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qu’environnement piéton

REPÈRES CONCEPTUELS

Deux modèles existent dans le domaine du transport pour rendre compte des connexions entre les points d’origine et de destination : le modèle point-to-point, où un lien direct relie chaque point avec tous les autres, et le modèle hub-and-spoke, une « mutation » du modèle précédent (2) où un nombre réduit de connexions permet de relier le même nombre de points (Fig. 1). Comme l’explique Smets (3), le modèle

hub-and-spoke permet aux réseaux de gagner en efficience par la réduction du nombre de liens directs,

tout en rendant possible l’ensemble des connexions. Ce modèle présente néanmoins des limites importantes : les connexions directes étant moins nombreuses, une partie des déplacements passe nécessairement par les hubs augmentant ainsi la longueur de certains d’entre eux. Ces réseaux sont également plus vulnérables (2) : quand les hubs connaissent des difficultés, plusieurs liens du réseau peuvent être touchés simultanément.

FIGURE 1. Les modèles point-to-point (gauche) et hub-and-spoke (droite)

Source : Smets, 2011.

Le concept de pôle intermodal s’inscrit dans le modèle hub-and-spoke tout en ajoutant une dimension importante : celle de l’interconnexion, comprise comme la « mise en continuité d’infrastructures relevant de plusieurs réseaux » (4). Il comporte au moins un mode à grande capacité ou à haut niveau de service (sur pneus ou sur rail), en interface avec d’autres modes (vélo, marche, autobus, automobile, etc.).

Au Canada, le concept (en anglais, mobility hub) est apparu dans la foulée des travaux menés dans les années 1990 par le groupe Moving the economy, à Toronto. Comme aux États-Unis, en France et ailleurs dans le monde, l’aménagement de ces pôles est préconisé comme une manière de favoriser l’intermodalité et d’offrir des options de transport porte-à-porte. Chacun de ces pôles constitue alors un « [l]ieu d’accès privilégié à une offre diversifiée de transports, ainsi qu’à toutes les autres composantes du service indispensables à la réalisation du voyage » (5).

Le pôle intermodal vise à faciliter le passage d’un mode à l’autre pour un enchaînement efficace, efficient, confortable et sécuritaire des différents segments d’un déplacement. En effet, il constitue d’abord un point de rupture de charge, très souvent vécue péniblement par les usagers (6) ; l’idée est en quelque sorte de valoriser ce lieu de correspondance pour offrir aux usagers une expérience positive, par une plus grande fluidité (seamlessness) dans la transition entre les modes. Nous pouvons ici distinguer les volets

dynamique et statique d’une telle transition. Le premier a trait aux déplacements (qui se font

généralement à pied) au sein du pôle intermodal pour effectuer des correspondances ; le volet statique, quant à lui, fait référence à l’attente. Les caractéristiques recherchées dans un pôle concernent les deux volets : un environnement où la correspondance et l’attente sont valorisées.

Ceci dit, le pôle intermodal est davantage qu’un équipement de transport, alors que des activités connexes s’y retrouvent au service des voyageurs et des riverains. Ces activités connexes sont d’autant plus importantes que les usagers ne sont pas toujours pressés et s’intéressent parfois aux pôles pour des raisons autres que la réalisation d’une correspondance (7).

Au-delà de la fonction de transport du pôle intermodal (dont l’importance résiderait dans l’achalandage), l’opportunité de développement urbain qu’il incarne est significative. Force est de constater que les pôles ne sont pas toujours structurants, au sens où l’entend Offner (8), mais il n’en demeure pas moins que la mise en place d’un pôle joue sur l’attractivité d’un quartier, en permettant de différencier les terrains qu’il occupe des autres terrains de la ville. Ainsi, des opérations immobilières peuvent être réalisées pour profiter d’un point d’accès au transport collectif, notamment quand il s’agit de lignes à haut niveau de service. Plus encore, les pôles peuvent être au cœur de quartiers qui répondent aux critères d’aménagement en fonction du transport collectif (TOD, pour reprendre l’acronyme américain) (9). Cette approche, à la base PMAD, est considérée comme l’une des façons les plus efficientes d’accroître l’achalandage du transport collectif sans pour autant avoir à mettre en place des services de transport

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pour le premier ou dernier kilomètre6. Comme l’écrivent les auteurs du Mobility hub guidelines de Toronto (10), cette stratégie permet surtout d’améliorer la desserte en transport collectif : « Focusing growth and

development around major transit stations allows more people to live near transit services, and makes more destinations accessible by transit ». Dans ce contexte, le pôle intermodal est davantage qu’une

station de correspondances : elle devient un équipement urbain, dont la fonction est d’assurer la mobilité et en même temps de consolider le développement urbain.

Pour Lavadinho (11), les pôles intermodaux sont de véritables lieux de vie, tout autant que des lieux où l’on se déplace. Ce double rôle peut être schématisé à l’aide de la distinction que Hall (12) fait entre les espaces sociofuges (qui cloisonnent les personnes) et sociopètes (qui favorisent les contacts entre les personnes). En tant qu’espace sociofuge, le pôle intermodal est valorisé par la qualité des interconnexions et la facilité des correspondances qu’il met en place, mais il demeure un lieu de passage. En tant qu’espace sociopète, le pôle intermodal constitue une concentration d’activités diverses, relativement indépendantes de la fonction circulatoire (transport) et qui font de lui une destination à part entière. Dans le cadre de quartiers de type TOD, le pôle intermodal peut même en constituer le cœur, à forte valeur fonctionnelle et symbolique. Autant pour son rôle sociofuge (lieu de transit) que sociopète (noyau d’activités), le succès du pôle intermodal dépend de sa qualité comme environnement piéton.

TABLEAU 1. Les rôles du pôle intermodal

S’arrêter Circuler

À l’échelle de la ville (lieu de destination) Logique sociopète Logique sociofuge (lieu à franchir)

À l’échelle du pôle Activités statiques (lieu d’attente) (lieu de correspondance) Activités dynamiques

Que ce soit à l’échelle du pôle ou à celle de la ville, les rôles sociofuge et sociopète se retrouvent plus ou moins affirmés dans les pôles intermodaux, leur fonction de lieu de transit et leur attractivité comme destinations à part entière variant selon divers facteurs. En effet, en fonction de la localisation métropolitaine, le positionnement au sein du réseau de transport et le contexte immédiat d’implantation, les pôles intermodaux se distinguent. Une telle distinction est d’ailleurs nécessaire afin de mieux saisir leur complémentarité ainsi que les opportunités et défis que comporte leur aménagement comme environnements piétons. C’est dans cet esprit que nous avons identifié et analysé les pôles intermodaux de la Région métropolitaine de Montréal, en dégageant une typologie ainsi que des orientations d’aménagement.

MÉTHODE

Cette étude sur les pôles intermodaux de la région métropolitaine de Montréal a été effectuée dans le cadre d’un mandat pour l’Agence Métropolitaine de Transport (AMT) en 2011 et 2012. L’AMT se penchait alors sur l’aménagement de certains points de son réseau, notamment à la lumière du PMAD, dont l’un des objectifs est d’« orienter la croissance aux points d’accès du réseau de transport métropolitain structurant » (au moins 40 % des futurs ménages). La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) avait déjà publié un guide pour l’aménagement des quartiers de type TOD ; ce guide propose une typologie de quartiers et dégage aussi des critères d’aménagement (13). Quant à elle, l’AMT souhaitait développer un guide portant spécifiquement sur l’aménagement de ses pôles intermodaux. L’idée était de développer le concept et de dégager les grands principes d’aménagement non pas des quartiers, mais des équipements de transport pouvant en constituer les noyaux.

6 L’expression « premier ou dernier kilomètre » (en anglais first/last mille) fait référence à la première ou dernière composante des chaînes de déplacement, notamment entre le lieu d’origine ou de destination et le point d’accès au réseau de transport en commun.

Nous avons entrepris une recension des écrits (de la littérature grise pour la plupart), portant sur la notion de pôle intermodal et ses équivalents, à partir de laquelle nous avons pu constater à la fois la diversité des exemples (en Asie, en Europe et en Amérique du Nord notamment) et l’importance accordée dans tous les cas à la qualité des environnements piétons. Par la suite, nous avons conçu une grille d’analyse nous permettant de dégager une typologie de pôles pour, finalement, mettre en évidence leurs différences, entre autres en termes d’opportunités et de défis pour leur aménagement en tant qu’environnements piétons.

Notre grille d’analyse a été inspirée des travaux réalisés par le STIF à Paris (5) et par Metrolinx à Toronto (10). Pour établir sa typologie, le STIF (5) utilise trois critères :

1. L'importance et la complexité du pôle, en offre de services (de transport et autres) et en fréquentation. 2. La localisation dans le tissu urbain régional : dans la zone dense, en frange d'agglomération, dans

une ville nouvelle ou dans une zone agglomérée de la grande couronne.

3. La position par rapport au tissu urbain local et à ses fonctionnalités : en centre-ville, en périphérie du centre, hors de la zone agglomérée.

Metrolinx (10), pour sa part, considère deux critères principaux : le contexte urbain du pôle et sa fonction principale sur le plan du transport. Ainsi, en ce qui concerne le contexte, on distingue le centre de Toronto, les nœuds urbains et suburbains de transport en commun, les centres suburbains historiques, les centres émergents de croissance urbaine et les destinations uniques. Par rapport à la fonction principale du pôle sur le plan du transport, on distingue les points d’entrée au réseau, les points de transfert et les destinations.

Ces critères se sont avérés très utiles, nous permettant de prendre en compte à la fois le caractère sociopète et sociofuge des pôles intermodaux, comme équipements de transport (l’échelle du pôle) et comme composantes de l’espace urbain (l’échelle de la ville). Pour notre analyse, nous les avons adaptés au contexte métropolitain montréalais et les avons intégrés dans une grille comportant quatre critères ou attributs :

a) L’importance stratégique. Certains pôles sont d’importance métropolitaine, alors que d’autres sont essentiellement des pôles locaux. Les pôles métropolitains sont localisés dans des endroits névralgiques de la mobilité urbaine, en ce sens qu’un grand nombre de passagers y transite quotidiennement. Il s’agit de nœuds où des réseaux de transport à haut niveau de service se croisent. Les pôles locaux, pour leur part, accueillent des volumes d’usagers nettement plus faibles et rayonnent sur un territoire relativement restreint. Les voyageurs qui les utilisent effectuent des rabattements plus courts.

b) Les modes de transport en commun offerts. Les plus grands volumes de passagers sont généralement attribuables au métro et au train de banlieue, encore que certains tronçons des lignes de bus transportent aussi un très grand nombre d’usagers du transport collectif. Toutefois, au-delà de la capacité de chaque mode, c’est la possibilité de passer d’un mode à l’autre ou d’une ligne à l’autre qui rend le système de transport en commun profitable. Les possibilités de correspondance constituent ainsi un facteur de discrimination des pôles intermodaux : les plus importantes sont celles du métro au métro et entre le métro et le train de banlieue ; sont aussi importantes les correspondances entre le train de banlieue et le bus, lorsque les volumes sont importants.

c) La localisation dans l’agglomération. Nous avons considéré trois grandes zones. Premièrement, le centre-ville, qui coïncide peu ou prou à l’arrondissement Ville-Marie ; dans cette zone on retrouve une grande diversité d’activités et surtout une plus forte densité. Deuxièmement, la zone centrale, qui correspond à la partie de la région métropolitaine desservie par le métro ; cette zone est principalement située sur l’île de Montréal, mais couvre également les zones centrales de l’île Jésus et de la proche Rive-Sud de Montréal. C’est dans cette zone que l’on retrouve les plus grands pôles d’activité de la région, hors du centre-ville. Troisièmement, le reste de la région métropolitaine, que

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nous regroupons ici sous un même terme, soit celui de banlieue (ou périphérie), même si ce vaste territoire est tout sauf homogène, tant sur le plan des activités présentes que sur celui de l’intensité d’usage ; ainsi certains pôles de la périphérie sont situés dans des quartiers relativement denses, alors que d’autres pôles sont complétement isolés.

d) Le quatrième critère permet de caractériser la forme du tissu urbain situé autour des pôles intermodaux. Ce tissu urbain peut être continu ou discontinu. Dans le premier cas, nous faisons référence à un milieu urbain plutôt densément construit où l’essentiel de la trame est constitué. Le milieu discontinu, quant à lui, concerne les cas fortement marqués par la présence d’espaces vacants, en attente de redéveloppement, où de grands axes autoroutiers façonnent profondément la trame.

RÉSULTATS : OPPORTUNITÉS ET DÉFIS POUR L’AMÉNAGEMENT D’ENVIRONNEMENTS