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Renforcer les modalités d’évaluation et la cohérence de la

CHAPITRE III - LES DÉFIS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

1. Renforcer les modalités d’évaluation et la cohérence de la

La pratique de l’évaluation n’est pas très répandue dans l’administration nationale ou territoriale, encore moins pour une politique interministérielle même si un guide de l’évaluation locale a été rédigé en 1997.

Il n’y a pas de reconnaissance de la qualité d’une activité humaine sans évaluation objective de ses résultats. L’évaluation est une nécessité pour un système efficace nourri par les retours d’informations, seuls capables de corriger les erreurs ou les insuffisances, et de produire des résultats de meilleure qualité.

Quand de nombreux acteurs de terrain ont à mettre en œuvre sur le terrain une politique, il est indispensable de disposer d’indicateurs permettant les comparaisons à des niveaux territoriaux correspondant au bon niveau de responsabilité et d’action. Si ces indicateurs sont bien choisis, ils permettent le développement d’une évaluation objective de la qualité de l’action.

Appliquée à la sécurité routière, une telle pratique implique une bonne identification des indicateurs utilisables et leur publication au niveau national et territorial adapté à la responsabilisation des acteurs. Cette démarche nécessite de traduire les grandes orientations de la sécurité routière en objectifs mesurables par et pour les différents acteurs du dispositif et de dégager ensuite les indicateurs qui permettront leur évaluation et la comparaison entre les différents territoires.

Trouver les bons indicateurs

L’évaluation ne repose pas uniquement sur l’usage d’indicateurs quantitatifs. Des procédures d’expertise qualitatives, véritables audits orientés vers la qualité des pratiques, sont également utilisables.

Ces dernières années, l’incapacité à généraliser les expérimentations développées et à les transformer en acquis du fait d’un manque de continuité de l’action politique, et la difficulté à mettre en relation des indicateurs de moyens (par exemple le nombre de points retirés ou de PV dressés) et des indicateurs de résultat (nombre d’accidents, de blessés, de tués par accidents, typologie des

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accidents) n’ont pas permis d’établir réellement les bases d’une évaluation qualitative.

Pour cela, il est nécessaire de passer par des indicateurs de comportements simples, faciles à mettre en œuvre, fiables et indiquant aux décideurs locaux l’efficacité de leurs actions. Par exemple :

- documentation mensuelle du taux de port de la ceinture dans une agglomération disposant de services de police ;

- publication dans des délais courts du nombre et de la proportion de blessés avec ou sans ceinture dans la zone concernée ;

- documentation des mêmes données au niveau d’un département par les services de la gendarmerie nationale ;

- documentation de l’usage des dispositifs de retenue des enfants ; - documentation du port du casque par les usagers de deux-roues à

moteur ;

- documentation des dépistages préventifs de l’alcoolisation excessive...

Proposer des indicateurs fiables, accompagnés d’un mode d’emploi pour leur mise en place et leur suivi, publier les résultats, faire des comparaisons et des analyses permettrait de dresser un premier constat de l’efficacité des politiques menées et de dresser des comparaisons documentées entre territoires proches ou similaires afin d’assurer les bases d’une coordination qui pour l’instant n’existe pas.

Diffuser les bonnes pratiques et les normes existantes ou en préparation

De la même façon, pour faciliter la prise de décision des élus et l’inscrire dans un cadre juridique et technique normé, il serait opportun de mettre à leur disposition un guide des bonnes pratiques en matière de sécurité des infrastructures et des aménagements sur la base des fiches de la DDE existant déjà, par exemple, mais également un catalogue des normes existantes au niveau national et européen et celles en projet concernant les différents domaines d’action de la sécurité routière : infrastructure, véhicule, comportements des usagers, circulation au sens large, pour une meilleure anticipation des actions dans les différents territoires.

L’évolution des bonnes pratiques dans le domaine de l’aménagement des infrastructures destinées à améliorer la sécurité demeure une affaire de spécialistes. Les décideurs locaux, notamment au niveau communal, n’ont pas une vision claire de l’ensemble des solutions disponibles pour répondre aux problèmes qui leurs sont posés. Le recours aux cabinets d’études spécialisés demeure limité et souvent le conseilleur n’a pas la compétence requise pour proposer les meilleures solutions.

Développer la vulgarisation des dispositifs de sécurité routière relevant de l’infrastructure, pour faciliter l’action des services techniques des municipalités et contribuer au développement d’un corps de données reconnues dans ce domaine difficile et parfois discuté du fait de l’insuffisance des études sur l’optimisation des solutions, est un minimum nécessaire.

Rationaliser la mise en œuvre de la sécurité par l’infrastructure en évitant notamment les fausses bonnes solutions qui comportent un rapport avantages/inconvénients peu avantageux voire franchement défavorable du fait des risques induits est le second volet de cette information destinée aux responsables locaux et territoriaux. La cohérence d’un aménagement, la prise en compte des différents types d’usagers, relèvent d’une technologie rigoureuse qui doit être mise à la disposition des acteurs pour qu’ils réalisent pleinement les conséquences de leurs choix.

Aider les élus à baliser leurs choix et à l’inscrire dans un cadre technique, juridique, économique et politique normé pourrait être le rôle essentiel d’un organe de coordination et de conseil. Il n’y a pas de politique suivie et efficace sans un cadre de responsabilité strictement défini et sans moyens d’évaluer l’efficacité des actions entreprises.

Il faut encore améliorer le cadre des politiques locales et territoriales en le définissant plus précisément et en permettant aux décideurs d’exercer leurs responsabilités dans toutes leurs dimensions, du plan technique au plan politique.

Cette difficulté à distinguer une cohérence des politiques territoriales de sécurité routière, en dehors d’une liste d’actions intéressantes menées à divers endroits du territoire, pousse à envisager la mise en place d’une organisation territoriale et locale lisible et efficace, articulée avec celle du niveau national grâce à une coordination porteuse d’une expertise reconnue.

Ainsi en Espagne, il existe un conseil supérieur de la sécurité routière pour intégrer tous les niveaux de l’administration et des territoires, des commissions régionales et des commissions urbaines de la sécurité routière. Un plan de sécurité est obligatoire pour toutes les villes de plus de 40 000 habitants et les entreprises sont intégrées dans le plan général de sécurité routière. Les représentants des associations siègent au sein des conseils de sécurité routière avec l’ensemble des acteurs, associations de victimes, représentants des constructeurs, organisations professionnelles ou automobiles clubs qui ont une importance historique dans le pays.

Trouver le lieu d’une coordination d’ensemble

Pour répondre à l’ensemble des tâches nécessitées par la mise en œuvre de la politique de sécurité routière, accumuler et diffuser une expertise scientifique sur le sujet, former et informer professionnels et usagers, relayer, évaluer l’ensemble de ces actions et assurer leur cohérence, l’existence d’un lieu de rencontre et de coordination entre tous les acteurs et tous les échelons d’intervention est donc indispensable.

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Le découpage ministériel traditionnel de l’administration française se prête mal à la mise en œuvre d’actions interministérielles. La décentralisation, conjuguée avec l’implication croissante de collectivités territoriales dont l’autonomie est affirmée par la loi, en accroissant encore la dispersion des compétences, ne facilite pas non plus la conduite d’interventions cohérentes partout et à tous les niveaux.

Une structure de coordination, dotée des outils nécessaires à l’action et à l’acquisition de connaissances, et disposant d’un financement adapté, permettrait à la fois de faire face à de nombreux problèmes techniques et de fonctionnement, d’assurer la pérennité nécessaire à une politique efficace et de lui donner la crédibilité technique et scientifique dont elle a besoin.

Une politique nationale ou territoriale ne se bâtit pas sur une liste même utile d’aménagements à financer mais sur une vision globale des besoins et des enjeux de société à venir. C’est une démarche que ne permet peut-être plus le concept même de sécurité routière.