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La reconnaissance du principe de l’assurance de responsabilité civile

Les premiers contrats d’assurance de responsabilité étaient destinés à garantir l’assuré contre certains risques de responsabilité objective.

En France, l’assurance dite « du risque locatif », apparue au début du 18ième siècle, est considérée comme la première véritable manifestation d’assurance de responsabilité en assurance terrestre. Cette protection contre un risque de responsabilité particulier n’avaient pas d’existence autonome mais était émise à titre de garantie complémentaire ou accessoire à l’assurance contre les incendies.21 Elle visait à garantir la responsabilité présumée, prévue aux articles 1733 et 1734 du Code civil français, qui incombait au locataire pour les dommages matériels causés à l’immeuble par un incendie ayant pris naissance dans son logement.22

Vers 1825 apparaît ensuite l’assurance de responsabilité des employeurs pour les accidents du travail. Cette dernière est émise sous la forme d’une d’assurance collective combinée. À l’instar de l’assurance du risque locatif qui ne pouvait être émise sans assurance incendie, cette assurance de responsabilité était offerte à l’employeur, accessoirement à une assurance accident souscrite par ce dernier en faveur de ses employés.23

20 Id., p. 19 ; voir aussi à ce sujet Jean DELUMEAU, Rassurer et protéger dans l’occident d’autrefois, Paris, Grasset, 1989, p. 524 et ss. 21 V. G. CADÈRE, précité note 1, p. 27 ; voir aussi J. HÉMARD, précité note 2, p. 194 ; M. PICARD et A. BESSON, précité note 5,

p. 289.

22 V. G. CADERE, précité note 1, p. 27 ; H. DE LALANDE, Traité théorique et pratique du contrat d’assurance contre l’incendie, Paris,

Ernest Thorin, 1885, nos. 741 et 783 ; I. ALAUZET, précité note 1, p. 349 ; M. PICARD et A. BESSON, précité note 5, p. 55.

23 Joseph HÉMARD, Théorie et pratique des assurances terrestres, t.2, Paris, Sirey, 1925, p.228 ; Cette assurance est apparue à la même

époque aux Etats-Unis, voir William R. VANCE et Buist M. ANDERSON, Handbook on the law of insurance, 3rd ed., St. Paul, West

À cette même époque, une assurance garantissant la responsabilité des propriétaires de voitures et de chevaux découlant des accidents de la route a fait son apparition.24 Elle a toutefois suscité rapidement la controverse et provoqué un débat sur l’assurabilité même de la faute civile que certains auteurs jugeaient immorale.25

L’argument de l’« immoralité » de l’assurance n’était évidemment pas propre à l’assurance de responsabilité. Il a été invoqué à l’encontre de presque toutes les espèces d’assurance. Que l’on pense à l’assurance vie, longtemps interdite parce que considérée comme une incitation à l’homicide26, ou à l’assurance contre le feu, décriée d’abord comme encourageant le crime d’incendiat ou, à tout le moins, la négligence.27 En fait, la plupart des assurances ont inspiré des craintes en raison du fait qu’elles pouvaient constituer pour l’assuré une incitation à provoquer le risque ou à ne pas empêcher qu’il se réalise.

L’argument moral s’est opposé encore plus vivement à l’endroit de l’assurance dont l’objet du risque est la faute de l’assuré. D’un point de vue technique, cette assurance remettait en cause l’existence même de l’aléa inhérent à la notion de risque d’assurance. Le risque apparaissant aux auteurs de l’époque comme une manifestation du hasard et étant avant tout défini comme un événement essentiellement incertain, il ne pouvait, par définition, comprendre un événement dépendant de la volonté plus ou moins directe de l’assuré.28 D’un point de vue moral, l’assurance de responsabilité s’opposait à la règle d’ordre public interdisant « toute

convention ayant pour objet de se décharger directement ou indirectement de la responsabilité de ses fautes ».29

En Angleterre, à la même époque, la doctrine doutait aussi qu’une telle convention puisse être sanctionnée par les tribunaux : « No action lies upon a contract of indemnity against the liability arising from the doing of an

act which is manifestly unlawful, or which the doer of it knows to be unlawful, as constituting either a civil wrong or a criminal offense […] no court will lend its aid to a man who founds his cause of action upon an immoral or illegal act »30

24 Cette assurance tirait son origine, semble-t-il, d’une ordonnance de police du 23 août 1821, qui obligeait les cochers de Paris à verser

chaque jour entre les mains du patron une « prime » destinée à payer les amendes ainsi que les dommages causés au tiers, V. G. CADERE, précité note 1, p. 27.

25 Infra, note 27 et 28.

26 En France, notamment, l’assurance-vie était prohibée par l’Ordonnance de la Marine de 1681 (Titre VI, livre III, article 10), condamné

par d’éminents jurisconsultes (VALIN, ÉMÉRIGON ET POTHIER). Lors de l’adoption du Code civil [français], Portalis s’éleva durement contre cette institution : « Ces espèces de pactes sur la vie ou la mort d’un homme sont odieux et ils peuvent n’être pas sans

danger », cité dans M. PICARD et A. BESSON, précité note 5, pp. 25-29 ; Malgré sa reconnaissance en 1818, l’assurance-vie a continué

d’être critiquée. Certains réclamaient même un retour à l’interdiction de 1681. Notamment, dans une affaire célèbre, La Pommeraie. Crim., 4 juin 1864, 1, 497, le « Procureur général Dupin prononça un réquisitoire sévère contre l’assurance sur la vie, qu’il voulait voir

interdire au nom de l’ordre public par le législateur [...] », M. PICARD et A. BESSON, précité note 5, pp. 25-29. 27 W. R. VANCE et B. M. ANDERSON, précité note 23, p. 19-20.

28 Maurice PICARD et André BESSON, Les assurances terrestres en droit français, 5ième éd., t. 1, « Le contrat d’assurance », par A.

Besson, Paris, L.G.D.J., 1982, p. 108, no 65.

29 Gaston STEPHANI, De l’assurance des fautes, Paris, P.U.F., 1923, p. 132.

30 « The Historical approach to Public Liability Insurance », Journal of the Chartered Insurance Institute, London, 1949, vol 46, part. II,

L’assurance de responsabilité rencontrait une résistance spécialement vigoureuse en France, où les juristes remettaient en cause la légalité même de cette assurance, se demandant si la faute civile pouvait légalement faire l’objet d’une assurance.

La question de l’assurabilité des conséquences de la faute de l’assuré s’était d’ailleurs posée tant en matière d’assurance de biens qu’en matière d’assurance de responsabilité mais elle s’est posée avec plus d’acuité dans ce dernier cas. Un auteur explique pourquoi :

Par l’assurance de responsabilité, l’assureur se charge de garantir l’assuré contre les conséquences de sa faute, le risque qu’il prend en charge est donc la faute. Dans les assurances réparation l’assureur garantit l’assuré contre un événement incertain, l’incendie, l’accident et ce n’est qu’accessoirement, on peut le dire qu’il garantira la faute de l’assuré qui aura eu pour résultat de produire l’événement incertain.31

C’est dans le contexte de l’apparition de l’assurance de responsabilité contre les dommages causés aux tiers par les voitures et les chevaux, dont il a été question précédemment, qu’a eu lieu le débat sur la validité de l’assurance de responsabilité pour faute.32 Cette assurance, qui avait connu, dès le départ, une grande popularité auprès des propriétaires de voiture, faisait l’objet de sévères critiques de la part de nombreux juristes qui en dénonçaient l’immoralité.33

Pourtant, l’assurance de la responsabilité locative était déjà d’usage répandu bien avant l’avènement de l’assurance des voitures et des chevaux et elle n’avait, jusqu’alors, soulevé aucune discussion quant à sa validité. Cela s’explique par le fait que dans l’assurance dite du risque locatif les risques de responsabilité transférés à l’assureur étaient des risques qui découlaient de la responsabilité objective de l’assuré. En effet, la responsabilité locative de l’assuré intervenait le plus souvent en l’absence de toute faute de sa part34 ce qui avait pour effet de laisser subsister l’élément aléatoire. Ainsi, l’assuré ne transférait pas à un tiers une obligation découlant d’une faute, mais plutôt une obligation découlant de la loi seule. Puisque, dans ce cas, il ne cherchait pas à faire assumer par un tiers une sanction qu’il aurait dû supporter personnellement, l’argument de l’immoralité de l’assurance du risque locatif ne se posait pas avec autant d’acuité. Par ailleurs, il était entendu, tant en matière d’assurance directe contre les incendies qu’en matière d’assurance du risque locatif, qu’aucune indemnité n’était payable par l’assureur lorsque l’incendie était causé par une faute attribuable à l’assuré.35

En France, c’est en 1837 que l’exclusion de garantie relative à la responsabilité locative de l’assuré découlant d’un incendie causé par son comportement négligent fut véritablement remise en question. Le débat relaté

31 G. STEPHANI, précité note 29, p. 21.

32 Id., p. 28 ; J. HÉMARD, précité note 2, p. 215-216, no. 124 ; M. PICARD et A. BESSON, précité note 5, p. 289-290 ; MARGEAT,

Déclin, remanence ou renaissance de la responsabilité civile ?, Risques : les cahiers de l’assurance, octobre 1992, p. 37. 33 V. G. CADERE, précité note 1, p. 27.

34 Art. 1733 et 1734 du Code civil français.

35 H. A. QUENAULT, Traité des assurances terrestres : suivi de deux traités : de l’assurance contre l’incendie et de l’assurance sur la vie des hommes, Paris, B. Warée, 1828, p. 41.

précédemment relatif à l’assurabilité de la faute, qui avait eu lieu à propos de la responsabilité en cas d’accident de voiture, avait rendu le climat propice à cette remise en question. C’est par conséquent dans ce contexte qu’une décision de la Cour de cassation du 12 juillet 1837 a reconnu pour la première fois que l’assurance pouvait garantir les conséquences d’une faute civile, en l’occurrence les dommages résultant d’un incendie attribuable à la négligence de l’assuré36.

Profitant de cette ouverture faite par la Cour de cassation, la question de l’assurabilité de la faute civile fut à nouveau soumise aux tribunaux à l’initiative des compagnies L’Automédon et La Seine. Le Tribunal de commerce de la Seine rendit, le 11 août 1841, une décision reconnaissant la validité de l’assurance de la responsabilité résultant de la conduite de voitures et de chevaux.37

Pendant un temps, certains auteurs ont continué de dénoncer cette forme d’assurance38. Alauzet était de ceux-là :

Il existe à Paris plusieurs compagnies qui assurent contre les accidents causés par les voitures et les chevaux circulant dans les rues. […] elles ont étendu leurs opérations aux « accidents causés à des tiers par des propriétaires de voiture, sur la voie publique ». De pareilles assurances sont d’une grande immoralité et ne sauraient être tolérées. Nul ne peut se faire assurer contre son délit […] ; aucune des conséquences qui peuvent en résulter pour l’auteur, ne doit être adoucie ou annulée. […]39

Les tribunaux n’ont pas été insensibles à ces arguments, si bien que quelques années plus tard, soit en 184440, le Tribunal de commerce de La Seine revenait sur sa prise de position et déclarait la nullité de l’assurance de responsabilité contre les dommages causés aux tiers par les voitures et les chevaux, en raison du fait que cette assurance constituait « une excitation (sic) à l’incurie »41. La Cour n’avait pu se résoudre à sanctionner un contrat qui allait ainsi à l’encontre de l’ordre public, tel qu’enseigné dans les écrits des auteurs de droit maritime à propos de l’assurance des fautes.

Parmi ceux-ci, Valin avait jugé « absurde, illusoire et frauduleuse » une telle assurance42 et Émérigon écrivait ceci : « Il est donc certain que les assureurs ne répondent jamais des dommages et des pertes qui arrivent

directement par le fait ou la faute de l’assuré lui-même. Il serait en effet intolérable que l’assuré s’indemnisât sur autrui d’une perte dont il serait l’auteur. Cette règle dérive des premiers principes. […] C’est ici une

36 C. Cass., 12 juillet 1837, D., 1837.1.461. 37 Trib. Com. Seine, 11 août 1841, D., 1841.2.6.

38 « L’assurance est une garantie contre les cas fortuits seulement (…) » Alphonse GRÜNT et JOLIAT, Traité des assurances terrestre,

Paris, éd. privée, 1828, p. 12 ; « Il n’est pas permis de se faire assurer contre les suites de ses propres fautes [...] On ne peut obliger

directement ni indirectement l’assureur à répondre du sinistre qui arriverait par la faute de l’assuré », V. G. CADÈRE, précité note 1,

p. 38 ; I. ALAUZET, précité note 1, p. 303-304.

39 I. ALAUZET, précité note 1, p. 303-304. 40 Trib. Com. Seine, 21 août 1844, précité note 40. 41 Ibid.

règle générale à laquelle il n’est pas permis de déroger par un pacte contraire : Nullâ pactione effici potest ne dolus praestetur »43

Quant à Pothier, il a écrit : « Il est évident que je ne peux valablement convenir avec quelqu’un qu’il se

chargera des fautes que je commettrai, car cela serait alors une convention ad deliquendum […] »44

Les principes auxquels font référence ces auteurs témoignent de l’attachement des juristes de l’époque à la conception libérale et individualiste de la responsabilité civile. Selon cette conception, la responsabilité civile est vue sous l’angle délictuel et considérée comme une sanction devant être supportée entièrement par l’individu fautif45. Par conséquent, une assurance ne pouvait avoir pour effet d’alléger la charge imposée par la loi au responsable.

Les assureurs, restreints dans leurs activités par suite de la décision du Tribunal de la Seine du 21 août 184446 qui donnait raison aux dénonciateurs de l’assurance de responsabilité, n’allaient pas ne pas réagir. À l’initiative de la compagnie L’Automédon, une Commission composée de plusieurs juristes et présidée par Pardessus, fut ainsi chargée d’étudier la question de l’assurabilité de la faute civile. Se fondant notamment sur une comparaison avec l’assurance du risque locatif, dont la validité était déjà admise par la jurisprudence47, la

Commission rédigea, sans surprise, une consultation dont les conclusions allaient dans le sens de la légalité de

l’assurance de la responsabilité découlant de la faute de l’assuré48. Critiquant l’influence exercée par les anciens auteurs de droit maritime, la Commission insistait sur la nécessité de reconnaître les bienfaits de l’assurance, lesquels surpassaient largement les effets pervers qu’elle pouvait occasionner.

Forte de l’opinion de cette Commission, la compagnie L’Automédon porta en appel la décision du Tribunal de la Seine du 21 août 184449. Elle faisait valoir les arguments suivants :

[l’assurance est une] invention consolante et réparatrice qui efface les maux que l’homme n’a pu prévenir, et fonde la sécurité d’un avenir qui ne dépend pas de nous […] le moyen tiré de la prétendue immoralité est un écho lointain des vieilles attaques dirigées jadis contre les assurances de toutes natures, mais depuis longtemps combattues par les esprits éclairés des jurisconsultes et des économistes, réfutées par les faits, et proscrites par la sagesse des tribunaux […]50

43 ÉMÉRIGON, précité note 6, p. 563 ; voir aussi G. STEPHANI, précité note 29, p. 39

44 POTHIER, R. J., Traité du contrat d’assurance, par ESTRANGIN, Marseille, Sube et Laporte, 1810, no. 65.

45 F. EWALD, précité note 12, à la p. 65, résume bien l’importance accordée à la responsabilité civile individuelle selon la philosophie

libérale : « La responsabilité est le plus parfait régulateur des actions humaines » dira encore en 1884 le grand arrêtiste J.E. Labbé. (…)

Permettre à quelqu’un de se décharger de sa responsabilité, la faire supporter par un autre, ce serait une faute à la fois économique, morale et politique. Ce serait détruire le principe même de l’ordre social, se priver de la cause même de l’amélioration individuelle et collective. (…) Moins les individus pourront se décharger sur les autres de leur sort, mieux cela ira (…) » ; voir aussi V. G. CADÈRE,

précité note 1, p. 37-38 ;

46 Trib. Com. Seine, 21 août 1844, précité note 40. 47 C. Cass., 12 juillet 1837, précité note 36.

48 « Est parfaitement licite l’opération d’assurance sur une réparation qu’on est obligé de fournir par suite d’une [...] responsabilité découlant directement de sa propre imprudence et de sa faute. », Commission des juristes, dirigée par PARDESSUS, citée dans V.G.

CADERE, précité note 1, p. 29.

49 Trib. Com. Seine, 21 août 1844, précité note 40. 50 Ibid.

Dans une décision du 1ier juillet 184551, la Cour de Paris a souscrit à ce plaidoyer et, renversant la décision du Tribunal de la Seine52, a énoncé que cette forme d’assurance ne saurait être prohibée sur l’unique fondement qu’elle pourrait, dans certains cas, inciter un assuré à commettre un délit ou un quasi-délit53. Ainsi, l’intérêt socio-économique de cette forme d’assurance avait finalement eu raison de l’argument moral : « S’assurer ce

n’est pas seulement prévoir sa faute et s’en décharger à l’avance, c’est en même temps, prévoir son insolvabilité et en garantir ses créanciers éventuels »54

À partir de ce moment, la validité de l’assurance de responsabilité découlant de la faute simple de l’assuré ne fut plus remise en question en France55.

À l’instar de la situation générale et de l’évolution de l’assurance de dommages au 19ième siècle au Québec56, la question de la reconnaissance, en droit québécois, de la validité de l’assurance des fautes et de la responsabilité civile est très peu documentée. Louis Baudouin mentionne, dans le premier traité portant sur le droit québécois des assurances terrestres, que « l’assurance de responsabilité a connu dans la Province de Québec une évolution un peu analogue à celle qu’elle a connue en France »57, notamment en raison de la similitude de leur régime juridique en matière de responsabilité civile. À cet égard, il est d’ailleurs utile de mentionner que, lors de l’adoption du Code civil du Bas-Canada en 1866, soit près de vingt ans après la reconnaissance de l’assurabilité des fautes en France, la validité de l’assurance de responsabilité y a été enchâssée sans que les codificateurs n’aient fait, dans leur rapport58, aucune allusion aux débats ayant eu lieu en France à cet égard.

Le contrat d’assurance y était en effet défini comme suit à l’article 2468 C.c. B.-C. : « […] un contrat par

lequel l’un des contractant appelé l’assureur, en considération d’une valeur, s’engage à indemniser l’autre, qu’on appelle l’assuré, ou ses représentants, contre la perte ou la responsabilité résultant de certains risques ou périls auxquels l’objet assuré peut être exposé, ou contre la chance d’un événement. »

51 Paris, 1ier juillet 1845, D., 1845.2.126

52 Trib. Com. Seine, 21 août 1844, précité note 40. 53 Paris, 1ier juillet 1845, précité note 51.

54 Francis CHAUMET, L’assurance responsabilité civile après livraison, 4ième éd., Paris, L’Argus, 2008, p. 21 ; F. EWALD dit aussi : « L’histoire de l’assurance épouse celle de la morale, ou plus exactement, celle des conflits entre morale particulière et morale collective. L’assurance a trouvé les conditions de ses premiers développements quand la morale collective est devenue une morale de la prévoyance individuelle. », « Les valeurs de l’assurance », dans L’encyclopédie de l’assurance, Paris, Économica, 1998, p. 399, 423.

55 J. HEMARD, précité note 2, p. 216, no. 124 ; M. F. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, t. 2, 4ième éd., Paris, Pichon, 1950-52,

no. 2166 ; V. G. CADERE, précité note 1, p. 29 ; M. PICARD ET A. BESSON, précité note 28, p. 108, no. 65 ; H. COUSY, « Évolution

comparée des droits européens de la responsabilité », Risques : les cahiers de l’assurance, 1992, no. 10, p. 60.

56 Hormis l’étude exhaustive de M. Gérard Parizeau portant sur l’histoire et l’évolution de l’assurance contre les incendies au Canada et

au Québec dans : Gérard PARIZEAU, Traité d’assurance contre l’incendie au Canada, Montréal, Les Presses des H.E.C./ Beauchemin, 1961, pp. 40 à 77.

57 Louis BAUDOUIN, Assurances Terrestres, Montréal, Éditions scientifiques, 1960, livre IV, Assurance de responsabilité, p. 3, no. 7. 58 COMMISSAIRES POUR LA CODIFICATION DES LOIS DU BAS-CANADA QUI SE RAPPORTENT AUX MATIÈRES

L’article 2473 C.c.B.-C., qui prévoyait pour sa part que « les choses corporelles et celles qui ne le sont pas […] peuvent être l’objet d’un contrat d’assurance », avait lui aussi pour effet de permettre l’assurance de

responsabilité.

Aussi, à l’instar du droit français, le principe de l’assurance de responsabilité était admis au moment de la codification de 1866. La validité d’une telle assurance paraissait par ailleurs moins certaine dans le cas où le dommage dont l’assuré devait répondre avait été provoqué par sa négligence.

L’article 2476 C.c.B.-C. semblait en effet limiter sérieusement la possibilité d’assurer les conséquences de la responsabilité découlant de la faute de l’assuré. Contenue au chapitre des dispositions générales du C.c.B.-C. sur le contrat d’assurance, cet article énonçait que l’assurance pouvait être « stipulée contre toutes pertes

provenant d’accidents inévitables ou de force majeure, ou d’événement sur lesquels l’assuré n’a pas de contrôle […] ». Elle suggérait, a contrario, que l’assurance ne pouvait être stipulée contre une perte causée

par l’omission ou l’acte fautif de l’assuré, la faute civile impliquant nécessairement que l’assuré ait eu le contrôle de ses agissements et n’ait pas agi de façon à éviter le préjudice.

D’ailleurs, un auteur commentait ainsi le texte de cette disposition : « L’assureur n’est pas tenu des pertes qui

proviendraient d’un fait personnel à l’assuré ; l’équité ne permet pas que l’un des contractants puisse donner lui-même naissance à l’événement qui rend l’autre partie obligée envers lui. »59

D’autres dispositions nuançaient toutefois la portée de l’article 2476 C.c.B.-C. et permettaient l’assurance des fautes simples.

D’abord, en assurance-maritime, les articles 2509 et 2510 C.c.B.-C reprenaient les articles 27 et 28 de