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5.3 Analyses sur l’ensemble de l’échantillon

5.4.2 Régulation émotionnelle

Nous avons examiné les scores moyens obtenus par chacun des groupes sur la version du MSCEIT que nous avons utilisé (graphique 8). Selon les hypothèses de Zeidner et al. (2005), nous attendions à de meilleures performances des EHPI sur cette tâche. Nous observons tout d’abord que les trois groupes obtiennent des performances similaires en tenant compte du score calculé par la méthode de jugement consensuel. Par contre, en utilisant une cotation basée sur la méthode de jugements experts, nous pouvons constater que les EHPI obtiennent des performances supérieures aux élèves tout-venant en 6ème (respectivement, m = 8,38 ; ety = 1,42 et m = 8,10 ; ety = 1,45). Cette différence est cependant négligeable en regard de la classification de Cohen (d = 0,19), et elle n’est pas significative (p>.05).

De même, les EHPI obtiennent de meilleures performances que les élèves de CM2 (m = 7,58 ; ety = 1,54). Cette fois-ci, cet effet est d’amplitude intermédiaire avec un d de Cohen égal à 0,54. 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0

Jugement consensuel Jugements experts

S c o re m o y e n HP NHP 6ème NHP CM2

Graphique 8 : analyse descriptive des scores au MSCEIT pour les trois groupes

expérimentaux.

L’analyse de variance montre que la différence observée entre les EHPI et les élèves de CM2 sur le score calculé par la méthode des experts est significative (test de Mann-Whitney significatif avec Z = 3,05 ; p<.01). Ce résultat indique que les EHPI ont tendance à avoir plus de capacités pour réguler l’information émotionnelle que leurs pairs de même âge.

5.4.3 Analyse des corrélations

L’analyse des corrélations renseigne sur les relations qu’entretiennent les composantes émotionnelles que nous avons choisi d’évaluer, ce qui peut donner une idée de la structure émotionnelle des enfants que nous avons vu. Nous pouvons ainsi comparer la structure émotionnelle des EHPI à celle des groupes tout-venant. Les corrélations obtenues sur les questionnaires ayant trait aux émotions figurent dans les tableaux 20, 21 et 22.

Groupe EHPI

Pour ce groupe nous constatons que les scores obtenus à partir de la partie régulation du MSCEIT sont indépendants des autres mesures, avec des corrélations proches de zéro. Nous observons que les questionnaires portant sur les styles affectifs et l’idiosyncrasie émotionnelle présentent des intercorrélations positives et significatives de force moyenne qui forment un cluster (.31< r <.42 ; p<.05).

MSCEIT1 AIM EES TMMS ECI MSCEIT1 0,69** 0,07 -0,09 0,01 0,11 MSCEIT2 1,00 -0,03 -0,11 -0,05 0,03

AIM 1,00 0,38** 0,42** 0,38**

EES 1,00 0,36** 0,45**

TMMS 1,00 0,31*

Tableau 20 : Matrice de corrélation entre les différents indices émotionnels pour le groupe d’EHPI. *p<.05 ; **p<.01

Groupe tout-venant en 6ème

Pour ce groupe, nous n’observons pas de cluster entre les scores aux questionnaires portant sur les styles cognitifs et l’idiosyncrasie émotionnelle comme nous l’avons observé avec le groupe d’EHPI (tableau 21). La seule corrélation significative pour ce groupe de variables concerne le score d’expressivité émotionnelle et celui d’intensité émotionnelle (r =.29 ; p<.05 bilatéral). D’autre part, nous constatons pour ce groupe l’existence de liens entre la partie régulation du MSCEIT et certains styles affectifs. Ainsi, la corrélation entre le score au MSCEIT calculé par la méthode de jugement consensuel et celui reflétant la tendance à vivre des émotions originales est positive et de force modérée (r = .26 ; p<.05 bilatéral).

Ainsi, la corrélation entre le score au MSCEIT calculé par la méthode de jugement expert et celui reflétant la tendance à vivre des émotions intensément est négative et de force modérée (r = -.27 ; p<.05 bilatéral). Plus ces participants ont tendance à vivre leurs émotions intensément, moins ils ont de compétences pour les réguler.

MSCEIT1 AIM EES TMMS ECI MSCEIT1 0,75** -0,18 -0,09 0,01 0,26* MSCEIT2 1,00 -0,27* -0,19 0,19 0,05

AIM 1,00 0,29* -0,16 0,23

EES 1,00 0,16 -0,06

TMMS 1,00 0,22

Tableau 21 : Matrice de corrélation entre les différents indices émotionnels pour les élèves tout-venant en 6ème.*p<.05 ; **p<.01

Groupe tout-venant en CM2

Pour ce groupe (tableau 22), nous observons une structure plus proche de celles des EHPI. Les scores d’intensité affective corrèlent positivement et de manière modérée avec ceux d’expressivité émotionnelle (r =.38 p<.05 bilatéral), d’attention prêtée aux émotions (r =.42 ; p<.01 bilatéral) et d’idiosyncrasie émotionnelle (r =.37 ; p<.05 bilatéral). Nous observons également une corrélation positive entre l’expressivité émotionnelle et l’idiosyncrasie (r =.34 ; p<.05).

MSCEIT1 AIM EES TMMS ECI MSCEIT1 0,68** 0,11 0,05 0,13 -0,19 MSCEIT2 1,00 -0,04 0,10 0,32* -0,33*

AIM 1,00 0,38* 0,42** 0,37*

EES 1,00 0,22 0,34*

TMMS 1,00 -0,01

Tableau 22 : Matrice de corrélation entre les différents indices émotionnels pour le groupe d’EHPI. *p<.05 ; **p<.01

Nous avons comparé les corrélations entre ces différentes composantes émotionnelles selon les groupes expérimentaux. Les résultats de cette comparaison figurent dans les tableaux

23 et 24 dans lesquelles nous avons figuré le seuil de significativité des différences de corrélation entre les groupes, si elles existaient.

Nous observons que les différences statistiques entre les corrélations trouvées entre le groupe EHPI et le groupe contrôle d’élèves de 6ème sont les mêmes que celles trouvées entre les deux groupes contrôle. Par ailleurs, aucune différence statistique n’est apparue entre les EHPI et le groupe d’élèves en CM2. Ces résultats suggèrent que les EHPI sont plus proches d’élèves tout-venant en CM2 que d’élèves tout-venant en 6ème sur le plan de la structure émotionnelle.

MSCEIT1 AIM EES TMMS ECI

MSCEIT1 - - - - -

MSCEIT2 - - - - -

AIM - - - p<.00 -

EES - - - - p<.00

TMMS - - - - -

Tableau 23 : Comparaison des corrélations entre les EHPI et les enfants tout-venant en 6ème

MSCEIT1 AIM EES TMMS ECI

MSCEIT1 - - - - -

MSCEIT2 - - - - -

AIM - - - p<.00 -

EES - - - - p<.00

TMMS - - - - -

Tableau 24 : Comparaison des corrélations entre les enfants tout-venant en 6ème et les enfants tout-venant en CM2

5.5 Discussion

Dans cette partie, nous avons examiné plusieurs composantes émotionnelles auprès d’EHPI, et nous avons ainsi pu comparer leur expression avec des populations d’enfants tout-venant. Notre principale hypothèse concernait l’intensité avec laquelle les EHPI vivent leurs émotions. L’intensité affective est définie comme la tendance des individus à vivre et ou ressentir intensément les différentes expériences émotionnelles (Larsen et Diener, 1987).

Concernant les enfants à haut potentiel, il existe un certain consensus indiquant que ces enfants présenteraient fréquemment cette tendance. Il est même parfois suggéré que cette intensité affective est liée à une « hypersensibilité », source de leur haut potentiel. Le questionnaire d’intensité émotionnel que nous avons utilisé ne nous a pas permis de mettre en évidence ce phénomène. Zeidner et al. (2005) rendent compte de différences sur des mesures évaluant l’intelligence émotionnelle en comparant des lycéens à haut potentiel intellectuel et tout-venant (de la 5ème à la 1ère). Ils indiquent de meilleures compétences émotionnelles pour comprendre l’information émotionnelle et pour la réguler, conformément à nos résultats. Une interprétation est possible à la lumière des résultats obtenus avec une autre mesure. En effet, nous avons pu mettre en évidence que les EHPI obtenaient, en moyenne, de meilleures performances sur la partie « régulation » du MSCEIT, ce qui indique une propension à mieux gérer l’information de nature émotionnelle. Il est possible que cette capacité de régulation permette de mieux réguler l’intensité affective qui au final, serait atténuée. Cependant, cette interprétation est tempérée par l’absence de corrélation entre le score moyen à l’AIM et celui de la partie « régulation » du MSCEIT pour cette population, ainsi que pour l’ensemble de l’échantillon.

Nous avons également exploré plusieurs traits affectifs et mis en évidence que les EHPI pouvaient se distinguer sur certains d’entre eux. Ainsi, nous avons pu constater que ces participants ont tendance à moins exprimer leurs émotions et donc à davantage les contenir, avec un score moins important sur l’échelle d’expressivité émotionnelle. D’autre part il semblerait qu’ils vivent moins d’expériences émotionnelles originale ou hors du commun que les enfants tout-venant (facteur idiosyncrasie). Il est intéressant de constater que cette tendance apparaît en contrastant les scores obtenus par les EHPI en 6ème sur ces composantes émotionnelles avec ceux obtenus par des élèves tout venant de CM2, de même moyenne d’âge. Cette tendance n’est statistiquement pas retrouvée en utilisant des élèves en 6ème comme groupe contrôle. Dans ce sens les EHPI semblent être plus en adéquation sur un plan émotionnel avec des élèves du même niveau scolaire, mais plus âgés, qu’avec des élèves de même moyenne d’âge. Il est possible que l’environnement spécifique du collège, avec des règles de conduite différentes de celles de l’école primaire, module les comportements affectifs au niveau des vécus émotionnels et de leur expression. Il apparaît donc indispensable de mener par la suite des études longitudinales afin de savoir si ce que nous avons observé dans cette étude relève de facteurs environnementaux ou bien si ils sont l’expression d’une précocité sur des composantes émotionnelles. Il sera aussi intéressant, dans ce sens, d’évaluer les capacités d’adaptations des EHPI sur un plan affectif. Comme l’a très justement souligné

Subotnik au colloque sur le centenaire des échelles de Binet et Simon (Paris, 2005), certains traits psychologiques vont jouer un rôle plus ou moins important dans le haut potentiel, en fonction du niveau de développement.

Soulignons également que les EHPI constituant notre échantillon ont été identifié et pris en charge dans une structure scolaire qui reconnaît leur différence, ce qui peut avoir une influence sur le plan socio-émotionnel. Par exemple, le fait de se retrouver dans des classes avec d’autres enfants à haut potentiel, et donc de ne plus être l’exception, pourrait avoir une influence sur le développement affectif en tendant à le normaliser, ce qui expliquerait le fait que dans notre étude, les EHPI présentent un profil émotionnel assez proche de ceux d’élèves tout-venant.

6 ETUDE DES CARACTERISTIQUES CONATIVES DES

ENFANTS A HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL

6.1 Introduction

La recherche sur les dimensions de personnalité des EHPI indique des résultats contradictoires. Quand les différences ont été trouvées entre les EHPI et des enfants tout-venant de même âge, elles semblent être favorables aux EHPI, dans le sens où ceux-ci feraient état d’un bon fonctionnement psychologique. Ces derniers semblent par exemple montrer de plus faibles niveaux d’anxiété (Scholwinski et Reynolds, 1985 ; Davis et Connell, 1985). Par ailleurs, ils semblent indiquer moins de traits liés à des problèmes psychologiques. L’utilisation d’instruments appréhendant plusieurs dimensions de personnalité indique que les EHPI ont des scores plus important sur des traits favorisant le fonctionnement psychologique. Cependant, ces études comprennent des échantillons de faibles effectifs et dans la plupart des cas, elles contrastent des groupes d’EHPI homogènes avec des groupes tout-venant hétérogènes, laissant la place à l’influence de facteurs non contrôlés comme le niveau socio-économique. D’autre part, certaines recherches suggèrent une similarité des profils de personnalité d’EHPI avec ceux d’enfants plus âgés, mais ces résultats ne sont pas toujours retrouvés. Encore une fois, la constitution des échantillons n’est pas toujours rigoureuse. Il est donc nécessaire de multiplier les études portant sur la personnalité des EHPI afin de déterminer clairement les rôles des facteurs conatif dans ce phénomène.

Dans cette optique nous avons voulu explorer plusieurs aspects conatifs auprès d’EHPI en contrôlant du mieux possible les groupes contrôles. Tout d’abord nous avons voulu répondre à la question de savoir si les EHPI diffèrent au niveau de l’anxiété. Selon notre hypothèse, ces enfants seraient soumis à des pressions environnementales plus importantes de par leur statut, comme des attentes de la part de l’entourage propre. Nous attendons donc à ce que ces enfants obtiennent des scores plus élevés sur l’échelle d’anxiété manifeste que nous avons utilisé.

D’autre part, la littérature est beaucoup moins équivoque en ce qui concerne le perfectionnisme chez les EHPI. De nombreux travaux font état d’un perfectionnisme plus important chez ses enfants. Certains psychiatres opposent un perfectionnisme dit « sain » à un

perfectionnisme malsain et indiquent une prévalence accrue de ce dernier auprès des EHPI (Todorov et al.). Ce comportement correspond typiquement à une association mal adaptée entre les critères de réussite aux tâches et les capacités de l’individu. Le fait que les standards de réussites ne sont jamais complètement remplis entraîne la perte de motivation de l’individu. Dans ce sens nous pensons que le perfectionnisme peut être un facteur à prendre en compte chez les EHPI. Nous attendons à ce que les EHPI obtiennent des scores plus importants sur l’échelle de perfectionnisme que nous avons utilisé. Par ailleurs, nous attendons des corrélations positives et non négligeables entre l’anxiété et le perfectionnisme.

Enfin, dans une démarche exploratoire, nous avons utilisé une mesure de personnalité en se basant sur le modèle des « big five ». Notre idée est de déterminer si les EHPI peuvent être caractérisés par des dimensions de personnalité de ce modèle.

6.2 Méthode