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LES ENFANTS À HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL : APPROCHE EXPLORATOIRE DIFFERENTIELLE MULTIVARIEE

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Academic year: 2021

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UNIVERSITE PARIS V – RENE DESCARTES INSTITUT DE PSYCHOLOGIE

N° de Bibliothèque

Thèse

Pour obtenir le grade de

Docteur de l’Université Paris V

Discipline : Psychologie

LES ENFANTS À HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL : APPROCHE EXPLORATOIRE DIFFERENTIELLE MULTIVARIEE

Présentée et soutenue publiquement par Jacques-Henri Guignard

Le 3 juillet 2006

Réalisée sous la direction de Todd Lubart

Jury :

Bonnie Cramond, Université de Georgie (USA)

Michèle Emmanuelli, Université Paris 5-René Descartes Todd Lubart, Université Paris 5-René Descartes

June Maker, rapporteur, Université d'Arizona (USA) Pierre Vrignaud, rapporteur, Université de Nantes

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Remerciements

Tout d’abord, j’exprime ici toute ma gratitude à toi, Todd, qui accompagne mes pas depuis la Licence, autant dire sept années (!), au cours desquelles tu m’as accordé ton soutien et ta confiance.

Faire un bilan écrit ici de tout ce que tu m’as apporté, voilà une tâche bien compliqué tellement les domaines concernés sont nombreux, aussi bien sur un plan professionnel que personnel. C’est avant tout ta profonde humanité que je souhaite saluer ici, à mon sens un élément indispensable pour faire de la psychologie. Tu as largement nourri mon idéalisme sur ce point. Ensuite, ton optimisme sans faille reste pour moi un modèle du genre, et pourrait se résumer en une phrase de la philosophie shadockienne : « Si il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ». Je pense que c’est une qualité essentielle pour faire de la recherche. Enfin, et surtout, merci de m’avoir accepté avec mes défauts, de m’avoir laissé l’autonomie nécessaire pour me retrouver face à mes erreurs et trouver mes propres limites.

Dans ce sens, tu as rempli un rôle crucial dans ma formation.

Merci aux membres du jury, Bonnie Cramond, Michèle Emmanuelli, June Maker et Pierre Vrignaud. Vous me faites l’honneur de juger ce travail.

Merci à François Lacoste pour son soutien à ce travail de recherche.

Merci aux écoles et aux familles qui m’ont accordé leur confiance dans cette aventure. Merci en particulier à Mr Phillipon, Mme Robert, Mme Raze, Aline Niquet, Mme Filde, Mlle Jeanmer, Mr et Mme Jousse, Bénédicte, Mme Guiot, Mme Keruzoré.

Merci aux enfants de s’être prêté de bon cœur à mes différentes sollicitations, c’est eux qui ont rendu cette recherche vivante.

Merci à Denis Corroyer et Philippe Bonnet pour avoir consacré de leur temps à la relecture de ce travail et dispensé de précieux conseils sur le traitement des données.

Un gros merci aux personnes que j’ai croisé pendant le voyage en thèse :

Anne-Yvonne, du fond du cœur. Ton sourire, ta gentillesse, ta disponibilité et surtout tes anecdotes sont autant de rayons de soleil qui ont illuminé les journées de passation et ont été une source intarissable de motivation. Merci pour tout!

Alyette, merci pour l’aide précieuse que tu m’as apporté pendant ces années. Merci à Dominique qui s'est toujours mis en 4 pour satisfaire le moindre de mes désirs!!! (ok j'exagère un peu là mais quand même….)

Les gens du bureau des doctorants, thésards et anciens combattants qui m’ont accueilli dans leur rang avec un naturel qui m’a profondément touché. Cette attitude m’a conforté dans mes choix d’orientation tout en constituant une leçon de vie. Le bureau 5061…Lieu d’échange de réflexion, d'émulation intellectuelle (indispensable pour trouver de bons mots d’esprit !).

Merci en particulier à Sandrine. J’ai enfin compris comment tu arrivais à faire de l’électricité avec ton doigt : logique, un phare dans la nuit, c’est électrique. Merci tout plein madame, grâce à toi j’ai découvert le bonheur ;)

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Franck, tu as été mon grand frère spirituel (eh oui !). Des souvenirs de congélateur ensorcelé, de musique contemporaine japonaise, de séances de biérage créatifs me reviennent.

Asta, j’admire ton courage et ta force de caractère. J’espère que nous aurons l’occasion de collaborer par la suite, ça devrait faire des étincelles !

Sophie pour les délires et les fameux « ride ». Ca va être à ton tour de faire feu et tu verras, on l’aura notre 500m² sur St Germain (avec vue sur la Seine, of course).

Merci à tous ceux qui ont été là : Amandine (special thanks pour ton aide dans les cotations!), Aurélie, Baptiste, Céline, Emma, Gilles, Ghislain, Julie, Kwistof, Lisa, Lucie, Marie, Masha (merci pour le coup de main au Vésinet!) Maud, les 2 Nat’, Pascalou, Riadh, Stéphanie.

Un remerciement spécial pour toi qui partage ma vie et qui a été ma meilleure alliée pendant l’épreuve de la rédaction. Stef', pour ton amour, ta capacité d’écoute et ta lucidité, ta tendresse et ta patience à mon égard.

Merci à Kevin, mon compère corporatiste ;)

Pour ton amitié inestimable. Mon ami, le voyage, c’est la trace de tes pas.

Merci à Stéphane, A.K.A. « Voising », qui n’a pas son pareil pour faire briller les étoiles l’espace d’une soirée. Pour tous ces moments à refaire le monde. Allez je te le dis une bonne fois pour toute: t’es quand même une sacrée grande gueule mon voising !

Merci à Carlito qui a passé du temps au développement d’une partie du matériel expérimental.

Bonne route à toi et on se retrouve dans 10ans…

Merci à Vergonia, planète oxygénante peuplée d’Alexandre, de Damien, de Fabrice et de Vincent.

Merci à mes parents qui m’ont constamment soutenu de manière inconditionnelle dans mes projets. Merci à Audrey, Marie et Jean-Patrice pour leur amour.

(4)

INTRODUCTION GENERALE ... 9

1 CADRE HISTORIQUE ... 11

1.1 Les enfants surdoués au fil des siècles... 11

1.1.1 L’Antiquité... 12

1.1.2 Le Moyen Age ... 13

1.1.3 La Renaissance ... 14

1.1.4 Les Lumières... 15

1.1.5 L’ère de la psychologie scientifique ... 16

1.1.6 De nos jours, en France ... 18

1.2 L’évaluation de l’intelligence ... 20

1.2.1 L’associationisme : des sensations à l’intelligence ... 20

1.2.2 L’échelle Binet-Simon : une conception globale de l’intelligence ... 21

1.2.3 Les QI-Wechsler ... 23

1.3 Apports de l’approche factorielle ... 24

1.3.1 Principe général ... 24

1.3.2 La théorie bifactorielle de Spearman ... 25

1.3.3 Les aptitude primaires de Thurstone ... 26

1.3.4 Vers une modélisation hiérarchique de l’intelligence ... 27

1.4 Elargissement du concept d’intelligence... 28

1.4.1 Gardner et les intelligences multiples ... 29

1.4.2 La théorie triarchique de Sternberg... 31

1.5 Conclusion ... 35

2 CONNAISSANCES ADMISES... 36

2.1 Définitions et terminologies ... 36

2.2 L’identification ... 39

2.3 Le recours aux tests d’intelligence ... 41

2.4 Limites de l’identification par le QI ... 43

2.5 Modélisations du haut potentiel ... 44

2.5.1 Renzulli : le modèle des 3 anneaux ... 44

2.5.2 Sternberg et Lubart : modèle du haut potentiel créatif... 47

2.5.3 Heller et le modèle de Munich... 49

2.5.4 Gagné : du haut potentiel au talent ... 50

2.6 Conclusion ... 51

3 APPROCHE MULTIVARIEE DES ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL... 53

3.1 La trilogie de l’esprit ... 53

3.2 Cognition ... 54

3.2.1 La mémoire de travail... 55

3.2.2 L’inhibition cognitive ... 58

3.2.3 La pensée divergente... 59

3.3 Emotions et affects ... 60

(5)

3.3.1 L’intelligence émotionnelle ... 60

3.3.2 La notion d’hyperstimulabilité... 63

3.4 Conation ... 67

3.4.1 Les Big Five... 69

3.4.2 Anxiété ... 71

3.4.3 Le perfectionnisme ... 73

3.5 Conclusion ... 75

3.6 Introduction à la partie empirique... 76

3.6.1 Objectifs de l’étude... 76

3.6.2 Participants... 77

3.6.3 Procédure... 79

4 ETUDE DES CARACTERISTIQUES COGNITIVES DES ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL... 81

4.1 Introduction... 81

4.2 Méthodologie ... 83

4.2.1 Intelligence fluide et intelligence cristallisée ... 83

4.2.2 Mémoire de travail... 84

4.2.3 Liste de mots ... 85

4.2.4 Pensée divergente créative... 86

4.3 Résultats préliminaires ... 88

4.4 Comparaisons sur l’ensemble de l’échantillon ... 90

4.4.1 Les PMA... 90

4.4.2 La mémoire de travail... 91

4.4.3 La pensée divergente... 91

4.4.4 L’inhibition cognitive ... 92

4.4.5 Effets d’interaction... 95

4.5 Comparaisons intergroupe... 95

4.5.1 Population ... 95

4.5.2 Les PMA... 96

4.5.3 La mémoire de travail... 97

4.5.4 L’inhibition cognitive ... 99

4.5.5 La pensée divergente... 101

4.5.6 Effets de sexe... 102

4.5.7 Effets de l’école ... 103

4.5.8 Analyses des corrélations ... 105

4.6 Discussion ... 108

5 ETUDE DES CARACTERISTIQUES EMOTIONNELLES DES ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL... 111

5.1 Introduction... 111

5.2 Méthode ... 112

5.2.1 Styles affectifs ... 113

5.2.2 Idiosyncrasie émotionnelle... 114

5.2.3 Intelligence émotionnelle... 115

5.3 Analyses sur l’ensemble de l’échantillon ... 116

5.3.1 Analyses descriptives... 116

(6)

5.3.2 Fidélité des mesures ... 117

5.3.3 Effet de sexe ... 119

5.3.4 Effet de l’école... 119

5.3.5 Effets d’interaction... 119

5.3.6 Analyse de l’échelle d’intensité émotionnelle (AIM)... 120

5.3.7 Analyse de l’échelle d’expressivité émotionnelle (EES) ... 120

5.3.8 Analyse de l’échelle d’attention prêtée aux émotions (TMMS) ... 121

5.3.9 Analyse de l’échelle d’idiosyncrasie émotionnelle (ECI)... 122

5.3.10 Analyse de la partie « régulation » d’intelligence émotionnelle (MSCEIT)... 122

5.3.11 Analyse des corrélations... 123

5.4 Comparaisons intergroupe... 124

5.4.1 Styles affectifs et idiosyncrasie émotionnelle... 124

5.4.2 Régulation émotionnelle... 126

5.4.3 Analyse des corrélations ... 127

5.5 Discussion ... 129

6 ETUDE DES CARACTERISTIQUES CONATIVES DES ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL... 132

6.1 Introduction... 132

6.2 Méthode ... 133

6.2.1 Mesure de l’anxiété manifeste ... 133

6.2.2 Mesure de perfectionnisme... 134

6.2.3 Les dimensions de la personnalité selon le modèle des big 5... 135

6.3 Analyses sur l’ensemble de l’échantillon ... 136

6.3.1 Analyses descriptives... 136

6.3.2 Fidélité des mesures ... 137

6.3.3 Effet de l’école... 139

6.3.4 Effet de sexe ... 140

6.3.5 Effets d’interaction... 140

6.3.6 Analyse de l’échelle d’anxiété manifeste (R-CMAS) ... 141

6.3.7 Analyse de l’échelle de perfectionnisme (CAPS)... 142

6.3.8 Analyse de l’inventaire de personnalité (ACL) ... 143

6.3.9 Analyses des corrélations ... 144

6.4 Comparaisons intergroupe... 147

6.4.1 Anxiété manifeste... 147

6.4.2 Perfectionnisme ... 148

6.4.3 Analyse des corrélations ... 150

6.5 Discussion ... 152

7 ANALYSES MULTIVARIEES ... 155

7.1 Introduction... 155

7.2 Prise en compte des variables cognitives ... 156

7.3 Prise en compte des variables émotionnelles ... 157

7.4 Prise en compte des variables conatives ... 157

7.5 Prise en compte de l’ensemble des variables ... 158

7.6 Discussion ... 159

(7)

8 DISCUSSION GENERALE ... 161

9 CONCLUSION ... 169

BIBLIOGRAPHIE ... 170

ANNEXES ... 184

(8)

« Voici encore l’écolier qui ne profite pas de l’enseignement, pour une raison qui est vraiment paradoxale : il est trop intelligent . . . »

Alfred Binet (1911)

(9)

INTRODUCTION GENERALE

Henri Poincaré (1854-1912) a été le dernier des mathématiciens universalistes.

Comblé d’honneurs, auteur de best-seller de vulgarisation scientifique, échangeant avec les plus grands penseurs de son époque (Pierre et Marie Curie, Henri Becquerel, Max Planck, Roland Bonaparte père de Marie Bonaparte), il incarne la réussite sur tous les tableaux.

Mathématicien hors pair, il est connu des physiciens pour ses études sur la stabilité du système solaire, mais aussi des cercles philosophiques pour ses réflexions sur les fondements des sciences. Contemporain d’Alfred Binet qui créa en 1905 la première échelle de développement intellectuel, ses résultats à ce test le classaient pourtant parmi les imbéciles ! Cette épreuve mesurait surtout l’adaptation sociale, or Henri Poincaré y apparaissait inadapté.

Enfant, il était ambidextre et avait une très mauvaise coordination motrice. Il sera d’ailleurs toujours physiquement malhabile. Il était extrêmement distrait et maladroit tout en étant doté d’une mémoire phénoménale, capable de retrouver à la page près les passages qu’il avait lus dans n’importe quel livre. Il a obtenu le Baccalauréat à 17 ans et sera reçu major au concours de Polytechnique malgré un zéro en dessin, note normalement éliminatoire.

Comme le souligne très justement Winner (2000), la grande majorité des recherches en psychologie s’est plus attardée à décrire des aspects négatif de la déviance, comme les retards mentaux ou les troubles de l’apprentissage, que des aspects à priori positifs, comme des capacités intellectuelles hors du commun. Nous considérons ces derniers comme un domaine d’étude digne d’un intérêt scientifique et nous sommes demandé quelles étaient les caractéristiques psychologiques les plus pertinentes pour décrire les individus présentant de telles capacités. Doit-on uniquement se baser sur un indice général de l’efficience intellectuelle, comme le Quotient Intellectuel (QI), ou prendre en compte d’autres aspects psychologiques comme la personnalité ou les affects ? Sur le plan pratique, une approche clinique objective confirme souvent l’existence de particularité cognitives et affectives, qui donnent aux enfants « surdoués » un profil spécial (Revol, 2005), mais il est plutôt rare de trouver des travaux de recherche apportant des éléments empiriques sur cette question. Il paraît pourtant caricatural de regrouper des individus sous un indice comportemental unique, alors qu’ils sont susceptibles de se caractériser sur d’autres niveaux psychiques.

L’objectif de cette thèse est d’apporter un éclairage sur plusieurs caractéristiques psychologiques des enfants à haut potentiel intellectuel. Nous verrons dans le premier chapitre

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que l’idée de l’existence d’enfants présentant des capacités hors-normes existe depuis l’antiquité. Nous verrons également en quoi l’évolution des conceptions sur l’intelligence a fait évoluer la vision que nous avons de ces enfants. Dans le deuxième chapitre, nous ferons un point théorique sur la notion de haut potentiel. Nous verrons notamment les différentes terminologies pour en rendre compte que les modèles d’études proposés par les théoriciens travaillant sur la question tiennent compte d’autres facteurs que ceux d’intelligence. Le troisième chapitre présente le cadre conceptuel de notre approche. La trilogie de l’esprit décrit le fonctionnement psychique humain à travers trois grandes composantes psychologiques : la cognition, le domaine émotionnel et personnalité. Pour chaque composante, nous détaillerons les travaux concernant les EHPI1 qui s’y rapportent. Le quatrième chapitre correspond à un premier apport empirique dans lequel nous exploreront plusieurs capacités cognitives auprès d’EHPI. Le cinquième chapitre explore des composantes émotionnelles et le sixième chapitre des composantes conatives. Le septième chapitre est une tentative de mise en commun de l’ensemble des dimensions de la trilogie de l’esprit à travers les différentes mesures que nous avons effectuées, dans l’optique de tester la pertinence de ce modèle pour identification des EHPI.

1 Enfant à haut potentiel intellectuel

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1 CADRE HISTORIQUE

Dans ce chapitre, nous ferons un rappel historique en deux parties. Dans la première, nous verrons comment le mythe de l’enfant prodige existe à travers différentes cultures. Nous verrons que les conceptions liées à ces enfants – généralement identifiés par l’observation de comportements reflétant des aptitudes extrêmement élevées dans un domaine – sont très étroitement liées au contexte historico-culturel. Nous montrerons que l’existence d’enfants faisant preuve d’aptitudes élevées par rapport à leurs pairs de même âge est une préoccupation ancienne. Il s’agira de souligner l’idée que certaines aptitudes vont être plus valorisées que d’autres selon les époques et la culture. Ce travail permet de montrer que les représentations sociales liées aux enfants à haut potentiel, et les attentes qui en découlent, varient en fonction du contexte historique et culturel. Il nous semble en effet important de mentionner la multitude des conceptions du haut potentiel dans l’optique d’axer notre réflexion dans une perspective multidimensionnelle. Il apparaîtra alors extrêmement difficile de s’en tenir à une conception unitaire de l’enfant à haut potentiel. Ce travail préliminaire nous aidera à délimiter plus précisément notre champ d’investigation et nous permettra d’introduire le terme EHPI (Enfant à Haut Potentiel Intellectuel) qui constituera notre objet d’étude.

Dans une deuxième partie, nous passerons en revue les travaux sur l’intelligence en psychologie différentielle. Nous verrons notamment comment s’est développée l’idée d’évaluer les composantes intellectuelles, et comment l’évolution des techniques psychométriques a permis de redéfinir le concept d’intelligence. Nous verrons ainsi comment l’avancée des travaux sur ce thème a permis d’aboutir à la prise en compte de plusieurs types d’intelligences, qui s’expriment dans des domaines bien distincts. Encore une fois, nous voulons axer la réflexion sur la nature multidimensionnelle de l’intelligence, ce qui n’est pas sans répercussions sur notre représentation des enfants à haut potentiel, caractérisés particulièrement par un fonctionnement intellectuel hors norme.

1.1 Les enfants surdoués au fil des siècles

Si un historien veut décrire une civilisation, il pourra prendre en compte plusieurs de ses aspects, qu’ils soient politiques, économiques ou culturels. Son travail consistera à faire état d’un système robuste et cohérent, coordonnant ces différents aspects afin de donner une idée des mœurs pratiquées, de la manière dont les individus conçoivent leur environnement

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physique ou social et les moyens mis en place pour le maîtriser. Son travail mettra ainsi en évidence les croyances partagées par des individus appartenant à une même civilisation. Ce contexte historico-culturel détermine en quelle propension certaines capacités vont être, plus ou moins que d’autres, valorisées par la société. On peut ainsi remonter jusqu'aux premières communautés d’homo sapiens qui profitaient des aptitudes particulièrement élevées de certains membres, pour chasser, connaître les plantes comestibles ou curatives, ou prévoir les changements de climat. Au fil des siècles, la littérature fait état de nombreuses biographies d’individus atypiques qui ont marqué leur époque grâce à leurs talents dans des domaines variés (Galton, 1892; Cox, 1926). Alexandre le Grand, Virgile, Gandhi, Marie Curie, Al- Kharizmi ou Karl Marx sont autant d’exemples d’individus qui se sont ainsi illustrés. Leur talent hors norme a été remarqué dans des contextes culturels différents et la société à laquelle ces individus appartenaient en a bénéficié. La question de l’origine de ces talents souvent été formulée en psychologie, et nous allons voir dans ce chapitre qu’il y a différentes interprétations selon le contexte historique.

1.1.1 L’Antiquité

Dès l'antiquité, certains textes décrivent des enfants présentant des caractéristiques qui les distinguent de leurs pairs. Chez les Égyptiens par exemple, l'intelligence revêt une dimension à la fois magique et divine. Ceci est illustré par le mythe de Sénosiris, fils du scribe Satni. Sénorisis manifeste des comportements atypiques dès le plus jeune âge. Ses maîtres remarquent avec stupéfaction sa sagesse, sa mémoire phénoménale et sa maîtrise des hiéroglyphes. Ses progrès physiques et intellectuels sont indiqués en terme de comparaison par rapport à un âge donné. Dans ce récit, la précocité de Sénorisis est expliquée par l’idée antique selon laquelle l’âme a déjà eu accès une fois au savoir, grâce au jeu des réincarnations. On retrouve cette croyance encore aujourd’hui en Afrique de l’Ouest où les enfants doués sont considérés comme des ancêtres réincarnés, ce qui leur confère un statut particulier (Durazzo, 1997).

En Grèce, l’éducation repose, dans une certaine mesure, sur des principes égalitaires, les citoyens de même sexe recevant la même éducation. Cependant, les inégalités entre les hommes sont reconnues et acceptées en tant que manifestations divines. En effet, chaque être humain se caractérise par un ensemble de traits assignés à chacun par les dieux, dont l’intelligence. Dans cette optique, la supériorité intellectuelle, ou physique, est considérée

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comme un don divin fait à la société, par l’intermédiaire d’un individu privilégié qui va en faire bénéficier la communauté. Platon pense que la société tirerait bénéfice d’entraîner et de maximiser les potentialités de chaque citoyen. Il préconise dans ce sens un programme d’éducation spécialisée pour les jeunes hommes présentant des aptitudes intellectuelles au- dessus de la moyenne. Ces programmes font appel à un haut niveau de maîtrise en science, philosophie et métaphysique. L’idée de Platon découle d’une réflexion axée sur l’importance de l’éducation pour former la relève politique de la république. Il ressent la nécessité de sélectionner une élite de citoyens capables de gouverner et d'être au service de la cité et veut ainsi constituer un réservoir d’individus brillants destinés aux carrières politiques (Tannebaum, 2000).

1.1.2 Le Moyen Age

Au Moyen-Age, en Europe, la foi religieuse est très profonde. L'intelligence est un don de Dieu et distingue les humains de l’animal. Elle est la preuve que Dieu a créé l’Homme à son image, Dieu étant, selon St Thomas d’Aquin, l’intelligence suprême. Ce don doit ainsi être mis au service de Dieu et non de l'homme ou de l'État. Les enfants doués sont envoyés dans des monastères où ils reçoivent une éducation de qualité orientée vers la spiritualité. On voit bien ici à quel point le contexte historique influence l’attitude adoptée face à cette forme de déviance : la religion est au Moyen-Âge la garante des connaissances philosophiques et scientifiques, et regroupe en son sein l’ensemble de la communauté intellectuelle de l’époque.

L’enfant hors norme est appelé puer senex, littéralement « enfant-vieillard ». Hildegard von Bingen (1098-1179), compositeur mystique et écrivain allemand, est célèbre pour sa poésie lyrique et ses chants de piété. De famille noble, elle est confiée par ses parents, à huit ans, à une communauté de religieuses bénédictines de Disibodenberg. Elle devient mère supérieure de la communauté en 1136 et fonde d'autres ordres à Rupertsberg et Eibingen. Elle consigne ses expériences dans un livre "Scivias" qui lui apporte la célébrité dans toute l'Europe, et dans lequel elle écrit : "Dès mon enfance, depuis l'âge de cinq ans, d'une manière admirable, je sentais en moi comme maintenant, la vertu des mystères, de secrètes et merveilleuses visions". Elle est consultée par des empereurs, des monarques, des chefs religieux et elle est mêlée à la vie politique et diplomatique de son temps (Encyclopédie Microsoft Encarta 97).

En Turquie, sous l'Empire Ottoman, le sultan Mehmed le Conquérant (1432 - 1481) crée une école spéciale dans le sérail pour les enfants les plus remarquables à qui seront confiées de

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hautes responsabilités. Un de ses successeurs, Soliman le Magnifique (1494 - 1566) fait de même au XVIème siècle. Dans les deux cas, des envoyés du Sultan parcourent l'Empire à la recherche de ces enfants hors norme.

1.1.3 La Renaissance

La Renaissance, qui privilégie toutes les formes d'expression artistique, favorise l'épanouissement de nombreux enfants artistes. En Italie, ils sont placés, jeunes, en apprentissage chez un maître avant de devenir eux-mêmes des artistes de talent, les "putti".

Ainsi, Léonard de Vinci (1452-1519) entre très jeune dans l'atelier de Verrochio, qui est probablement l'un des plus animés de Florence. En effet le maître et ses disciples sont peintres et sculpteurs mais ils travaillent également le marbre, le métal et le bois. Ils réalisent des armures, des cloches, des coffres sculptés, des bijoux. Lui-même ne se contente pas d'être le peintre de génie que l'on connaît. Il utilise ses dons mathématiques pour concevoir des projets d'architecture et inventer des machines, telles que le célèbre "avion à pédales". Il en va de même pour Michel Ange (1475-1564). Son père le place, à treize ans, en apprentissage dans l'atelier du peintre Dominico Ghirlandaio. Deux ans plus tard, il étudie à l'école de sculpture du jardin des Médicis de la place Saint Marc. A l'âge de seize ans, il a déjà réalisé deux bas- reliefs, dont "Le combat des Lapithes et des Centaures".

En France, ce courant se manifeste plus particulièrement dans le domaine des lettres.

Montaigne (1533-1626) montre très jeune des aptitudes littéraires qui nous font penser qu'il était précoce. En effet, dans le chapitre des "Essais" intitulé "De l'institution des enfants", il écrit : "Ce que je voyais, je le voyais bien et, sous cette complexion lourde, nourrissais des imaginations hardies et des opinions au-dessus de mon âge." Quelques lignes plus loin, il raconte qu'il a sauté des classes et a quitté le collège à treize ans, ayant "achevé [son] cours".

Il enchaîne en révélant : "Le premier goût que j'eus aux livres, il me vint du plaisir des fables de la" Métamorphose" d'Ovide. Car, environ à l'âge de sept ou huit ans, je me dérobais de tout autre plaisir pour les lire ». Il préconise plus tard une éducation qui donne une large part au développement personnel, plutôt qu’à l’acquisition de connaissances académiques imposées (Compayré, 1883). Selon la métaphore qu’il donne, l’enfant n’est pas un vase qu’il faut remplir, mais un tas de braises qu’il faut aviver.

Au XVIIème siècle, Blaise Pascal (1623-1662) ne va pas à l'école, ce qui est rare pour un garçon. Son père se charge de son éducation en s'inspirant des préceptes de Montaigne. Il

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suscite chez son fils l'envie de comprendre et de s'approprier les savoirs. Très vite, l'enfant fait montre d'un génie extraordinaire. A 12 ans, son père le trouve dans son bureau en train de retrouver les 32 premières propositions d'Euclide. A 16 ans, il compose un Traité des Sections Coniques. A 19 ans, il construit une machine arithmétique, ancêtre de nos calculettes modernes, la « pascaline ». C'est le premier système mécanique qui permet d'effectuer additions et soustractions avec report automatique des dizaines.

1.1.4 Les Lumières

Le XVIIIème siècle est connu comme le siècle des lumières. On retrouve en musique le phénomène des enfants prodiges : Purcell, Bach, et Haydn. Mozart (1756 - 1791) commence à composer à quatre ans et il se passionne aussi pour le calcul. Il couvre de chiffres et de notes les tables et les murs de la maison de ses parents (Kutscher, 1956). Il écrit des symphonies avant l'âge de 10 ans et son opéra bouffe "La finta semplice" est joué alors qu'il a 13 ans. Ses aptitudes en mathématiques se retrouvent d'ailleurs dans la composition de ses oeuvres et dans l'harmonie redoutablement précise qui s'en dégage.

Les pouvoirs politiques de cette époque ne sont pas insensibles aux bénéfices que pourrait apporter une bonne gestion des ressources intellectuelles. Par exemple, Thomas Jefferson (1743-1826) s'imprègne des idées des philosophes. Après un séjour à Paris, de retour dans son pays, il est élu deuxième président des États-Unis, de 1801 à 1809. Il propose de grouper "les meilleurs génies" dans une école spéciale, quel que soit leur milieu d'origine, aux frais de l'État et pour le bien de l'État. Il ajoute que si l'intelligence n'est pas cultivée, elle s'étiole, les enfants de milieux défavorisés étant les plus vulnérables car n’ayant pas forcément accès à une éducation de qualité. Même si cette idée est maintenant ancienne, elle est encore de nos jours retrouvée dans les politiques éducatives des pays qui investissent des efforts dans la recherche sur les enfants à haut potentiel. Ces derniers constitueraient en quelque sorte un réservoir de ressources intellectuelles pour l’humanité qui se doivent d’être exploitées.

Quetelet (1796-1874), mathématicien et statisticien belge est connu pour sa doctrine de

« l'homme moyen». Pour lui, l'intelligence idéale est celle qui se situe à la moyenne, toute déviation dans un sens ou dans l'autre est une faute de la nature. Dans cette perspective, le fait être doté d’une intelligence exceptionnelle est connoté négativement et relève d’avantage de la psychopathologie. De même, Lombroso en Italie et Nisbet en Angleterre déclarent en 1893 que folie et génie sont biologiquement liés. Ils prennent comme exemple Jeanne d'Arc,

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Shakespeare, Byron, Poe qui, selon eux, présentaient des troubles comportementaux. Cette perspective est intéressante car elle soulève la question de savoir si toutes les formes de déviances doivent être considérées comme pathologiques. Nous pensons au contraire que la

« psycho-diversité » permet un certain équilibre social et constitue les fondements même de l’évolution de l’humanité, au même titre que la biodiversité permet la survie des espèces.

Selon l'idéologie marxiste, l'individualisation de l'enseignement suivant les capacités des élèves et la création d'élites intellectuelles sont toutes deux exclues d'office car contraires aux principes d'égalité. Cependant, il est à noter que les pays communistes ont développé des systèmes de détection très perfectionnés, et ont rassemblé les élites dans des écoles où un enseignement adéquat leur était prodigué.

1.1.5 L’ère de la psychologie scientifique

Au XIXème siècle, les premiers travaux sur l’intelligence étaient fortement imprégnés des thèses innéistes de l’époque. Galton soutenait l’hypothèse d’une transmission héréditaire de l’intelligence et considérait le génie comme une différence de degré mais pas de nature.

Son étude généalogique d’individus qui se sont illustrés dans différents domaines (Galton, 1892) n’a, dans ce sens, pas été convaincante. Par ailleurs, à cette époque, l’identification des individus dotés de capacités intellectuelles hors norme est devenue un enjeu économique et social important. Galton affirme que la conjecture technologique et économique implique un besoin croissant en ressources intellectuelles. Selon son point de vue, on pourrait répondre à cette demande en créant des générations d’individus intellectuellement doués. Il reprend ainsi la théorie de l’évolution développée par Darwin dans « L’Origine des espèces », en l’adaptant à un niveau sociétal. Son idée consiste à opérer une sélection naturelle en arrangeant judicieusement des mariages entre les personnes présentant des signes de capacités intellectuelles plus élevées que la moyenne (Grinder, 1990). L’histoire précise que Galton avait imaginé un système de récompense afin d’encourager les couples ainsi formés à engendrer le plus de cette descendance génétiquement contrôlée…

Lewis Terman, disciple de Galton a été un membre influent de plusieurs associations de recherche eugéniques. Ce professeur de psychologie de l’université de Stanford a consacré sa carrière à l’étude des génies. L’adaptation américaine des échelles d’intelligence, développées en France par Binet et Simon, a constitué un outil de choix pour l’étude des variabilités interindividuelles. Terman fut un des premiers à appliquer les tests d’intelligence à

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grande échelle. En 1921, il lance le coup d’envoi d’une étude longitudinale portant sur 857 élèves masculins et 671 élèves féminines. Pour les sélectionner, il part d’un échantillon de 250 000 élèves et demande aux maîtres d'école de choisir les trois élèves qu'ils considèrent les plus intelligents de leurs classes, ainsi que le plus jeune et le plus intelligent de l'année précédente. Il les teste à intervalles réguliers de 1921 à 1955, et leur fait remplir des questionnaires sur différents aspects de leur vie. Il publie cinq ouvrages pour rendre compte de ses recherches, dans lesquels il dresse un portrait des enfants doués qui va souvent à l'encontre des idées reçues. Ainsi, il montre que ces enfants se portent mieux que la moyenne, qu'ils sont sociables et réussissent bien dans la vie. Il introduit également la notion de précocité et préconise le saut de classe. Terman est à l'origine du large recours aux tests, aux États-Unis en particulier, pour sélectionner les élèves ou les répartir dans différentes filières.

Il a ouvert la voie aux mesures spécifiques pour la scolarisation des surdoués, telles que les classes ou les écoles spéciales, et les cours d'enrichissement. Après sa mort, ses disciples ont continué à suivre "la cohorte des Termites", ainsi que leurs enfants et petits-enfants.

Cependant, on peut reprocher à cette étude des biais méthodologiques importants, notamment en ce qui concerne la sélection des participants. Les enseignants sollicités ont en effet eu tendance à sélectionner les élèves les plus intelligents selon leurs critères, c'est-à-dire ceux qui avaient tendance à réussir le mieux sur le plan scolaire.

Leta Hollingworth (1886-1939) s'intéresse au développement cognitif et affectif de ces enfants à travers une approche clinique et constate qu'ils ont des besoins sociaux et émotionnels spécifiques qui méritent d'être pris en compte. Elle s’est particulièrement intéressée aux individus dont le QI avoisine un score de 180. Ses travaux indiquent que cette supériorité est stable à travers le temps et qu’elle s’exprime largement en terme de performances académiques. Sa méthode d’investigation l’amène à écouter longuement ces enfants pas le biais d’entretiens cliniques, ce qui lui permet d’observer certaines caractéristiques personnelles telles que la solitude, le sens moral, leur amour du beau. Elle note par exemple qu'ils s'interrogent très tôt sur leur place dans l'univers et remarque leur sens de l'humour qu'elle appelle leur "planche de salut". Elle souligne également des problèmes d’adaptation liés à des difficultés pour s’identifier à des pairs d’intelligence moyenne (Hollingworth, citée par Cox-Miles, 1952, p. 1471). Elle crée deux classes d'enfants surdoués au sein d'une école publique, à New York, en 1922, dans laquelle entre autres :

le programme est suffisamment stimulant pour donner aux enfants l'envie de travailler

l'enseignement se fait à un rythme rapide

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il y a des cours d'argumentation

les études sont interdisciplinaires, donnant une place importante à l'autonomie de l'enfant et au travail de groupe.

1.1.6 De nos jours, en France

Au cours des deux dernières décennies, l’Education Nationale s’est vue de plus en plus confrontée aux demandes venant de parents inquiets de la scolarité d’enfants que l’on qualifie communément de « surdoués ». C’est avant tout le regroupement en associations, dont les plus représentatives sont l’ANPEIP (Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces, créée en 1971) et l’AFEP (Association Française pour les Enfants Précoces, fondée en 1993) qui a permis de faire entendre leurs revendications et de mettre en oeuvre la prise en charge de cette population spécifique, au sein de certains établissements scolaires. Faute d'une prise en charge adaptée, beaucoup d’enfants précoces échouent dans leur cursus scolaire, comme le montre une étude menée auprès de 145 enfants précoces anciens élèves de l'institut Baulieu à Paris (Quotidien du Médecin du 22 février 1999). Suivis sur une période de dix à vingt ans, ces jeunes adultes, dont le QI est supérieur à 130, ont connu des parcours assez chaotiques; seuls 40% d'entre eux ont atteint ou dépassé le niveau bac+2, 9% se sont arrêtés au bac, et 43% ont obtenu un BEP ou un CAP. Ce rapide état des lieux suggère qu’il existe des besoins importants de ces enfants et adolescents qui représenteraient, en France, environ 4% de la population scolarisée (soit en moyenne un ou deux par classe)2. Il est d’autant plus alarmant que, si l’on en croit les chiffres de l’ANPEIP, seuls 3 à 5% des cas sont détectés, ce qui laisse à supposer qu’une bonne partie des élèves de tous niveaux (du cycle primaire au lycée) dotés de potentialités intellectuelles indiscutables, se retrouve en désarroi, faute de moyens suffisants mis en œuvre. En décembre 2005 s’est ouvert le premier « centre de ressources français pour enfants surdoués en difficulté » qui propose l’accueil des enfants et de leurs familles, des consultations d’évaluation du fonctionnement cognitif et socio-affectif, ainsi que des suivis thérapeutiques adaptés au profil de chaque enfant, tout en promouvant le travail de recherche et le partenariat avec tous les acteurs impliqués dans la prise en charge de ces enfants.

Par ailleurs, la rédaction d’un rapport ministériel sur la scolarisation des élèves

« intellectuellement précoces » (Delaubier, 2002) montre cependant l’intérêt porté par les pouvoirs publics à ce dossier. Ce rapport est le fruit d’une réflexion collective qui a vu

2 (Delaubier, 2002)

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collaborer un certain nombre de partenaires (représentants des psychologues scolaires, éducateurs et conseillers d’orientation, enseignant-chercheurs en psychologie différentielle, syndicats enseignants et fédérations de parents d’élèves) et a permis d’aboutir à la formulation de neuf axes de travail qui concernent aussi bien l’évolution des pratiques éducatives, dont la sensibilisation du corps enseignant et la mise en place d’un enseignement adapté, que le développement de la recherche dans ce domaine. A l’origine, les demandes des parents et des associations portaient sur la création de classes ou d’établissements réservés aux élèves intellectuellement précoces. La mise en place d’une structure spécifique a effectivement constitué la première solution apportée, dans de nombreux pays, aux difficultés rencontrées par ces enfants. Les familles voyaient dans ces classes et établissements “ spéciaux ” la reconnaissance des besoins de leurs enfants et la garantie d’une prise en charge adaptée. Par ailleurs, en dehors de l’objectif évident de rassembler des élèves manifestant des attentes communes et, dans certains domaines, des niveaux scolaires comparables, ce type de regroupement visait à atténuer le sentiment d’isolement des EHPI qui vivent douloureusement leur singularité dans la classe ordinaire et qui aspirent à être “ compris ” et à communiquer avec des élèves partageant leur expérience. Si l’implantation de telles structures présente des avantages dans un système éducatif qui répond ordinairement mal aux particularités de ces élèves, il est certain qu’elle soulève de nombreuses interrogations. Par delà le débat de fond que peut susciter la création d’une filière réservée à des élèves à haut potentiel dans une école régie par des principes d’intégration et d’accueil de tous les élèves dans des classes hétérogènes, on doit se demander quel est l’effet d’un regroupement en structure spécifique.

Ce regroupement peut prendre différents aspects et n’est pas forcément destiné à la seule prise en charge de EHPI. Certains auteurs ce sont s’intéressé aux effets de différentes modalités pédagogiques pour les enfants à haut potentiel (Vrignaud, Bonora et Dreux, 2005) et distinguent deux grands types de regroupement (Lautrey, 2004): le regroupement par classes de niveaux, et les regroupements inter et intra classes. Il reste en effet à prouver qu’il existe un moyen de détection fiable de ces enfants, et qui prend en compte leurs caractéristiques individuelles. En France, il est généralement admis qu’un moyen de sélection efficace des enfants surdoués réside dans l’évaluation de l’efficience intellectuelle. On a donc recours à l’utilisation de tests validés pour rendre compte de cette composante psychologique. Notons au passage que ce pays a un lien particulier avec la recherche en psychologie de l’intelligence car c’est précisément en France qu’a été mis au point la première échelle métrique de l’intelligence en 1910.

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La deuxième partie de ce chapitre est consacrée à une revue des travaux sur l’intelligence. Nous verrons notamment comment s’est développée l’idée de mesurer les capacités intellectuelles et les théories qui en ont découlé. Nous verrons que ce concept renvoie à de multiples aspects de l’activité psychique humaine, ce qui enrichit d’autant plus celui de haut potentiel. En effet, l’apport théorique et pratique des travaux effectués sur l’intelligence s’est beaucoup retrouvé dans les méthodes d’identification de populations atypiques. Depuis les premiers pas de Binet et Simon jusqu’au travaux les plus récents (Gustafsson, 1984; Carroll, 1993), le concept d’intelligence a été l’objet de vifs débats qui continue de diviser la communauté scientifique, c’est pourquoi ces mêmes difficultés se retrouvent quand il s’agit de poser une définition consensuelle et unitaire du haut potentiel.

On imagine aisément que la mise au point d’instruments satisfaisants pour identifier cette population souffre également de cette faiblesse théorique. S’intéresser aux enfants surdoués implique nécessairement de comprendre ce qu’on entend par intelligence et comment on l’évalue.

1.2 L’évaluation de l’intelligence

1.2.1 L’associationisme : des sensations à l’intelligence

On a longtemps pensé que l’activité conceptuelle et logique de l’homme, élaborée à partir du langage, suffisait à décrire l’intelligence, les autres comportements adaptatifs étant considérés comme relevant de conduites instinctives. Cette vision va changer à la fin du 19ème siècle avec, en Angleterre, Galton qui propose des techniques précises permettant des observations quantifiables de ce qu’il conçoit être le matériau de base de l’intelligence. Il postule en effet que les différences interindividuelles dans le domaine de l’intelligence sont retrouvées dans la variabilité d’efficience observée sur un certain nombre de traitements élémentaires (perception sensorielle, motricité, proprioception…). Son champ d’investigation ne couvrait alors pas les processus mentaux supérieurs et il s’attache à mesurer des éléments psychophysiques qu’il considère comme autant de « particules élémentaires » de l’intelligence (Lautrey, 1996). Par association, si le matériau de base à partir duquel des conduites plus complexes sont élaborées est de bonne facture, ces dernières ont d’autant plus de chances de l’être aussi. Son idée sera reprise par Cattell qui, après lui avoir rendu visite en

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1888, développera sa propre batterie de tests psychophysiques, les « Mental Tests ». Encore une fois, il s’agit d’évaluer l’efficience des sujets sur des traitements de bas niveau comme la vitesse de mouvement du bras. Il cherchera à valider cet outil auprès d’étudiants à l’Université de Colombia mais se heurtera à un échec, la corrélation entre les performances aux « Mental Tests » et des critères de réussite universitaire étant quasiment nulle. Malgré tout, ces tentatives pour mesurer l’intelligence correspondent aux premiers pas de la psychométrie. En dépit de l’échec rencontré par Cattell, ces idées ne seront pas totalement abandonnées, et un siècle plus tard, les théories cognitivistes basées sur le traitement de l’information donneront lieu à des travaux qui reprendront l’hypothèse selon laquelle la résolution d’une tâche complexe requiert l’exécution de processus cognitifs élémentaires un grand nombre de fois (Hunt, 1985). Les petites différences interindividuelles retrouvées dans leur vitesse d’exécution seraient donc amplifiées dans la répétition, à tel point qu’elles en deviendraient des différences stables, susceptibles en moyenne d’influencer les performances dans la résolution d’une tâche complexe.

1.2.2 L’échelle Binet-Simon : une conception globale de l’intelligence

Au début du siècle, Alfred Binet avait déjà pris conscience du caractère subjectif des diagnostics portés par les psychiatres à l’issue de l’évaluation des capacités intellectuelles des patients. Il déplorait notamment l’absence de définitions objectives communes des termes employés pour désigner les degrés d’arriération mentale. Loin de partager le point de vue associationiste de Galton et Cattell, Binet pensait au contraire que l’intelligence devait être appréhendée à travers un ensemble de processus complexes, liés à des capacités en mémoire, raisonnement, imagerie mentale ou jugement. Il a donc, dans un premier temps, fait passer des tâches mettant en jeu ces capacités auprès d’enfants retardés et normaux, avec l’aide de Théodore Simon. Ils ont observé que ces petites épreuves étaient susceptibles de discriminer les deux groupes, et ont élaboré un outil composé des items les plus sensibles.

Une bonne occasion de le valider est venue d’une demande du Ministère de l'Instruction Publique pour résoudre un problème de pédagogie lié à l'instauration de la scolarité obligatoire en France. Il s’agissait pour eux de mettre au point un outil susceptible d’évaluer les capacités intellectuelles des enfants afin de déterminer leur aptitude à suivre le programme d’enseignement normal, et, le cas échéant, les diriger vers un enseignement mieux adapté. Ils ont observé que leur outil occasionnait une variabilité interindividuelle non

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négligeable au sein de populations d’enfants normaux plus jeunes. De plus, la réussite à certains items semble caractériser certaines tranches d’âge. La notion d’âge mental est alors apparue : à un âge donné, un enfant est capable d’accomplir certaines tâches, si il y échoue, il est en retard. On imagine aisément les perspectives de cette démarche : cette fois-ci, l’intelligence est appréhendée dans son développement, et on peut parler de niveau de développement intellectuel. Binet et Simon ont donc mis au point une deuxième échelle métrique qui évalue certaines capacités des enfants. Elle se composait de tâches représentatives de l’ensemble des tâches que peut maîtriser un enfant à un âge donné, avec l’hypothèse qu’elles font largement appel à ce qu’on entend par l’intelligence. On parle alors de conception globale de l’intelligence en supposant que celle-ci est globalement impliquée dans des situations très variées. Cela dit, les épreuves qu’on trouve dans ce test sont très proches d’exercices scolaires, l’école étant, pour Binet, le point de départ du développement des capacités cognitives.

Ainsi le test de Binet-Simon balaye un grand nombre de processus cognitifs et les intègre dans un score global. L’originalité de cette approche réside dans le fait qu’elle découle d’une conception athéorique de l’intelligence. Il s’agit d’évaluer l’efficience mentale dans plusieurs situations, sans pour autant se prononcer sur son origine ou sa structure. Mais l’échantillonnage des items a permis l’élaboration d’un outil pratique présentant des qualités psychométriques acceptables. Le principe de construction est le suivant : pour être retenu comme représentatif d’un âge mental de 5 ans, un item devra être échoué par la plupart des enfants de 4ans, fréquemment réussi par les enfants de 6 ans, et avoir un taux de réussite de l’ordre de 50% auprès d’enfants de 5 ans (Huteau et Lautrey, 1997). Stern, proposera en 1920 de calculer le ratio entre l’âge mental évalué à l’aide du test de Binet-Simon, nom donné à cette échelle métrique de l’intelligence, et l’âge biologique des sujets. On obtient un indice correspondant à une estimation de la vitesse du développement intellectuel. Stern le multiplie par 100 par confort d’utilisation et appellera ce nouveau score « Quotient Intellectuel », ou QI. Un QI inférieur à 100 correspond à un retard par rapport à ce que peuvent faire les enfants d’un âge donné, un QI supérieur à 100 indique une avance, et un QI proche de 100, un développement normal. Le Binet-Simon connaîtra un succès immédiat auprès des psychologues américains qui utilisent une adaptation mise au point par Terman à l’université de Stanford, le « Stanford-Binet ». Ce test sera régulièrement révisé et il est encore utilisé de nos jours aux Etats-Unis. En France, en revanche, la version originale ne suscitera pas le même engouement de la part des praticiens. Il faudra attendre plus d’un demi-siècle avant que

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René Zazzo ne publie, en 1966, une version révisée du Binet-Simon, sous le nom de

« Nouvelle Echelle Métrique de l’Intelligence » (Zazzo, Gilly, et Verba-Rad, 1966).

1.2.3 Les QI-Wechsler

L’approche de Binet sera reprise en 1948 par David Wechsler, psychologue dans l’hôpital psychiatrique de Bellevue à New York, qui abandonnera la notion d’âge mental au profit d’étalonnages permettant de situer un sujet dans sa population d’origine. L’approche de Wechsler est, elle aussi, globale et répond à des besoins pratiques. Il pensait comme Binet que l’intelligence fait appel à des traitements cognitifs de haut niveau. C’est le bon fonctionnement de ces traitements spécifiques et leur mise en oeuvre harmonieuse qui permet l’adaptation à l’environnement. Il voulait évaluer les facultés intellectuelles de patients adultes afin d’affiner le diagnostique clinique, ou suivre l’évolution d’une pathologie. Dans cette optique, le Stanford-Binet ne lui semblait pas satisfaisant pour trois raisons : d’abord, les items étaient destinés à des enfants et certains d’entre eux étaient moins pertinents pour les l’évaluation de sujets adultes. Ensuite, ils faisaient essentiellement appel à la compréhension verbale. Wechsler a souhaité introduire des items qui réduisent au maximum le rôle de cette composante, aussi bien dans la consigne que dans les modalités de réponses. Enfin, la notion d’âge mental n’a plus de sens chez les adultes et ne reflète pas la variabilité intra individuelle observée pendant cette période de la vie. Il mettra ainsi au point la première batterie d’intelligence pour adulte, appelée WAIS pour « Wechsler Adult Intelligence Scale », dont les versions révisées sont encore aujourd’hui largement utilisées par les praticiens3. Wechsler affine la conception globale de Binet en distinguant au moins deux grandes formes de manifestation de l’intelligence, ce qui donne lieu au calcul de deux QI : un QI verbal et un QI performance, qui ont autant d’importance dans le calcul du QI global. Le premier fait appel au langage, et le deuxième utilise un matériel abstrait. Son idée consiste à mettre à profit la variabilité interindividuelle observée au travers des items choisis en établissant un étalonnage qui permet de situer les performances d’un sujet parmi celles d’un échantillon de même sexe représentatif de sa tranche d’âge. Pour chaque tranche d’âge, on transforme les scores bruts de manière à obtenir une distribution statistiquement normale. Leur somme permet d’obtenir un QI dont la moyenne a été fixée à 100 pour un écart-type de 15 points. Ainsi, dire qu’un

3 Notons qu’il existe une version pour les enfants, la WISC (Wechsler Intelligence Scales for Children) dont la dernière version récente ne reprend pas cette dichotomie entre echelles « Verbales » et « Performances ».

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individu à un QI de 100 revient à dire que 50% de sa population de référence à un QI supérieur, et 50% un QI inférieur. Si à l’issue d’une évaluation par ces échelles d’intelligence on s’aperçoit qu’un enfant obtient un QI global de 130, cela signifie que seulement 2,3% des enfants de même âge et de même sexe ont un QI global plus élevé que lui. Les QI-Wechsler, comme il conviendrait d’appeler les scores calculés à partir des performances obtenues sur les échelles de Wechsler, n’ont donc plus rien à voir avec une vitesse de développement, même si le terme générique de QI a été conservé.

1.3 Apports de l’approche factorielle

1.3.1 Principe général

Alors que les échelles d’intelligence ont été conçues par des psychologues qui mettaient surtout l’accent sur le caractère global de l’intelligence et cherchaient à évaluer celle-ci par un indice unique comme le QI, les batteries de tests factoriels ont été élaborées dans le cadre d’une conception plus analytique des capacités intellectuelles, où l’accent est mis sur la diversité des aptitudes. La mise au point des tests factoriels ne s’est pas fondée sur une théorie très élaborée de l’intelligence, le choix des situations inclues dans ces tests reposant sur des considérations très empiriques. Comme pour les échelles d’intelligence, l’idée sous-jacente à la conception des tests factoriels était de diversifier le plus possible les situations d’évaluation, mais cette fois-ci avec une volonté plus affirmée de souligner la diversité des aptitudes intellectuelles plutôt que l’unicité de l’intelligence. Cette approche se caractérise principalement par la méthode d’analyse statistique multidimensionnelle utilisée pour choisir les épreuves. Les méthodes d’analyse factorielle exploratoire sont utiles lorsque l’on n’a pas d’idées a priori sur les facteurs impliqués dans la réussite à un ensemble d’épreuves. Il s’agit de partir de relations empiriques entre ses épreuves afin de déterminer l’existence de facteurs communs susceptibles d’expliquer les co-variations de performance entre certaines d’entre elles. Le principe de l’analyse factorielle repose donc sur le calcul de corrélations entre des épreuves prises deux à deux dans le but de rechercher des groupes d’épreuves qui corrèlent plus entre elles qu’avec les autres. Si c’est le cas, on infère l’existence d’un facteur commun de variation à ce groupe d’épreuves. Le travail du psychologue sera alors de donner un sens à ce facteur, en cherchant en quoi les épreuves qui le saturent se ressemblent, et en quoi elles sont différentes des autres.

Références

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