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Les dialectiques interne et externe de la raison

L’activité dialectique de l’esprit

2. Les dialectiques interne et externe de la raison

La dialectique interne de la raison, où la division s’opère de façon intrinsèque, a été inaugurée selon Bachelard dans le contexte des mathématiques modernes. Ce point est d’autant plus significatif que les mathématiques jouissent habituellement d’une aura de rigueur et de rationalité toujours prégnante dans la pensée commune, au point de véhiculer une image appauvrissant, masquant la nouveauté et la diversification essentielles qui s’y sont révélées au XXe siècle. Or c’est justement dans ce domaine des sciences formelles, indépendantes de l’expérience empirique et des particularités des objets concrets, où les pouvoirs de la raison semblaient les plus assurés et les moins susceptibles de mise en cause, que s’est produite selon Bachelard la première dialectique sérieuse de l’histoire de la pensée humaine. Les conséquences épistémologiques de cette soi-disant « crise de la raison » ont renforcé la dimension dramatique de l’événement, dans la mesure où, comme le souligne Bachelard dans un article de 1938 intitulé « La psychologie de la raison »1, les réactions courantes des savants, mais surtout peut-être des philosophes, face à ces bouleversements, ont été avant tout d’ordre affectif, plus que réellement intellectuels : soit il s’agissait de présenter ces crises comme superficielles et simplement passagères, en prenant le parti que la raison serait restaurée dans ses pleins droits (réaction optimiste), soit au contraire il s’agissait de profiter de ces paradoxes et de ces questions adressés en cascade à la raison pour désespérer de la pensée rationnelle, et encenser les voies de l’immédiateté concrète ou de l’intuition originaire (réaction pessimiste). A l’encontre de ces deux attitudes spécieuses, Bachelard défend qu’il est nécessaire de dépasser ces deux types de valorisations affectives, afin de penser dans sa spécificité cette « crise de la raison », en se mettant à la hauteur de la tâche qu’elle représente, et des problèmes qu’elle soulève. On peut voir, sur ce cas d’école, une exemplification significative de la méfiance de Bachelard vis-à-vis des postures philosophiques grandiloquentes, qui conduisent à tenir des propos péremptoires sur les possibilités de connaissance de l’esprit, sans comprendre que la science progresse grâce à ses crises. C’est pourquoi Bachelard pense qu’il est préférable de parler de « mutation ». La crise de la raison ne vient pas de l’extérieur : la pensée rationnelle se dialectise elle-même. Sur la base de ces constats, la réponse bachelardienne va consister à intégrer la crise aux fonctions normales de la raison. Comme le précise alors Bachelard :

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Cette thèse revient à installer la raison dans la crise, à prouver que la fonction de la raison est de provoquer des crises et que la raison polémique, que Kant a placée dans un rôle subalterne, ne peut laisser longtemps la raison architectonique à ses contemplations1.

Il convient de souligner ici que la notion de « fonction » joue un rôle essentiel dans l’interprétation bachelardienne de la mutation qui s’opère, avec les mathématiques d’abord, puis avec la physique. La crise ne relève pas simplement de l’accidentel, elle constitue au contraire une fonction essentielle de la pensée rationnelle. On comprend ici que la raison ne peut être réduite au rôle purement architectonique d’une structure immuable de l’esprit, caractérisée par des catégories et des principes immuables, et dont la fonction est de construire et consolider l’édifice du savoir. Selon Bachelard, on ne peut plus parler de « système de raison absolu et invariable »2. La raison est foncièrement activité, dynamisme, et il n’y aurait pas vraiment de « raison sans des occasions de raisonner »3. On assiste là à un renversement de perspective : si la raison n’a de sens qu’instanciée dans des opérations réelles, au contact d’objets et de problèmes, alors les « crises » sont nécessaires au développement de la science, dans la mesure sans elles il n’y aurait pas d’« occasions » de raisonner. Or l’activité de la pensée rationnelle est au moins double pour Bachelard, comme nous l’avons déjà souligné la raison a une activité défensive et offensive, une activité de surveillance et une activité d’invention4. C’est par conséquent du point de vue d’une bipolarité fonctionnelle qu’il faut associer la raison polémique à la raison architectonique : il s’agit de deux façons de faire usage de la raison, de faire fonctionner notre faculté d’intellectualité. Mais à la différence de la pensée hégélienne, dont Bachelard se démarque, la détermination de la raison comme dynamisme et activité ne dérive pas de la spéculation. Elle procède d’une réflexion sur et à partir de la recherche scientifique effective. Il s’agit de tirer les enseignements de l’histoire des sciences, de s’instruire des drames qui agitent la science dans sa conquête de la connaissance objective. C’est alors l’idée de dialectique qui permet à Bachelard de qualifier le processus qui rend possible les révolutions scientifiques. Le nouvel esprit scientifique ne prolonge pas la science classique : de Newton à Einstein, il n’y a pas continuité mais rupture.

1 ENG, p. 27. 2 PN, p. 140. 3 PN, p. 144. 4 ENG, p. 29.

La notion de dialectique doit alors permettre, au plan de la réflexivité philosophique, de penser ce qui se joue dans ces mutations de la pensée rationnelle, qui engagent une « refonte corrélative des intuitions et des concepts »1. Dans cette perspective, Bachelard fait de la dialectique un concept opératoire permettant de désigner et de décrire adéquatement les actions critiques de la pensée rationnelle vis-à-vis de ses propres constructions, qui instancient la fonction polémique de la raison C’est ce que nous allons maintenant préciser, en quittant le plan des remarques générales, et leur donner une figure concrète et détaillée, en nous rapportant aux différents domaines où s’appliquent les dialectiques actives de la pensée rationnelle : les principes, les catégories et l’intuition.

Nous commencerons par la dialectique des principes, qui nous permettra de préciser la dialectique interne inaugurée par la pensée mathématique, indépendamment des leçons de l’expérience. Son contexte historique est celui de l’apparition des géométries dites « non-euclidiennes ». En schématisant, on peut dire que les géométries non-euclidiennes se constituent initialement à partir de la critique du cinquième postulat d’Euclide sur les droites parallèles. Cet axiome, qui consiste à poser comme un principe premier que dans le plan, à partir d’une droite donnée, on ne peut construire qu’une seule parallèle à partir d’un point, se présentait comme une vérité première, absolument évidente, dont la validité semblait définitivement acquise. Elle a d’ailleurs perduré de l’Antiquité jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Sa critique a conduit les géomètres à dialectiser la pensée géométrique, c’est-à-dire, pour Bachelard à élargir et à étendre leur axiomatique. L’axiome en question n’est plus considérée comme une vérité absolue et originaire, car il correspond finalement, ainsi que le souligne Bachelard, à un type d’espace particulier : les propriétés de la géométrie euclidienne sont dans une relation de dépendance avec les conditions spatiales de notre expérience de localisation. Dans l’espace à trois dimensions, dans lequel nous vivons et percevons, le postulat sur les parallèles reste valide. Mais si l’on se risque à penser dans un espace à quatre dimensions ou n dimensions, ce que font les mathématiciens en parlant aujourd’hui de variété (non plus d’espace), ou dans un espace à courbure positive ou nulle, alors la validité et l’application du cinquième postulat sont relativisées. C’est le premier sens de la dialectique rationnelle : réviser l’extension d’un principe en considération de ses applications, de ses généralisations ou restrictions possibles. Le postulat sur les parallèles est valable, mais dans un domaine limité, en fonction d’un type d’expérience particulier, celui des intuitions dans l’espace tridimensionnel. De ce fait, dans le cadre d’une géométrie

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dont la base axiomatique est plus étendue, et indépendante des contraintes spécifiques de l’espace euclidien, comme avec les géométries non-euclidiennes, la géométrie classique se présente comme une géométrie particulière ou locale. La « pangéométrie », comme dit alors souvent Bachelard, intègre la géométrie euclidienne en l’« enveloppant », en sorte qu’elle constitue par récurrence une géométrie régionale. On notera au passage que l’idée d’enveloppement, qui peut paraître purement métaphorique, voire douteuse, semble dériver d’une transposition analogique des diagrammes mathématiques, qui permettent d’obtenir une représentation graphique simplifiée des relations d’appartenance ou d’emboîtement selon des niveaux de généralité et des types logiques différents. Toujours est-il que nous avons, avec l’exemple de la géométrie, une première caractérisation de la dialectique des principes rationnels : il ne s’agit pas de rejeter le principe, mais de l’intégrer dans une table axiomatique plus large, autrement dit dans une nouvelle organisation des principes de base. On pourrait alors objecter que ces constructions géométriques sont des fictions, de simples jeux de l’esprit, ou des constructions purement métaphoriques. Mais ce serait oublier que les géométries non-euclidiennes, plus précisément la géométrie sphérique de Riemann, trouveront des occasions de s’appliquer à la réalité physique dans le cadre de la science relativiste. La théorie de la Relativité élaborée par Einstein, qui va bouleverser dès 1905 les fondements de la mécanique newtonienne, dite classique, utilisera notamment les outils mathématiques offerts par les nouvelles géométries.

Le second principe à examiner est celui de non-contradiction, car il semble connaître une nette relativisation avec la mécanique quantique. Les découvertes de la microphysique ont eu en effet pour conséquence, selon Bachelard, d’en rendre nécessaires la révision et la dialectisation. Le problème surgit en raison de la phénoménologie spéciale de l’expérience microphysique : la matière peut être détectée par les appareils soit sous forme corpusculaire, soit sous forme ondulatoire. Or il s’agit là de deux prédicats contradictoires, qu’on ne devrait pas pouvoir attribuer, sans violer le principe de non-contradiction, au même sujet logique. La contradiction qui a marqué l’histoire de l’optique et de la lumière semble se réactualiser ainsi avec l’infiniment petit, en sorte que l’usage du principe logique devrait s’assouplir pour s’appliquer aux données expérimentales, sachant que l’expérience scientifique instrumentée montre clairement que la matière se présente à la fois comme corpusculaire et comme ondulatoire à cette échelle. Ce constat n’invite pas le physicien à rejeter totalement le principe de non-contradiction, qui demeure un principe essentiel de la pensée, mais à en rectifier le champ de validité. Il ne serait pas un absolu de la raison, et ne pourrait pas s’appliquer invariablement à tous les domaines d’expérience. L’organisation

rationnelle de la microphysique impliquerait de l’assouplir, et d’en limiter l’application. C’est dans ce contexte que Bachelard examine dans La Philosophie du non la possibilité d’une logique nouvelle, à laquelle il se montre éminemment sensible, consistant à intégrer la logique dite classique dans une « panlogique ». Il s’agit de souligner, en s’appuyant sur les problèmes soulevés par la microphysique et les avancées de la logique mathématique de l’époque, qui relativise la structure sujet-prédicat au profit de la forme fonction-argument, la possibilité de dialectiser la logique classique. Plus précisément, il est question de mettre en discussion l’extension de la logique classique. Voici le raisonnement de Bachelard. Si la logique générale (ou transcendantale) détermine les lois de la pensée indépendamment de la nature et des propriétés des objets auxquels s’applique les énoncés, alors l’objet étudié par la logique générale ne possède aucune spécificité : c’est un « objet quelconque »1. De cette prémisse on peut déduire que si une logique s’attache à un objet possédant des spécificités, alors elle constitue une logique particulière (ou appliquée). Dans ce cas, elle ne possède plus une valeur absolue, une extension universelle et une dimension nécessaire, mais elle vaut relativement à une classe d’objets spécifiques, à laquelle elle pourra légitimement s’appliquer. La question se pose alors de savoir, pour évaluer la prétention de la logique à détenir une valeur absolue, si on peut éliminer toute spécificité aux objets analysés dans le cadre de la logique classique héritée d’Aristote. Or, dit Bachelard, « si la dialectique qui divise les objets en classes est une dialectique première, fondamentale, si elle touche les principes assez profondément pour qu’on ne puisse plus espérer subsumer les objets de deux classes dans une même classe, alors il n’y a plus de logique transcendantale »2, mais seulement des logiques locales appliquées à des classes d’objets incommensurables. Bachelard présente le problème sous forme d’une alternative : 1) soit il existe une classe fondamentale sous laquelle on peut subsumer tous les objets, en faisant abstraction de leur spécificités, et il peut exister une logique absolument valable (option de l’unité) ; 2) soit il existe des espèces d’objets quelconques, et alors « il est nécessaire de déterminer autant de logiques qu’il y a de types d’objets quelconques »3. L’enjeu est d’importance. Il concerne les principes fondamentaux de la raison, et les règles qui assurent la rectitude et la validité du raisonnement. Autant de questions qui agitent les penseurs et les savants de l’époque, mobilisés par les difficultés théoriques soulevées par une mécanique qui bouleverse les habitudes intellectuelles. 1 PN, p. 106. 2 PN, p. 106. 3 PN, p. 111.

Mais les implications du problème, comme le rappelle explicitement Bachelard, sont aussi de nature psychologique, et concernent l’usage de la pensée rationnelle dans l’acte de connaissance. Comme le dit en effet Bachelard :

Si le monde de l’objet quelconque est divisé, le je pense correspondant à l’objectivation est divisé, le je pense doit avoir une activité dialectique ; il doit se mobiliser, s’alerter dans une activité dialectique »1.

Il faut comprendre par-là que la réforme de la logique, si elle s’impose comme une tâche nécessaire, implique une réforme psychologique, dont l’enjeu est la dialectisation de nos « habitude de logique aristotélicienne »2, lesquelles se cristallisent sur des habitudes linguistiques. Comme nous l’avons déjà signalé, le pensée réaliste et substantialiste naïve s’exprime dans la forme grammaticale sujet-copule-prédicat (x est y), par l’attribution de qualités à un objet. Le problème est que cette manière de parler n’est plus adéquate pour les phénomènes microphysiques. Si on énonce le caractère corpusculaire de la matière sous forme propositionnelle en disant : « l’électron est un corpuscule », on induit l’idée que le phénomène « électron » est un objet auquel on peut attribuer la forme déterminée d’un petit corps, ce qui est inexact. Et si on ajoute que « la matière est un phénomène ondulatoire », en suivant les leçons de la mécanique quantique, on est alors conduit à énoncer une proposition qui entre en contradiction avec la première. Or, ces difficultés dérivent selon Bachelard du fait que les règles syllogistiques sont en accord avec les phénomènes de l’expérience commune, mais ne sont pas opératoires pour décrire le micro-objet. Dans cette perspective, il faut comprendre que la fixation de l’objet dans le sens commun se fonde sur une corrélation étroite entre la géométrie euclidienne, la mécanique newtonienne, la logique aristotélicienne et la métaphysique kantienne. Cette corrélation dépend à son tour d’un « accord quasi miraculeux »3 entre les principes de l’intuition (représentation spatiale) et les principes de l’entendement (relations logiques d’inclusion et d’appartenance), en sorte que l’espace permet de symboliser facilement la substance : les prédicats appartiennent à la chose à la façon dont un espace contient des éléments. C’est pour cela que les principes logiques doivent êtres dialectisés : ils dérivent d’un type d’« objet quelconque » qui possède des spécificités, et des formes intuitives les plus simples, ancrées dans l’expérience que nous faisons dans l’espace euclidien à trois dimensions.

1 PN, p. 106

2 PN, p. 112.

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Si tel est le cas, on ne peut pas isoler la dialectique des principes logiques de la dialectisation des intuitions sensibles, pas plus qu’on ne peut faire des principes rationnels, tels que le principe de non-contradiction, des absolus logico-formels1. Or si les principes de la logique classique, qui sont opératoires dans le cadre de la physique newtonienne, sont corrélés à des formes intuitives ancrées dans l’expérience concrète, alors la microphysique ne peut être comprise qu’à la condition d’une « libération intuitive »2. La dialectique des principes logiques, qui est nécessaire et justifiée dans le cadre de la science microphysique, mais dont l’extension à la pensée en général serait probablement indue3, doit se doubler pour Bachelard d’une refonte des intuitions immédiates. Et contrairement à ce que peut suggérer une première approximation de l’œuvre, la critique de l’intuition immédiate ne conduit pas à un rejet total de l’intuition chez Bachelard. Son propos bachelardien consiste plutôt à souligner la nécessité de passer des intuitions premières aux intuitions de seconde approximation, des intuitions immédiates aux intuitions travaillées. La dialectique des intuitions consiste ainsi à fonder de nouvelles intuitions, préparées par une étude discursive. C’est en passant par l’abstraction que l’on peut épurer l’intuition de ses résidus premiers. Pour préciser ce schéma général, on peut se référer à l’exemple des intuitions de l’espace et du temps, telles qu’elles sont rénovées par la théorie de la Relativité. Dans l’article intitulé « La dialectique philosophique des notions de la Relativité », datant de 1949, Bachelard tente de mettre en évidence « le long processus discursif qui conduit la science à fonder de nouvelles intuitions »4. Avec la théorie de la Relativité, on assiste à une dialectique de la raison sur l’obstacle expérimental : l’expérience ratée de Michelson-Morley, qui visait à prouver l’existence de l’éther, c’est-à-dire d’un espace absolu dans lequel se produiraient tous les phénomènes physiques. Cette hypothèse était nécessaire en raison de la théorie newtonienne de la gravitation universelle : si tous les phénomènes matériels sont liés par un phénomène d’attraction, et qu’une force n’agit pas à distance, alors une propagation de la force d’attraction dans un milieu continu est nécessaire. Toujours est-il que l’échec de cette expérience de Michelson-Morley n’a pas conduit, finalement, à une défaite de la raison. Cet

1 Sur cette question, on lira le mathématicien Bouligand, qui parle explicitement de dialectique mathématique, et auquel Bachelard se réfère, notamment dans Le Rationalisme appliqué. Cf. G. Bouligand, J. Desgranges, Le

déclin des absolus mathématico-logiques, Paris, SEDES, coll. « Esprit et Méthode », 1949. 2 PN, p. 104.

3 Fidèle à son sens de la nuance et de la prudence, Bachelard ne cède pas à la tentation de conclure qu’il faut renoncer dans l’absolu aux principes logiques, en instaurant la contradiction au cœur de la pensée et de l’être. Il cherche plus modestement à souligner la nécessité de pluraliser le système des principes rationnels, et de spécifier leur application. S’il reconnaît la valeur des travaux philosophiques de Lupasco sur la contradiction, dont il plébiscite la publication, il précise néanmoins : « Nous n’allons toutefois pas aussi loin » (PN, p. 136).

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échec a été au contraire l’occasion d’un dialogue rénové de la raison avec le réel construit par l’expérimentation scientifique. C’est Einstein qui en tirera toutes les conséquences, et en présentera la face positive, féconde, avec l’élaboration de la théorie de la Relativité. Sans entrer dans tous les détails de la critique einsteinienne, nous soulignerons que c’est la dialectisation de la notion de simultanéité qui a rendu possible l’élaboration théorique de l’espace-temps. Comme le rappelle Bachelard, Einstein exige que la notion intuitive de simultanéité, à savoir que deux évènements distincts se produisent au même moment (paramètre temporel) à deux points différents de l’espace (paramètre spatial)1, soit vérifiée par une expérimentation précise, permettant d’en donner une confirmation par la mesure. Pour accepter la notion de simultanéité, il faut une expérience positive, posée en termes scientifiques précis. L’évidence de l’expérience première et immédiate ne suffit plus pour que la simultanéité soit admise au rang de concept scientifique. Or la définition opératoire