'indemnité équitable pour l'utilisation du véhicule leasé.

Dans le dossier no 18, où il s'agissait de vente de matériel informatique avec enseignement à l'aide de manuels, disquettes et corrections, le débiteur a voulu résilier le contrat après quatre mois d'utilisation car il ne comprenait pas les cours. Le contrat était financé par un prêt bancaire lié.

Dans ce cas, le débiteur par l'entremise de la FRC a fait expertiser le matériel, suite à la non-réponse du vendeur à l'annonce de la nullité du contrat. L'expert a estimé que le matériel payé plus de fr. 7'000.- valait en réalité fr. 1'200.-.

Economiquement, la situation se présente de la façon suivante : le débiteur a emprunté fr. 7'000.- à la banque avec intérêts de fr. 2'357.60. Ces fr. 7'000.- ont servi à payer le matériel. Le débiteur a également versé fr. 250.- et fr. 225.- à l'achat. Le débiteur a déjà payé fr. 1'029.30 au moment où il invoque la nullité de la transaction. En conséquence, la FRC demande le remboursement des montants versés au vendeur (fr. 7'477.-) moins une indemnité d'utilisation de fr. 150.- par mois, soit fr. 750.-. Le vendeur devrait rembourser fr. 6'727.-.

Finalement, l'accord conclut prévoit le versement par le débiteur de fr. 350.- qui aura ainsi payé en tout fr. 1'854.30. La banque étant remboursée par le vendeur.

Au premier abord, cet accord peut paraître insatisfaisant pour le débiteur au vu des revendications de la FRC qui proposait un paiement de fr. 750.-. Il faut tenir compte de la difficulté à estimer la valeur réelle du matériel et de celle à établir devant un tribunal l'entente entre le vendeur et la banque, puisqu'il existe matériellement deux contrats distincts.

De plus, un autre problème se pose ici : le matériel était mis à la disposition du vendeur pour qu'il le reprenne, mais celui-ci ne voulant pas s'exécuter, le débiteur aurait dû consigner le matériel afin qu'on ne puisse pas tenir compte d'une durée d'utilisation plus longue. Cette démarche a effectuer a certainement également favorisé un accord amiable.

Pour le vendeur et la banque, le risque de la prise en compte de la nullité du contrat et l'estimation très basse de la valeur du matériel à certainement influencé leur décision de conclure un accord plutôt que d'entamer une procédure judiciaire pour faire exécuter le contrat.

Il est intéressant de relever que l'accord de la banque n'a jamais été donné par écrit mais uniquement par téléphone.

Dans le dossier no 22, qui est un cas de financement de « cours » et de matériel fournis par l'église de scientologie, la situation économique se présente comme suit : le débiteur contracte un emprunt de fr. 18'000.- avec fr. 7'548 d'intérêts. Ce montant est remis à l'église. Le

débiteur a déjà remboursé fr. 1'277.40 (solde en capital = fr. 16'722.60).

La banque accepte un remboursement sans intérêts ni frais mais uniquement par oral : l'église accepte de rembourser fr. 13'771.75. Le débiteur aura donc payé fr. 4'228.25.

Là aussi, l'accord paraît fait en défaveur du débiteur mais, la valeur des prestations n'est pas estimable et le risque que la nullité du contrat ne soit pas reconnue est énorme car, d'une part, la banque nie l'entente avec l'église et le contrat mentionne que l'argent est emprunté pour l'achat de mobilier et, d'autre part, l'application des art. 226a et ss CO à un contrat qui peut être qualifié de mandat n'a pas encore été jugée. Devant ces incertitudes, le débiteur avait tout avantage à accepter ce règlement, ceci également au vu des montants relativement élevés qui étaient en jeu.

Pour l'église de scientologie, on peut penser que la publicité négative que pouvait faire la FRC suite à l'affaire ne valait pas les sommes enjeu. Cette motivation peut également être valable pour la banque. Tant le prestataire de service que la banque n'ont pas de réel intérêt à faire trancher un cas non-réglé par la jurisprudence, car une décision en leur défaveur rendrait tous leurs contrats potentiellement nuls et les obligeraient à modifier leur pratique.

Dans le dossier no 23, où il s'agit de la « location » pendant huit ans d'un poste de télévision d'une valeur de fr. 1'680.-, le débiteur a déjà payé fr. 4'320.- et le vendeur prétend que le contrat ne peut être résilié avant un an, soit après paiement supplémentaire de fr. 540.-.

La FRC réclame le remboursement de fr. 1'980.- et la propriété du poste mais le débiteur signe un accord par lequel il renonce au remboursement contre la propriété du poste et l'annulation du contrat de location.

Le comportement du débiteur dans cette affaire s'explique plus difficilement puisque la jurisprudence est relativement claire quant à la nullité de tels contrats et que le prix déjà payé

est nettement trop élevé par rapport à la valeur de l'objet. Par contre, d'un point de vue

procédural, c'est le débiteur qui aurait dû ouvrir action pour récupérer l'argent que la FRC estimait lui être dû. Le dépôt d'une demande en paiement suppose le paiement de frais d'introduction et éventuellement celui de frais d'avocat.

Le vendeur quant à lui avait tout intérêt à conclure un accord vu le montant des paiements déjà effectués surtout en sachant que le débiteur devrait faire un procès pour récupérer les montants qu'il réclamait.

Dans le cas no 24, il s'agit du même problème que dans le cas no 23. Le débiteur a déjà payé plus que le prix du bien. Il a payé fr. 1'044.- pour un bien d'une valeur de fr. 690.-. La FRC exige le remboursement de fr. 250.50 et le vendeur réclame fr. 220.- pour l'achat du bien ou fr. 348.- pour une année de location supplémentaire. Vu les montants enjeu qui, au regard des frais d'une procédure sont faibles, le débiteur accepte de renoncer au remboursement contre l'annulation du contrat.

Dans les dossier no 25 dont l'état de fait est identique aux dossiers no 23 et no 24, le

règlement amiable n'a pas pu être fait car le créancier s'est obstiné à vouloir faire exécuter le contrat nul. La poursuite n'a pas abouti, la nullité du contrat ayant été constatée en mainlevée.

Ici, la FRC exigeait le remboursement de fr. 436.-. Les frais de poursuite et de mainlevée n'ont certainement pas atteints cette somme. Le créancier reste donc toujours gagnant, même après l'issue négative du litige. Quant au débiteur, la valeur litigieuse ne vaut pas la peine d'entamer une procédure pour récupérer les montants versés en trop, eu égard notamment à l'incertitude relative quant à la valeur du bien.

Dans les cas examinés ci-dessus, les créanciers doivent mettre en balance le risque de devoir rembourser des montants perçus en trop sans cause valable (contrat nul) et celui d'obtenir l'exécution totale du contrat par jugement ou partielle par un accord amiable qui portera en général sur les montants déjà versés.

Si les montants trop perçus sont peu élevés, le créancier ne risque pas de devoir les rembourser car le débiteur n'ouvrira pas action. Pour le débiteur, il s'agit d'estimer les chances de réussite et le coût d'une procédure et surtout celles d'arriver à s'opposer valablement à une poursuite qui serait entamée par le créancier. La grande inconnue dans beaucoup de cas reste l'estimation de la valeur et la dépréciation du bien.

La position de créancier est nettement plus avantageuse puisqu'il a, en général, déjà touché plus qu'il ne devait si l'on compare avec l'indemnité équitable pour l'utilisation du bien et qu'il lui suffit d'entamer des poursuites contre le débiteur pour exercer une pression sur lui. Il est évident que c'est le débiteur qui fera la plupart du temps les frais de l'accord amiable puisqu'en général les coûts d'une action judiciaire seront jugés prohibitifs.