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La revue de la littérature présentée ci-dessus suggère que l’intelligence, telle qu’elle est mesurée par les tests traditionnels, ne rend que partiellement compte des comportements observés auprès d’enfants à haut potentiel intellectuel. Ce constat nous amène à adopter une approche multivariée pour mieux décrire cette population atypique.

3.6.1 Objectifs de l’étude

Dans l’étude que nous présentons ici, nous nous sommes servi du cadre conceptuel de la théorie de l’esprit, qui rend compte de l’individu dans sa globalité psychologique. Nous voulons comparer les évaluations obtenues par des EHPI sur ces composantes à celles d’enfants tout-venant appariés sur le niveau scolaire (6ème), d’une part, et sur l’âge, d’autre part.

Dans une première partie d’analyse, nous avons exploré plusieurs aspects du fonctionnement cognitif des EHPI. Dans ce sens nous avons eu recours à tests d’intelligence classiques, mais aussi à des tâches issues des travaux récents en psychologie cognitive permettant d’évaluer des processus cognitifs importants dans le fonctionnement intellectuel, mais absents des mesures traditionnelles de l’intelligence, comme la mémoire de travail13, l’inhibition cognitive ou la pensée divergente créative.

Dans la deuxième partie d’analyse, nous avons cherché à rendre compte des différences susceptibles de caractériser les EHPI sur un plan émotionnel. Nous avons ainsi exploré trois aspects émotionnels distincts : l’intelligence émotionnelle, les styles affectifs et la créativité émotionnelle.

Dans une troisième partie d’analyse, nous avons eu recours à des mesures d’anxiété, de perfectionnisme et de certains traits de personnalité tirés du modèle des « big five ».

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Signalons ici que la dernière version des échelles de Wechsler pour enfants et adolescents (WISC-IV) comprend une épreuve de mémoire de travail.

Enfin, une quatrième partie consiste à intégrer les trois composantes psychologiques étudiées afin de déterminer l’apport du modèle de la trilogie de l’esprit dans son application auprès d’enfants à haut potentiel intellectuel.

3.6.2 Participants

Melun (Institution Ste Jeanne d’arc)

Il s’agit d’un établissement semi-privé sous contrat avec l’Education Nationale qui prévoit l’accueil des enfants à haut potentiel intellectuel dans des classes spécifiques à partir de la 6ème. Ces élèves sont regroupés dans des classes après avoir passé un bilan psychologique de leurs capacités intellectuelles. Un QI de 130 minimum est requis pour les intégrer. La technique d’identification repose donc ici sur les échelles de Wechsler. Dans cette établissement, nous avons pu voir 34 EHPI en 6ème (23 garçons et 11 filles ; mâge = 10,97 ; etyâge= 0,77) et 40 élèves tout-venant en 6ème (17 garçons et 23 filles ; mâge = 11,65 ; etyâge = 0,40). Nous avons également vu 22 élèves tout-venant en CM2 (15 garçons et 7 filles ; mâge = 10,57 ; etyâge = 0,43).

Paris (Cours Hattemer)

Cet établissement est privé et prévoit l’accueil d’EHPI. Comme pour Melun, les élèves à haut potentiel intellectuel sont identifiés par une évaluation de l’intelligence générale par les échelles de Wechsler (QI > 130). Nous avons vu 9 EHPI en 6ème (7 garçons et 2 filles ; mâge = 11,26 ; etyâge = 1,05) et 11 élèves tout-venant en 6ème (2 garçon et 9 filles ; mâge = 11,21 ; etyâge = 0,59).

Le Vésinet (Collège du Cèdre)

Cet établissement est public et procède à une évaluation collective des aptitudes cognitives d’enfants susceptibles de présenter un haut potentiel intellectuel. Les candidats passent un test de lecture silencieuse basé sur la compréhension de texte et un test d’intelligence générale (Culture Fair Test, Cattell et Cattell, 1986). Cattell souhaitait construire un instrument qui mesure avec précision l'intelligence de personnes de langues et cultures différentes, ou de niveau social et de formation très différents. Le choix des items a été réalisé avec rigueur afin de limiter l'influence de ces différents biais et de réaliser un test qui soit « indépendant de la culture, supposé mesurer l'intelligence en la séparant des

influences de l'éducation, du milieu social, culturel et ethnique ». Les normes de tels tests sont supposées être plus stables que celles d'autres instruments. L'auteur le souhaitait très fortement corrélé en facteur général de l'intelligence, tel que défini par Spearman et c'est, effectivement, ce qu'il obtint. Les études de fidélité et de validité réalisées sont satisfaisantes. Dans cet établissement, nous avons vu 22 EHPI en 6ème (11 garçons et 11 filles ; mâge = 10,71 ; etyâge = 0,67) et 14 élèves tout-venant en 6ème (9 garçon et 5 filles ; mâge = 11,12 ; etyâge = 0,83).

Le Vésinet (école élémentaire « Les Merlettes »)

Nous avons vu dans cette école 24 enfants tout-venant en CM2 (15 garçons et 9 filles ; mâge = 11,05 ; etyâge = 0,38). Cette école dépend du secteur Vésinet et sert de groupe contrôle pour le collège du Cèdre.

Nous avons postulé l’existence d’une différence moyenne d’âge entre les EHPI en 6ème et les enfants tout-venant en 6ème du fait que les sujets composant le groupe EHPI ont tendance à avoir effectué un saut de classe pour palier leur efficience intellectuelle hors norme. Dans ce sens, nous avons constitué un second groupe contrôle d’élèves tout-venant en CM2 afin de disposer d’un groupe contrôle sur l’âge des sujets. Le tableau 1 présente les caractéristiques de la distribution de l’âge des sujets pour ces trois groupes.

m ety n

6ème HP 10,93 0,08 68

6ème NHP 11,61 0,08 62

CM2 NHP 10,82 0,10 46

Tableau 1: Analyse descriptive de la variable « âge » pour les 3 groupes : « 6ème HP », « 6ème NHP » et « CM2 NHP ».

A un niveau purement descriptif, nous constatons qu’en moyenne, l’âge des EHPI en 6ème (10,93 ans) est inférieur à celui d’enfants tout venant du même niveau scolaire (11,61 ans). D’autre part, l’âge moyen des EHPI en 6ème semble très proche de celui d’enfants tout-venant en CM2 (10,82 ans). Etant donné que nous avions des attentes sur le sens des différences entre ces trois groupes, nous pouvons estimer à quel point ces différences sont généralisables grâce à une ANOVA. Tout d’abord, la différence observée entre les moyennes d’âge entre les

EHPI et les sujets tout-venant est significative (t(2,173)= 25,55 ; p<.01 unilatéral). Nous avons procédé à des comparaisons planifiés et constater que la différence de moyenne âge entre les EHPI et le groupe contrôle apparié sur le niveau scolaire est significative (F(2,173)= 36,14 ; p<.00 unilatéral). Il apparaît qu’il n’existe pas de différence significative entre l’âge moyen des EHPI et celui des sujets tout-venant en CM2 (p>.05). Enfin, la différence entre les deux groupes contrôle est significative, les élèves de 6ème étant en moyenne plus âgés que ceux des classes de CM2 (F(1,173)= 16,32 ; p<.01 unilatéral).

Ces analyses font donc bien apparaître 3 groupes expérimentaux qui remplissent les conditions pour lesquelles nous les avons constitué.

Les 176 sujets de l’étude réalisée proviennent de quatre écoles situées en région parisienne. Nous détaillons ici les caractéristiques des échantillons pour chacune de ces écoles.

3.6.3 Procédure

Le dispositif expérimental mis en place dans cette étude nous a contraint à organiser deux séries de passations de 45 minutes chacune14. La procédure est restée strictement la même pour chaque école et pour chaque niveau scolaire, à la différence que les enfants en CM2 n’ont pas passé l’inventaire de personnalité (voir plus bas pour une description détaillée). A chaque fois, la direction des établissements a mis à notre disposition une salle au calme qui permettait de voir les enfants individuellement. Nous avons en effet choisi d’éviter toute passation collective pour privilégier une situation d’interaction sociale avec nos sujets. Par ailleurs, il nous paraissait important de contrôler le plus précisément possible chaque passation, en particulier pour s’assurer que les participants comprenaient bien le matériel que nous leur proposions. Nous avons ainsi dû prendre sur le temps scolaire pour mener à bien les passations. Les parents des élèves devaient bien entendu donner leur accord pour que leur enfant participe à l’étude. Notons ici que notre volonté de standardisation des conditions de passation a été mis a mal par les conditions environnementales dans lesquelles nous avons travaillé, d’un établissement à l’autre. Certains établissements nous allouaient une salle de classe pour les passations, d’autre nous proposaient une salle informatique, ou bien une salle de réunion. Par ailleurs, les périodes pendant lesquelles nous sommes intervenus n’étaient pas

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Certains des sujets n'ont pas pu participer aux deux passations, ce qui explique la fluctuation des effectifs lors des analyses statistiques.

non plus contrôlées. Dans certains établissements, les passations étaient réalisées entre le mois d’octobre et le mois de novembre, dans d’autres entre le mois de février et le mois de mars, et d’autres en juin. Ce point n’influence pas la nature des résultats dans l’optique de contraster les résultats obtenus par les EHPI avec ceux obtenus par les enfants tout-venant de cette étude, car ces deux groupes étaient vus à la même période dans le même établissement.

L’ensemble de la procédure dure 1h30 par participant. Les tests que nous avons proposé aux enfants sont décrits dans les chapitres suivants et présentés en annexe.

4 ETUDE DES CARACTERISTIQUES COGNITIVES DES

ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL