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L’accessibilité universelle : un point de départ pour des aménagements piétons de qualité

NOUVEAUX PROJETS ET ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE

Le projet urbain ayant le plus marqué l'imaginaire des Montréalais et changé la face du centre-ville est sans aucun doute le Quartier des spectacles. Les enquêtes terrains produites par Convercité (9) pour le compte de la Ville ont permis de démontrer comment les usagers à mobilité réduite se réfèrent au cadre bâti existant et respectent les points de traverse officiels pour se déplacer.

FIGURE 2. Déplacement des personnes sans limitation fonctionnelle dans le Quartier des spectacles à l'hiver 2012. Les lignes bleues représentent les mouvements piétons, les vertes, les mouvements cyclables.

FIGURE 3. Déplacements des personnes avec une limitation fonctionnelle pour la même période. On observe que les déplacements des personnes à mobilité réduite dérogent rarement aux tracés piétons officiels.

Malgré une amélioration notable du domaine piéton (rappelons que ce secteur se trouvait jusqu'à récemment morcelé par des terrains vagues utilisés comme stationnement), il est difficile pour une personne aveugle de des distinguer les trottoirs de la chaussée, aménagés sur le même plan. Cette expérience met en évidence le besoin de conserver, dans l'immédiate proximité des édifices un corridor continu et libre d'obstacle, qui permettra aux personnes aveugles de se repérer tactilement (bordure de trottoir) et grâce à l'écholocation.

La Place d'Armes constitue également un exemple éloquent de cette réalité. Avant le projet, la place était un léger promontoire ceinturé de rues et de trottoirs conventionnels. On avait donc affaire à une claire distinction entre les bâtiments, la rue et la Place elle-même, conçus comme des éléments distincts servant de repère aux personnes aveugles. Le parti pris fut d'agrandir l'emprise de la Place en la nivelant, avec les trottoirs, au niveau de la chaussée. Sur ce plan unique, les sections carrossables ont été maintenues et délimitées soit par un traitement de sol distinctif, soit par l'installation de bollards, surtout aux intersections. Le réaménagement de la Place d'Armes a certainement permis de mettre en valeur le riche cadre bâti qui l'entoure, en plus de permettre une plus grande mobilité de la plupart des piétons. Cependant, le choix de rabaisser les trottoirs au niveau de la chaussée, en plus de faire dominer la surimpression d'élément historique sur la dynamique des déplacements (circulation des véhicules, lignes de désirs, etc.), rendent beaucoup moins intuitifs les déplacements des PMR (10).

Les observations au Quartier des Spectacles étant éclairantes, la même approche est présentement utilisée à la Place d’Armes, en plus d'être croisée avec les approches plus traditionnelles de comptage et d'analyse du débit véhiculaire. Une première série d'observations sur le terrain ont permis de valider l'efficacité des stratégies mises en place afin d'aider aux déplacements des PMR (Feux sonores, clous

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podotactiles, bollards, etc.) en plus de faire des observations générales sur la façon dont les différents modes de transports interagissent.

FIGURE 4. Prise de vue pour les observations de la Place d'Armes

Ensuite, des comptages plus exhaustifs ont été faits dans les secteurs audités. Par le biais du Centre de gestion de la mobilité urbaine de la Division de l’exploitation du réseau artériel, des captations vidéos ont permis, d'une part, de faire des comptages plus précis et d'observer avec plus de détails les déplacements de diverses clientèles selon différentes temporalités (saisons, heures, etc.) mais également d'observer les lignes de désirs, les importants mouvements de masse piétons et les lieux de conflits potentiels.

Les premiers résultats démontrent que les piétons semblent considérer de facto la Place comme un espace partagé; ils ne traversent plus nécessairement aux intersections, notamment sur la rue Notre- Dame, et s'ils le font, ils la traverse souvent en diagonale9. Or, la circulation automobile est toujours

limitée à 40km/h, tandis que les feux de signalisation renvoient toujours l'idée que la voiture à priorité sur les voies de circulation.

FIGURE 5. Trouver les points de traverse de l’intersection Côte de la Place-d’Armes et Saint- Jacques est difficile pour les personnes aveugles ou amblyopes

Des comptages conventionnels aux intersections ont également été produits afin d'évaluer dans quelle mesure nous pouvons modifier le schéma de déplacements automobiles afin de répondre à la nouvelle prédominance piétonne de la Place. La stratégie étudiée à l'heure actuelle afin de garantir la sécurité de tous les usagers serait de réduire considérablement la vitesse de circulation. À cet effet, le MTQ a lancé un projet pilote pour une signalisation à 20km/h, avec un pictogramme de zone partagée, telle qu'utilisé dans de nombreuses villes Européennes. Les feux seraient également retirés et remplacé par des arrêts, ce qui enverrait le message, sans équivoque, que les piétons ont la priorité sur l'ensemble de la Place. La circulation automobile sera contenue dans un corridor précis, tandis que les corridors piétons distincts seront conservés pour les PMR.

Si la sécurité de tous les usagers était ainsi assurée, l’accessibilité de la place, elle, ne serait pas nécessairement améliorée. Si les approches de rues partagées Européenne ont déjà intégré ces notions (11-13), le milieu associatif et les organismes publics œuvrant en accessibilité universelle10 préfèrent encore l'approche Nord-Américaine (14-16), garantissant, à leurs yeux, beaucoup mieux l'autonomie des personnes à mobilité réduite dans un contexte où l'emprise des rues est large et la présence de la voiture, lourde. Le travail de la prochaine année visera donc à concilier l'approche Européenne des rues partagées aux standards Nord-Américain d'accessibilité universelle dans nos normes municipales.

L'exemple qui illustre le mieux comment l'accessibilité universelle peut représenter une amélioration notable des conditions de marchabilité est le cas des cafés-terrasses. Depuis le milieu des années 2000, l'arrondissement de Ville-Marie autorise la piétonnisation de la rue Sainte-Catherine Est, dans le secteur du Village. Lors de cette piétonnisation est autorisée l'installation de cafés-terrasses qui occupent les trottoirs et une bonne partie de la rue. Or, comme nous l'avons vu plus tôt, le fait de priver les clientèles à mobilité réduite de leurs repères habituels peut constituer une limitation importante à leur mobilité. Cette contrainte majeure a mené à un rapport de la Commission du développement social et de la diversité montréalaise qui recommandait que sur l'ensemble du territoire, les installations privilégiées soient les contre-terrasses (17).

10 C'est-à-dire les organismes représentés au Comité consultatif en accessibilité universelle (CCAU) de la DT : INLB, MAB McKay,

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FIGURE 6. Aménagement d'une terrasse lors de la piétonnisation du Village rendant le trottoir inaccessible

FIGURE 7. Contre-terrasse conservant la rue Saint-Denis accessible

Si les contre-terrasses sont désormais implantées sur toutes les rues non piétonnisées, plusieurs doutes subsistaient cependant quant à leur performance sur une rue piétonnisée. En effet, en période de festivité, le flot de piéton étant important, plusieurs intervenants craignaient que de maintenir un corridor de marche continu le long des bâtiments puisse causer des problèmes de sécurité (engorgement, conflit avec les restaurateurs, etc.) si les piétons l'utilisaient comme voie de contournement.

Une étude a donc été produite sur la rue Saint-Denis. En effet, cette rue, généralement ouverte à la circulation automobile, est occupée par de nombreuses contre-terrasses. La rue a cependant été temporairement piétonnisée le temps du festival Montréal complètement cirque. Nous y trouvions donc les conditions semblables à ce qui est observé sur la rue Sainte-Catherine l'été.

Ici, suite aux mêmes prises vidéo que sur la Place d'Armes, l'observation des lignes de désir a été croisée à des comptages systématiques pour donner une vision complète de l'achalandage et du comportement des piétons sur la rue. Il s'est avéré que, loin d'être superflus, les corridors conservés le long des

bâtiments étaient en fait utilisés de façon continue par l'ensemble des clientèles piétonnes. En effet, il y a eu autant de marcheurs sur les trottoirs que sur la chaussée. En plus de garantir l'accessibilité universelle, les corridors étaient utiles afin de faciliter l'accès aux bâtiments en plus de permettre de marcher à l'ombre des bâtiments par temps de canicule11. On a également observé que les piétons se promènent beaucoup

entre les trottoirs et la chaussée dans une forme d'autorégulation du flot piéton. Cette régulation naturelle est particulièrement utile durant les performances d'acrobates autours desquelles se forment des attroupements. La circulation restait dans l’ensemble fluide et aucun incident n’a été remarqué. De tels corridors ont aussi le potentiel de faciliter les manœuvres des services d’urgence en cas de besoin.

FIGURE 8. Zones de comptage distinctes lors de la piétonnisation évènementielle de la rue Saint- Denis

11 Les usagers, notamment les personnes âgées, semblent préférer marcher à l'ombre des bâtiments entre 12h et 14h.

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FIGURE 8. Les trottoirs restent toujours utilisés en temps de piétonnisation

FIGURE 9. Autorégulation du flot piéton durant une performance