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Le modèle de l’infraction à l’alcool

CHAPITRE III - LES DÉFIS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

3. Le modèle de l’infraction à l’alcool

Les quatre étapes de l’infraction à l’alcool

Lors de son audition, le psychologue Jean-Pascal Assailly, chargé de recherche à l’INRETS, analyse le schéma de l’infraction à l’alcool suivant un modèle comportant quatre étapes :

- la première est la décision par l’usager d’associer l’alcool à ses loisirs à un moment donné, la soirée du samedi par exemple ;

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- la deuxième est la gestion par le même usager de sa consommation d’alcool ;

- la troisième est sa décision de prendre le volant ;

- la quatrième ce sont les conséquences comportementales de cette décision. À consommation égale, les comportements vont être différents suivant les individus, certains vont devenir incontrôlables ou agressifs, d’autres vont au contraire ralentir ou conduire n’importe comment.

Pour l’ensemble des quatre séquences, il est possible d’envisager d’intervenir et d’agir de façon formelle ou informelle, même si longtemps il a été sous-entendu que le contrôle formel (faire agir des professionnels payés pour réprimer l’infraction) était la seule solution possible. Il s’avère que l’informel (le contrôle exercé par la famille ou les pairs) est à terme et dans la durée sans doute plus efficace.

Pour l’étape 1, l’introduction de l’alcool dans la vie des usagers, le contrôle formel va consister à mettre en place une politique de l’alcool, de sa disponibilité, de son prix, ou de son mode de diffusion qui va limiter ou pas la possibilité d’y avoir accès facilement. Le mode d’intervention informel va consister à aider les parents ou les proches à intervenir.

Pour l’étape 2, la gestion de la consommation, les contrôles aléatoires de la police, l’accès différé au droit à la conduite comme cela existe aux États-Unis peuvent être des modes formels d’intervention. La formation des barmen et des établissements à la détection des intoxications excessives, l’auto contrôle par la présence d’éthylotests dans les voitures ou dans les établissements, les anti-démarreurs sur les voitures sont des exemples de modes informels de contrôle de la gestion par les individus ou par leurs proches de leur consommation.

Pour l’étape 3, la décision de prendre le volant sous l’influence de l’alcool, le travail effectué par les municipalités sur les transports collectifs de nuit est un exemple de contrôle social formel. Par contre, la pratique du conducteur désigné est une pratique non formelle qui fonctionne bien comme on a pu le voir précédemment.

Pour l’étape 4, le contrôle de l’état alcoolique et la sanction sont le mode de contrôle formel mis en place. Pour être efficace, la sanction doit être inévitable, équitable et rapide.

Sur l’ensemble de ce risque, on voit donc qu’il existe des interactions possibles entre les différents acteurs, institutionnels ou non, afin de modérer l’infraction ou de l’éviter.

Cela suppose de mener une réflexion globale, de trouver une cohérence entre les interventions formelles ou informelles, les messages diffusés, auprès des « infractionnistes » potentiels mais également de leur environnement social ou familial, et les diffuseurs de ces messages pour que tous ces éléments se renforcent mutuellement. De cette façon, une dissuasion s’exerce en continu sur

la possibilité d’infraction et ses conséquences, quand malgré tout l’infraction a lieu, sont limitées.

Le regard porté sur le risque et les comportements des usagers se situe ainsi dans une perspective plus large. Il oblige à saisir l’ensemble des facteurs qui conduisent à l’infraction (afin d’agir par l’intermédiaire d’un faisceau de messages convergents).

Généraliser ce modèle d’analyse à chaque risque identifié

Généraliser cette analyse pour chaque risque identifié et travailler sur un ensemble de mesures homogènes et pas seulement ponctuelles devrait permettre de disposer d’un ensemble cohérent de mesures de dissuasion, agissant à la fois sur les usagers potentiels mais également sur leur environnement et sur la perception sociale du risque.

Proposer à chacun et pour chaque risque identifié (alcool, drogue, addictions diverses, auxquelles on peut ajouter le risque généré par l’usage du téléphone au volant) un ensemble de solutions d’évitement, connues par tous et adaptées aux circonstances peut permettre de faire baisser de façon importante les comportements imprudents ou dangereux.

4. Utiliser un faisceau de messages convergents

La pression médiatique est sans doute l’une des raisons qui explique la baisse des accidents de ces dernières années.

Pour être entendu, un message doit être « acceptable » pour sa cible mais il doit surtout toucher le public auquel il est destiné et est d’autant plus efficace qu’il est relayé par de multiples canaux proches de la cible visée. Ce qui implique une politique de communication et d’information soutenue et constante pour les différents risques et adaptés aux publics concernés.

On peut ainsi imaginer une campagne pour attacher les ceintures à l’arrière, s’adressant aux enfants d’âge scolaire pour leur rappeler les bonnes raisons de s’attacher, aux jeunes conducteurs pour évoquer leur responsabilité par rapport à leurs passagers, aux jeunes parents pour la sécurité de leurs enfants, et aux personnes âgées pour celle de leurs petits enfants. Si en même temps dans le continuum éducatif, il est rappelé l’obligation pour tous les passagers d’être ceinturés, que l’infraction est verbalisée systématiquement et que des études spécialisées permettent d’informer sur le risque lors d’une campagne télévisée, on peut penser que ce message multiplie ainsi ses chances de rejoindre les préoccupations des conducteurs.

Ceci demande de dégager des moyens importants, d’adopter une politique volontariste et réfléchie de diffusion de messages dans la durée et d’appuyer ceux-ci pour qu’ils ne disparaissent pas une fois la campagne de communication terminée.

Les campagnes de communication pourraient ainsi être doublées d’outils pédagogiques à destination des différents acteurs de la sécurité routière que constituent les écoles, les auto-écoles, les entreprises, les stages de conduite ou de récupération de points, qui permettent de les prolonger par une action éducative, de les compléter et de les adapter à la pratique des usagers concernés.

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Ainsi elles ont une chance de durer et d’être efficaces au plus près des personnes concernées.

Pour accompagner la diffusion de ces messages et renforcer l’action sur les comportements des usagers, il est nécessaire d’intervenir à l’égard de chaque catégorie d’usagers et, dans le même temps, de sortir d’une vision trop spécialisée qui enferme l’usager dans des catégories trop réductrices : les piétons, les motards, les personnes à risque, les usagers de deux-roues. Chacun est tour à tour piéton et conducteur, utilisateur de deux-roues et personne à risque en raison de son âge, ou conducteur en formation et usager de la route.

5. Disposer d’une formation généraliste complétée de formations