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LES AUTORITÉS CHARGÉES DE L'EXÉCUTION FORCÉE FORCÉE

L'EXÉCUTION FORCÉE DE L'OBLIGATION DE QUITTER LA SUISSE

2. LES AUTORITÉS CHARGÉES DE L'EXÉCUTION FORCÉE FORCÉE

Nous avons cerné les conditions auxquelles l'autorité peut contraindre par la force un étranger à quitter la Suisse, en partant de l'hypothèse qu'aucun motif d'inexécution ne s'y oppose. Par ailleurs, nous avons montré qu'il appartient à

76 Conditions ou tennes dits suspensifs, mais qui affectent bien l'exigibilité et ne se rapportent pas au caractère exécutoire du titre fondant ce devoir: voir B. KNAPP, Précis, no 1104.

Sur l'exigibilité en droit (civil) des obligations, voir en particulier l'art. 75 CO.

77 Voir ci-dessous, ch. 3.5.2.

78 Voir la première partie, ch. 2.2.1 et 2.2.2.

79 Voir ci-dessous, ch. 3.3 en général, de même que les ch. 3.2.2 et 3.2.3.

80 Voir ci-dessous, ch. 3.5.2.

l'autorité qui a pris la mesure de fond, le cas échéant, d'en ordonner l'exécu-tion81.

Il convient maintenant de présenter les autorités chargées de l'exécution for-cée.

Le processus d'exécution (mesures préparatoires et refoulement proprement dit) est assuré par une autorité principale, que nous qualifions d'organe d' exécu-tion. Comme le droit fédéral ne prévoit pas que cette autorité soit elle-même compétente pour l'application des mesures de contrainte auxiliaires des art. 13a ss LSEE, les cantons peuvent instaurer des autorités spéciales pour ces dernières mesures. C'est pourquoi nous examinerons la question de la compétence d'ap-plication des art. 13 ss LSEE au cours de l'analyse des détentions préparatoires et en vue du refoulement82. Les lignes qui suivent ne se rapportent ainsi qu'à l'organe d'exécution des renvois et aux problèmes propres à sa fonction d'exé-cution générale.

2.1. Le principe

Par principe, les autorités fédérales ne peuvent exécuter elles-mêmes leurs déci-sions que si une base légale leur en donne la compétence83 . Toutefois, de telles dispositions ne sont que rarement prévues par le constituant ou le législateur fédéral.

En droit ordinaire des étrangers, selon l'art. 14 al. 1 LSEE, c'est l'autorité cantonale qui est chargée de l'exécution proprement dite, que l'ordre de renvoi émane d'une autorité cantonale ou fédérale84. En droit d'asile, ce sont égale-ment les cantons qui procèdent à l'exécution matérielle (art. 18 al. 2 LAs); ils peuvent cependant compter sur l'aide de l'ODR dans les termes prévus à l'art. 18c LAs.

En effet, la Confédération ne dispose pas des organes nécessaires à l'inter-vention matérielle constituant le refoulement, mis à part les gardes-frontière

fé-81 Voir la deuxième partie, ch. 6 ab initio.

82 Voir ci-dessous, ch. 3.3.5.1 et 3.3.6.1.1.

83 u. HÂFELINIW. HALLER, p. 117; p. SALADIN, art. 3, no 96; comp. J.-F. AUBERT, vol. 1, p. 278.

84 A Genève, la police est l'organe compétent pour exécuter les mesures préparatoires ainsi que la contrainte directe elle-même (art. 3 al. 1 let. e LPol). Elle agit, sauf pour les renvois informels, sur ordre de l'OCP (cf. art. 6 al. 2 LaLSEE), auquel elle est directement subordonnée.

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déraux pour les refoulements à la frontière85 . Elle doit alors recourir aux servi-ces des cantons, en comptant sur leur devoir d'entraide (art. 43 PA)86.

Les cantons jouent alors un rôle que nous qualifierons ici d' «Organe d'exécu-tion» de la Confédération. Par ce terme, nous ne viserons donc pas spécifique-ment l'organe qui est chargé d'intervenir par la force à l'encontre de l'étranger récalcitrant, et parfois de mener à bien certaines démarches préparatoires, dont le rôle est en règle générale joué par les forces de police cantonales87.

L'exécution des décisions purement cantonales (y compris des renvois assor-tis d'une extension fédérale au sens de l'art. 17 al. 2 RSEE) ne pose pas de problèmes particuliers: d'expérience et fort logiquement, ce n'est en effet que dans les domaines dans lesquels le canton n'a pas prise sur l'adoption des déci-sions de renvoi qu'il est susceptible de s'opposer à l'exécution de sa tâche88. C'est pourquoi nous limiterons notre analyse au cas où le canton intervient comme organe d'exécution des autorités fédérales.

Nous nous pencherons ainsi, d'une part, sur les renvois prononcés en appli-cation de la LAs et, d'autre part, sur les renvois du droit ordinaire des étrangers dont le prononcé ressortit à la seule compétence de l'autorité fédérale (par exemple renvoi suite à un refus d'approbation à une proposition cantonale d'octroi d'auto-risation, renvoi suite au retrait de l'autod'auto-risation, ou encore expulsion politique au sens de l'art. 70 Cst.).

Enfin, il ne nous paraît pas nécessaire d'analyser les relations entre l'autorité cantonale que nous qualifions d'organe d'exécution et les agents ou les forces de police eux-mêmes, vu qu'il s'agit de questions d'organisation interne qui n'influent pas sur le statut de l'étranger refoulé.

85 Sur les gardes-frontière fédéraux, voir la première partie, ch. 1.1. En revanche, !'on se souviendra que les frontières «intérieures» (aéroports, gares) sont contrôlées par les cantons. Ainsi, à Genève-Cointrin, l'exécution des interdictions d'entrée et des renvois y relatifs est du ressort du détachement des gardes d'aéroport: selon l'art. 2 al. 1 let. b-d du Règlement concernant le détachement des gardes d'aéroport (RS-GE F.1.22), les gardes assument à l'intérieur du périmètre de l'aéroport le contrôle des documents de voyage et d'identité des passagers à l'entrée en Suisse, l'octroi de visas selon les instructions des supérieurs ou de !'office fédéral des étrangers et le refoulement des personnes «fai-sant l'objet d'une mesure d'éloignement».

86 B. KNAPP, Précis, nos 209 ss, surtout 213. Voir également B. KNAPP, Le fédéralisme, pp. 391 s.

87 Etant entendu que les autorités fédérales ne disposent pas de la compétence d'ordonner directement aux organes de police cantonaux d'intervenir, en l'absence de base légale (comp. l'art. 18c al. 2 LAs).

88 L'on notera sur ce point que les autorités fédérales soulignent parfois l'indépendance des cantons dans la gestion des renvois de leur propre compétence, en spécifiant, à propos de l'art. 14 al. 1 LSEE notamment, que le principe de l'obligation d'exécuter n'est pas applicable (voir p. ex. FF 1994 I, pp. 326 s.). A notre sens, ce genre de déclaration n'a de sens qu'en opposition avec la situation du canton comme organe d'exécution des décisions fédérales, que nous allons analyser. Selon le prin-cipe de la légalité, en effet, les cantons sont bien tenus d'exécuter les décisions qu'ils ont prises (voir ci-dessus, ch. 1 ).

2.2. La position du canton comme organe d'exécution des décisions fédérales

La discussion qui suit se rapporte à des problèmes qui, en pratique, concernent avant tout l'exécution des renvois ordonnés par l'ODR, bien que le canton ait, dans les grandes lignes, le même statut dans l'exécution des renvois fondés sur la LSEE que dans le cas des renvois clôturant une procédure d'asile. L'on ne perdra toutefois pas de vue que les mêmes problèmes peuvent se poser en droit commun des étrangers: l'on pensera par exemple à la question de la durée maxi-male de report de l'exécution par le canton pour des motifs pratiques, et à l' éven-tualité que se présentent des motifs d'inexécution postérieurement à l'entrée en force de la décision de renvoi. C'est pourquoi nous envisagerons tout de même séparément les questions relatives au statut du canton dans l'exécution des déci-sions de renvoi fondées sur la LSEE prises par les autorités fédérales dans les cas mentionnés ci-dessus (refus d'approbation à une proposition cantonale d'oc-troi d'autorisation, suite au retrait de l'autorisation, expulsion politique au sens de l'art. 70 Cst., etc.).

Enfin, l'on notera d'emblée que la question de la position du canton comme organe d'exécution des décisions d'autorités fédérales n'a pas été traitée de fa-çon approfondie en droit administratif général89.

2.2.1. L'obligation d'exécuter

Par principe, l'autorité qui prend une décision est tenue, en vertu du principe de la légalité, d'en assurer l'exécution90. L'obligation d'exécution s'impose donc également à l'organe d'exécution sur la même base, indépendamment du devoir d'assistance du canton aux autorités fédérales prévu en termes généraux à l'art. 43 PA.

2.2.1.1. En droit d'asile

En droit d'asile, l'art. 18 al. 2 LAs rappelle expressément l'obligation d'exécu-tion du canton91. Point n'est donc besoin de construire une obligation d'exécu-tion sur la base de l'art. 14 al. 1 LSEE.

L'obligation d'exécuter à charge du canton n'est toutefois, pour ainsi dire, qu'un devoir «d'ordre», comme l'ont montré les débats parlementaire relatifs à

89 Comme l'a déjà souligné A. WoLFFERS, Verfahrensrecht, pp. 201et202 s.

90 Comme nous l'avons vu plus haut, ch. 1.

91 FF 1990 II, p. 606; W. KÂLIN, Verhiiltnis, p. 30; A. WOLFFERS, Verfahrensrecht, p. 205.

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l'adoption de l 'APA, en 1990. En effet, à cette occasion, certains parlementaires avaient proposé que les renvois non exécutés par le canton lui soient imputés sur les contingents annuels d'autorisations de séjour ordinaires92 . Cette proposition ne délimitait d'ailleurs pas les situations d'exécution des cas d'inexécution; elle aurait sans doute donné lieu à des controverses sérieuses en pratique entre les cantons et l'autorité chargée de retrancher les unités des contingents concernés (soit manifestement l'OFE).

Cette proposition, de même qu'une variante avancée par un autre conseiller national93, ont été rejetées. Les arguments du Conseil fédéral, fondés sur le fait que l'application de ces sanctions ne pourrait être assurée effectivement et dans le respect du principe de l'égalité de traitement vu que les services de la Confé-dération n'ont pas les informations nécessaires pour savoir s'il y a inexécution imputable au canton ou non, d'une part, et, d'autre part, sur l'incompatibilité de telles sanctions avec le système général des contingents comme instrument de politique du marché du travail, ont convaincu la majorité du Conseil national94 .

L'idée «fédéraliste» de la préservation d'une marge de manoeuvre aux autorités cantonales hors du pouvoir d'intervention des autorités fédérales, même en pleine illégalité, a dû également jouer un certain rôle95.

On ne peut donc que constater, en droit positif, l'absence de sanction juridi-que directe en cas d'inexécution. La conséjuridi-quence la plus évidente pour le can-ton tient au fait que les frais d'assistance engagés pour les requérants renvoyés au-delà du délai de départ ne sont plus remboursés par la Confédération (art. 20b al. 1 in fine LAs).

Toutefois, il convient de souligner que l'absence de sanction formelle ne doit pas être interprétée comme une incitation à l'inexécution, soit à l'illégalité; elle permet simplement de comprendre pourquoi peuvent être aujourd'hui pratiqués des «moratoires» dans l'exécution de certains renvois sans que les autorités fé-dérales puissent intervenir efficacement96.

92 Proposition des conseillers nationaux Pidoux, Blatter, Bühler, Eppenberger, Mühlemann, Müller-Wiliberg, Nabholz, Seiler et Wanner, BOCN 1990, pp. 840 ss: «Si un canton n'exécute pas une (décision) de renvoi alors qu'aucun motifne s'y oppose, une unité est imputée au contingent canto-nal de main-d'oeuvre étrangère» (art. 18 al. 4 LAs).

93 Proposition Ruf: idem, et en outre «la Confédération ne remboursera pas non plus au canton les frais d'assistance engagés pour le requérant non renvoyé» (y compris les frais d'assistance consentis pour la période antérieure à l'échéance du délai de départ) (BOCN 1990, pp. 840 et 844-5).

94 Explications du Conseiller fédéral A. Koller, BOCN 1990, pp. 844 s.

95 Même par la négative, dans la mesure où tous les parlementaires se défendaient bien de représenter un canton qui n'exécuterait pas les décisions fédérales (voir notamment les interventions Eggly et Ducret, BOCN pp. 843 s.)!

96 Pour le canton de Genève, voir la motion M 903 du 18.2.1994 concernant les ressortissants du Kosovo, Mémorial 1994, pp. 412 ss.

2.2.1.2. En droit ordinaire des étrangers

L'on notera simplement que la formule potestative de l'art. 14 al. 1 LAs ne délie pas le canton de l'obligation d'exécuter; cela vaut en particulier pour les renvois ordonnés par une autorité fédérale97.

2.2.2. L'incompétence pour vérifier le bien-fondé de la décision à exécuter

2.2.2.1. En droit d'asile

Tant selon la doctrine et la jurisprudence, le devoir d'exécuter implique que l'organe d'exécution n'a en principe pas la compétence de vérifier la validité de la décision à exécuter98 - sauf base légale expresse en sens contraire, bien en-tendu - de façon à pouvoir la remettre en cause par quelque moyen que ce soit, et ainsi refuser de l'exécuter.

A notre sens, il faut voir là une conséquence du principe de l'autorité de chose décidée ou jugée dont sont dotées les décisions en force de l'ODR et de la

97 Voir D. THÜRER, Rechtsstellung, p. 1386, qui précise au surplus que la formulation potestative de l'art. 14 al. 1 LSEE fait référence à l'alternative qui s'offrirait au canton entre l'exécution et le prononcé de mesures de substitution-en quoi il est suivi par A. WOLFFERS, Verfahrensrecht, p. 207.

Cette précision nous paraît toutefois imprécise, dans la mesure où l'alternative entre exécution et mesures de substitution ne se présente pas au stade de l'exécution proprement dite, mais à celui du prononcé de l'ordre d'exécution, comme nous l'avons déjà relevé (voir également la quatrième par-tie, ch. 1.1 ).

98 H. GEISER, p. 93; W. KALIN, Grundriss, p. 193, et Verhiiltnis, p. 30; U. BOLZ, pp. 64 s.; FF 1990 II, p. 606.

Pour une confirmation dans le domaine de l'asile, voir l'ATF du 21.3.1991, S. T., non publié, et la décision du Conseil d'Etat vaudois qu'il confirme, publiée in: RDAF 1991, pp. 232 ss. Dans le même sens, voir les décisions de l'Obergerichtskommission d'Obwald, ZBl 95 (1994), pp. 517 ss, consid. 2, et ZBl 92 (1991), pp. 353 ss, consid. 3.

L'on pourrait toutefois se demander avec A. WOLFFERS, Verfahrensrecht, pp. 208 s., si le principe de la fidélité confédérale lui-même ne requerrait pas même des cantons qu'ils opèrent un contrôle plus étendu des décisions qu'ils doivent exécuter, de façon à assurer l'application la plus correcte possible du droit, dans la mesure où on le comprend comme une injonction aux cantons et à la Confédération de se porter une «wechselseitige Rücksicht und Achtung». Il s'agirait en outre, tou-jours de l'avis de A. WOLFFERS, Verfahrensrecht, p. 211, d'un moyen de responsabiliser les cantons dans leur tâche d'exécution. A notre sens cependant, de pareilles considérations ne sauraient être admises au regard des impératifs de la sécurité juridique et des conséquences du principe de l'auto-rité de la chose décidée ou jugée, comme nous allons le voir.

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