• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3: L’ORGANISATION MUNICIPALE ET MÉTROPOLITAINE AUX ÉTATS-UNIS

3.1 Évolution de l’organisation municipale et métropolitaine aux États-Unis

3.2.4 Renouvellement du régionalisme au milieu du XX e siècle

Pendant la crise économique des années 1930, le gouvernement fédéral s’intéressait déjà à la situation du développement métropolitain. Il commandait en outre en 1937 un rapport auprès du National Resource Committee intitulé : Our Cities: Their Role in the National Economy. Le rapport mettait en garde le gouvernement de l’impact de la ségrégation sociale et raciale grandissante, de l’expansion des bidonvilles et de la fragmentation politique des régions urbaines sur la reprise économique qui se faisait attendre malgré tous les efforts publics déployés par la politique du New Deal. Le rapport suggérait en outre de mettre en place des réformes institutionnelles métropolitaines afin de permettre une meilleure planification régionale (Dreier et al., 2001).

Dès les années 1950, le gouvernement fédéral créait une commission afin d’étudier la situation des régions métropolitaines ainsi que leur gouvernabilité : le Advisory Commission on Intergove nmental Relations (ACIR). Les groupes de pression se sont également mis à s’intéresser aux questions métropolitaines notamment via le Committee for Economic Development représentant les groupes d’affaires. De manière générale, ces comités ont suggéré que des solutions structurelles et gouvernementales étaient nécessaires afin d’atteindre une réelle coordination métropolitaine. Le retour aux solutions de type fédératif via l’ajout d’un nouveau niveau de gouvernement intermédiaire (entre le niveau local et l’État) figurait plus que jamais parmi les modèles évoqués par cette génération de réformateurs métropolitains.

29 Pour plus de détails sur ces trois études de cas voir le livre de Teaford (1979). Dans ce livre, l’auteur relate les

efforts répétés de ces trois agglomérations pour créer différentes formes de structures gouvernementales métropolitaines.

3.2.4.1 Le fédéralisme métropolitain version canadienne

Si la mise sur pied de nouvelles instances régionales se fait attendre aux États-Unis, c’est au Canada que le fédéralisme métropolitain trouve d’abord un terrain plus fertile pour son application (Rothblatt et Sancton, 1993). Ce qui mérite d’être souligné, c’est le parallèle entre le courant réformiste aux États-Unis et celui du Canada ainsi que les différences profondes dans leurs finalités. Les efforts visant à créer une confédération d’arrondissements (bourgs), que l’on se trouve à Pittsburgh, Cleveland, Saint-Louis, Toronto ou Montréal participent à un même mouvement (Teaford, 1979; Collin, 1994; Pineault, 2000).

C’est en outre le rôle davantage affirmé des gouvernements provinciaux qui a conduit à la création de nouvelles institutions métropolitaines (ou à tout le moins supramunicipales) dans les plus importantes agglomérations telles que Montréal et Toronto. Le développement des agglomérations canadiennes ressemble, à plusieurs points de vue, à celui de leurs homologues étasuniennes. Les étapes du processus d’urbanisation y sont relativement comparables de même que les principales problématiques régionales : fragmentation municipale, croissance urbaine, insuffisance des infrastructures urbaines, questions de santé publique, manque de coordination, difficultés financières, etc. Ce qui diffère surtout entre les métropoles étasuniennes et canadiennes, c’est le niveau d’intervention de l’État dans l’organisation des structures administratives municipales et régionales. Alors que les États s’affairent surtout, dans leurs relations avec les municipalités, à leur octroyer plus d’autonomie et d’indépendance par le biais de charte de home rule, les provinces canadiennes n’hésitent pas à mettre en tutelle les municipalités dont l’administration est problématique ou à créer de nouvelles institutions de nature métropolitaine ou supramunicipale.

Dès les années 1920, la région de Montréal30 se voyait dotée d’une Commission métropolitaine de l’île de Montréal qui se voulait un moyen de coordonner le développement des aires urbanisées de l’île de Montréal mais dans la réalité surtout, un moyen de contrôle financier pour les municipalités de banlieue de plus en plus endettées (Pineault, 2000). Le

30 Pour de plus amples informations concernant le régionalisme dans la région de Montréal, le site Montréal

fait que la Commission n’inclut à l’origine que 16 municipalités sur la quarantaine existantes à l’époque révèle les résistances de certaines municipalités (tout spécialement les municipalités à caractère rural) à un tel projet fédératif. En revanche, plusieurs municipalités périphériques voyaient la création de la Commission comme un moyen d’aborder les questions métropolitaines tout en préservant l’autonomie municipale. La province de Québec a adopté, suite à une consultation publique et à de nombreux amendements, un projet de loi sur la création de la Commission métropolitaine en 1921. En outre, les responsabilités de l’organisme sont très restreintes lors de sa création. Le principal rôle de cet organisme est d’assurer l’équilibre financier des municipalités dont l’état des finances publiques sont problématiques ainsi que d’assurer un meilleur contrôle budgétaire. Mais il va s’en dire que plusieurs acteurs locaux y ont vu une opportunité de créer un système d’arrondissement ainsi que la possibilité d’étendre les champs de compétence de l’organisme. Toutefois, pendant ses 38 années d’existence, l’organisme se heurtera à de nombreuses résistances et sa fonction demeurera limitée tout autant que sa portée géographique.

Avec la montée de la métropolisation dans les années 1950, la Commission métropolitaine deviendra rapidement insuffisante et trop petite pour assumer sa mission régionale puisque le développement urbain se localise désormais dans les anciennes municipalités rurales traditionnellement opposées à toute forme d’ingérence dans leurs pouvoirs locaux. Dans les années 1950 et le début des années 1960 tout particulièrement on réfléchissait déjà à une nouvelle réforme de l’ordre municipal et métropolitain sur l’île de Montréal (Collin, 1994; Pineault, 2000). Une suite de rapports, de commissions et de comités donne alors naissance à un nouveau débat sur la problématique métropolitaine et à un questionnement de l’instance existante. Après de nombreuses tergiversations et malgré des oppositions de toutes sortes, la Commission sera brièvement remplacée par la Corporation du Montréal Métropolitain en 1959 intégrant toutes les municipalités de l’île de Montréal. Essentiellement, cet organisme dispose potentiellement de champs de compétence étendus puisqu'elle peut, à la demande des municipalités, assurer des responsabilités en matière de protection contre les incendies, police, santé, permis, etc. Mais dans la réalité le pouvoir de l’organisme est limité car il repose sur la volonté des gouvernements locaux. Il s’agit en fait d’un forum de discussion davantage que d’un organisme disposant de recettes foncières directes ou des pouvoirs autonomes.

Près de dix ans plus tard, en 1969, la Communauté urbaine de Montréal (CUM) était proclamée par le Gouvernement provincial. Si la CUM est par nature un fournisseur de

services plutôt qu’un gouvernement métropolitain, il n’en demeure pas moins que la CUM dispose de réelles compétences régionales notamment en matière d’aménagement du territoire et des parcs, de développement économique, d’environnement, d'assainissement de l'eau et de l'air, ainsi qu'en inspection des aliments, d’arts, de cultures et de relations interculturelles, de transport en commun ainsi que de sécurité publique incluant la police et la sécurité civile (Montréal Métropole, 2001; Trépanier, 1993). La CUM a également obtenu le mandat de tenir le rôle d’évaluation et de collecter les taxes municipales pour les municipalités de l’île de Montréal. La CUM représentait réellement un nouveau palier administratif reconnu par l’appareil gouvernemental québécois. Il ne correspondait pas toutefois à la définition d’un réel gouvernement métropolitain. Il s’agissait clairement d’une fédération de municipalités disposant de responsabilités propres et clairement établies mais sans toucher d’aucune façon au statut des gouvernements locaux. Bien au contraire, ce sont les municipalités qui contrôlaient le Conseil de la CUM qui ne comptait aucun représentant élu directement. Ajoutons à cela que le gouvernement provincial a toujours entretenu un rapport ambigü avec la CUM depuis sa création (Trépanier, 1993). D’un côté le gouvernement du Québec lui a octroyé des champs de compétence clairs, de l’autre, il a souvent tâché de contrôler l’étendue des pouvoirs de l’organisme selon les intérêts politiques plus généraux de la province.

Mais comme ses mandats lui venaient directement d’une loi adoptée par le gouvernement du Québec, la CUM a pendant plus de 30 ans joué un rôle substantiel que ce soit dans la coopération municipale dans la fourniture de services divers, la coordination du transport en commun, la planification du territoire ou le développement d’infrastructures névralgiques. Mais alors que le territoire de la région métropolitaine s’élargissait, la CUM qui comprenait la grande majorité de la population et du territoire métropolitain lors de sa création, n’en comprenait plus que la moitié dans les années 1990. Cela a donné lieu à d'éventuelles réformes majeures des institutions municipales et métropolitaines dont nous avons brièvement discuté en introduction et à la fusion de tout le territoire de la CUM en une seule grande municipalité.

Si la CUM ne comprenait pas un conseil élu directement, il en est tout autrement pour l’instance régionale torontoise Metro Toronto qui incarne probablement le mieux le concept de fédéralisme métropolitain en Amérique du Nord, et ce à partir du milieu des années 1950. Le premier janvier 1954 plus exactement, Metro Toron ot entrait en fonction avec le

fédération de municipalités en Amérique du Nord (Frisken, 1993; Feldman, 1995). Tout comme la CUM, Metro Toronto a été créé par la province de l’Ontario en réponse à la crise des finances et des services publics locaux qui sévissait à l’époque. À l’origine, Met o Toronto constituait une fédération municipale de 13 gouvernements locaux qui ne seront plus que 6 après 1966. L’instance avait des responsabilités précises dans les champs de l’aménagement, la construction d’infrastructures urbaines, la distribution de l’eau et le traitement des eaux usées, les routes régionales (incluant les infrastructures autoroutières), le logement social pour les personnes âgées et les parcs régionaux. D’autres fonctions se sont ajoutées par la suite comme les services de police, d’ambulance ainsi que plusieurs services sociaux. La contribution de Metro Toronto au développement urbain et métropolitain est également remarquable, tout spécialement sur le plan du financement et de la construction des infrastructures urbaines. Dans les dix premières années de son existence, Metro Toron o a été en mesure de générer un financement colossal pour le développement des infrastructures régionales de base.

r

t

r Sur le plan de la fonction et de la légitimité de son pouvoir, la CUM et Metro Toronto se ressemblent beaucoup. Leurs champs d’intervention sont larges et multifonctionnels et leurs pouvoirs sont sanctionnés par les provinces. Ce qui diffère surtout entre les deux instances, ce sont leurs modes de représentation et de direction. Le mode de représentation de Met o Toronto a presque toujours été un sujet de litiges et a surtout beaucoup évolué à travers le temps. Mais ce qu’il importe de retenir surtout, c’est que depuis sa création, Metro Toronto a été dirigé, partiellement du moins, par des représentants élus directement au conseil de l’organisme. En 1987 par exemple, le conseil était composé de 28 conseillers élus directement ainsi que par les six maires des municipalités. Le président était choisi parmi les 28 conseillers élus directement. Metro Toronto fait ainsi figure de réel gouvernement métropolitain.

À partir des années 1980 on prend toutefois conscience de la limite de Metro Toronto pour aborder les questions de nature métropolitaine qui s’étendent désormais à l’extérieur de la région comprise par l’organisme. En 1988, le gouvernement provincial met en place le bureau de la grande région de Toronto (Office of the Greater Toronto Area) afin de coordonner la planification à travers l’ensemble de la région métropolitaine. Dans les années 1990 le rapport du Greater Toronto Task Force donnera un élan vers une réforme en profondeur des institutions municipales et régionales. Ainsi en 1998, les municipalités composant le Metro Toronto seront fusionnées pour créer la méga ville de Toronto et une

nouvelle institution d’agglomérations fera son apparition, le Greater Toronto Services Board, (GTSB) pour coordonner l’ensemble de la région métropolitaine constituée de 29 gouvernements locaux (Champagne, Collin, Pineault, Poitras, 2000). Cependant, le GTSB fut vite aboli en 2001 par le gouvernement ontarien.

3.2.4.2 Le fédéralisme métropolitain version étasunienne

Aux États-Unis, il n’existe à peu près pas d’instances régionales pouvant correspondre à la définition d’un gouvernement métropolitain et ce, à l’exception des cas de Portland et Minneapolis dont nous reparlerons plus loin. À partir des années 1950, on voit néanmoins émerger aux États-Unis une nouvelle forme de fédéralisme métropolitain. Il s’agit des « commissions régionales » volontaires, une forme souple de conseil des gouvernements locaux visant la coordination de l’ensemble de l’agglomération (Wallis, 1994c). On en retrouve à Atlanta et à Détroit au début des années 1950. À partir des années 1950 et surtout dans le courant des années 1960, on voit aussi apparaître un regain d’intérêt pour le renforcement des comtés comme c’est le cas notamment dans la région de Miami (1957) et Indianapolis (1969). Mais comme nous le verrons plus loin, le renforcement des comtés demeure l’exception plutôt que la règle et ne constitue qu’une mesure fort incomplète pour la gestion des problématiques métropolitaines qui s’étendent désormais bien au-delà des comtés centraux. Si les annexions sont choses du passé dans les régions Est et Centre- Ouest depuis la Seconde Guerre mondiale, certaines villes-centres des principales agglomérations des zones Ouest et Sud continuent pour leur part à élargir leurs territoires dans les années 1950 et 1970. Il s’agit surtout de l’annexion des territoires non incorporés encore nombreux puisque l’annexion des municipalités de banlieue incorporées demeure tout aussi difficile que dans les plus vieilles agglomérations étasuniennes.

Si les tentatives découlant des efforts des acteurs locaux d’établir de véritables gouvernements métropolitains ont plutôt échoué, l’univers institutionnel métropolitain aux États-Unis a toutefois été marqué à partir du milieu du XXe siècle par l’établissement d’instances régionales qui ont souvent pris la forme de « conseils régionaux » sous l’influence du gouvernement fédéral. Ces conseils régionaux ont acquis une place significative pour la coordination et la collaboration métropolitaine et on en retrouve dans presque toutes les régions métropolitaines (Atkins, 1997). De plus, comme nous le verrons

début des années 1990 tend notamment à se positionner par rapport aux insuffisances des conseils régionaux en ce qui concerne la gouverne des territoires métropolitains.

Les conseils régionaux sont un type d’organisations métropolitaines composé des comtés, des municipalités et parfois même d’agences unifonctionnelles et sont la plupart du temps consultatifs plutôt qu’exécutifs. Leur mission vise la coordination et la coopération entre les composantes régionales. Ils existent sous différentes formes depuis les années 1920 environ. Ils prennent parfois la désignation de Regional Planning Commission, Councils of Governments ou Metropolitan Planning Organization. Selon Hamilton (1999), le premier conseil régional aurait été établi en 1922 par le Comté de Los Angeles. Après 1950, on a vu apparaître dans quelques régions métropolitaines dont Washington DC, Détroit et San Francisco des initiatives métropolitaines visant à établir des Conseils Gouvernementaux (Councils of Governments - COG).

Les principes de coordination régionale en matière de politique fédérale ont été introduits officiellement vers la fin des années 1950 avec l’amendement ou l’adoption de plusieurs programmes fédéraux impliquant des investissements dans les infrastructures régionales commandant une approche métropolitaine. À terme, ces programmes visaient à supporter les intérêts régionaux communs plutôt que d’entretenir un climat de compétition pour les investissements fédéraux. Parmi les programmes initiaux pour lesquels le gouvernement fédéral exigeait un plan régional coordonné, les plus notoires sont :

• le Housing Act (1959);

• le Federal Highway Act (1962);

• le Urban Mass Transit Act (1964);

• le Housing and Urban Development Act (1965).

• le Demonstration Cities and Metropolitan Development Act (1966).

Au milieu des années 1960, le gouvernement fédéral adoptait une loi à l’effet que les investissements fédéraux dans chaque région devaient être revus par une agence métropolitaine disposant de la capacité de produire un plan de développement. Avec l’adoption ou les amendements apportés aux politiques, les programmes fédéraux exigeaient désormais qu’un mécanisme de coordination régionale soit établi et qu’un plan de

développement métropolitain définissant les priorités régionales soit préparé comme condition préalable aux investissements fédéraux. C’est à partir de ce moment que s'est multipliée une forme ou une autre de conseils régionaux (Regional Planning Commission ou Council o Governments) dans presque toutes les régions métropolitaines du pays. Le fédéralisme métropolitain a donc aussi influencé grandement l’établissement des structures aux États-Unis. Nous reviendrons plus en détail dans les sections suivantes sur la description des conseils régionaux aux États-Unis.

f

Mentionnons qu’à partir de l’établissement des conseils régionaux dans les années 1960 et 1970, l’intérêt pour les questions régionales a commencé à s’estomper (Stephens et Wikstrom, 2000). Tout spécialement du moins sur l’enjeu visant l’établissement de gouvernements métropolitains. La formule du conseil régional correspond davantage à l’interprétation du public choice sur les fonctions et les processus métropolitains que sur la représentation démocratique et gouvernementale à l’échelle métropolitaine.