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La rencontre avec la psychanalyse

La dynamique psychologique

5. La rencontre avec la psychanalyse

Pour terminer notre parcours autour de la conception dynamique de la vie de l’esprit chez Bachelard, qui cherche à décrire avec « esprit de finesse » les mécanismes dialectiques de dispersion et d’organisation des actes réels des fonctions psychiques dans le temps, en postulant un primat des paramètres dynamiques (impulsion, forces, production) sur les paramètres cinématiques (vecteur, orientation) et topiques (structure, état), nous devons procéder à l’examen d’une dernière source historique de la psychologie dynamogénique, à savoir la psychanalyse, prise dans son mouvement d’ensemble. La psychanalyse nous permet de dégager une dernière instance de la réalité humaine inséparable de la vie psychologique : le désir. Car si l’on peut avoir de bonnes raisons d’inscrire la pensée bachelardienne dans le sillage de la psychanalyse, que ce soit celle de Freud ou de Jung, dont il se réclame très souvent, c’est avant tout par la position du désir comme réalité psycho-affective primordiale, placée à la racine de l’humanisation et de la spiritualisation. Il ne paraît pas anodin, dans cette perspective, que les premières réflexions approfondies de Bachelard sur le rôle du désir dans le fait humain soient développées dans La Psychanalyse

du feu, cet ouvrage-charnière, selon nous décisif dans la trajectoire bachelardienne, dans la

mesure où il est irrémédiablement tendu entre, d’un côté, la dénonciation épistémologique des projections de l’imaginaire issues du désir, perçues comme obstacles aux progrès de la connaissance, et, de l’autre la reconnaissance du rôle constitutif des puissances conatives et affectives dans l’économie de la psyché humaine en général, et dans la constitution de la personnalité individuelle en particulier. Bachelard considère ainsi la force de la libido comme un moteur essentiel des activités humaines, non seulement de l’homme primitif, mais aussi de l’homme moderne, sachant que « les valorisations primitives »1 n’ont pas disparues de la psychologie de l’homme moderne, ni chez le scientifique ou l’ingénieur ! Comme le dit Bachelard à propos du feu, qui est le thème directeur de l’ouvrage, on peut repérer l’action d’une « sourde permanence »2 du fond primitif de la psyché. Or, ainsi que nous l’avons déjà signalé plus haut, comme faille du bergsonisme et du pragmatisme naïf, Bachelard se refuse à faire de l’intérêt pratique et du besoin vital les moteurs primitifs ou premiers du comportement humain. Les passages significatifs et suggestifs abondent dans l’ouvrage. Nous allons en restituer quelques-uns, qui viendront à l’appui de nos assertions.

1 PF, p. 15.

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Voici un premier aperçu, explicite, qui se passe selon nous de commentaire :

En résumé, nous proposons, comme C.G. Jung, de rechercher systématiquement les composantes de la Libido dans toutes les activités primitives. En effet, ce n’est pas seulement dans l’art que se sublime la Libido. Elle est la source de tous les travaux de l’homo faber. On a sans doute fort bien dit quand on a défini l’homme : une main et un langage. Mais les gestes utiles ne doivent pas cacher les gestes agréables. La main est précisément l’organe des caresses comme la voix est l’organe des chants. Primitivement, caresse et travail devaient être associés. […] En tout cas, l’homme qui travaille avec une telle patience est soutenu, à la fois, par un souvenir et un espoir, et c’est du côté des puissances affectives qu’il faut chercher le secret de sa rêverie1.

Quelques pages plus loin, Bachelard dénonce « la pauvreté de l’explication réaliste »2 propre aux intellectuels, et caractéristique du sens commun, qui va chercher dans l’intérêt pratique immédiat la raison de toutes les entreprises humaines, ce qui biaise l’interprétation des mythes, des symboles et des comportements des sociétés traditionnelles, réduits à une détermination pragmatique qui travestit leur « sens affectif sous-jacent »3. Et Bachelard de conclure :

De telles explications, hypnotisées par un détail objectif, manquent à rendre compte de la primitivité de l’intérêt affectif. La phénoménologie primitive est une phénoménologie de l’affectivité : elle fabrique des êtres objectifs avec des fantômes projetés par la rêverie, des images avec des désirs, des expériences matérielles avec des expériences somatiques, et du feu avec de l’amour4.

Nous convoquerons finalement un dernier texte, qui définit l’homme par le désir, après une confidence personnelle de Bachelard, à l’occasion de laquelle il se rappelle avec délice la saveur ardente et l’odeur de fête de la gaufre occasionnelle, dont l’inutilité délicieuse vient trancher la monotonie des pommes de terre journalières. Nous citons le texte dans son intégralité, car il constitue une belle page littéraire, et une description fine de l’expérience personnelle sensibilisée, qui n’aurait pas à rougir devant un Proust :

1 PF, pp. 61-62. 2 PF, p. 71. 3 PF, p. 71. 4 PF, pp. 71-72.

Aux dents de la crémaillère pendait le chaudron noir. La marmite sur trois pieds s’avançait dans la cendre chaude. Soufflant à grosses joues dans le tuyau d’acier, ma grand-mère rallumait les flammes endormies. Tout cuisait à la fois : les pommes de terre pour les cochons, les pommes de terre plus fines pour la famille. Pour moi, un œuf cuisait sous la cendre. Le feu ne se mesure pas au sablier : l’œuf était cuit quand une goutte d’eau, souvent une goutte de salive, s’évaporait de la coquille. Je fus bien surpris quand je lus dernièrement que Denis Papin surveillait sa marmite en employant le procédé de ma grand-mère. Avant l’œuf, j’étais condamné à la panade. Un jour, enfant coléreux et pressé, je jetai à pleine louchée ma soupe aux dents de la crémaillère : « mange cramaille, mange cramaille ! ». Mais les jours de ma gentillesse, on apportait le gaufrier. Il écrasait de son rectangle le feu d’épines, rouge comme le dard des glaïeuls. Et déjà la gaufre était dans mon tablier, plus chaude aux doigts qu’aux lèvres. Alors oui, je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu’à son pétillement tandis que la gaufre brûlante craquait sous mes dents. Et c’est toujours ainsi, par une sorte de plaisir de luxe, comme dessert, que le feu prouve son humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il matérialise la fête des hommes. Aussi haut qu’on puisse remonter, la valeur gastronomique prime la valeur alimentaire et c’est dans la joie et non pas dans la peine que l’homme a trouvé son esprit. La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin.1.

La position de Bachelard est claire : « l’agréable prime l’utile »2, l’esprit humain est enraciné, « greffé »3, sur les puissances motrices du désir, ce qui signifie que ce ne sont pas le besoin et la nécessité vitale qui expliquent son émergence, ou bien son développement. Nous avons déjà signalé la thèse selon laquelle la volonté d’intellectualité, pour Bachelard, ne s’explique pas exclusivement par la pression des conditions matérielles d’existence, ou la recherche de l’intérêt pratique. Bachelard dialectise l’explication de l’émergence et du développement de la vie de l’esprit, en plaçant à son origine la réalité primitive du désir et des affects (lecture analytique), mais à sa fin la spiritualisation (lecture téléologique).

1 PF, pp. 37-38.

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PF, p. 175.

3 Bachelard dit de l’image de la greffe : « Ce n’est pas là, pour nous une simple métaphore. La greffe nous apparaît au contraire comme un concept essentiel pour comprendre la psychologie humaine. C’est, d’après nous, le signe humain, le signe nécessaire pour spécifier l’imagination humaine. A nos yeux, l’humanité imaginante est un au-delà de la nature naturante. […] L’art est de la nature greffée » (ER, pp. 14-15).

Pour donner un caractère plus précis à ces vues générales, nous allons examiner de près le chapitre V de La Psychanalyse du feu1, qui retrace l’histoire des erreurs ayant retardé la constitution et le progrès de la chimie scientifique, en raison de valorisations affectives et de projections imaginaires inconscientes. Dans ce chapitre, Bachelard cherche à montrer dans quelle mesure les intuitions du feu constituent un obstacle épistémologique. Notre auteur étudie les efforts de la connaissance objective des phénomènes de la chaleur, mais aussi d’examiner l’application intempérante et inconsciente des intuitions du feu à l’explication d’autres phénomènes matériels. Bachelard insiste alors sur le fait que le feu a été conçu pendant longtemps comme un principe universel d’explication des phénomènes, sur fond de valeurs et de convictions enracinées dans l’inconscient, constituant autant d’obstacles à l’étude scientifique des phénomènes matériels. On apprend que l’imaginaire du feu conjoint deux types d’obstacles épistémologiques : substantialiste et animiste. On peut considérer le feu non seulement comme substance (chaleur = qualité inhérente), mais aussi comme entité vivante (chaleur = principe vital). Ces deux valorisations du feu, substantialiste et animiste, s’articulent dans un mode de pensée hybride que Bachelard nomme le « calorisme », et qui se présente comme une doctrine intermédiaire entre le matérialisme et l’animisme : la matière serait animée par un feu immanent, interne et caché, qui permettrait d’expliquer la totalité des phénomènes matériels (animal, végétal, minéral). Du point de vue substantialiste, la chaleur est imaginée comme une propriété permanente et immanente aux êtres, qui serait définie par une « vertu calorifique », de même qu’on expliquait jadis les effets de l’opium par une « vertu dormitive ». Il s’agit en fait d’une « pseudo » ou d’une fausse explication, qui se réduit à une tautologie : on explique le phénomène de la chaleur par une pétition de principe, en attribuant aux corps matériels la propriété (dispositionnelle) d’être par nature calorifiques. Dans cette perspective, la chimie a pâti pendant longtemps du réalisme naïf, qui conduisait à considérer le feu comme une réalité première et permanente, responsable de la chaleur vitale. Or Bachelard souligne que la science, par un arrachement lent et laborieux aux valorisations primitives, abandonnera l’étude du feu, qui n’est pas un objet d’étude scientifique mais une source de rêverie, et établira dans le cadre d’une étude discursive et objective que la chaleur n’est pas une propriété substantielle, une chose permanente. Au contraire, on montrera que l’énergie thermique d’un corps est un phénomène transitif, susceptible de se propager et de se dissiper dans le temps, au contact d’autres corps. Si l’on se place du point de vue animiste,

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l’intuition principale est celle de l’alimentation du feu. On croirait alors que le feu s’alimente, et consomme des substances matérielles, comme le ferait n’importe quel être vivant, et qu’il peut également opposer une résistance, comme le ferait une personne de « mauvaise volonté ». Le feu devient ainsi, sous l’effet d’une puissance de séduction inscrite dans la psyché humaine, mais qui se projette sur les choses, un principe explicatif de la vie et du monde, au point d’animer tout ce qui est, à l’image d’un Paracelse qui pose l’équation « feu = vie ». Bachelard montre par ailleurs que les conceptions primitives du feu sont animées et régies par le mythe de la digestion, et propose de parler d’un « complexe de Pantagruel » pour désigner ces valorisations inconscientes, sachant qu’on peut voir à l’œuvre dans nombre de textes alchimiques et préscientifiques « la permanence et la force du mythe de la digestion dans l’explication des phénomènes matériels »1, permanence mytho-symbolique qui s’explique par le fait que « les idées anciennes traversent les âges ; elles reviennent toujours dans les rêveries plus ou moins savantes avec leur charge de naïveté première »2. On retrouve alors ce que soulignait déjà l’avant-propos, à savoir que « la rêverie reprend sans cesse les thèmes primitifs, travaille sans cesse comme une âme primitive, en dépit des succès de la pensée élaborée, contre l’instruction même des expériences scientifiques »3. On comprend par-là que la connaissance scientifique se constitue contre l’expérience sensible-onirique primitive et les valorisations inconscientes à l’œuvre dans la rêverie immédiate, mais sans que l’on puisse espérer annuler définitivement l’influence de l’imaginaire inconscient sur l’expérience consciente, qui demeure liée à des déterminations psychoaffectives irréductibles que l’on peut tout au plus sublimer, par une psychanalyse de la connaissance (sublimation négative) ou la création d’œuvres d’art (sublimation positive). On pourrait même considérer, paradoxalement, que l’élan spécial qui anime la recherche scientifique, l’engagement existentiel continué dans la science, est alimenté par les forces motrices du désir, mais par un désir qui a été sublimé grâce au déplacement des intérêts primitifs vers les intérêts intellectuels, de même que les intérêts esthétiques permettent de polariser les puissances affectives vers de nouveaux buts, autres que la sexualité. Les analyses consacrées au « complexe de Prométhée » pourraient ainsi être prolongées dans l’horizon de la sublimation d’un orgueil du savoir4, qui trouverait à spiritualiser le désir de reconnaissance, et la confrontation à la figure tutélaire du père, par la socialisation des convictions au sein de la cité et de la pratique scientifiques.

1 PF, p. 117. 2 PF, p. 119. 3 PF, p. 16. 4 PF, p. 30.

Toujours est-il que Bachelard nous invite à comprendre que certaines croyances irréfléchies, par exemple celles associées à l’imaginaire du feu, possèdent une force de conviction qui les instituent comme des réalités psychologiques indéracinables. Plus qu’une réalité objective (physique du feu), que l’on pourrait vérifier au moyen d’expérimentations, le feu doit être considéré comme une réalité du point de vue de la psychologie humaine (psychologie du feu). Cette position inattendue d’un réalisme de l’imaginaire peut paraître déroutante, et nous pensons que cela permet d’expliquer certaines mécompréhensions dont est victime la réflexion bachelardienne sur les images et l’imaginaire. Car il s’agit bien de défendre une forme de réalisme psychique, affirmant que ce que nous considérons comme des illusions dangereuses dans le cadre de la connaissance objective de la réalité physique, doit se comprendre dans la perspective de réalités autonomes dans le cadre de la connaissance de la psyché, du point de vue « de la connaissance objective du subjectif »1, quand on cherche à « déterminer les racines objectives des images poétiques et morales »2, mais aussi les « lois psychologiques »3 ou la « structure psychologique »4 associées aux images issues des valorisations primitives de l’inconscient. Bachelard ne reniera pas ce réalisme psychologique, même s’il en infléchira le primat en le dissociant d’un réalisme de la parole poétique écrite, comme nous le verrons au chapitre 5. Il n’en demeure pas moins que jusque dans Le Matérialisme rationnel, Bachelard reconnaît à la science psychologique du XXe siècle le mérite d’avoir révélé « l’objectivité de la subjectivité profonde »5. Cette orientation, d’inspiration franchement psychanalytique, est clairement défendue dans la longue préface que Bachelard écrit pour la somme historique et théorique de Mullahy sur la psychanalyse. Bachelard y affirme fermement que « les traditions mythiques et les vérités psychologiques [sont] les deux faces de la réalité psychique »6, et qu’il serait utile, pour comprendre la « longue ligne qui relie l’inconscient le plus profond au conscient le plus explicite »7, de travailler à instituer une topologie des régions de la psyché, en distinguant la causalité profonde de l’inconscient et la causalité occasionnelle des expériences vécues dans le cadre de l’existence individuelle et sociale. Si nous n’avons pas directement accès à l’inconscient profond grâce au conscient cultivé, on peut néanmoins explorer une zone mixte, intermédiaire entre ces deux pôles, en suivant les leçons de la psychanalyse.

1 PF, p. 171. 2 PF, p. 174. 3 PF, p. 171. 4 PF, p. 173. 5 MR, p. 5.

6 G. Bachelard, Préface à P. Mullahy, Œdipe. Du mythe au complexe, trad. S. Fabre, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque scientifique », 1951, p. 11.

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C’est cette « zone moyenne », et non l’inconscient le plus archaïque, que Bachelard cherche dès le départ à explorer et à comprendre, en s’intéressant notamment à ce qu’il appelle les « complexes de culture », avec lesquels se jouent une intrication de la primitivité affective et des acquis de la culture. Comme il le souligne dans La Psychanalyse du feu :

Pour nous qui nous bornons à psychanalyser une couche psychique moins profonde, plus intellectualisée, nous devons remplacer l’étude des rêves par l’étude de la rêverie, et plus spécialement dans ce petit livre, nous devons étudier la rêverie devant le feu. A notre avis, cette rêverie est extrêmement différente du rêve pour cela même qu’elle est toujours plus ou moins centrée sur un objet1.

Il s’agit de clarifier le phénomène psychologique spécifique de la rêverie, à propos duquel nous avons vu dans le chapitre précédent qu’il se caractérise par le maintien d’une forme de conscience, au point de constituer une forme d’intentionnalité particulière, située entre la primitivité de l’inconscient anonyme et les formes plus intellectualisées de la conscience rationnelle. C’est ce que suggère l’idée que la rêverie est associée à un objet, et que toute rêverie a son « complément d’objet » : si la structure essentielle de l’expérience subjective est l’intentionnalité, comme le défendaient Husserl et Brentano, ce qui signifie que la propriété définitoire des phénomènes mentaux est la direction du sujet vers un objet et la référence à un contenu (propositionnel ou non), et si la rêverie se caractérise par une forme d’expérience consciente, et donc d’intentionnalité, alors la relation du sujet rêvant à un objet est une propriété nécessaire de l’expérience onirique. Toutefois, Bachelard n’en reste pas seulement à une approche formelle et analytique de l’expérience onirique, qui réduirait l’analyse de la rêverie à la structure sujet-objet. Ses lectures psychanalytiques, qui vont au-delà des seuls textes de Freud et de Jung, le conduisent à penser que la rêverie, en tant que processus psychologique et qu’événement psychique distinct de l’image comprise comme réalité langagière autonome (une fois écrite), est liée à des éléments affectifs primordiaux, notamment aux expériences cénesthésiques et à la conscience confuse qui émerge des sensations corporelles émanant de la sensibilité proprioceptive, qui conduisent initialement le sujet, avant les acquis de la socialisation et de la rationalisation, à projeter sur la réalité extérieure ses impressions physiologiques et motrices. La source des erreurs sur le feu est ainsi, avant tout, l’expérience intime de la chaleur interne du corps, donnant lieu à des convictions non discutées, dans l’entre-implication de la chair et du monde.

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Or, comme le souligne avec insistance Bachelard, en se plaçant cette fois-ci du point de vue de la volonté d’intellectualité et des valeurs de la conscience rationnelle : « une psychanalyse de la connaissance objective doit pourchasser toutes les convictions scientifiques qui ne se forment pas dans l’expérience scientifique objective »1. Pour déterminer la nécessité d’une telle psychanalyse de la connaissance, il convient alors d’identifier et d’examiner, au sein d’un effort de connaissance particulier, ce qui relève de propriétés objectives de la réalité étudiée, et ce qui relève des valeurs psychologiques issues de la subjectivité. Dans ce référentiel épistémologique et critique, la subjectivité n’est plus abordée comme objet de l’enquête, sous l’angle de la connaissance des lois et des structures de l’expérience psycho-affective ou de la réalité humaine intérieure, mais comme obstacle à la connaissance du monde, plus précisément de certaines parties de la réalité extérieure. Et Bachelard de nous donner un critère pour déterminer quand une psychanalyse de la connaissance devient nécessaire : « si, dans une connaissance, la somme des convictions personnelles dépasse la somme des connaissances qu’on peut expliciter, enseigner, prouver, une psychanalyse est indispensable »2. C’est à ce point de jonction théorique que se fait le lien étroit entre l’intérêt pour la psychanalyse et le travail de clarification épistémologique. Si Bachelard n’a explicitement parlé de la psychanalyse, de manière directe et thématique, qu’à partir de La Formation de l’esprit scientifique et de La Psychanalyse du feu, celle-ci est néanmoins déjà évoquée dans La Dialectique de la durée, et on constate déjà la