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Les mesures privant l'étranger de son autorisation

L'OBLIGATION DE QUITTER LA SUISSE ET LES DIFFÉRENTES FORMES DE RENVOIS

5. LES FORMES DE RENVOI

5.1. Les mesures privant l'étranger de son autorisation

Il convient d'examiner en premier lieu les différents cas de figure d'interven-tions de l'autorité de police des étrangers visant à contraindre l'étranger à

quit-63 Ci-dessous, ch. 5.4.3.

64 Ce qui est susceptible d'avoir des conséquences sérieuses pour les situations d'aéroport notamment:

voir la troisième partie, ch. 3.4 en général.

65 La notion de séjour étant prise ici dans un sens très large, une présence de quelques heures pouvant suffire.

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ter la Suisse en le privant préalablement du droit de séjour que lui confère son autorisation.

5.1.1. L'expulsion administrative (art. 10 LSEE) 5 .1.1.1. Les caractéristiques principales

L'expulsion administrative peut être ordonnée à l'encontre de tout étranger, se-lon le texte de l'art. 10 LSEE66. Toutefois, l'expulsion n'est en pratique jamais prononcée contre des étrangers clandestins67 et ne constitue d'ailleurs pas, dans ce cas, une mesure qui suppose une intervention sur le droit de séjour de l'ger. C'est pourquoi l'expulsion administrative est en réalité réservée aux étran-gers munis d'une autorisation de séjour ou d'établissement68 et à quelques caté-gories d'étrangers qui jouissent d'un droit de séjour légal, comme on le verra plus bas69 et comme l'illustre le fait qu'un canton peut prononcer l'expulsion d'un étranger, titulaire d'une autorisation délivrée par un autre canton, dans le seul but de l'empêcher de bénéficier sur son territoire du droit de «libre circula-tion intercantonale» au sens de l'art. 8 LSEE70

L'expulsion administrative ne doit pas être confondue avec l'expulsion judi-ciaire, peine accessoire prévue à l'art. 55 CPS que nous aborderons plus bas71

Selon la jurisprudence, l'expulsion judiciaire et l'expulsion administrative ré-pondent à des objectifs distincts: la première vise à donner à l'étranger condamné les plus grandes chances de réhabilitation sociale dans la mesure où le pays d'origine se révèle être le lieu le plus approprié à cet effet, alors que la seconde vise avant tout la défense de l'ordre public dans l'optique de la police des étran-gers 72. Ce nonobstant, la proximité des deux institutions provoque des

interro-66 D. THÜRER, Rechtsstellung, p. 1381; P. MooR/Y. HOFSTETTER, p. 51;

u.

LAMBERCY, pp. 141 s. A noter en particulier que l'expulsion administrative peut être appliquée aux réfugiés reconnus, comme l'indique l'art. 44 al. 2 LAs; elle est alors assujettie à des conditions supplémentaires de fond (art. 44 al. 1 LAs et 32 CR) et d'exécution (art. 45 LAs et 33 CR; sur la procédure, voir la quatrième partie, ch. 4.3.4.1 et 4.3.4.3 en général).

67 L'autorité pouvant parvenir au même résultat en renvoyant l'étranger sur la base de l'art. 12 al. 1 LSEE (ci-dessous, ch. 5.3.1 en général) et en lui signifiant au surplus une interdiction d'entrée au sens de l'art. 13 LSEE.

68 Par ailleurs, en définitive, l'expulsion est essentiellement utilisée à l'encontre d'étrangers établis-voir E. HOFMANN, Entfernungsmassnahmen, p. 288; D. ÎHÜRER, Rechtsstellung, p. 1385.

69 Ci-dessous, ch. 5.2.1 en général.

70 Sur la libre circulation intercantonale au sens des art. 8 LSEE et 14 RSEE, voir la première partie, ch. 2.2.1.

71 Voir ci-dessous, ch. 5 .5 en général.

72 ATF 114 lb 1, consid. 3.a; décision du DFJP du 16.6.1989, JAAC 1990, no 20, spéc. pp. 126 s.

gations récurrentes 73, qu'il ne se justifie pas d'étudier ici, et qui pourraient être résolues à moyen terme par la suppression de l'institution de l'expulsion judi-ciaire dans le cadre d'une révision du CPS.

De plus, il faut distinguer l'expulsion administrative de l'expulsion politi-que, qui ressortit au Conseil fédéral seul (art. 70 Cst.), et que nous n'examine-rons pas vu son caractère exceptionnel74, et de l'extradition selon la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale75.

L'expulsion administrative entraîne la caducité de l'autorisation dont l'étranger visé est titulaire, s'il en possède une (art. 9 al. 1 let. d et al. 3 let. b LSEE) et à moins qu'il ne s'agisse que d'une expulsion limitée au territoire d'un canton qui n'est pas le canton dans lequel l'étranger dispose d'une autorisation (art. 16 al. 5 RSEE)76Si l'on admet, comme démontré plus haut, que l'expulsion peut être dirigée contre les étrangers qui ne bénéficient que d'un droit de séjour légal, on doit considérer de même que l'expulsion éteint ce droit conféré de par la loi.

L'expulsion contraint en principe l'étranger à quitter la Suisse entière. Toute-fois, l'art. 10 al. 1 et 3 LSEE ainsi que l'art. 16 al. 5 RSEE disposent que l'ex-pulsion peut être exceptionnellement limitée au territoire d'un canton, si l'étran-ger possède ou obtient une autorisation dans un autre canton. Ainsi, premièrement, lorsque l'expulsion est ordonnée par le canton qui a délivré l'autorisation à l' étran-ger, mais qu'un autre canton «se déclare d'accord de lui en délivrer une»77 , l'ex-pulsion entraîne certes la caducité de l'autorisation en cours, mais n'empêche pas le canton tiers d'en délivrer une nouvelle. Deuxièmement, lorsque l'expul-sion est prononcée par un canton autre que celui qui a délivré l'autorisation 78,

elle n'a pas pour effet d'entraîner la caducité de l'autorisation dans la mesure où le canton qui l'avait délivrée se déclare d'accord de laisser l'étranger en bénéfi-cier (art. 16 al. 5 RSEE).

La possibilité de limitation de la portée territoriale des expulsions n'est donc pas un obstacle à la reconnaissance d'une obligation générale de quitter la Suisse;

elle constitue simplement un aménagement lié au système fédéraliste, destiné à

73 Voir F. STRASSER, pp. 259 ss; S. STROPPEL, pp. 125 ss; dans leur ensemble: E. HOFMANN, Landesverweisung; H. F. PFENNINGER; P. M. ÎRAUTVETTER; A. ZûND, Landesverweisung, et Dualismus.

74 Pourune analyse détaillée de cette mesure, illustrée d'exemples concrets, voir S. STROPPEL, pp. 64 ss.

75 RS 351.1. Sur l'extradition en général, voir notamment J. GAUTHIER, pp. 71 ss, et, dans leur ensem-ble: C. MARKEES; D. ÎHÜRER, Judicial Control; et D. PONCETIP. NEYROUD.

76 H. P. MOSER, p. 433, défendait une opinion divergente: en considérant que l'expulsion entraîne la caducité de l'autorisation par non-usage prolongé, il présentait l'expulsion comme un ordre de dé-part, applicable nonobstant l'existence d'un titre de séjour.

77 Cas guère concevable selon P. MooRIY. HOFSTETTER, p. 51, à tel point que cette hypothèse devait être abrogée dans le projet de révision de LSEE de 1982. Sur la compétence de prononcer les expul-sions, voir ci-dessous, ch. 5.1.1.3.

78 P. ex. ATF 101 lb 225.

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garantir qu'aucun canton ne puisse empêcher un autre canton d'accueillir un étranger auquel il désirerait octroyer une autorisation 79.

Enfin, l'expulsion comprend automatiquement une interdiction d'entrée, qui peut toutefois être levée temporairement ou définitivement par l'autorité qui l'a prononcée, sur demande de l'étranger (art. 11 al. 4 LSEE), et, le cas échéant, sous réserve de l'approbation du DFJP (art. 15 al. 4 LSEE)80. C'est pourquoi l'expulsion est prononcée pour une durée déterminée ou indéterminée, en tout cas pas inférieure à deux ans (art. 11 al. 1 LSEE).

Ainsi, en admettant le principe d'une obligation immédiatement exécutoire de quitter la Suisse, l'expulsion n'est qu'une forme particulière d'extinction des autorisations de séjour ou d'établissement, ou du droit de séjour légal. Elle n'a pas à être considérée comme une décision fondant le devoir de partir, rempla-çant l'obligation générale de quitter la Suisse81 . Ensuite, les interventions sup-plémentaires de l'autorité, telles que la fixation d'un délai de départ, relèvent de la procédure d'exécution forcée (art. 16 al. 7 et 8 RSEE). Il s'agit donc de mesu-res qui font l'objet d'une commination, puis mènent à l'exécution matérielle proprement dite.

5.1.1.2. Les conditions matérielles du prononcé de l'expulsion

Les conditions du prononcé de l'expulsion administrative sont définies à l'art. 10 al. 1 LSEE et précisées à l'art. 16 al. 2 à 4 RSEE. Dès que l'une de ces condi-tions est remplie, l'autorité dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour prononcer ou non l'expulsion82 . Quatre cas - exhaustifs83 - sont prévus:

79 Sous réserve de l'approbation fédérale le cas échéant (art. 18 al. 3 LSEE), qui rend ce cas encore moins probable en pratique.

80 Une telle levée est en général admise pour des motifs humanitaires ou d'intérêt étatique (cf. D. THÜRER, Rechtsstellung, p. 1382). La levée n'emporte pas le rétablissement de la situation antérieure à l'ex-pulsion (art. 11 al. 4 in fine LSEE), et ne confère donc que le droit de séjour qui découle de l'autori-sation d'entrée délivrée simultanément à la suspension de l'expulsion (E. HOFMANN, Entfemungsmassnahmen, p. 289).

81 P. MooRIY. HOFSTETTER, p. 52, et U. LAMBERCY, p. 142, aboutissent à la même idée quant aux effets de la décision d'expulsion, lorsqu'ils estiment que celle-ci «s'accompagne d'elle-même d'un renvoi»: pour ces auteurs, l'expulsion ne constitue en elle-même que la cause de la caducité de l'autorisation ou du droit de séjour légal, assortie d'une interdiction d'entrée.

82 D. THÜRER, Rechtsstellung, pp. 1382 s.; T. PFANNER, p. 205, mentionnant le devoir de coordination par rapport à l'attitude du juge pénal, préconisé par les ATF 114 lb 1 (consid. 3.a) et 105 lb 165 ( consid. 5). Sur la relation avec les mesures pénales, voir les auteurs cités plus haut au sujet des interrogations suscitées par l'expulsion pénale, et en particulier A. ZüND, Landesverweisung, pp. 372 SS.

83 W. SCHÂPPI, p. 13.

lorsque l'étranger a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit (art. l 0 al. 1 let. a LSEE)84;

lorsque la conduite de l'étranger, dans son ensemble, et ses actes permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre public suisse, ou qu'il n'en est pas capable (art. 10 al. 1 let. b LSEE). Il en va ainsi notamment si l'étran-ger «contrevient gravement ou à de réitérées fois à des dispositions légales ou à des décisions de l'autorité, s'il attente gravement aux moeurs, si, par mauvaise volonté ou par inconduite et de façon continue, il ne satisfait pas à des obligations de droit public ou privé», et enfin «s'il vit dans l'inconduite ou dans la fainéantise» (art. 16 al. 2 RSEE)85 .

lorsque, par suite de maladie mentale, l'étranger compromet l'ordre public (art. 10 al. 1 let. c LSEE);

enfin, lorsque lui-même ou une personne aux besoins de laquelle il est tenu de pourvoir tombe d'une manière continue et dans une large mesure à la charge de l'assistance publique (art. 10 al. 1 let. d LSEE)86.

Une fois établie la présence d'un de ces motifs, l'autorité doit effectuer une pesée des intérêts en présence (art. 11 al. 3 LSEE)87. Elle tiendra compte de la gravité de la faute commise par l'étranger88, de la durée de son séjour en Suisse, et du préjudice qu'il aurait à subir du fait de l'expulsion (art. 16 al. 3 ab initio RSEE)89190, notamment en raison de la séparation entre l'étranger visé et d'autres

84 Voir p. ex. les ATF 114 lb I; 105 lb 165; 101lb225;jugement du Tribunal administratif de Neuchâ-tel du 30.6.1993, RDAF 1993, pp. 448 ss. Par analogie: ATF 116 lb II3 (consid. 4).

85 ATF 98 lb 1 (consid. 2); 96 l 266 (consid. 4; soulignant que l'état d'esprit de l'étranger est à lui seul insuffisant).

86 Les clauses des let. cet d ne sont plus que très rarement utilisées en pratique (T. PFANNER, p. 205), à tel point que la révision totale de la LSEE de 1982 aurait dû largement les supprimer (P. SULGER BOEL, p. 87). A noter enfin que cette clause est déclarée inapplicable à l'encontre de certains étran-gers qui bénéficiaient, en vertu d'un arrêté du Conseil fédéral aujourd'hui abrogé par l'art. 16 al. 4 RSEE, d'un statut spécial.

La jurisprudence récente offre tout de même quelques exemples d'application de l'art. IO al. ! let. d LSEE: ATF ll9 lb 1 (consid. 3 pour l'appréciation de la notion de dénuement impliquant de tomber de manière continue et dans une large mesure à la charge de l'assistance publique); 119 lb 81 (notamment consid. 2.de pour une application par analogierefusée dans le cas d'espèce par le TF -du motif d'expulsion pour dénuement en tant que limite au droit au regroupement familial selon l'art. 17 al. 2 LSEE).

87 Voir notamment P. SULGER BOEL, pp. 86 s.; ATF 105 lb 165, consid. 5.

88 Bien que la faute ne soit pas une condition d'application de l'art. 10 LSEE (voir notamment la let. c de l'alinéa 1 ! ); P. SULGER BÜEL, p. 86; H. P. MOSER, p. 436.

89 Mais de manière plus sévère que ce que le juge pénal retiendra dans le cadre d'une expulsion selon l'art. 55 CPS: voir p. ex. le jugement du Tribunal administratif de Neuchâtel du 30.6.1993, RDAF 1993, pp. 448 ss, en particulier le consid. 2.c-d, et les références citées.

90 L'on notera en outre que c'est à ce niveau que doit être pris en considération, à notre sens, le principe de l'interdiction des mesures d'éloignement qui ont pour but ou pour effet de contourner une

inter-L'OBLIGATION DE QUITTER LA SUISSE ET LES DIFFÉRENTES FORMES DE RENVOI

proches dont les relations ne sont pas protégées par l'art. 8 CEDH91 . Si l 'expul-sion se révèle disproportionnée, une simple menace d'expul'expul-sion peut être pro-noncée92, conformément aux principes généraux régissant les sanctions admi-nistratives (art. 16 al. 3 RSEE)93.

L'autorité doit être particulièrement prudente lorsqu'elle veut expulser un étranger pour l'un des motifs énoncés à l'art. 10 al. 1 let.cet d LSEE, puisque, à teneur de l'art. 10 al. 2 LSEE, l'expulsion ne peut être prononcée dans ces cas que si le retour est «possible et peut être raisonnablement exigé».

L'interprétation de la notion de «retour possible et qui peut être raisonnable-ment exigé» n'est cependant pas aisée. La question se pose notamraisonnable-ment de savoir si l'art. 10 al. 2 LSEE, dans la mesure où il prend en compte les conséquences du retour de l'étranger expulsé dans son pays d'origine, fait référence aux mê-mes éléments que l'art. 14a LSEE (interdiction de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion dans la mesure où le retour de l'étranger se révèle impossible, illi-cite ou ne peut être raisonnablement exigé)94. En outre, si l'on répond par l'affir-mative à cette première question, il reste à déterminer si l'art. 10 al. 2 LSEE, pour ne pas faire double emploi avec l'art. 14a LSEE, n'en exclut pas l'applica-tion aux expulsions administratives. Nous aborderons ces problèmes en regard du champ d'application du régime des art. 14a ss LSEE95 .

5 .1.1.3. Les conditions formelles: autorité compétente, procédure et recours L'expulsion administrative est prononcée par l'autorité cantonale qui a réglé les conditions de résidence de l'étranger visé ou par un canton tiers si les faits mo-tivant l'expulsion se sont produits sur son territoire (art. 16 al. 1 RSEE)96197.

L'art. 16 al. 1 in fine RSEE exclut les conflits positifs de compétences en dispo-sant que le canton qui était compétent lors de l'ouverture de la procédure le demeure jusqu'à la fin98. A noter que le DFJP peut avoir à donner son

assenti-diction d'extradition (cf. P. SULGER BûEL, pp. 184 ss; W. SCHÂPPI, p. 15). Il en va de même pour toutes les autres mesures d'éloignement. Ce principe ne peut pas être pris en compte dans le cadre de l'art. 14a LSEE (voir la quatrième partie, ch. 3.2).

91 ATF 119 lb 1 (consid. 5.d); sur l'art. 8 CEDH, voir la quatrième partie, ch. 3.2.4 en général.

92 D. THÜRER, Rechtsstellung, p. 1382. L' ATF 96 l 266 ( consid. 7) précise qu'un avertissement préala-ble n'est alors plus requis.

93 B. KNAPP, Précis, nos 1675 ss.

94 Sur les motifs d'inexécution de l'art. 14a LSEE, voir la quatrième partie, ch. 3 en général.

95 Quatrième partie, ch. 2.3.2.

96 P. MOOR/Y. HOFSTETTER, p. 51; ATF 101lb225 (consid. 4.b).

97 A Genève, le DJPT est l'autorité cantonale de police des étrangers (art. 1 LaLSEE). Même si la plupart des tâches sont toutefois déléguées à l'OCP (art. 2 al. 2 LaLSEE et art. 1 et 2 RaLSEE), la compétence de statuer sur les expulsions reste au DJPT (art. 2 al. 1 LaLSEE).

98 Voir également E. HOFMANN, Entfemungsmassnahmen, p. 288 et note 25.

ment pour la suspension ou la levée des décisions d'expulsion portant sur l'en-semble du territoire suisse (art. 15 al. 4 in fine LSEE).

Vu l'importance des conséquences de l'expulsion sur l'étranger, il est néces-saire que son prononcé soit assorti de garanties de procédure importantes.

De telles garanties ressortent d'une part du droit international, comme nous l'avons vu99, et d'autre part du droit interne.

L'expulsion administrative prévue à l'art. 10 LSEE correspond manifeste-ment à la notion d'expulsion du Protocole 7 CEDH et du PIDCP. Dans la mesure où l'étranger visé est titulaire d'une autorisation de séjour (art. 5 LSEE) ou d'éta-blissement (art. 6 LSEE), les garanties respectives des deux textes sont applica-bles, au moment où l'autorité prononce une expulsion à son encontre.

L'art. 19 al. 2 LSEE dispose que les expulsions, notamment, doivent être motivées - de manière détaillée (art. 20 al. 1 RSEE) -, notifiées par écrit et avec l'indication de la voie et du délai de recours, et enfin que le recourant ou son représentant a le droit de consulter le dossier à moins que l'ordre ou la sécurité publics ne s'y opposent.

Au surplus, les dispositions des lois de procédure cantonales s'appliquent selon leur propre champ d'application, ainsi que, à défaut ou afin d'interpréta-tion, les principes minimaux de procédure dégagés par la jurisprudence du TF et de rang constitutionnel100La seule exception possible tient aux cas d'urgence101

Sont ainsi garantis le droit d'être entendu, le droit d'accès au dossier, le droit à la représentation et, le cas échéant, à l'assistance judiciaire, le droit à la motivation de la décision, le droit à la composition correcte de l'autorité et le principe qu'une notification imparfaite ne peut entraîner aucun dommage pour le particulier.

Il en découle que les droits d'être entendu et d'être représenté conférés par les instruments internationaux examinés ci-dessus sont pleinement garantis par le droit suisse pour ce qui concerne l'expulsion administrative102.

En outre, le droit interne garantit des voies de droit aux expulsés. En effet, tout d'abord, dans la mesure où l'autorité compétente pour prononcer l'expul-sion n'est pas l'autorité administrative suprême du canton en matière de police des étrangers, le droit cantonal doit réserver une première voie de recours (art. 19 al. 1 en relation avec l'art. 15 al. 1 LSEE)103Ensuite, après épuisement des

ins-99 Voir la première partie, ch. 3.2.1.2.2 en général.

!OO Pour un aperçu des ces principes, voir p. ex. B. KNAPP, Précis, nos 619 ss.

lOI Voir les dispositions cantonales correspondant à l'art. 3 let. f PA-dans la mesure où le permettent les clauses d'exception du Protocole 7 CEDH et du PIDCP, ainsi que les principes constitutionnels minimaux de procédure.

102 Dans le même sens, FF 1986 Il, p. 615; A. HAEFLIGER, EMRK, p. 285.

103 A noter toutefois que depuis février 1997, en vertu de l'art. 98a OJF (combiné avec le ch. 1 des dispositions finales de la modification de l'OJF du 4.10.1991 et l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance du 15.1.1992 sur la mise en vigueur partielle de la modification de la loi fédérale

d'organisationjudi-L'OBLIGATION DE QUITTER LA SUISSE ET LES DIFFÉRENTES FORMES DE RENVOI

tances cantonales, le cas échéant, le recours de droit administratif au TF est ouvert104. Ces mêmes voies sont ouvertes pour la contestation de la commination instituant la procédure d'exécution forcée de l'expulsion, du moins dans la me-sure où la commination tranche des questions juridiques nouvelles qui n'ont pas à être examinées dans le cadre de la décision sur le fond 105.

En conséquence, comme l'expulsion est prononcée par une autorité adminis-trative spécialisée, qu'elle est susceptible de recours auprès de plusieurs instan-ces, en général, et qu'au surplus le recours a en principe effet suspensifI06, les garanties du Protocole 7 CEDH et du PIDCP sont objectivement respectées par l'ordre juridique suisse.

Deux réserves s'imposent cependant. D'une part, se pose la question de sa-voir si le droit au recours effectif découlant des art. 13 CEDH et 2 § 3 PIDCP est respecté dans la mesure où le recours n'a, exceptionnellement, pas effet suspen-sif. La réponse à cette question requerra d'analyser les règles relatives au délai de départ; renvoi y soit donc fait107. D'autre part, il reste à voir si les autorités de police des étrangers compétentes en matière d'expulsion sont habilitées à appli-quer les art. 14a ss LSEE, et si elles peuvent véritablement, sous cet angle, exa-miner sérieusement, en tant que «raisons qui militent contre l'expulsion» (art. 1 al. 1 let. a et b Protocole 7 CEDH), les éléments relatifs à la situation prévalant dans le pays de destination et qui sont susceptibles de constituer des motifs d'inexécution au sens de l'art. 14a LSEE1os.

5.1.2. Le rapatriement (art. 11 al. 3 in fine LSEE) 5.1.2.1. Les caractéristiques générales

Le rapatriement («Heimschaffung») constitue une forme adoucie de l'expulsion, puisqu'il peut être ordonné lorsqu'il convient d'éviter à l'étranger les «rigueurs

ciaire - RS 173.110.0), les cantons devront instituer une autorité judiciaire compétente pour toutes les affaires d'application de droit public fédéral susceptibles directement d'un recours de droit admi-nistratif au TF. En conséquence, les cantons devront prévoir que les décisions d'expulsion adminis-tratives soient attaquables auprès d'un tribunal administratif ou d'une commission de recours spé-cialisée, p. ex. l'art. 98a OJF rendra donc sans objet l'art. 19 al. 1 LSEE.

A Genève, l'expulsion peut être attaquée auprès du Conseil d'Etat (art. 3 LaLSEE).

A Genève, l'expulsion peut être attaquée auprès du Conseil d'Etat (art. 3 LaLSEE).