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La Représentation : Une évolution du statut de l’Architecte

1 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : A. Biro, 1995, p.91 2 Ibid.

1 LA REPRÉSENTATION EN ARCHITECTURE

La Représentation : Une évolution du statut de

l’Architecte

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Représentation schématique de l’organisation de l’Abbaye de Saint Gall.

Source image: http://www.eyneburg.eu/Forum/viewtopic.php?f=10&t=3618&start=31

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L’architecture gothique, qui se développe à partir du XIIIe siècle, est caractérisée par une complexification de la superstructure, ce qui rend difficile la déduction de l’élévation en fonction du plan de l’édifice. D’après Roland Recht, c’est certainement à cette période que s’est développé le dessin d’architecture, celui-ci n’ayant pas joué un rôle déterminant à des dates antérieures. À cette période, un certain nombre de conventions sont mises en place pour permettre au dessinateur de condenser et de donner les informations correspondantes au plan et à l’élévation. Compte tenu de sa sophistication, l’architecture gothique nécessite une organisation particulière du chantier (contrairement à la période romane), avec une rationalisation des tâches pour une économie du travail. L’architecte devient alors un coordinateur assurant le rôle de concepteur de projet, permettant ainsi de faire le lien entre le client et les ouvriers sur le chantier.

C’est à cette période que la posture de l’architecte change ; il ne reste plus uniquement sur le chantier et passe désormais son temps dans son cabinet de travail où il élabore des projets sous forme de dessin. La valeur esthétique qui s’ajoute au dessin des façades prend de plus en plus d’ampleur, comme souligne Jean-Paul Jungmann : « L’apparition des dessins en élévation ou en façade serait la conséquence

d’une fonction plus représentative que technique et d’une volonté d’être compréhensible, de plaire et de donner à voir à des commanditaires, à des clients ou à un public plus large de fidèles »1.

Un écart se creuse donc entre le commanditaire d’un projet et les ouvriers. L’architecte et les artisans travaillaient conjointement lors de l’exécution des travaux, mais la sophistication des édifices durant la période gothique entraina une démultiplication des tâches. À cette époque, le savoir-faire des bâtisseurs se transmettait de façon orale sur

1 Jungmann. L’image en architecture : de la représentation et de son empreinte utopique. Paris : Editions de la Villette, 1996, p.28

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le chantier de construction. Il était donc nécessaire pour les clients et les commanditaires de comprendre les rouages du projet. L’architecte a donc naturellement trouvé sa place en servant d’intermédiaire entre les deux partis par le biais du dessin. De cette manière, l’architecte pouvait rendre « intelligible ce qui fut d’abord du domaine de la

pensée. »2, en fournissant en premier lieu les informations nécessaires

aux bâtisseurs afin de mener à bien la construction de l’édifice, mais également en fournissant les documents relatant les qualités esthétiques du projet aux commanditaires. Giovanni Coppola partage : « À l’époque

gothique, le dessin devient un moyen de transmission des idées entre le concepteur et l’exécutant »3.

Roland Recht décrit alors la fonction de l’architecte comme « un ars

liberalis parce que l’architecte est en possession d’un savoir théorique qu’il développe en dehors de toute implication pratique. Sa position centrale entre une technicité de plus en plus complexe et une clientèle toujours plus étrangère à celle-ci lui confère un rang important. »4

L’ère gothique voit naître les premières élévations de cathédrales dessinées. Même si la notion d’échelle reste encore étrangère, on note cependant un souci du détail et des proportions. La cathédrale de Strasbourg compte parmi les premiers édifices connus ayant droit à la représentation de ses façades lors de sa construction. Ces éléments de façade dessinés sur des parchemins assemblés ont servi de point de départ de ses travaux de construction qui ont débuté en 1277. Un élément remarquable de ces dessins tient dans leur grande taille. En effet, le dessin B de la façade de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg est composé de 4 morceaux de parchemins assemblés. Long de 247 centimètres, il est clair que le dessin était difficilement maniable et son état de conservation témoigne de sa faible manipulation. L’une des hypothèses les plus probables serait que,

2 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.127 3 Coppola, Giovanni. L’architecte et le projet de construction au Bas Moyen Age, art. cit., p.55 4 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.46

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Vue d’ensemble du Dessin B pour la façade Notre-Dame de Strasbourg

Source: Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions.

Haut de 2,47 mètres, il a été réalisé à partir de quatre parchemins assemblés.

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avant de servir au chantier, celui-ci aurait été destiné à être exposé, discuté et conservé. La maîtrise du tracé confère au dessin le statut d’œuvre d’art, qui était mis à disposition du public pour informer sur une architecture à venir1. On peut noter également que la façade réelle de la cathédrale

diffère de celle présentée sur le dessin, ce qui va dans le sens de la portée communicative du dessin plutôt que la vocation strictement technique ayant pour but de faciliter la mise en œuvre des travaux.

La période gothique ne constitue que les prémices de la représentation en architecture, mais elle marque le changement de la position de l’architecte. On verra également apparaitre en complément des plans et des élévations, des axonométries qui mettent en avant le fonctionnement de certains détails structurels. C’est donc en parallèle de la conception, que la communication du projet s’inscrit au fur et à mesure dans le rôle de l’architecte.

Même s’il est difficile de trouver des traces de l’utilisation systématique du dessin sur toute la période gothique jusqu’à la Renaissance, on peut cependant affirmer que cela marque un changement dans son utilisation par les architectes. La représentation est dorénavant considérée comme un outil à part entière dans le processus de réalisation d’un projet.

1 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.46

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Conception

L’apparition de formes architecturales de plus en plus complexe au Moyen Âge a fortement influencé la pratique du dessin chez les architectes de l’époque. Cette nécessité de dessiner intervient dès lors que la transmission orale n’est plus suffisante pour retranscrire une réalité à venir. Il s’agit de visualiser les difficultés, de simuler un objet qui n’existe pas encore, donner à voir les caractéristiques d’un édifice à construire ainsi que vérifier graphiquement la pertinence des formes pour garder un contrôle visuel de l’objet. Représenter l’espace permet de mieux apprécier les liens entre les différents volumes d’un édifice. Le dessin permet alors de vérifier la cohérence d’espaces en gestation et de révéler ce qui les oppose ou ce qui peut les réunir. Dans le processus de conception, la représentation d’un espace est à la fois la traduction de l’image mentale de l’architecte, mais également un support de réflexion. Comme le souligne Roland Recht : « C’est grâce

au dessin que l’architecte peut traduire son idée et lui communiquer des formes visibles, c’est le dessin qui nous donne accès ad formam in mente architectoris... (« à la forme dans l’esprit de l’architecte ») »1.

La représentation fait donc partie intégrante de la réflexion de l’architecte. Il est primordial pour celui-ci d’en maîtriser les codes techniques et sensibles. Jean-Pierre Durand nous explique que : « Parce qu’elles remplacent momentanément une construction qui n’a

pas encore de réalité matérielle, les représentations peuvent prendre toute la place. Leur propre logique peut alors, sans que l’on y prenne garde, occulter celle de l’espace. »2

1 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.46 2 Durand, and Luigi Snozzi. La représentation du projet comme instrument de conception : Approche pratique et critique ; suivi d’un entretien avec Luigi Snozzi. Paris : Ed. de la Villette, 2003, p.12