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2.5 Modélisations du haut potentiel

2.5.1 Renzulli : le modèle des 3 anneaux

Renzulli (1986) tire les conséquences pédagogiques d’une approche multifactorielle de l’intelligence. Il propose ainsi des situations d’apprentissage qui permettent de stimuler ce qu’il appelle « creative-productive giftedness », qui se traduit par un potentiel élevé orienté vers la production d’idées originales, adaptées aux contraintes de la situation. Il élabore un modèle en trois composantes: aptitudes intellectuelles au-dessus de la moyenne sans être nécessairement exceptionnelles, créativité (en terme de fluidité, flexibilité et originalité de la pensée, curiosité, ouverture aux expériences nouvelles, sens du détail et de l’esthétisme, etc…) et engagement dans la tâche (regroupant des facteurs aussi divers que l’enthousiasme, l’intérêt, la persévérance, l’acharnement, l’ouverture à la critique, etc). La réunion de ces facteurs augmenterait la probabilité d’obtenir des performances créatives élevées. Le travail

de Renzulli fait ressortir l’aspect multidimensionnel du concept de « giftedness ». Il propose de distinguer le « haut potentiel académique5» du «haut potentiel créatif-productif 6». Dans la première catégorie, il regroupe les individus identifiés par des tests d’intelligence classiques, qui, étant considérés comme de bons prédicteurs de la réussite scolaire, sont le plus souvent utilisés pour l’admission dans des programmes spéciaux. Il est vrai que certains enfants au QI élevé se révèlent être d’excellents élèves, capables de montrer des aptitudes exceptionnelles en lecture ou en raisonnement logique/analytique. Dans la seconde, Renzulli se réfère à la capacité pour réaliser des productions qui soit originale et adaptées aux contraintes d’une tâche. Les situations d’apprentissages qui peuvent favoriser ce type de potentiel sont celles qui demandent l’utilisation et l’application d’un contenu informatif et de processus de pensée de manière intégrée, inductive et orientée vers la résolution de problèmes.

Aptitudes au-dessus de la moyenne

L’aptitude générale peut se définir comme la capacité à traiter les informations, pour intégrer les expériences résultant de réponses appropriées et adaptées dans des situations nouvelles, et, comme la capacité de s’engager dans des processus de pensées abstraites. Le raisonnement numérique et verbal, les relations spatiales, la mémoire et la fluidité verbale sont des exemples d’aptitudes générales. Ces aptitudes sont généralement mesurées par des tests d’aptitudes générales ou des tests d’intelligence, et sont globalement applicables à une variété de situations d’apprentissage traditionnel. Les aptitudes spécifiques peuvent se définir comme la capacité d’acquisition des connaissances, comme des habiletés, ou comme la capacité d’accomplir une tâche dans une activité spécialisée ou appartenant à un domaine restreint. Ces aptitudes sont définies de manière à représenter les façons dont les êtres humains s’expriment dans des situations de la vie quotidienne. La chimie, la danse, les mathématiques, la composition musicale, la sculpture et la photographie peuvent être considérées comme des exemples d’aptitudes spécifiques. Chaque aptitude spécifique peut se subdiviser en des champs encore plus spécifiques (par exemple : les portraits photographiques, l’astrophotographie, la photographie journalistique). Les aptitudes spécifiques de certains domaines comme les mathématiques et la chimie entretiennent une relation forte avec l’aptitude générale et, de ce fait des indications d’un potentiel dans ces domaines peuvent être déterminées par des tests d’aptitude générale et d’intelligence. Ils peuvent aussi être mesurés par des tests d’exécution de tâche ou des tests d’aptitudes spécifiques. Néanmoins, plusieurs

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« schoolhouse giftedness ». 6

aptitudes spécifiques, comme dans les domaines artistiques, ne sont pas facilement mesurables, et nécessitent donc d’être évaluées à travers plusieurs techniques d’évaluations basées sur l’exécution de tâches.

Engagement dans la tâche

Un second cluster de traits à été trouvé de façon consistante chez les personnes créative, se traduisant par une forme raffinée ou centrée de motivation, plus connu sous le nom d’engagement dans la tâche. Alors que la motivation est généralement définit comme un processus énergisant général activant les réponses de l’organisme, l’engagement dans la tâche représente l’énergie mobilisée pour faire face à un problème ou une tâche particulière. Les termes les plus fréquemment utilisés pour décrire l’engagement dans la tâche sont la persévérance, l’endurance, la capacité à travailler dur, le dévouement au travail, la confiance en soi et la croyance en ses capacités pour assumer un travail important. En plus de la clairvoyance et de meilleures capacités à identifier des problèmes significatifs la recherche sur les personnes ayant un succès inhabituel montre de façon consistante qu’une fascination et une implication spéciale pour le sujet du domaine choisi « sont les précurseurs presque invariables d’un travail original et se distinguant » (Barron, 1969).

Créativité

Le troisième cluster de traits caractérisant les personnes talentueuses concerne un ensemble de facteurs généralement réunis sous le nom de « créativité ». La créativité prend souvent une place importante dans les programmes d’éducation destinés aux enfants à haut potentiel intellectuel. Paradoxalement, les critères d’admission à ces programmes reposent majoritairement sur des scores à des tests basés sur une capacité de raisonnement convergent alors que le contenu éducatif laisse la place à des activités utilisant la pensée divergente, comme des projets artistiques ou des ateliers de réflexion (Feldhusen, 1999). Gruber (1983) souligne le fait que les relations entre le haut potentiel intellectuel et la créativité sont à éclaircir et amène à s’interroger sur la nature des relations entre le potentiel intellectuel mesuré par des tests classiques d’intelligence et l’expression créative.

Ce modèle est utilisé dans le cadre du « Schoolwide Enrichment triad Model » (SEM) développé par Renzulli et Reis (1985). Sa diffusion est extrêmement large et plusieurs centaines d’éducateurs sont chaque année formés à son application au sein d’universités d’été.

Il focalise sur la réalisation d’un projet personnel par les élèves y participant. On peut résumer le contenu de ce programme d’enrichissement en trois types d’activités d’enseignement. Le type I correspond à l’éveil et l’élargissement des intérêts. Il propose aux élèves d’assister à des conférences, de faire des sorties ou de visionner des documentaires dans l’optique d’aborder certains domaines qui ne sont pas couverts par l’enseignement traditionnel. Le type II correspond plus à un travail sur l’acquisition d’une démarche intellectuelle. Il s’agit de séances d’éducation cognitive dans lesquelles les enfants sont sensibilisés aux modes de fonctionnement cognitifs nécessaires pour mener à bien une recherche. Ils développent ainsi la créativité, l’esprit critique, la méthodologie, la communication orale et écrite, le sens de la synthèse, etc. Le type III est axé sur l’application des acquis du type II dans la réalisation du projet personnel. Les enfants doivent adopter une démarche analogue à celle d’un chercheur pour produire un travail personnel dans le domaine qu’il a choisi. Ce choix est très ouvert car il couvre un grand nombre de domaines (artistique, scientifique, littéraire, social, etc.).

Il faut noter que la particularité de ce programme réside principalement dans les critères de sélection des candidats. En effet, en se basant sur le modèle de Renzulli, ce programme retient non seulement les enfants qui se situent dans les 5% supérieurs des tables d’étalonnage des tests d’intelligence et de connaissance, mais aussi les enfants qui, bien que ne satisfaisant à ce critère traditionnel, font preuve d’un engagement particulièrement élevé dans un domaine particulier, ou bien qui se révèlent être exceptionnellement performants dans des épreuves de créativité. A noter également que les enseignants, les parents voire les élèves eux-mêmes peuvent demander la participation à ce programme. Par ailleurs, le maintien au sein de ce programme va dépendre de l’aptitude des participants à s’engager dans un projet personnel. La constitution du groupe d’élèves bénéficiant d’un tel programme est donc dynamique, du fait que ceux qui, au bout d’un certain temps, n’ont pas réussi à s’investir dans un projet personnel sont sortis du programme. A l’inverse, des enfants qui au premier abord ne correspondaient pas aux critères de sélection peuvent y entrer s’ils ont évolué sur l’un ou l’autre des critères. Les auteurs baptisent ce système d’admission « revolving door », dans le sens où le maintien et le refus d’entrée dans le programme ne sont pas considérés comme définitifs.