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Mobilité des piétons et accessibilité universelle

ÉTUDES DE CAS

Quartier des spectacles

Le dossier du Quartier des spectacles en est un qui est très parlant concernant les aménagements urbains et le respect des besoins des personnes ayant une limitation fonctionnelle. En effet, dès le début

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du réaménagement du quadrilatère délimité par les rues Bleury, Président-Kennedy, Clark et Sainte- Catherine, le milieu associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles a fait valoir aux autorités concernées ses inquiétudes face aux problématiques qu’allaient amener les nouveaux aménagements. C’est un cas qui exprime très bien les difficultés de concilier des objectifs qui sont difficilement conciliables : faire une place conviviale pour attirer les gens qui viennent y voir des spectacles et faciliter la gestion de foule lors de festivals et autres événements, tout en prenant en compte les besoins des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

En 2012, la Ville de Montréal a décidé de confier à la firme Convercité un mandat de monitoring du Quartier des spectacles. Le but était de faire une étude sur le terrain avec des personnes ayant différents types de limitations fonctionnelles afin de déterminer quels aménagements causent quels préjudices à quelles parties de la population. Dans ce dossier, le RUTA de Montréal a recruté les participants et il était présent lors des travaux sur le terrain.

Très succinctement, disons que cette étude a permis de constater que les aménagements plaisent aux personnes utilisant différentes aides à la mobilité sur roues (fauteuil roulant électrique, triporteur, quadriporteur), mais qu’ils sont moins appréciés des personnes ayant une déficience visuelle. La plupart ont même mentionné qu’elles ne s’aventureraient pas dans ce secteur sans être accompagnées.

Plusieurs commentaires et suggestions ont été faits par les participants pour améliorer l'accessibilité au Quartier des spectacles. Nous verrons, dans la section suivante, quelques problèmes rencontrés et des suggestions apportées.

Quelles solutions ?

D'abord, le trottoir est difficile à reconnaître et à suivre pour une personne ayant une limitation visuelle. En fait, plusieurs rues n’ont tout simplement plus de trottoir : la démarcation entre le trottoir et la rue est une question de couleur du revêtement ou de changement de style dans les motifs au sol, ce que plusieurs personnes ayant une limitation visuelle ne peuvent voir puisque le contraste de couleur n’est pas assez grand ou parce qu’elles sont aveugles. Les personnes ayant une limitation visuelle peuvent donc se retrouver à marcher dans la rue plutôt que sur le trottoir, et ce, sans même le savoir. Le retour des trottoirs a été demandé, ainsi qu’un meilleur contraste de couleurs entre les différents revêtements. Malheureusement, les quelques trottoirs restants comportent aussi leur lot de problèmes : le trottoir étant trop large pour le balayer au complet avec une canne blanche, la personne ne peut pas s'orienter pour marcher en ligne droite, contrairement à un trottoir standard ou l’on sent, avec la canne blanche, la dénivellation vers la rue d’un côté et généralement le gazon ou l’édifice bordant l’autre côté.

Dans le même ordre d'idée, l'absence de bateaux pavés aux intersections est aussi dénoncée. En effet, c'est la pente permettant de passer du trottoir à la chaussée qui est l'indice qu'elles s'en vont dans la rue pour les personnes ayant une limitation visuelle. De plus, les bateaux pavés leur permettent de s'aligner vers l'autre coin pour la traversée de la rue. L'absence de trottoirs enlève ces deux repères essentiels aux personnes ayant des limitations visuelles.

Aussi, toujours concernant les questions de délimitations, la piste cyclable et la piste pour piétons n’ont aucune démarcation autre que visuelle encore une fois. Cela peut avoir des conséquences fâcheuses pour des piétons qui se retrouveront dans la piste cyclable sans même le savoir puisqu’ils ne voient pas les contrastes de couleur et qu’il n’y a pas de contraste tactile. Il a été demandé que soient démarquées de façon franche la piste cyclable et la piste pour piétons. Cette solution permettrait aussi d’éviter les conflits entre piétons et cyclistes au coin des rues où chacun ne sait pas vraiment quelle est sa place. Bien que la majorité de ce site soit maintenant bien plat, avec ces délimitations seulement visuelles comme nous venons de le mentionner, il y a aussi certains endroits qui comportent quelques marches et qui constituent de grande plateformes surélevées. Ces endroits posent d'autres problèmes aux personnes ayant des limitations visuelles ou motrices. En effet, quelques marches à peine détectables, sans main- courante et sans bordures contrastantes pour qu'elles soient bien voyantes constituent des risques de chute pour les personnes ayant une limitation visuelle. Les personnes ayant des difficultés motrices, pour

leur part, doivent faire des détours pour monter ou descendre là où il n'y a pas d'escaliers. De plus, ces surélévations ne sont pas protégées par des garde-corps, ce qui constitue aussi un risque de chute pour plusieurs personnes. Des demandes de rectifications ont été faites pour tenter d'amoindrir ces problèmes. En dernier, lieu, l’ajout de feux de circulation sonores a été demandé sur les rues Sainte-Catherine et de Maisonneuve. En effet, certaines intersections présentent des dangers pour la traversée des personnes ayant des limitations visuelles. Par exemples, les deux intersections d'une rue à traverser ne sont pas alignées en ligne droite, ce qui fait que la personne qui traverse ne trouvera pas le prochain coin de rue devant elle et se retrouvera dans la circulation automobile.

Comité déneigement

Ce comité permet à la Ville de Montréal et au milieu associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles de faire de la concertation concernant le déneigement des trottoirs et chaussées en période hivernale. C’est une commission de la Ville de Montréal sur le Bilan Hiver 2008-2009 : Opérations de

déneigement qui a formulé des recommandations qui ont fait en sorte de mandater l’unité de la propreté

et du déneigement d’améliorer plusieurs aspects du déneigement à Montréal (4). Un comité a ensuite été mis sur pied avec un représentant de cette unité et des représentants du milieu associatif. La STM et certains arrondissements s’y joignent de façon ponctuelle, selon les besoins, pour faire avancer les travaux.

L’importance du déneigement adéquat de la ville en hiver ne fait aucun doute en ce qui concerne le parcours du piéton. En effet, plusieurs personnes âgées sortent le moins possible et sont isolées en raison des risques qu’elles courent de se blesser dans un parcours mal déneigé ou mal déglacé. Les personnes ayant une déficience visuelle ont plus de difficultés à se repérer puisque la neige étouffe les sons et que le déneigement mal exécuté peut faire en sorte qu’elles se retrouvent dans la rue sans savoir qu’elles y sont. N’oublions pas les personnes utilisant une aide à la mobilité, qui risquent à tout moment de rester enlisées dans la neige.

Quelles solutions ?

Selon les recommandations de la commission, les arrondissements devaient recenser les zones de débarcadères pour le transport adapté et prioriser le déneigement de celles-ci. Les premiers arrondissements approchés par le comité ont tout de suite manifesté leur inquiétude concernant cette recommandation : ils voyaient cela comme du travail supplémentaire et donc des coûts supplémentaires qu’ils ne pouvaient pas assumer. Pourtant, après la recension des débarcadères, ils ont vite compris qu’il était facile d’intégrer les débarcadères dans les routes de déneigement habituelles et que cela n’engendrerait pas de coûts supplémentaires. Comme les arrêts de bus faisaient déjà partie des priorités en matière de déneigement à Montréal, nous pouvons dire que les deux volets du transport collectif – régulier et adapté – sont priorisés lorsqu’il est question du déneigement dans certains arrondissements de Montréal. Une partie du travail du comité sera de sensibiliser les autres arrondissements de la même façon.

Sur un autre aspect, depuis 2011, nous avons mis beaucoup d’énergie dans la formation et la sensibilisation aux opérateurs de machinerie de déneigement, et ce, en collaboration avec le centre de formation de la Direction du matériel roulant et ateliers de la Ville de Montréal. En effet, il est important de montrer aux opérateurs pourquoi la qualité du déneigement est si primordiale pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles. Ainsi, nous les sensibilisons et nous voyons une véritable amélioration dans leur attitude. Par exemple, en formation, nous leur disons qu’il est très stressant pour une personne aveugle d’entendre l’appareil de déneigement arriver derrière elle sur le trottoir car elle ne sait pas à quelle vitesse l'appareil arrive, ni à quelle distance il se trouve, ni à quel endroit elle pourrait s’enlever du chemin pour laisser passer l’appareil. Depuis, nous avons entendu certains récits de personnes aveugles où le conducteur de l’appareil s’est arrêté à une bonne distance, a laissé le temps à la personne de trouver un endroit pour s’écarter du trottoir, puis le conducteur est passé lentement à côté de la personne pour continuer son chemin. Quoi qu’on en dise, la sensibilisation fonctionne ! En exposant les troubles auxquels sont sujets les piétons ayant une limitation fonctionnelle dans des conditions hivernales, les

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responsables du déneigement réalisent qu’un petit effort supplémentaire peut être bénéfique pour une grande partie de la population.

Nous avons aussi formé, au début des hivers 2011 et 2012, la « brigade hivernale » de l’arrondissement Ville-Marie. Cette brigade est mandatée pour s’assurer de déneiger et déglacer certains endroits ciblés de l’arrondissement.

Pour appuyer la formation donnée aux responsables du déneigement, nous avons aussi tourné une vidéo mettant en scène des personnes ayant des limitations fonctionnelles en situation problématique durant l’hiver. Comme le dit l’expression, une image vaut mille mots et nous croyons que cette vidéo aidera les formateurs à bien démontrer ce qu’ils veulent dire et permettra aux responsables formés de poser des questions ciblées sur des situations concrètes.

Aussi, depuis quelques mois, nous travaillons sur une grille d’évaluation qui permettra d’évaluer la qualité du déneigement. De cette façon, les contremaîtres pourront cibler les arrondissements où il y a des lacunes pour tenter d’améliorer les façons de faire.

Il reste encore beaucoup de travail à faire dans ce comité, notamment sur la façon de sensibiliser aussi les entreprises privées ayant des contrats de déneigement avec la Ville de Montréal. Toutefois, la concertation avance bien et notre travail donne de bons résultats !

Commission sur le partage du réseau cyclable

Suite à une demande de la part de citoyens, en 2011, la Ville de Montréal a mis sur pied la Commission sur le partage du réseau cyclable montréalais. Les pistes cyclables ont été construites pour répondre aux besoins des cyclistes, mais les dernières années ont permis de constater qu'elles sont empruntées par différents types de piétons. En plus des cyclistes et des personnes en patins à roulettes, des marcheurs, des coureurs, des vélos électriques, des vélos électriques de type scooter, des planches à roulettes, et des aides à la mobilité motorisées les utilisent. En effet, les pistes cyclables sont préférées aux trottoirs qui sont souvent endommagés (fissures, trous, bateaux pavés hors normes) ou encombrés (arbres, pots de fleurs, poteaux), car elles permettent des déplacements rapides et sécuritaires en tout confort. Comme le Règlement sur la circulation et le stationnement de la Ville de Montréal précise, à l’article 24, que « Dans une voie cyclable, il est interdit de circuler autrement qu'à bicyclette ou en patins à roulettes » (5), le temps était venu de remettre en question cet état de fait.

Le RUTA de Montréal, en collaboration avec d'autres organismes du milieu associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles, a déposé un mémoire qui demandait que les utilisateurs d'aides à la mobilité, motorisées ou non, aient officiellement le droit d'utiliser les pistes cyclables. Plusieurs autres intervenants ont fait des interventions en ce sens. Cela a porté ses fruits puisque la première recommandation des commissaires va dans le sens de permettre aux personnes utilisant un fauteuil roulant, un quadriporteur ou un triporteur d'utiliser le réseau cyclable montréalais (6). Toutefois, le changement ne se fera pas tout de suite puisqu'un projet-pilote concernant les aides à la mobilité motorisées sur le réseau cyclable est actuellement en cours avec l'INSPQ. La Ville de Montréal attendra les résultats avant de faire des modifications à sa règlementation.

Nous pouvons tout de même dire que, lorsque ce changement entrera en vigueur, ce sera une belle victoire pour toutes les parties. En effet, les personnes ayant des limitations fonctionnelles n’auront plus l’inquiétude de recevoir une contravention en roulant dans les pistes cyclables et seront portées à se déplacer de plus en plus, tandis que la Ville de Montréal aura mis en place une solution à coût nul.

Quelles solutions ?

Pour que la cohabitation de tous les modes de déplacements piétons se passe bien, il est primordial que chacun comprenne le fonctionnement et qu'il y ait des règles à suivre. Dans le mémoire que le RUTA de Montréal et ses partenaires ont déposé, il était proposé de faire une campagne de sensibilisation sur le partage du réseau cyclable, ce que les commissaires ont inclus dans leurs recommandations.

Certaines villes au Québec ont toutefois poussé la réflexion plus loin, ce qui a mené à l'élaboration du

Code de conduite des utilisateurs d'aide à la mobilité motorisée lorsqu'ils circulent sur la voie publique de

Drummondville (7) en 2009. C'est la première ville québécoise à avoir élaboré ce genre de document. Celui-ci va même beaucoup plus loin que le partage des pistes cyclables : c'est un véritable code de la sécurité routière pour les utilisateurs d'aides à la mobilité motorisées, sans toutefois le côté contraignant d'une loi.

Tout dernièrement, en juin 2013, la ville de Saguenay a emboîté le pas à ce genre d'initiatives avec son document Normes et conseils de sécurité (8) qui est axé sur une cohabitation harmonieuse du réseau cyclable par tous les types de piétons. Par exemple, on y mentionne l’importance de circuler à une vitesse raisonnable et de ne pas avoir de second passager si le véhicule n’est pas conçu à cet effet. De plus, une capsule vidéo montre plus particulièrement les bonnes conduites à adopter par les utilisateurs d’aide à la mobilité motorisée, comme l’importance de rouler l’un derrière l’autre lorsque plusieurs personnes se déplacent ensemble.

Ce genre d'initiatives remplit un double objectif : premièrement, elle donne des balises et des normes à suivre pour les utilisateurs d'aide à la mobilité, de plus en plus nombreux sur les pistes cyclables, mais aussi sur les trottoirs et dans les rues ; puis, elle permet de sensibiliser les autres utilisateurs à une réalité qui leur est peu familière.

CONCLUSION

Ce texte nous a permis de voir l’application concrète de la concertation dans les problématiques qui peuvent survenir lorsqu’il est question de mobilité des piétons qui ont des limitations fonctionnelles. Cette mobilité est essentielle pour toute personne désirant accomplir ses activités quotidiennes comprenant un ou plusieurs déplacements à l’extérieur de la maison.

Il est essentiel de travailler en étroite collaboration avec les autorités concernées pour qu’elles respectent les engagements qu’elles ont pris en matière d’accessibilité universelle. Cela se traduit entre autres par des aménagements urbains accommodants pour les personnes ayant différentes limitations fonctionnelles. L’augmentation de l’achalandage du transport en commun ne pourra se faire que si les chemins piétons vers le transport sont faciles à parcourir.

Comme nous avons pu le constater à travers les exemples, les solutions peuvent être très diversifiées et elles doivent être adaptées en fonction des besoins exprimés, qui sont différents d’une personne à l’autre. Il faut savoir combiner les fonctions des endroits, comme les pistes cyclables ouvertes aux personnes ayant des limitations fonctionnelles ou le Quartier des spectacles qui se veut le centre névralgique des spectacles extérieurs à Montréal, mais qui doit aussi composer avec une population qui ne peut y circuler aisément.

Il y a encore place à l’amélioration dans les aménagements montréalais pour que chacun ait sa place comme piéton. Toutefois, les exemples exposés dans les dernières pages nous démontrent que nous sommes sur la bonne voie.

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RÉFÉRENCES

1. Fougeyrollas, P. (2007). Processus de production du handicap - cahier de formation. Réseau international sur le processus de production du handicap. Québec : RIPPH.

2. Office des personnes handicapées du Québec. (2006). Prévalence de l’incapacité selon la région sociosanitaire, personnes de 15 ans et plus, Québec. Estimations de population avec et sans

incapacité au Québec en 2006 par région et leurs municipalités de plus de 15 000 habitants.

Consulté le 9/07/2013 : http://www.ophq.gouv.qc.ca....

3. Ville de Montréal. (2012). Plan d’action municipal pour les aînés 2013-2015. Montréal : Direction de la diversité sociale, Ville de Montréal.

4. Commission permanente du conseil municipal sur les services aux citoyens. (2009). Bilan Hiver 2008-

2009 - Opérations de déneigement : Rapport de consultation et de recommandations. Montréal :

Division du soutien aux commissions et suivi, Ville de Montréal.

5. Ville de Montréal. (2001). Règlement sur la circulation et le stationnement. Consulté le 10/07/2013 : http://ville.montreal.qc.ca.... Montréal : Ville de Montréal.

6. Commission sur le transport et les travaux publics (2012). Le partage du réseau cyclable montréalais :

avec qui et comment ? Consulté le 10/07/2013 : http://ville.montreal.qc.ca.... Montréal : Division des élections et du soutien aux commissions, Ville de Montréal.

7. Ville de Drummondville. (2009). Code de conduite des utilisateurs d'aide à la mobilité motorisée

lorsqu'ils circulent sur la voie publique. Drummondville : Ville de Drummondville.

8. Ville de Saguenay. (2013). Normes et conseils de sécurité. Consulté le 11/07/2013 : http://ville.saguenay.ca.... Saguenay : Ville de Saguenay.

Les déplacements extérieurs des personnes ayant une déficience