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Le renvoi des étrangers auxquels l'autorité refuse l'accès au territoire suisse territoire suisse

L'OBLIGATION DE QUITTER LA SUISSE ET LES DIFFÉRENTES FORMES DE RENVOIS

5. LES FORMES DE RENVOI

5.4. Le renvoi des étrangers auxquels l'autorité refuse l'accès au territoire suisse territoire suisse

Les mesures que nous avons examinées jusqu'ici sont destinées à éloigner de Suisse des étrangers qui séjournaient sur son territoire - la notion de séjour étant toujours comprise dans son sens le plus large.

Or, la LSEE et la LAs prévoient également des mesures pour empêcher cer-tains étrangers de pénétrer sur le territoire suisse, que nous dénommons «inter-dictions d'entrée au sens large», dans l'idée de traduire le terme allemand

«F ernhal temassnahmen»232.

Les interdictions d'entrée au sens large peuvent impliquer le renvoi del' étran-ger233, voire son refoulement le cas échéant234, lorsqu'elles interviennent à l'en-contre d'étrangers qui, en tentant de se rendre en Suisse depuis l'étranger, se situent déjà sur le territoire helvétique. Il en va de même lorsque le retour dans le pays de provenance nécessite l'organisation d'un véritable voyage. C'est dans cette optique que nous allons maintenant passer en revue les divers motifs pour lesquels l'étranger peut se voir refuser l'entrée en Suisse.

5.4.1. L'interdiction d'entrée au sens strict (art. 13 al. 1 LSEE) 5.4.1.1. Les caractéristiques générales

Le prononcé d'une interdiction d'entrée au sens de l'art. 13 al. 1 LSEE n'est pas une mesure ordinairement prise quand l'étranger se présente à la frontière suisse.

Elle est plutôt prise à l'encontre d'un étranger que la Suisse a déjà connu sur son territoire, avant ou parallèlement au prononcé d'une mesure d'éloignement à son encontre, ou éventuellement alors que l'étranger séjourne hors de Suisse.

Si elle est prononcée alors que l'étranger séjourne encore en Suisse, elle n'a pas d'elle-même pour conséquence de contraindre l'étranger au départ. En effet, ni la LSEE ni le RSEE ne prévoient que l'interdiction d'entrée de l'art. 13 al. 1 LSEE entraîne la perte de l'autorisation ou du droit de séjour légal dont l'étran-ger jouit235. Ce n'est qu'au moment où l'étranl'étran-ger demande l'autorisation d'en-trer en Suisse après être sorti du pays que l'interdiction d'entrée de l'art. 13 al. 1 LSEE sort ses effets (comp. l'art. 13 al. 1 deuxième phrase LSEE).

232 Voir la première partie, ch. 3.2.1.1.

233 Voir la première partie, ch. 3.2.2.2 et ci-dessus, ch. 4.2.

234 Cf. l'art. 17 al. 1 deuxième phrase RSEE: «( ... )les organes du contrôle à la frontière refouleront, si possible à leur arrivée, les étrangers qui, pour des raisons personnelles, n'ont manifestement aucune chance d'obtenir une autorisation».

235 Cf. l'arrêt non publié du TF du 18.7.1995 (2A.285/1995), consid. l.b.

L'interdiction d'entrée peut être levée temporairement par l'autorité qui l'a ordonnée (art. 13 al. 1 in fine LSEE).

5 .4.1.2. Les conditions matérielles

L'interdiction d'entrée de l'art. 13 al. 1 LSEE peut être prononcée à l'encontre d'étrangers jugés «indésirables»236 ou, pour une durée limitée à trois ans, contre des étrangers qui ont contrevenu gravement ou à de réitérées reprises à des pres-criptions légales ou à des décisions (art. 17 al. 4 RSEE)237.

On se souviendra par ailleurs que l'expulsion administrative s'accompagne automatiquement d'une interdiction d'entrée (art. 11 al. 4 LSEE)238.

5.4.1.3. Les conditions formelles

L'interdiction d'entrée peut être ordonnée soit par l'OFE (art. 13 al. 1et15 al. 3 LSEE), soit par le Ministère public de la Confédération239. En pratique, le plus souvent, les décisions d'interdiction d'entrée sont préparées par le canton pour le compte de l'OFE.

L'OPE restant seul compétent, formellement, les règles de procédure de la PA sont dès lors applicables. Les règles de la forme écrite et de la motivation prévues à l'art. 19 al. 2 LSEE doivent donc être également respectées pour les interdictions d' entrée240

Un problème particulier de procédure se pose dans les cas où l'étranger n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance d'une interdiction d'entrée, ce qui peut se produire si la mesure a été prononcée après le départ ou la «disparition»

de l'étranger241La notification de la décision à la frontière lors d'une tentative d'entrée de l'étranger ne peut pas respecter les exigences de l'art. 34 PA. La pratique considère dès lors que l'interdiction ou la restriction d'entrée est, dans ces circonstances, une décision immédiatement exécutoire par nature à laquelle

236Voirles décisions du DFJPdu 17.8.1993, JAAC 58 no 53; du 9.7.1992, JAAC 57 no 14; du 16.6.1989, JAAC 54 no 20, spéc. pp. 125 s. et 128; du 30.5.1985, JAAC 49 no 52. J. MEYER, pp. 92 ss, donne une casuistique détaillée illustrant la notion «d'indésirabilité», et procède à une critique de la prati-que administrative au regard des impératifs de la légalité tirés du droit pénal, applicable à son avis (pp. 106 ss)-ce qui nous paraît toutefois excessif.

237 P. SULGER BÜEL, pp. 79 ss. Voir également les exemples cités par J. MEYER, pp. 96 s.

238 Ci-dessus, ch. 5 .1.1.1.

239 J. MEYER, p. 91 et les références citées.

240 Dans son approche, à laquelle nous avons fait allusion quatre notes plus haut, J. MEYER considère même que les garanties de l'art. 6 CEDH devraient être assurées.

241 Exemple de ce cas de figure: décision du CF du 14.8.1991, JAAC 56 no 33, selon lequel la notifica-tion est opérée lors d'une demande d'autorisanotifica-tion d'entrée ou, le cas échéant, sur demande du man-dataire.

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la PA n'est plus applicable, en vertu de son art. 3 let.

t2

42 . Les autorités justifient également ce mode de notification au motif que l'étranger ne subirait aucun préjudice du moment que lui reste la possibilité de recourir depuis l'étranger, le délai de recours commençant à courir depuis la prise de connaissance de la déci-sion avec sa motivation, selon le principe de la bonne foi243 .

S'il est clair que l'intérêt public à l'exécution de ces décisions l'emporte sur celui de l'étranger au respect des règles de procédure dans ce cas, il ne reste pas moins étrange du point de vue théorique qu'une même décision puisse avoir une double nature (normale ou immédiatement exécutoire par nature au sens de l'art. 3 let. f PA) suivant les circonstances. Une précision de la réglementation serait donc souhaitable à cet égard si les autorités entendent poursuivre sur la voie de l'art. 3 let. f PA.

L'interdiction d'entrée est susceptible de recours auprès du DFJP en dernière instance si elle a été prononcée par l'OFE (art. 20 LSEE)244. Si elle a été édictée par le Ministère public fédéral, le recours est ouvert auprès du Conseil

fédé-ral245.

5.4.2. La restriction d'entrée (art. 13 al. 2 LSEE)

La restriction d'entrée est une mesure similaire à l'interdiction d'entrée de l'art. 13 al. 1 LSEE, mais de moindre gravité. Elle interdit à un étranger d'entrer en Suisse pour s'y livrer à certaines activités ou en vue d'un type de séjour particulier, sauf autorisation expresse de l'OFE. Peu efficace en pratique, la restriction d'en-trée tend à être abandonnée en pratique246

5. 4. 3. L'interdiction d'entrée informelle (art. 17 al. 1 in fine RSEE) Comme on l'a vu plus haut247, l'autorité-cantonale248 ou fédérale- chargée du contrôle des frontières peut, aux conditions de l'art. 17 al. 1 in fine RSEE, refu-ser l'entrée d'un étranger en Suisse.

242 P. SULGER BOEL, p. 136.

243 Décision précitée in: JAAC 56, no 33, spéc. p. 272.

244Cf. la décision du CF du 13.11.1991, JAAC 57 no 2, spéc. p. 33: le CF peut être saisi par plainte selon l'art. 70 PA. J. MEYER, p. 91.

245u. BOLZ, p. 57; J. MEYER, p. 91; décision précitée in: JAAC 56 no 33.

246 P. SULGER BOEL, p. 81.

247 Première partie, ch. 1.1.

248 A noter encore que les renvois informels à l'aéroport de Genève-Cointrin relèvent de la compétence du détachement des gardes d'aéroport: selon l'art. 2 al. ! let. b-d du Règlement concernant le déta-chement des gardes d'aéroport (RS-GE F.1.22), les gardes assument à l'intérieur du périmètre de

Nous qualifierons cette situation d'interdiction d'entrée informelle, étant donné qu'elle est considérée, à l'instar du renvoi informel de l'art. 12 al. 1 LSEE, comme étant une affaire administrative dont la nature exige qu'elle soit immé-diatement exécutoire. Elle n'est donc pas soumise à la PA (art. 3 let. f PA) ou aux lois cantonales correspondantes. En pratique, l'interdiction d'entrée infor-melle n'est pas soumise à recours, bien que la doctrine s'oppose à cette concep-tion249. Les éléments de critique à l'égard des renvois informels selon les art. 12 al. 1 LSEE et 17 al. 1 RSEE valent en effet également ici, dans le sens de la position de la doctrine2so.

5.4.4. L'interdiction d'entrée à la frontière selon la LAs (art. 13c LAs) En droit d'asile, le rejet d'une demande d'autorisation d'entrée selon l'art. 13c LAs joue le rôle de l'interdiction informelle vue ci-dessus. Il en diffère en ce qui concerne les motifs pour lesquels il peut être prononcé, aperçus plus haut, et l'autorité compétente. En effet, seul l'ODR est habilité à interdire l'entrée à un étranger désirant entrer en Suisse pour y déposer une demande d'asile. La déci-sion de l'ODR sort bien entendu ses effets pour l'ensemble du territoire suisse.

L'interdiction d'entrée selon l'art. 13c LAs est également considérée comme une décision immédiatement exécutoire par nature, non soumise à la PA251 . La doctrine critique cette façon de voir, notamment quant à l'absence de voie de recours que la pratique croit pouvoir inférer de cette qualification252.

La demande d'autorisation d'entrée n'équivaut pas, dans ce cas, au dépôt d'une demande d'asile. L'étranger peut par la suite déposer une demande d'asile auprès d'une représentation suisse à l'étranger (art. 5 al. 1 OAs 1).

5.4.5. L'interdiction d'entrée à l'aéroport selon la LAs (art. J 3d LAs) Lorsqu'un requérant d'asile requiert une autorisation d'entrée à l'aéroport afin de déposer une demande d'asile en Suisse, l'ODR peut rejeter cette demande en appliquant l'art. 13c par analogie (art. 13d al. 1 LAs). Ce type d'interdiction d'entrée a bien entendu pour effet de contraindre l'étranger à quitter la Suisse.

l'aéroport le contrôle des documents de voyage et d'identité des passagers à l'entrée en Suisse, l'octroi de visas selon les instructions des supérieurs ou de !'Office fédéral des étrangers et le refou-lement des personnes «faisant l'objet d'une mesure d'éloignement».

249 P. SULGER BûEL, p. 82; D. îHûRER, Rechtsstellung, pp. 1364 s.; U. BOLZ, p. 58; voir aussi Handbuch, p. 244.

250 Voir ci-dessus, ch. 5.2.2.3 et 5.3.1.3.

251 Directive Asile 21.1, ch. 3.7; R. BERSIER, p. 85.

252 Handbuch, p. 244; W. KALIN, Grundriss, p. 279.

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C'est pourquoi il s'accompagne forcément d'un renvoi, soit à destination d'un Etat tiers (art. 13d al. 2-3 LAs), soit à destination de l'Etat d'origine (art. 13d al. 4 LAs).

Dès lors, bien que la structure de l'art. l 3d LAs puisse laisser comprendre, à première lecture, que le refus de l'autorisation d'entrée et le renvoi constituent deux décisions indépendantes et soumises à des conditions différentes, ces deux questions relèvent d'une même appréciation. Les décisions sur l'entrée et sur le renvoi doivent être prises simultanément et en conclusion du même examen.

Aussi l'entrée doit-elle être autorisée lorsque les conditions de l'un ou de l'autre renvoi ne sont pas remplies.

Les conditions matérielles que pose l'art. 13d al. 2 LAs divergent cependant de celles de l'art. 13d al. 4 LAs.

Selon l'art. 13d al. 2 LAs, l'ODR doit s'efforcer de renvoyer le requérant dans un Etat tiers dans lequel la poursuite du voyage du requérant est possible, licite et raisonnablement exigible. Cela implique que les conditions ordinaire-ment attachées à l'exécution du renvoi, en vertu du système des art. l 4a ss LSEE, sont exceptionnellement examinées lors de la décision sur le fond. Le renvoi suivant l'interdiction d'entrée à l'aéroport est ainsi construit sur le modèle du renvoi préventif de l'art. 19 al. 2 LAs253. Il n'empêche pas la poursuite de la procédure d'asile si le requérant la demande en s'adressant dans les dix jours à une représentation suisse à l'étranger (art. 5 al. 2 OAs 1). La demande d'asile reste donc enregistrée, au contraire de ce qui se passe en cas d'interdiction d'en-trée opposée au poste-frontière ou en cas de renvoi vers le pays d'origine. Par conséquent, le renvoi préventif à l'aéroport selon l'art. 13d al. 2 LAs est une décision incidente254.

Peuvent notamment entrer en ligne de compte comme «pays tiers» les Etats compétents pour traiter la demande d'asile en vertu d'une convention, ceux dans lesquels le requérant a séjourné quelque temps auparavant255, et ceux dans les-quels vivent de proches parents ou d'autres personnes avec lesquelles le requé-rant a d'étroites relations (art. 13d al. 2 LAs).

Si le requérant ne peut pas être renvoyé à destination d'un Etat tiers, il est renvoyé dans l'Etat de provenance, dans lequel il a allégué - en vain - être menacé (art. l 3d al. 4 LAs ). Pour diminuer les risques résiduels de mise en danger

253 Ci-dessus, ch. 5.2.5. Cf. JICRA 1993 no 30 précitée, spéc. consid. 4.b.

254Décision de la CRA du 3.5.1994, JICRA 1994 no 12, spéc. consid. l.b.

255 C'est-à-dire au moins 20 jours, par application analogique de l'art. 2 OAs 1, justifiée par la simili-tude du renvoi préventif de l'art. 13d avec celui de l'art. 19 al. 2 LAs et par des motifs de systéma-tique, avec l'art. 6 LAs: décision de la CRA du 31.8.1994, A. A., JI CRA 1995 no 3, spéc. consid. 8, précisant la JICRA 1994 no 12 précitée (spéc. consid. 3b).

A noter cependant que le projet de révision totale de la LAs entend simplifier les conditions du renvoi préventif dans un Etat tiers: voir FF 1996 I, p. 52 (ad art. 22).

du requérant, l'art. 13d al. 4 LAs prévoit que ce renvoi ne peut avoir lieu qu'avec l'aval du HCR256. Dans ce cas, la demande d'asile est expressément rejetée et la qualité de réfugié déniée257.

Enfin, contrairement au rejet de la demande d'autorisation d'entrée à la fron-tière, la décision sur la demande présentée à l'aéroport est soumise à la PA258 et séparément sujette à recours259. Dans la mesure où le renvoi ne peut être conçu comme une décision indépendante des décisions relatives au droit d'asile, il doit être attaqué avec le refus d'autorisation d'entrée auprès de la CRA et non du DFJP (art. 11 al. 2 let. b LAs)26o.

5.4. 6. L'interception lors del 'entrée illégale (art. J 3e LAs)

Selon l'art. 13e LAs, le requérant d'asile qui est intercepté à un endroit proche de la frontière alors qu'il entre illégalement en Suisse est remis aux autorités compétentes de l'Etat limitrophe, par les organes cantonaux de police261 .

Ce procédé suppose d'abord que la remise soit possible, c'est-à-dire que l'Etat limitrophe consente à reprendre l'étranger. A cet effet, la Suisse a conclu des accords de reprise avec tous les Etats voisins, sauf l'Italie262. Ensuite, la remise ne peut avoir lieu que si l'étranger ne semble pas exposé dans l'Etat limitrophe à un danger pertinent au regard de l'art. 3 LAs, ni à des traitements inhumains (art. 13e al. 2 LAs) - cas peu vraisemblable dans les circonstances actuelles, mais précaution enseignée par l'histoire.

L'étranger est informé de l'endroit où est situé le poste-frontière suisse ouvert le plus proche, afin qu'il puisse y déposer une demande d'autorisation d'entrée en bonne et due forme (art. 13e al. 1 in fine LAs ). Le dépôt ultérieur d'une de-mande d'asile n'est donc pas exclu.

Si le requérant ne peut pas être renvoyé dans l'Etat limitrophe, il est envoyé dans un centre d'enregistrement (art. 13e al. 2 LAs).

256 Handbuch, p. 249.

257 Décision de la CRA du 29.9.1993, L.-U., JICRA 1993 no 30, consid. 3.

258 FF 1990 II, pp. 537 ss, spéc. p. 589. Cela bien que l'interdiction d'entrée à l'aéroport soit exécutoire nonobstant recours, comme on le verra en troisième partie, ch. 1.1.3.

259 Cf. par analogie la JICRA 1994 no 12 précitée, spéc. consid. l .b. Consid. 1 non publié de la JICRA 1995 no 3.

260 Voir la JI CRA 1993 no 30, précitée, en particulier consid. 4.a-d, renversant la pratique antérieure.

On notera que le Handbuch, p. 248, et W. KÂLIN, Grundriss, pp. 279 s., émettaient déjà un doute sur la compétence du DFJP.

261 La directive Asile 21.1(ch.2.2.1) exige un rapport clair entre le franchissement illégal de frontière et l'interception. Cf. également R. BERSIER, p. 87.

A Genève, c'est en général l'officier de police qui décide de ce renvoi (art. 3 let. e LPol).

262 R BERSIER, p. 88; M. P. CAMPICHE, Traitement, pp. 119 ss, souligne en outre que la reprise est également pratiquée avec l'Italie (pp. 124 ss).

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L'interception n'a donc pas pour but d'éloigner définitivement l'étranger du territoire suisse, mais de l'inciter à y entrer légalement. Néanmoins, on peut la considérer comme une mesure qui se rapproche d'une interdiction d'entrée puis-qu'elle intervient à la frontière ou dans ses environs immédiats.

5.5. Excursus: l'expulsion pénale (art. 55 CPS)

Les mesures d'éloignement dont nous avons traité jusqu'ici sont toutes de na-ture administrative. Il est nécessaire de présenter encore brièvement l'expulsion pénale prévue par l'art. 55 CPS, à laquelle nous avons déjà fait allusion pour la démarquer de l'expulsion administrative263, compte tenu de son importance pra-tique et de sa proximité, sur bien des points, avec les mesures administratives.

L'on se souviendra toutefois qu'il est périodiquement question de sa suppres-sion, à l'occasion d'une révision globale du CPS à venir, en raison de la concur-rence des mesures d'éloignement administratives et des désagréments que cette situation occasionne.

5. 5.1. Les caractéristiques principales

Selon l'art. 55 al. 1 CPS, le juge pénal peut expulser du territoire suisse, pour une durée de trois à quinze ans, tout étranger condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement. En cas de récidive, l'expulsion peut être prononcée à vie.

En tant qu'elle ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'étrangers qui font l'objet d'une autre peine pour crime ou délit, l'expulsion judiciaire n'est tout d'abord qu'une peine accessoire264.

Le caractère pénal de l'expulsion de l'art. 55 CPS soulève la question de savoir quels sont ses effets sur les titres de séjour administratifs. Le CPS ne prévoit pas quel est le sort du titre de séjour dont disposait cette personne. Or, vu l'interdépendance des droits pénal et administratif, les mesures du premier ne peuvent intervenir directement sur les mesures du second, sans qu'un relais lé-gal soit institué en vue de leur «traduction».

L'art. 44 al. 2 LAs règle expressément la question pour ce qui est des réfu-giés auxquels l'asile a été accordé: l'asile prend fin par l'exécution de l'expul-sion. A cet égard, la question reçoit ainsi une réponse claire265 .

263 Ci-dessus, ch. 5.1.1.1.

264 Sur la question de savoir dans quelle mesure l'expulsion a également valeur de mesure sécuritaire, voir F. STRASSER, pp. 249 SS.

265 W. KÂLIN, Grundriss, p. 163. Tous les problèmes procéduraux ne sont néanmoins pas résolus, comme en témoigne le surprenant et critiquable ATF 118 IV 221: voir la quatrième partie, ch. 4.2.1.1.

Pour les autorisations de séjour et d'établissement, l'on pourrait à première vue trouver une règle correspondante à l'art. 9 al. 1 let. d, respectivement al. 3 let. b LSEE, à teneur desquels ces autorisations prennent fin par suite d'expul-sion. L'interprétation historique n'autorise cependant pas à certifier que la no-tion d'expulsion figurant dans ces disposino-tions vise également l'expulsion pé-nale266. Le flou- confinant à la controverse-qui règne à ce sujet dans la doctrine et la jurisprudence ne permet pas non plus de tirer une conclusion évidente267.

Néanmoins, quelle que soit l'interprétation de l'art. 9 LSEE, il est évident que les autorisations de séjour et d'établissement des étrangers expulsés pénalement finissent par disparaître - dans un délai suffisamment court pour que l'on n'ait pas à craindre le retour d'expulsés par le bénéfice douteux d'autorisations for-mellement non éteintes268. En revanche, aucune règle ne prévoit que l'expulsion pénale ait des incidences sur les droits de séjour ex lege - pour autant que la question ait à se poser, ce qu'il faudra vérifier par l'analyse du champ d'applica-tion personnel de l'art. 55 CPS269.

L'on constate ainsi que l'expulsion pénale n'entraîne pas clairement l'ex-tinction de tous les titres de séjour. Or, il est indiscuté que l'expulsion pénale inconditionnelle est exécutée quel que soit le statut de l'étranger concerné et indépendamment des procédures administratives en extinction des titres de sé-jour. Par conséquent, elle ne fonctionne pas sur le modèle des mesures d'éloi-gnement administratives, dont le dénominateur commun tient à confronter l' étran-ger au devoir général de quitter la Suisse par suppression du droit de séjour. Il y a plutôt lieu de considérer que l'expulsion fait naître une obligation de départ à caractère formateur. En d'autres termes, l'obligation de départ créée par l'expul-sion judiciaire résulte directement d'une décil'expul-sion «de fond», au contraire du

266Voir FF 1929 I, p. 933.

267 W. SCHÂPPI, p. 14, estime que l'expulsion pénale entraîne l'extinction des autorisations, sans dé-tailler son raisonnement. P. SULGER BûEL, p. 96 (et D. ÎHÜRER, Rechtsstellung, p. 1383, semble-t-il), soutient la thèse opposée, sans motivation non plus. P. KOTTUSCH, Niederlassungsbewilligung, p. 541, estime que l'expulsion pénale ne provoque pas elle-même l'extinction de l'autorisation d'établisse-ment, vu qu'il ne s'agit pas d'une mesure administrative; le permis C s'éteint simplement par l 'écou-lement du temps passé à l'étranger (art. 9 al. 3 let. c LSEE). H. P. MOSER, p. 427, considère que

267 W. SCHÂPPI, p. 14, estime que l'expulsion pénale entraîne l'extinction des autorisations, sans dé-tailler son raisonnement. P. SULGER BûEL, p. 96 (et D. ÎHÜRER, Rechtsstellung, p. 1383, semble-t-il), soutient la thèse opposée, sans motivation non plus. P. KOTTUSCH, Niederlassungsbewilligung, p. 541, estime que l'expulsion pénale ne provoque pas elle-même l'extinction de l'autorisation d'établisse-ment, vu qu'il ne s'agit pas d'une mesure administrative; le permis C s'éteint simplement par l 'écou-lement du temps passé à l'étranger (art. 9 al. 3 let. c LSEE). H. P. MOSER, p. 427, considère que