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La relation entre les estimations de résultat et les recommandations

Section 1. Les caractéristiques des analystes financiers réalisant les meilleures performances

1.3. La relation entre les estimations de résultat et les recommandations

Les estimations de résultats d’une part et les recommandations d’autre part émises par les analystes financiers contiennent des informations utilisées par l’investisseur dans sa décision d’agir sur le titre concerné. Ces deux productions de l’analyste financier font l’objet d’études conjointes depuis le début des années 1990 en raison de la relation évidente entre l’estimation de résultat et la recommandation de l’analyste.

La recommandation apporte à l’investisseur une information sur la performance espérée par l’analyste sur la valeur suivie. Cette performance est assise sur une valorisation du titre estimée par l’analyste à partir des estimations des résultats futurs qu’il a construit sur la base de l’information privée qu’il a collecté auprès de l’entreprise.

Les premières études traitant à la fois des estimations de résultats et des recommandations des analystes montrent l’existence d’une relation forte entre la prévision de résultat et la recommandation. Francis & Philbrick [1993] trouvent une relation négative entre le signe de l’erreur de prévision et le niveau de la recommandation. Ils interprètent ces résultats à l’aune d’une théorie qu’ils appellent la théorie des relations avec le management22. Les analystes réalisent des prévisions optimistes pour compenser auprès du management de l’entreprise l’effet d’une recommandation défavorable.

Cette théorie sera remise en cause par un certain nombre d’articles au cours des années suivantes. En particulier, Bandyopadhyay, Brown & Richardson [1995] montrent l’influence positive de la prévision de l’analyste dans la détermination du prix objectif qu’il préconise et donc de la recommandation qui accompagne ce prix objectif.

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Leurs premiers résultats ont démontré qu’une révision de prévision des résultats pour l’année en cours expliquait près de 30% de la variation du cours objectif à douze mois publiée par l’analyste, c'est-à- dire la performance attendue par l’analyste sur la valeur sur la période.

Lorsque l’horizon de la prévision est de 3 à 5 ans, cette prévision explique près de 60% de la variation du prix objectif publié par l’analyste. Ils concluent ainsi à l’influence des prévisions de résultat de l’analyste dans son processus de détermination du prix objectif et donc de la recommandation.

Ces conclusions seront confirmées plus tard par Bradshaw [2004]. Ce dernier étudie le consensus de recommandations et d’estimations de résultats émises par les analystes sur le marché américain entre janvier 1994 et juin 1998. Il explore la relation entre le consensus de recommandations sur le titre et différentes méthodes d’évaluation du titre basées sur le consensus d’estimation des résultats et susceptibles d’être utilisées par l’analyste dans la détermination de la recommandation.

Il montre qu’il n’existe par de relation entre la recommandation de l’analyste et la valeur obtenue par l’utilisation de modèles d’évaluation basés sur l’actualisation de revenus futurs. En revanche, il trouve une relation significative entre le consensus des recommandations et la valorisation du titre obtenue à partir du consensus sur le taux de croissance des résultats à long terme.

Eames, Glover & Kennedy [2002] montrent que le signe de l’erreur de prévision est en moyenne cohérent avec la recommandation associée au titre considéré. Ils observent sur un échantillon d’analystes américains entre 1988 et 1996 que les analystes utilisent l’information à leur disposition dans leur processus de construction de l’estimation de manière à ce que cette estimation soit un bon support de la recommandation émise sur le titre considéré.

L’erreur de prévision de l’analyste est d’autant plus optimiste (pessimiste) que la recommandation associée est positive (négative).

Les auteurs expliquent la différence de leurs résultats avec ceux de Francis & Philbrick [1993] par l’introduction d’une variable relative à la relation entre le résultat publié et l’erreur de prévision qui n’avait pas été identifiée par Francis & Philbrick [1993]. La prise en compte de cette variable dans le modèle conduit à l’inversion du signe du paramètre reliant la recommandation avec l’estimation des résultats qui devient négatif.

Plus récemment, Lutsgarten & Tang [2008] testent sur la période 1992-2004 la relation entre le positionnement des estimations de résultats par rapport au consensus des estimations sur la valeur et le positionnement des recommandations par rapport au consensus des recommandations sur la valeur. Ils trouvent également une relation positive c'est-à-dire que les estimations optimistes sont accompagnées de recommandations également positives. Ils tentent d’identifier les facteurs susceptibles de renforcer ou de diminuer cette relation.

Ils testent ainsi des facteurs comme le nombre d’analystes suivant la valeur, l’horizon de la prévision et certaines caractéristiques de l’entreprise reconnues par la littérature antérieure comme ayant un impact sur le cours du titre lorsque connues par le marché23.

Leurs résultats révèlent des impacts différents suivant les facteurs considérés.

L’augmentation du nombre d’analystes suivant la valeur renforce de 2,5% la relation entre le positionnement des estimations trimestrielles et le niveau relatif de la recommandation par rapport aux consensus. Sur une base annuelle, cet accroissement atteint 2,7%.

L’horizon de la prévision accroît également la relation entre estimations et recommandations confirmant ainsi les résultats précédents de Bandyopadhyay, Brown & Richardson [1995].

La croissance des résultats et la santé financière de l’entreprise renforcent la relation respectivement de 12,55% et 34% lorsque mesurées sur les résultats trimestriels. Plus ces facteurs sont élevés, plus l’analyste émettra une recommandation en ligne avec ces perspectives.

Le coefficient béta, la volatilité des résultats et l’intensité capitalistique réduisent la relation de respectivement 15%, 14% et 5,67%, traduisant peut-être l’incertitude sur la justesse des prévisions manifestée par l’analyste au travers d’une recommandation qui ne reflète pas parfaitement sa prévision de l’évolution des résultats.

Au-delà du sens de la relation entre estimations et recommandation clairement établi, la performance de la recommandation de l’analyste dépend de la qualité de l’estimation émise par l’analyste sur la valeur. La qualité de l’estimation est mesurée par l’erreur sur cette estimation par rapport au résultat effectivement publié. Comme évoqué plus haut, l’estimation de résultat est utilisée par l’analyste dans le processus de détermination du prix attendu sur le titre. La recommandation d’achat ou de vente tient compte du prix du titre constaté sur le marché. Intuitivement, plus l’erreur de la prévision est faible, plus elle reflète le niveau de résultat qui sera publié par l’entreprise. En conséquence, la recommandation reflète l’évolution que doit connaître le titre dans l’hypothèse où l’information nouvelle véhiculée par la recommandation est immédiatement intégrée par le cours.

Loh & Mian [2006] comparent ainsi les performances de portefeuilles de valeurs recommandées par les analystes lorsque ces portefeuilles sont construits en fonction du niveau d’erreur sur la prévision associé à chaque valeur recommandée.

23 Ces caractéristiques sont la croissance attendue des résultats, la santé financière de l’entreprise, le risque systématique du

Ils montrent que les portefeuilles construits avec des valeurs à l’achat ou à la vente dont la prévision de l’analyste fait partie du quintile des prévisions les plus justes procurent à l’investisseur une rentabilité anormale mensuelle de 0,763%.

A l’opposé, la performance des portefeuilles de valeurs recommandées par les analystes faisant partie des moins bons prévisionnistes procurent à l’investisseur une rentabilité anormale moyenne mensuelle de -0,529%.

Ainsi, d’après ces résultats, l’investisseur qui suit les recommandations de mauvais analystes a un manque à gagner de près de 1,29% en moyenne mensuelle sur son portefeuille. L’importance pour l’investisseur de pouvoir reconnaître parmi la population des analystes ceux dont les performances de prévisionnistes sont les meilleures est ici démontrée.

Dans le prolongement de cette étude, Ertimur, Sunder & Sunder [2008] confirment la relation positive entre la justesse de la prévision et la rentabilité de la recommandation qui l’accompagne, mais relèvent une relation encore plus forte lorsque les résultats publiés par l’entreprise sont informatifs24

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Ils relèvent également l’impact négatif des conflits d’intérêts que subit l’analyste lorsqu’il est employé par une banque d’investissement sur la relation entre la justesse de l’estimation et la profitabilité de la recommandation. Cette observation est particulièrement vraie pour les recommandations d’achat émises par les analystes appartenant à une banque d’investissement pour lesquelles la relation entre la justesse de l’estimation et la profitabilité de la recommandation n’est plus significative.

En conclusion, la publication d’estimations de résultats et de recommandations par les analystes a un intérêt indéniable pour l’investisseur. Cet intérêt a été largement démontré par la littérature existante. La publication des estimations apporte de l’information nouvelle sur la société sur laquelle elle porte comme le montre l’observation de rentabilités anormales sur le cours du titre lors de la publication. Les recommandations sont également porteuses d’information mais plus encore les changements de recommandations pour lesquels la rentabilité anormale sur le titre est plus élevée que celle associée à l’émission de la recommandation prise isolément. Les estimations de résultats et les recommandations sont liées en ce que les premières concourent à la détermination des secondes.

Face à ces constatations, l’investisseur peut-il faire confiance et suivre les publications de n’importe quel analyste sur le marché ? La réponse est négative puisqu’il a été démontré que les analystes n’étaient pas identiques dans leur capacité à publier des estimations de résultat et des recommandations profitables. En effet, l’analyste réalisant les meilleures performances en termes de qualité de ses estimations et de ses recommandations est, a priori, expérimenté, appartient à une société d’intermédiation de taille importante, est spécialisé sur un secteur et suit peu de sociétés différentes.

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Par l’observation de ces caractéristiques, l’investisseur peut donc identifier l’analyste qui lui permettra d’obtenir l’information privée la plus valorisable.

Cependant, cette information n’est pas toujours fiable car l’analyste n’utilise pas toujours toute l’information à sa disposition. Il est influencé dans ses choix par l’environnement dans lequel il opère qui le conduisent à publier des estimations de résultat et des recommandations souvent biaisées.

L’investisseur semble également informé de ces biais comportementaux au vu de sa réaction à la publication de ces informations biaisées.

Comment l’investisseur parvient-il à identifier les analystes les meilleures parmi l’ensemble de la population d’analystes ?

L’observation systématique des performances de l’analyste est un procédé couteux auquel l’investisseur ne peut se livrer systématiquement. Une solution est de recourir aux résultats des classements afin de connaître l’opinion des clients sur la qualité des publications des analystes financiers.

Section 2. Les classements et la réputation : le cas particulier des