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L’intégration du point de vue du spectateur dans la représentation

de l’utilisation de la perspective. À la différence des représentations géométrales, la représentation perspective ne montre pas les dimensions réelles de l’édifice, mais les dimensions apparentes. Elle répond à un nouveau besoin puisque : « la décomposition des éléments

d’une construction, dans un code intellectuel précis (plan, élévation, coupe), si elle satisfait la pensée technique, ne répond pas au besoin d’une représentation synthétique. La nécessité d’une image de l’espace se précise alors ; la pratique des vues en perspective par les peintres dans les manuscrits les plus luxueux est un raffinement [...] ; elle répond aux besoins du récit par l’image d’un espace complexe et vraisemblable. »1

La perspective cherche à dépeindre une forme dans sa globalité et y apporte une vision plus sensible qu’analytique.

Alors que les représentations géométrales reposent sur la position théorique d’un point de vue rejeté à l’infini2, la perspective, au 1 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.60 2 Dans une représentation perspective, la position théorique de l’œil du spectateur dessine un système de référence que l’on appelle le centre de projection. Ce centre de projection est à une distance finie du plan de projection (ou espace de la feuille), il permet donc de déterminer les rayons rectilignes qui relient l’œil théorique du spectateur aux points saillants de l’objet représenté. Dans une représentation géométrale, la position du centre de projection n’est pas

2 LA PERSPECTIVE: UNE IMMITATION DU RÉEL?

L’intégration du point de vue du spectateur dans la

représentation

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contraire, représente l’espace en fonction d’un point de vue précis. Elle met « l’observateur au centre de l’espace, c’est une représentation

singulière liée à une position »3. Toutes les dimensions reportées sur

une représentation perspective sont directement obtenues en reliant des droites en tout point de l’objet représenté avec la position de l’œil du spectateur. On implique donc le regard de l’observateur au sein de l’image en induisant ce rapport de distance entre objet et spectateur.

Contrairement aux projections orthogonales, la perspective doit obéir à des règles de construction strictes pour obtenir une représentation correcte. Il ne s’agit pas simplement de reporter les distances, il faut aussi assimiler leurs positions dans l’espace par rapport au positionnement de l’observateur afin d’y apporter la correction nécessaire. La construction d’une perspective découle d’un savoir-faire qui est, de nos jours, grandement facilité par l’outil informatique.

prise en compte dans la construction du dessin. De ce fait, tous les rayons rectilignes sont parallèles entre eux (ou rejetés à l’infini).

3 Durand, and Luigi Snozzi. La représentation du projet comme instrument de conception : Ap- proche pratique et critique ; suivi d’un entretien avec Luigi Snozzi. Paris : Ed. de la Villette, 2003, p.55

Principes de construction de la représentation perspective conique

Source: https://sites.google.com/site/decouvrart/5emes/perspectives

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Dans l’introduction abordant la représentation en architecture au cours de l’histoire, nous avons vu que, dès le milieu du XIIIe siècle, les dessins d’architectures présentent deux fonctions. D’une part, ils peuvent fournir les éléments à caractère technique, destinés au chantier, et permettant la réalisation du projet. D’autre part, ils offrent des vues d’ensemble, permettant d’apprécier les formes architecturales sous le trait du dessin. En général, les architectes de l’époque représentaient les façades des cathédrales « qui ont un caractère nettement plus

représentatif que n’importe quelle autre partie de l’édifice : c’est la façade que l’on représente sur les sceaux des institutions pieuses ou des villes »1. Cette deuxième fonction s’attache à sensibiliser/informer

les commanditaires sur une architecture à venir, mais elle entretient également le caractère suggestif de la représentation aux yeux des clients. Durant la période gothique, on n’observait pas de différence notable entre les représentations destinées au public et celles utilisées sur le chantier. Les dessins vont donc rester des orthographies jusqu’au XVe siècle, période durant laquelle la perspective se développe.

À mesure que les représentations évoluent, les conventions se complexifient. L’usage de projections orthogonales (plan, coupes, élévations) se multiplie. La triade plan, coupe, élévation est connu de tous, car elle est capable de préciser l’ensemble des mesures d’un édifice, mais elle reste éloignée du réel et demande un certain effort de déchiffrage. Néanmoins, ce type de représentation induit une décomposition de l’espace. Elle isole les différents volumes d’un bâtiment pour rendre lisibles les caractéristiques qu’une représentation plus globale, instantanément compréhensible, serait incapable de préciser. C’est un outil de conception et d’analyse qui est utilisé par l’architecte et que lui seul sait en déchiffrer les codes. Ce sont donc des représentations qui sont plus délicates à utiliser dans un échange avec

1 Recht, Roland. Le dessin d’architecture : origine et fonctions. Paris : À. Biro, 1995, p.41

Force communicative avec le public

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un interlocuteur peu averti.

Depuis la Renaissance, l’usage de la perspective conique va peu à peu se populariser jusqu’à devenir une norme de la représentation architecturale, au même titre que la triade évoquée précédemment. Elle s’impose comme une évidence puisqu’elle redonne une troisième dimension à la représentation d’un édifice. Alors que les géométraux se construisent à partir d’un point de vue général et abstrait, la perspective se construit à partir d’un point de vue particulier et concret. Elle replace l’Homme au centre de la représentation, en plaçant son regard comme point de départ de la construction de l’image. Même si elle ne dépeint pas une image parfaite de la réalité, c’est celle qui s’en rapproche le plus. Comme l’explique Jean-Pierre Durand : « La

perspective joue de l’ambiguïté entre apparence et réalité. C’est pour cette raison qu’elle est indispensable, quittant le strict domaine de la décomposition des volumes pour rappeler, même avec maladresse, que l’espace se voit, se parcourt, se vit, avant d’être éventuellement compris. »2

Elle tire parti de l’expérience vécue du spectateur pour évoquer des « émotions », qu’aucune autre représentation géométrale ne pourra suggérer.

C’est donc dans un processus de communication que la représentation perspective tire sa force. Elle permet de visualiser un objet représenté en trois dimensions sans acquis préalable. Tandis qu’un spectateur non initié éprouvera des difficultés à comprendre les représentations plus radicales, car il aura du mal à se représenter les volumes et l’espace par le biais des géométraux, la représentation perspective, quant à elle, se met à la portée de l’interlocuteur « naïf ». Il n’a pas besoin de connaissance préalable pour en décoder les principes puisque c’est une représentation issue de la perception. Dans son

2 Durand, and Luigi Snozzi. La représentation du projet comme instrument de conception : Approche pratique et critique ; suivi d’un entretien avec Luigi Snozzi. Paris : Ed. de la Villette, 2003, p.59

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article Architecture, Art du dessin, Jean-Michel Savignat évoque la perspective comme étant « le seul outil pour appréhender la réalité

visible »1. Elle met en place de nouvelles normes en faisant la part

belle à l’espace : « système producteur de nouvelles règles de visibilité ; il

construit le code de lecture, de perception de l’espace »2.

L’historien en architecture Gérard Monnier fait état de l’usage de la perspective comme étant « une communication claire avec

les professionnels comme avec les profanes »3. Cette remarque fait

directement écho, dans un contexte plus actuel, à l’utilisation de l’outil informatique mis à disposition des architectes à la fin du XXe siècle. D’après les propos de la MIQCP : « Les nouvelles techniques de

visualisation ouvrent aux décideurs maîtres d’ouvrage un nouvel outil d’expression pour la mise en place de leur politique de communication. »4

L’apparition de l’outil informatique permet d’enrichir la communication entre l’architecte et le maître d’ouvrage en proposant des images de synthèses en complément des plans qui vont lui permettre de mieux visualiser l’avancement et les changements du projet.

La représentation perspective tend vers une illusion du réel. Elle s’appuie sur des principes géométriques pour simuler la position de l’œil de l’observateur dans un espace en trois dimensions. Comme nous venons de voir, l’apparition de la perspective a marqué l’histoire de la représentation en architecture, mais a également facilité les échanges entre l’architecte et le commanditaire. En tenant compte de l’expérience vécue du spectateur, elle va au-delà des limites imposées par les représentations géométrales, en donnant à voir un objet sous

1 Savignat, Jean-Michel. Architecture, art du dessin, art. cit., p.23 2 Ibid, p.22

3 Monnier, Gérard. Architecture. art. cit.

4 Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), Visualiser les projets des constructions publiques. Paris, 1991.