• Aucun résultat trouvé

LES RELATIONS ENTRE FRANCOIS DU SOUHAIT ET LES ECRIVAINS DE SON TEMPS

PREMIÈRE PARTIE

CHRONOLOGIQUE,DES OEUVRES DATÉES DE FRANÇOIS DU SOUHAIT

E. LES RELATIONS ENTRE FRANCOIS DU SOUHAIT ET LES ECRIVAINS DE SON TEMPS

Outre les relations que notre écrivain put avoir à la cour de Lorraine avec Nervèze ou même Faret, on peut tenter de définir quel fut le réseau des connaissances de François du Souhait parmi les intellectuels de son temps.

Certains écrivains font appel à lui à l'intérieur même de leurs œuvres. C'est le cas de Timothée de Chillac dans les œuvres duquel on peut lire ce "sonnet à Monsieur de Chillac sur ses Amours" signé de Du Souhait3 :

"Amours prenez ces vers pour vous servir de flames (...) Chillac laisse tes vers pour fuir les amours

Non, ne les laisse pas, fais en naistre tousjours Amour te fit aimer, tes vers font que l'on t'aime"

De Chillac, pour sa part, écrit des stances4 en hommage aux Amours de Poliphile et Mellonimphe, stances qu'il fait figurer dans ses propres œuvres: "Sortez âmes d'amour et les amours des âmes..."

1 Du Souhait, L'Iliade, 1614, a3v.

2 Du Souhait, L'Iliade, 1614, a5v.

3 Timothée de Chillac, Les oeuvres de..., 13v.

4 Ibid.

Dans les œuvres du sieur de Deimier, on lit également un sonnet de Du Souhait, jouxtant un sonnet de Jacques Corbin, il s'agit du sonnet1 :

"Les vers estoyent sans art, et l'amour sans pouvoir (...) Pour estre surmonté, mon Deimier tu triomphe

Tu es vaincu d'Amour, tes vers en sont vaincueurs : Et pour t'estre rendu tu en as le triomphe"

Pierre de Deimier, pour sa part inclut dans son recueil un sonnet élogieux pour "Monsieur du Souhait, sur son livre du Vray Prince"2 :

"Les celestes seigneurs, les anges et Jupin

De leur hautain pouvoir, de leur main, de sa flame Ont animé, doré, influé dans ton âme

Le cœur, la voix, le bras d'un Prince tout divin"

Pierre de Deimier faisait partie des familiers de la reine Margot, tout comme Jacques Corbin. Ce dernier connaissait bien Du Souhait. Il compose en son honneur un sonnet extrêmement élogieux qui figure en tête du Vray prince ("Tes faicts sont le Vray Prince et ton livre l'image..."3) ainsi que des stances pour sa Vraye noblesse ("Noblesse des esprits, esprit de la noblesse..."4). On peut penser avec Jean Serroy que Du Souhait, par l'intermédiaire de ses amis, a fréquenté ce cercle et qu'il a "élaboré son œuvre au contact des membres de cette société mondaine, la plus brillante de son temps"5.

Jean Serroy a, d'autre part, relevé6 l'indice suivant : "dans l'avis au lecteur qu'il place en tête de son édition de 1633, Sorel attribue le Francion à Moulinet du Parc, prétendant que ce dernier aurait écrit des Histoires comiques "à l'envy de Du Souhait (...) et comme pour le braver, (parce qu')il y avait de la contention entre ces deux esprits qui estoient d'un même temps"7. Si l'attribution à Moulinet du Parc est manifestement une supercherie, la remarque faite par Sorel pour accréditer sa thèse a toute chance d'être exacte". Jean Serroy note à l'appui de cette affirmation le fait que Jean Villot, éditeur de Moulinet du Parc, demanda à celui-ci en 1612, à la suite de la parution des Histoires comiques, d'écrire dans la même veine Les facétieux devis et plaisants contes.

1 De Deimier, Les premières oeuvres de..., a2v.

2 Ibid, p.191. Ce sonnet figure dans les pièces du Vray prince de 1599.

3 Du Souhait, Le vray prince, a6r.

4 Du Souhait, La vraye noblesse, a6r.

5 J. Serroy, exemplaire dactylographié de sa thèse, p.19.

6 Idem.

7 Sorel, Francion, p.376.

On peut enfin rappeler pour mémoire que des recueils collectifs, dont l'audience fut grande à l'époque, publient des œuvres de Du Souhait. C'est le cas du Labyrinthe d'amour de 1611, du second tome du Parnasse de 1607, des Satyres bastardes de 1615, du Cabinet satyrique de 1618.

François du Souhait semble donc avoir un nom qui comptait parmi les écrivains de son temps en la compagnie desquels il semble bien intégré : pourtant les jugements portés sur son œuvre par ses pairs ne sont pas toujours des plus flatteurs. Ainsi, dans son journal, Pierre de l'Estoile ne mentionne t'il Du Souhait qu'en avril 16041 : "En ce temps fust publié et imprimé à Paris l'Antisoldat françois, fait par ung nouveau poëtastre et escrivaceau de ce temps, nommé Du Souhait, qui est un discours fort peu souhaitable de tous les gens d'honneur, et si gausse et mal tissu qu'il ne mérite qu'un Matagot pour reprise. Au reste qui sent de loin son ame cautérisée Hespagnol, rejetté à bon droit de tous les bons et naturels François". C'est bien peu d'indications sur notre écrivain dans un Journal qui fourmille en notations sur les faits divers de cette époque. Quant à Sorel, même s'il a parfaitement conscience de devoir beaucoup à François du Souhait, il ne cite dans sa Bibliothèque françoise de 1667 que Nicolas Faret parmi les auteurs de "livres pour la conduite générale des mœurs"2, omettant volontairement notre auteur à qui il ne concède une place dans son ouvrage qu'au titre de son œuvre de traduction : "L'Iliade d'Homère ayant esté traduite en vers françois par Hugues Salel et par Amadis Jamin, a esté depuis traduite en prose par le sieur du Souhait"3.

La personnalité de François du Souhait se profile au travers de l'étude externe de son œuvre et des quelques traces biographiques qu'il a laissées dans nos archives. Homme d'origine sans doute modeste, il put pénétrer en 1599 dans le monde des lettres grâce à la bienveillance de ses protecteurs lorrains. Ecrivain prolixe, sans doute doté d'une personnalité qui osait s'affirmer, il finit par déplaire, faute impardonnable pour un homme de sa condition qui, de ce fait et quels que fussent son talent et ses projets littéraires personnels, disparut de la scène publique en 1614.

1 Sorel, Francion, p.376.

Pierre de l'Estoile, Journal..., p.24.

2 Sorel, Bibliothèque françoise, p.63.

3 Ibid, p.167.