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L'assurance de responsabilité civile des risques d'entreprise

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(1)

L’ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ CIVILE DES

RISQUES D’ENTREPRISE

Thèse

Marie-Josée Teixeira

Doctorat en droit

Docteur en droit (LL.D)

Québec, Canada

© Marie-Josée Teixeira, 2018

(2)

L’ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ CIVILE DES

RISQUES D’ENTREPRISE

Thèse

Marie-Josée Teixeira

Sous la direction de :

(3)

Résumé

L’assurance de responsabilité civile des entreprises a pour but de garantir l’entreprise contre les

conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile. Elle constitue en quelque sorte pour l’entreprise une protection contre les risques de poursuites en ce qu’elle oblige l’assureur, dans les limites de l’assurance, à prendre fait et cause pour l’assuré dans toute poursuite dirigée contre lui pour un dommage causé à un tiers dont il est imputable, et à payer au tiers, en lieu en place de l’entreprise assurée, l’indemnité accordée à ce tiers en réparation du préjudice qui lui a été causé par celle-ci.

Il s’agit d’un outil de gestion des risques commerciaux indispensable dans une société où les rapports civils entre les entreprises et les personnes morales ou physiques avec qui elle entre en relation sont de plus en plus complexes et où les risques de responsabilité des entreprises se multiplient et menacent constamment de mettre en péril son patrimoine. L’usage de l’assurance de responsabilité civile des entreprises est à ce point généralisé qu’il serait actuellement impensable pour une entreprise, même minimalement organisée, de ne pas y souscrire.

Mais cette assurance n’est pas une panacée. Nombre de risques de responsabilité sont clairement exclus de sa garantie en raison de leur caractère non assurable ou encore parce que l’assureur a choisi conventionnellement d’en laisser la charge à l’assuré. C’est le cas, spécialement, de certains risques de responsabilité bien spécifiques généralement appelés « risques d’affaires ». Il existe un principe selon lequel ces risques ne peuvent faire l’objet de l’assurance de responsabilité civile des entreprises, soit parce que leur fréquence est trop élevée ou parce qu’ils sont trop étendus pour être transférés à la mutualité, soit parce qu’ils sont la contrepartie de l’espérance de profit de l’entreprise et que leur prise en charge par l’assurance aurait pour effet de dénaturer le contrat, transformant celui-ci en garantie d’exécution des obligations contractuelles de l’assuré. Les fondements de cette règle d’exclusion sont toutefois contestables et les limites des risques que l’on dit exclus sont mal définies, rendant l’étendue de la garantie à leur égard très incertaine.

La présente étude se veut une contribution à l’étude de l’étendue de la garantie des risques de responsabilité de l’entreprise dans l’assurance de responsabilité civile des entreprises. Plus précisément, elle a pour objet de circonscrire les risques d’entreprise pris en charge par l’assurance et de déterminer quels sont les risques dits d’« affaires » qui sont exclus de la garantie offerte par cette forme d’assurance.

(4)

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Listes ... xii

Remerciements ... xiv

Introduction ... 1

Partie préliminaire Genèse de l’assurance des risques de responsabilité civile

de l’entreprise

...19

Titre premier De la prohibition de l’assurance de responsabilité civile à sa reconnaissance ...19

Chapitre 1 Les premières manifestations de l’assurance de responsabilité ...20

Chapitre 2 La reconnaissance du principe de l’assurance de responsabilité civile ...22

Chapitre 3 L’émergence d’une garantie autonome de la responsabilité civile ...30

Titre second De l’assurance de responsabilité de risques particuliers à la prise en charge globale des risques de responsabilité de l’entreprise ...33

Chapitre 1 L’assurance de risques particuliers ...33

Chapitre 2 Le modèle américain : la prise en charge globale des risques de responsabilité civile de l’entreprise ...35

Section 1 L’esprit de la réforme ...37

Section 2 La première génération d’assurances globales de responsabilité de l’entreprise : des débuts prudents dans la prise en charge globale des risques ...38

§1 La garantie ...39

§2 Les principales exclusions ...41

Section 3 Les réformes de l’assurance globale de responsabilité de l’entreprise : vers une véritable prise en charge globale des risques...43

Partie 1

Les risques d’entreprise garantis

...45

Titre 1 La responsabilité garantie : d’une assurance de responsabilité extracontractuelle à une assurance de responsabilité civile des entreprises ...46

Chapitre 1 La prise en charge de la seule responsabilité extracontractuelle de l’entreprise ...51

Section 1 L’origine des limites expresses et implicites à la garantie de la responsabilité contractuelle ...52

(5)

§1 L’origine de la distinction relative à la nature de la

responsabilité garantie : l’époque des « schedule policies » ...52 A - L’absence de garantie de la responsabilité contractuelle

dans les polices d’assurance de risques particuliers autres que celle relative à la responsabilité contractuelle ...52 B - La portée limitée de la garantie dans la police d’assurance

spécifique à la responsabilité contractuelle...53 §2 La garantie de la responsabilité contractuelle dans les première

et deuxième générations de polices ARCE

(« Comprehensive G.L. » de 1941 à 1973) ...56

A - La responsabilité garantie dans les polices ARCE de première génération (« Comprehensive G. L. »

de 1941 à 1966) ...57 B - La responsabilité garantie dans les polices ARCE

de 2ième génération (« Comprehensive G.L. »

de 1966 à 1973) ...59 Section 2 Persistance d’une conception restrictive des tribunaux

de la garantie relative à la responsabilité contractuelle ...60 §1 La garantie des dommages que l’assuré est « légalement

tenu de payer » ou des dommages « ex delicto » ...60 §2 L’exclusion de la « responsabilité assumée par contrat »

ou des dommages « ex contractu » ...66 Chapitre 2 La prise en charge de la responsabilité civile extracontractuelle

et contractuelle de l’entreprise ...73 Section 1 L’extension de la garantie de responsabilité à la responsabilité

civile contractuelle ...73 §1 Le courant né de l’exception à l’exclusion de 1966 relative

à la garantie de qualité du vendeur et à la garantie de bonne exécution des travaux ...74 §2 Précision de l’exception à l’exclusion lors de la réforme

de 1986 ...81 §3 L’interprétation dominante de la garantie relative à la

responsabilité contractuelle dans la police ARCE actuelle ...84 A - L’assurance garantit les conséquences de la responsabilité

contractuelle de droit commun de l’entreprise...85 B - L’assurance garantit les conséquences de la responsabilité

contractuelle découlant des « contrats assurés » ...89 §4 Persistance de certaines ambiguïtés ...92

A - Interaction avec les autres exclusions et dispositions

limitatives de garantie ...92 B - L’approche restrictive de l’exclusion ...94 Section 2 Critique de la distinction fondée sur la nature extracontractuelle

ou contractuelle de la responsabilité garantie, une mesure inadaptée au droit civil ...98 §1 Une distinction ambiguë ou incompréhensible ...99

A - Ambiguïté ou incompréhensibilité de la distinction

en droit des obligations ...99 B - Ambiguïté ou incompréhensibilité de la distinction

(6)

§2 Une distinction aux effets abusifs en raison du fait qu’elle

vide la garantie de son contenu utile pour l’entreprise ...106

Titre deuxièmeLes dommages garantis ...116

Chapitre préliminaire Les catégories de préjudices indemnisables ...117

Chapitre 1 Évolution de la notion de « dommage matériel » dans l’assurance de responsabilité des entreprises ...121

Section 1 Les polices ARCE antérieures à 1966 : interprétation large de l’expression « injury to or destruction of property » ...121

Section 2 La police ARCE de 1966 : apparition d’une définition restrictive du « dommage matériel » ...124

Section 3 La police ARCE de 1973 ...126

Chapitre 2 Le dommage matériel dans la police ARCE actuelle et la garantie restreinte des dommages immatériels...127

Section 1 Le dommage physique à un bien corporel ...128

§1 L’objet du préjudice : un bien corporel ...129

§2 La nature du préjudice ...137

A- La nature de l’atteinte subie par le bien ...138

I- La perte ou la diminution de rendement ou d’utilité d’un bien corporel ...139

II- La non conformité d’un bien ...143

III-Le bien autrement atteint ...145

B- Les conséquences de l’atteinte physique à un bien ou la mesure du dommage ...145

I- Le coût de remise en état du bien ...147

II- La perte de valeur du bien ...149

III-La privation de jouissance d’un bien endommagé ...151

a- L’existence d’une restriction à l’usage du bien ...151

b-Les dommages admis à titre de privation de jouissance ...152

IV-Les dommages généraux ...153

Section 2 La privation de jouissance d’un bien corporel qui n’a pas subi de dommage physique ...154

Titre troisième L’événement garanti : de l’accident au sinistre ...161

Chapitre 1 La notion d’« accident » n’est pas exclusive de la faute civile ...164

Section 1 Définition de la notion d’« accident » ...165

§1 L’« accident » dans le contexte du contrat d’assurance ...167

§2 L’« accident » dans le contexte particulier de l’assurance de responsabilité ...170

Chapitre 2 La notion d’« accident » n’est pas exclusive des risques d’affaires ...177

Section 1 L’interprétation restrictive de la notion d’accident en assurance de responsabilité civile de l’entreprise ...178

(7)

§1 La notion d’« accident » limite la garantie des dommages

graduels ...178

§2 La notion d’« accident » limite la garantie des risques d’affaires ...180

Section 2 L’interprétation libérale de la notion d’« accident » en assurance de responsabilité civile des entreprises ...187

§1 La notion d’« accident » n’a pas pour effet d’exclure la garantie des conséquences de la faute de l’entreprise assurée dans l’exercice de ses opérations ...187

§2 La notion d’« accident » n’a pas pour effet d’exclure la garantie des conséquences d’un risque calculé pris par l’entreprise assurée ...194

§3 La notion d’« accident » a pour effet d’exclure la garantie des conséquences de la faute intentionnelle de l’entreprise assurée ...196

Partie 2

Les risques de responsabilité exclus

...200

Titre préliminaire L’organisation de la garantie en fonction du moment de survenance du dommage ...200

Chapitre 1 La notion de « Risques produits/après opérations » ...201

Chapitre 2 La détermination de la fin des « opérations » ou des « travaux » de l’assuré pour les fins de qualification des dommages à titre de « Risques produits/après opérations » ...205

Titre premier L’exclusion de certains dommages matériels survenant pendant l’exécution, par l’assuré, de son obligation principale ...209

Chapitre 1 Évolution et étendue temporelle de l’exclusion dite de soin, garde ou contrôle...209

Section 1 Évolution de l’exclusion ...210

Section 2 L’étendue temporelle de l’exclusion ...214

Chapitre 2 L’exclusion des dommages matériels aux biens de l’assuré ou aux biens qui y sont assimilés (exclusion h) (1) à h) (4)) ...219

Section 1 Les dommages aux biens dont l’assuré est propriétaire, locataire, occupant ou utilisateur (exclusion h) (1) à h) (3)) ...223

§1 Les dommages aux biens dont l’assuré est propriétaire ...223

§2 Les dommages aux biens dont l’assuré est locataire ...224

§3 Les dommages aux biens dont l’assuré est l’occupant ...225

§4 Les dommages aux biens dont l’assuré est l’« usager » ou l’« utilisateur » ...226

Section 2 Les dommages aux biens meubles dont l’assuré a le soin, la garde, la maîtrise ou le contrôle (exclusion h) (4)) ...228

§1 Fondements ...228

§2 Nature des biens visés par l’exclusion ...231

(8)

A- Caractère alternatif ou cumulatif des éléments

de l’exclusion ...232

B- Notion de soin ...233

C- Notion de garde ...234

D- Notion de contrôle ...239

I- Le contrôle d’un bien dont l’assuré se sert comme outil de travail ...240

II- Le contrôle des biens que l’assuré transporte ...241

III-Le contrôle des biens qui se trouvent sur la propriété de l’assuré...242

IV-Le contrôle d’un bien sur lequel l’assuré exécute des travaux ou d’autres opérations ...243

V- Le contrôle des biens ou des lieux auxquels l’assuré a accès ...244

§4 L’étendue des dommages exclus ...244

Chapitre 3 L’exclusion des dommages matériels causés à certains biens de tiers sur lesquels l’assuré exécute une opération ...245

Section 1 Fondements et évolution ...246

Section 2 L’exclusion actuelle ...248

§1 L’exclusion des dommages causés à toute partie d’un immeuble sur laquelle l’assuré exécute des opérations (exclusion h) (5)) ...249

§2 L’exclusion des dommages causés à toute partie d’un bien ayant besoin d’être remise en état, réparée ou remplacée parce que les ouvrages de l’assuré à son égard ont été mal faits (exclusion h) (6)) ...251

§3 Détermination de l’unité visée par l’exclusion (« That particular part ») ...253

§4 Les dommages qui sont dus à la mauvaise exécution des travaux de l’assuré ...258

Chapitre 4 Discussion sur la légalité et le bien fondé de l’exclusion dite de soin, garde ou contrôle ...259

Section 1 Interprétation contextuelle de l’exclusion de façon à ne pas vider la garantie de tout contenu utile ...261

§1 L’exclusion ne peut viser sans limitation les dommages à tous les biens sur lesquels l’assuré exécute des opérations assurées et connues de l’assureur ...262

§2 L’exclusion ne peut viser les dommages aux biens dont l’assuré a le contrôle réel lorsque ce contrôle est inhérent aux activités assurées et connues de l’assureur ...264

Section 2 L’exigence d’une exclusion expresse et limitée énoncée au Code civil du Québec ...266

Titre second L’exclusion de certains dommages matériels relevant de la garantie légale qui surviennent après l’exécution par l’assuré de son obligation principale ...270

Chapitre 1 L’exclusion des dommages matériels causés aux produits ou aux ouvrages de l’assuré en raison de leur vice propre ...270

(9)

Section 1 Évolution et fondements ...271

§1 Évolution de la garantie et des exclusions relatives à la responsabilité des produits et travaux de l’assuré : de l’exclusion de la responsabilité des produits et des travaux à l’exclusion des dommages aux produits et aux travaux ...271

§2 Fondements des exclusions relatives aux dommages aux produits ou aux ouvrages de l’assuré ...275

A- L’assurance de responsabilité civile des entreprises n’est pas une assurance directe de biens ...276

B- L’assurance ne garantit pas les dommages à un bien qui découlent de son vice propre ...278

C- L’assurance de responsabilité civile des entreprises n’est pas destinée à garantir le risque d’affaires ...282

I- L’assuré doit assumer seul les risques sur lesquels il a un certain contrôle ...282

II- L’assurance n’est pas une garantie de bonne exécution de la prestation de l’assuré (performance bond) ou une garantie de qualité de ses produits ou de ses ouvrages ...284

a- Assurance et garantie d’exécution ...284

b-Assurance et garantie légale ...287

D- La police ARCE n’est pas une assurance de responsabilité professionnelle ...288

§3 Influence de la common law et interprétation de l’exclusion ...293

Section 2 Portée des exclusions relatives aux dommages aux produits/ ouvrages de l’assuré dans les polices contemporaines ...296

§1 Les biens considérés comme un « produit de l’assuré » ou un « ouvrage de l’assuré » ...298

A- Le « produit de l’assuré » ...298

I- Le « produit de l’assuré » est un produit commercialisé ou mis en marché par l’assuré ...299

II- Le « produit de l’assuré » est un bien meuble ...301

III-Le « produit de l’assuré » est un bien qui n’est pas un « ouvrage de l’assuré » ...303

a- Observations préliminaires ...304

b-Le sens ordinaire des mots...307

c- La nature de la prestation requise de l’assuré ...308

d- Interprétation en fonction de la cause du dommage ...309

e- Interprétation contextuelle ...311

B- L’« ouvrage de l’assuré » ...314

I- La notion d’« ouvrage » dans les polices actuelles ...314

II- L’exception relative aux ouvrages des sous-traitants ....315

a- Origine de l’exception ...316

b-Les fondements de l’exception ...318

c- Les travaux visés ...319

d-Distinction entre sous-traitant et préposé momentané ...320

§2 L’objet des exclusions relatives aux dommages aux produits (i) et aux ouvrages (j) de l’assuré : les dommages au produit/ ouvrage lui-même ...322

(10)

A- Distinction entre les dommages aux produits/ouvrages fournis ou exécutés par l’assuré et les dommages causés aux biens matériels appartenant à autrui autres

que ces produits/ouvrages ...324

I- Le cas des dommages aux biens matériels isolés ...324

II- Le cas du produit/ouvrage incorporé à un autre bien ....325

a- Les dommages causés par le produit/ouvrage à un autre bien auquel il est incorporé ...325

b-Les dommages causés par le retrait ou la remise en place du produit/ouvrage de l’assuré incorporé à un bien ...328

B- Distinction entre les dommages aux produits/ouvrages fournis et exécutés par l’assuré et les dommages aux tiers autres que le dommage physique à un bien matériel ...330

I- La privation de jouissance du produit/ouvrage de l’assuré...331

II- La privation de jouissance d’autres biens que le produit/ouvrage ...332

III-Les autres dommages économiques causés par le dommage au produit/ouvrage ...334

§3 Les exclusions relatives aux dommages aux produits (i) ou aux ouvrages (j) de l’assuré ne visent que les dommages à un produit/ouvrage causés par son vice inhérent...335

A- Les exclusions (i) et (j) ne visent pas le dommage causé par un facteur extérieur ...335

B- L’application restreinte des exclusions (i) et (j) à la seule partie défectueuse du produit/ouvrage de l’assuré ...337

I- Exclusion expressément limitée à la partie défectueuse ...338

II- L’application restreinte des exclusions i) et j) aux dommages à la seule partie défectueuse du bien en l’absence d’une telle limitation expressément stipulée ...341

Conclusion Chapitre 1 ...345

Chapitre 2 L’exclusion de certains dommages matériels causés aux tiers en raison de la mauvaise qualité des produits ou des ouvrages de l’assuré ...349

Section 1 L’exclusion de certains dommages matériels causés aux tiers en raison d’un défaut de performance d’un produit ou d’un ouvrage de l’assuré (exclusion k) ...350

§1 Origine et évolution de la clause ...351

A- L’exclusion de 1966 (« failure to perform exclusion »)...352

B- L’exclusion de 1973 (failure to perform exclusion) ...354

I- La privation de jouissance d’un bien matériel n’ayant pas subi de dommage physique ...355

II- La cause du dommage : le défaut de qualité du produit/ouvrage de l’assuré ...358

§2 L’exclusion dite de performance dans la police-type ARCE actuelle (« impaired property exclusion ») (exclusion k) ...360

A- L’énoncé du risque exclu ...364

(11)

a- Les dommages attribuables au défaut

du produit/ouvrage de l’assuré ...364

b-Les dommages attribuables au retard ou à l’omission de l’assuré d’exécuter des obligations contractuelles ...365

II- L’objet des dommages exclus ...370

a- Les dommages physiques et la privation de jouissance d’un « bien détérioré » ...371

b-La privation de jouissance d’un bien n’ayant pas subi de dommages physiques ...377

B- L’exception à l’exclusion actuelle du défaut de performance (ou exclusion des « dommages au bien détérioré ») ...378

I- L’exception relative au « dysfonctionnement actif » (« active malfunctioning ») du bien (1966) ...379

II- Accident et soudaineté, des thèmes récurrents : l’exception relative aux dommages « soudains et accidentels » (1973 et 1986) ...380

Section 2 L’exclusion de certains dommages matériels causés aux tiers en raison du retrait ou du rappel d’un produit ou d’un ouvrage de l’assuré (exclusion l) ...384

§1 Conception restrictive de l’exclusion ...387

A- Le bien doit avoir été « retiré du marché » ...387

B- L’exclusion s’applique au retrait initié par l’assuré lui-même ...389

C- L’exclusion s’applique au retrait effectué dans le but de prévenir des dommages...390

I- L’exclusion ne s’applique pas au retrait du produit/ ouvrage chez lequel le défaut s’est déjà manifesté ...390

II- L’exclusion ne s’applique pas en présence de dommages physiques aux biens matériels d’un tiers ...393

a- Les dommages physiques au bien d’un tiers causés par le défaut du produit/ouvrage de l’assuré qui y est incorporé ...393

b-Les dommages physiques au bien d’un tiers causés par le retrait du produit/ouvrage défectueux de l’assuré qui y est incorporé ...395

III-Distinction entre les dommages découlant du « retrait » et les dommages découlant du « défaut » ...396

§2 Conception élargie de l’exclusion ...397

A- La personne qui initie le retrait ...398

B- Le retrait d’un « bien détérioré » ...399

C- Les mécanismes de « retrait » visés ...402

I- Retrait du marché ou reprise à l’utilisateur ...402

II- Retrait en raison d’un défaut connu ou soupçonné ...404

Conclusion générale ...408

Bibliographie ...414

Annexe 1 Police-type d’assurance de responsabilité générale des entreprises du bureau d’assurance du canada BAC 2100 ...446

(12)

Listes

1- Liste des figures

Figure 1 « Risque d’entreprise » (« total corporate risk ») ... 4 Figure 2 « Risques de responsabilité de l’entreprise » ou « Risques d’entreprise »

(Ensemble des risques de responsabilité qui menacent l’entreprise) ... 5

2- Liste sélective des abréviations générales*

al. alinéa

art. article

c. et ch. chapitre

coll. collection

c.c.q code civil du québec

c.p.c. code de procédure civile du québec

d. décret

dir. directeur ou directrice d’ouvrage ou de collection

éd. édition

et al(s). et autre(s)

et s(s). et suivant(s)

gaz. c. gazette du canada

g.o.q. gazette officielle du québec

h heure

ibid. ibidem

id. idem

j., jj. juge, juges

j.c.a. juge de la cour d’appel (voir pluriel)

jj.c.a. juges de la cour d’appel

j.c.q. juge de la cour du québec

j.c.s. juge de la cour supérieure

j.c.c. juge en chef du canada

j.c.q. juge en chef du québec

lég. législature

loc.cit. Cité dans la même page

min minute

no, nos numéro, numéros

op.cit cité de la même page

p(p). page(s)

paragr. ou par. paragraphe

préc. précité

r. règlement

s seconde

t. tome

vol. volume

*Cette liste est non exhaustive. Pour une liste plus exhaustive des abréviations utilisées en droit, dont celles relatives aux recueils de jurisprudence et à la doctrine, consulter les pages suivantes :

• https://www.bibl.ulaval.ca/web/droit/abreviations-juridiques • http://www.bib.umontreal.ca/dr/ressources/abreviations.htm

(13)

A Luc et Audrey pour leur amour, leur support et leur patience

(14)

Remerciements

La rédaction d’une thèse de doctorat est un exercice qui demande une volonté de réussir hors du commun, des efforts sans cesse renouvelés et une patience presque sans borne, non seulement de la part de son auteur mais également pour bien d’autres personnes qui l’entourent. Voici venu le temps de remercier ces personnes sans qui la rédaction de cette thèse aurait été impossible.

Je tiens en tout premier lieu à exprimer ma gratitude à mon époux, Luc Lortie, pour son appui indéfectible. Ton support m’a été essentiel, tes conseils m’ont bien souvent éclairée, ton amitié me fut très précieuse et ton amour et ta tendresse ont adouci les moments difficiles de mon parcours. Dans ces moments, comme dans les autres moments de notre vie à deux, jamais tu n’as failli ni ne m’a laissée tomber. Sans toi, je n’aurais jamais pu mener à bien ce projet auquel je tenais et je t’en suis profondément reconnaissante.

Merci aussi à ma grande fille Audrey qui avait bien hâte que sa maman termine son « gros livre » mais qui a toujours fait preuve de compréhension et de patience à l’égard de ce projet qui accaparait pourtant bien du temps qui aurait pu lui être consacré. Merci pour tes rires, pour ta joie, pour ta curiosité et aussi pour tes câlins et bisous, qui m’obligeaient de temps à autres à détacher les yeux de mon écran d’ordinateur et à prendre une pause tendresse.

Toute ma gratitude va également à mon directeur de thèse, Claude Belleau, qui m’a accordé sa confiance et son appui depuis le début et tout au long de mes études supérieures. Merci pour votre précieuse collaboration, pour votre générosité, pour votre disponibilité et pour votre rigueur. Vous avez été un interlocuteur extraordinaire et un guide juste. Merci aussi à Mimi pour sa gentillesse et pour son hospitalité lors de nos nombreuses rencontres de travail.

Je ne puis passer sous silence la contribution financière de certains organismes qui ont cru en mon projet de recherche et qui ont rendu possible la poursuite de mes études. Merci d’abord au Fonds pour la formation des chercheurs et l’aide à la recherche (FCAR) (maintenant FQRNT) pour leur important appui financier. Merci aussi au Fonds d’enseignement et de recherche de la Faculté de droit de l’Université Laval qui, grâce à une généreuse bourse d’admission, m’a permis d’entreprendre ce projet d’étude. Merci enfin, pour leur précieuse contribution, à la Chaire d’assurance et de services financiers L’Industrielle-Alliance, à la Fondation Desjardins ainsi qu’au Fonds de perfectionnement accessible aux chargés et chargées de cours de l’Université Laval.

(15)

Merci à ceux qui ont lu et corrigé cette thèse et qui m’ont fait part de leurs commentaires éclairés et constructifs. Outre mon directeur Claude Belleau, je pense ici particulièrement au Professeur André Bélanger qui fut le prélecteur de cette thèse. Je pense aussi à M. Jean- Claude Rochette qui a généreusement proposé de corriger la première ébauche de cette étude.

Merci enfin à ma famille, à mes amis, à mes collègues qui m’ont toujours encouragée et n’ont cessé de croire à la réussite de mon projet.

(16)

« Délivré de la crainte, l’homme est roi de la création : il ose entreprendre » 1

Introduction

L’assurance de responsabilité civile des entreprises2 a pour but de garantir l’entreprise contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile. Elle constitue en quelque sorte pour l’entreprise une protection contre les risques de poursuites en ce qu’elle oblige l’assureur, dans les limites de l’assurance, à prendre fait et cause pour l’assuré dans toute poursuite dirigée contre lui pour un dommage causé à un tiers dont il est imputable, et à payer au tiers, en lieu en place de l’entreprise assurée, l’indemnité accordée à ce tiers en réparation du préjudice qui lui a été causé par celle-ci.

Importance de l’assurance de responsabilité des entreprises - Il s’agit d’un outil de gestion des risques

commerciaux indispensable dans une société où les rapports civils entre les entreprises et les personnes morales ou physiques avec qui elles entrent en relation sont de plus en plus complexes et où les risques de responsabilité des entreprises se multiplient et menacent constamment de mettre en péril leur patrimoine.

En effet, que l’on pense aux progrès de la technique qui permettent la mise en marché de produits dont les conséquences à long terme sur la santé des personnes sont inconnues, ou encore à la distribution de masse de biens de consommation pouvait présenter un défaut de qualité, c’est une évidence que le progrès ainsi que l’évolution des pratiques commerciales et des modes de distribution des biens contribuent à une augmentation importante des risques de dommages. Or, même si elle reconnaît que le progrès et l’activité économique sont nécessaires dans l’intérêt général, la société moderne n’accepte plus que ce soit les victimes seules qui en supportent les conséquences. Les législateurs et les tribunaux contemporains ont par conséquent choisi de faire supporter en grande partie le poids de ces risques par celles qui les créent et qui en profitent3, soit les entreprises. Celles-ci ne sont toutefois pas en mesure d’assumer seules les conséquences d’une telle évolution du droit de la responsabilité civile vers un droit de l’indemnisation sans que cela n’entraîne un net recul du progrès et de l’activité économique, l’augmentation des risques de responsabilité ne favorisant évidemment pas le développement des entreprises4.

1 Sénèque, cité dans François EWALD, L’État providence, Paris, Grasset, 1986, p. 181.

2 Traduction de l’intitulé anglais « Commercial General Liabilité Policy ». L’évolution de l’intitulé de cette forme d’assurance et de ses

traductions fera l’objet de développements ultérieurs qui justifieront nos choix lexicaux.

3 « [Art. 1468 C.c.Q.] Le fabricant d’un bien meuble, même si ce bien est incorporé à un immeuble ou y est placé pour le service ou l’exploitation de celui-ci, est tenu de réparer le préjudice causé à un tiers par le défaut de sécurité du bien. Il en est de même pour la personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et pour tout fournisseur du bien, qu’il soit grossiste ou détaillant, ou qu’il soit ou non l’importateur du bien. ». Il faut noter toutefois que le législateur a choisi, à l’article 1473 C.c.Q., de faire

supporter par les utilisateurs, et non par le fabricant, ce qu’il est convenu d’appeler le « risque de développement ».

4 Concernant le rôle et l’importance de l’assurance de responsabilité des entreprises sur le développement scientifique ou économique,

voir notamment Chantale RUSSO, De l’assurance de responsabilité à l’assurance directe : contribution à l’étude d’une mutation de la couverture des risques, Paris : Dalloz, Collection Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 9, 2001, p. 14 ;

(17)

L’assurance de responsabilité civile des entreprises agit donc à la fois comme un catalyseur économique, en ce qu’elle soutient l’entreprise dans ses initiatives, et comme un moyen de garantir l’indemnisation des victimes. En ce sens, on dit qu’elle constitue un excellent moyen de « concilier la liberté d’agir de l’auteur potentiel des dommages et le droit à la sécurité de l’éventuelle victime »5.

C’est dans ce contexte de transformation du droit de la responsabilité civile que l’assurance de responsabilité civile des entreprises a connu un développement et une propagation fulgurants. Aujourd’hui, l’importance économique de cette assurance est considérable. Elle génère, au Canada seulement, un volume annuel d’environ 4,8 milliards de dollars en primes et les assureurs de responsabilité canadiens reçoivent de leurs assurés, ou directement des victimes, des réclamations s’élevant jusqu’à 2,6 milliards de dollars par année.6 Concrètement, l’usage de l’assurance de responsabilité civile des entreprises est à ce point généralisé qu’il serait actuellement impensable pour une entreprise, même minimalement organisée, de ne pas y souscrire. Aussi, cette assurance fait-elle partie, avec l’assurance de biens, des protections de base souscrites par la quasi-totalité des entreprises7.

Exclusion des risques d’affaires - Mais cette assurance n’est pas une panacée. Nombre de risques de

responsabilité sont exclus de sa garantie en raison de leur caractère non assurable ou encore parce que l’assureur a choisi conventionnellement d’en laisser la charge à l’assuré. C’est le cas, spécialement, en ce qui concerne certains risques de responsabilité bien spécifiques généralement appelés en common law « business

risks », « risques d’affaires », ou encore, en France, « risques d’entreprises » 8. Il existe un principe selon lequel ces risques ne peuvent faire l’objet de l’assurance de responsabilité, soit parce que leur fréquence est trop élevée ou parce qu’ils sont trop étendus pour être transférés à la mutualité, soit parce qu’ils sont la contrepartie de l’espérance de profit de l’entreprise et que leur prise en charge par l’assurance aurait pour effet de dénaturer le contrat, transformant celui-ci en garantie d’exécution des obligations contractuelles de l’assuré.

Les limites de cette catégorie de risques sont toutefois mal définies, rendant l’étendue de la garantie à leur égard très incertaine.

Dans le langage commun, les notions de « risque d’entreprise » et de « risque d’affaires » (« business risk ») sont généralement employées comme des synonymes et désignent l’aléa qui découle de l’exploitation d’une entreprise, ou encore l’incertitude reliée au fait de faire des affaires. La première composante de ces deux

5 C. RUSSO, Id., p. 14.

6 BUREAU D’ASSURANCE DU CANADA, « Facts 2008 of the general insurance industry in Canada », [En ligne].

http://www.ibc.ca/en/need_more_info/documents/factsbook2008.pdf (page consultée le 8 déc. 08).

7 Toutefois, selon les informations obtenues auprès du Bureau d’assurance du Canada, il est impossible de connaître le nombre exact

d’entreprises qui souscrivent chaque année à ce type d’assurance puisque, ne s’agissant pas d’une assurance obligatoire, aucune donnée n’est recueillie à cet effet.

8 C’est le cas surtout en droit français : Yvonne LAMBERT-FAIVRE, Risques et assurances des entreprises, 3ième éd., Paris, Dalloz,

(18)

concepts, la notion de risque, est utilisée tant dans le langage commun que dans les domaines économique et juridique. Dans le langage ordinaire, le mot risque, emprunté de l’ancien mot italien risco9, désigne un

« inconvénient » ou un « danger éventuel plus ou moins prévisible »10. Il exprime également « l’idée de

s’aventurer dans une situation à l’issue aléatoire »11. Quant au mot entreprise, il désigne, dans le sens où on

l’entend ici, soit une « unité économique de production »12, soit une affaire ou un commerce13. Un auteur français qui s’est intéressé aux diverses formes d’assurances de responsabilité de l’entreprise définit comme suit l’« entreprise », sujet de cette assurance :

Organisation économique, disposant de moyens humains et matériels, qu’elle combine en vue de produire des biens et services destinés à la vente. […] l’entreprise constitue un système ouvert, en relation permanente avec son environnement, lequel peut se définir comme l’ensemble des éléments externes […] susceptibles d’influencer son activité. […] parmi ceux-ci, l’on cite généralement le cadre géographique, l’environnement technologique, l’environnement économique et social etc., l’environnement juridique y figure en bonne place.14.

On peut déduire de ces définitions des notions de « risque » et « d’entreprise » que les « risques d’entreprises » et de « risque d’affaires » désignent, au sens commun, les risques découlant des activités de production de biens et de services d’une entreprise. Elles ne permettent toutefois ni de définir, ni de distinguer ces notions au sens où elles sont utilisées dans cet ouvrage. Elles sont trop larges pour désigner ces notions au sens où on l’entend dans le contexte de l’assurance de responsabilité des entreprises. En effet, lorsque les tribunaux énoncent que les « risque d’entreprise » ou les « risques d’affaires » (« business risks ») ne peuvent faire l’objet de l’assurance de responsabilité civile des entreprises, cela ne peut signifier que tous les risques de responsabilité qui découlent de l’exploitation d’une entreprise sont exclus de cette assurance. Une telle interprétation aurait pour effet d’anéantir complètement l’objet de cette assurance.

Les notions de « risques d’entreprise » et de « risques d’affaires » sont également utilisées en sciences économiques. Le risque d’entreprise (« total corporate risk ») y est désigné comme une catégorie de risques composée du « risque financier » (« financial risk ») et des « risques d’affaires » (« business risks »). Ces derniers sont définis comme les risques inhérents aux opérations de l’entreprise, soit le risque d’absence ou de variation de rendement en raison du type d’entreprise exploitée. Ils comprennent notamment les risques juridiques, incluant les risques de responsabilité civile15. Ils se distinguent des risques financiers qui sont les risques essentiellement reliés à la structure financière de l’entreprise, plus précisément à son ratio d’endettement. La portée des notions de « risque d’entreprise » (« total corporate risk ») et de « risque

9 Aujourd’hui « rischio », du latin « resecare », qui désigne « ce qui coupe », d’où le mot « écueil », A. DAUZAT, J. DUBOIS ET H.

MITTÉRAND, Dictionnaire étymologique et historique, Paris, Larousse, 2001 ; Oscar BLOCH et Walter VON WARTBURG,

Dictionnaire étymologique de la langue française, 8ième édition, Paris, Presses universitaires de France, 1989, p. 556.

10 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2008 : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Ed. Le

Robert, 2008, p. 2257.

11 POLYNOME, Le risques d’entreprendre, Collection Les essentiels Milan, Toulouse, Éditions Milan, 1999, p. 6 12 G. NIOBEY, T. De GALIANA, G. JOUANNON, R. LAGANE, Dictionnaire analogique, Paris, Larousse, 2001. 13 Le nouveau petit Robert de la langue française 2008, précité note 10, p. 893.

14 F. CHAUMET, précité note 8, p. 16.

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d’affaires » (« business risk ») en science économique est donc beaucoup plus étendue que le sens donné à ces

notions en droit des assurances. Le graphique suivant illustre la place qui revient à ces notions en sciences économiques :

« Risque d’entreprise »

(« total corporate risk »)

Risque financier

(« financial risk ») (« business risks »). Risques d’affaires

Risques reliés à la structure financière de l’entreprise,

plus précisément à son ratio d’endettement

Risques inhérents aux opérations de l’entreprise, soit le risque d’absence

ou de variation de rendement en raison du type d’entreprise exploitée.

Risques juridiques, y compris les risques de responsabilité

En droit des assurances, les notions de « risque d’entreprise » et de « risque d’affaires » (« business risk ») sont employées indistinctement pour désigner une catégorie particulière de risques de responsabilité que l’on dit exclus de l’assurance de responsabilité civile des entreprises.

Pour les fins de cet ouvrage, précisons que, parce que nous sommes d’avis que l’expression « risque

d’entreprise » est trop large pour désigner une catégorie de risques de responsabilité que l’on prétend exclue

de la garantie, nous avons préféré la notion de « risque d’affaires » à celle de « risque d’entreprise » pour désigner le « business risk » que l’on dit exclu de la garantie.

Dans cet ouvrage, la notion de « risque d’entreprise » sera donc entendue dans son sens plus large de « risque de responsabilité de l’entreprise » et désignera l’ensemble des risques découlant de l’obligation de l’entreprise, en vertu des règles de la responsabilité civile contractuelle ou extracontractuelle, de réparer le dommage subi par ses cocontractants ou par des tiers16. Ces risques de responsabilité comprennent les risques de responsabilité inhérents à la conception, à la fabrication et à la mise en marché de biens ou à la prestation de services par une entreprise. La responsabilité civile du fabricant résultant d’un défaut de conception ou de fabrication d’un produit ayant soit causé des blessures à l’utilisateur, soit endommagé le produit lui-même, ou occasionné des dommages aux autres biens de l’utilisateur, sont des exemples de risques de responsabilité qui seraient, en vertu de cette définition, qualifiés de risques de responsabilité civile de l’entreprise. Parmi ces risques, certains seront pris en charge par l’assurance et d’autres pas. Les « risques d’affaires » que l’on dit exclus de la garantie font partie de cette dernière catégorie.

16 Voir F. CHAUMET, précité note 8, p. 28.

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Le graphique suivant illustre la place occupée par les notions de « risque d’entreprise » ou de « risque de responsabilité de l’entreprise » et de « risques d’affaires » dans cet ouvrage :

« Risques de responsabilité de l’entreprise » ou « Risques d’entreprise »

(Ensemble des risques de responsabilité qui menacent l’entreprise)

Risques garantis par la police ARCE « business risk », « risques d’affaires » ou « risque d’affaires exclus » (implicitement ou explicitement)

Ces précisions étant établies, l’objet de notre réflexion consiste essentiellement à déterminer quels sont les

risques de responsabilité civile de l’entreprise qui sont pris en charge par l’assurance de responsabilité civile

des entreprises, telle qu’elle est pratiquée au Québec, et quels sont les risques dits d’affaires qui sont exclus de la garantie offerte par cette forme d’assurance.

Un auteur français a ainsi défini les risques d’affaires normalement exclus de la garantie d’assurance de responsabilité des entreprises : « (…) le risque d’entreprise (entendons risques d’affaires) (…) vise notamment

les dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis, les frais de retrait ou de dépose et repose des produits défectueux »17 (…)

Il s’agirait selon lui :

(…) de la conséquence pour l’assuré de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de ses engagements, c’est-à-dire précisément l’obligation qui lui incombe de mettre en œuvre tous les moyens en sa possession pour réaliser son contrat quel qu’en soit « à priori » le coût pour lui. Si l’assureur entend bien garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l’assuré à l’égard de son cocontractant du fait de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de son contrat, il n’entend pas se substituer à l’assuré pour lui permettre de tenir ses engagements, ni lui procurer les moyens de remplir son contrat.18

17 Constant ELIASHBERG, Risques et assurances de responsabilité civile, 5ième ed., Paris, L’Argus, 2006., p. 182. 18 Id., p. 24.

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Il ajoute enfin ceci : « Il appartient à l’assuré (…) d’assumer (…) son risque d’entreprise. Celui-ci ne saurait

exercer n’importe quelle activité impunément en se déchargeant systématiquement sur l’assureur de tous les avatars que celles-ci est susceptible de connaître. (…) »19

Cette définition du risque d’affaires exclu est conforme à celle qui est généralement donnée par les auteurs et par la jurisprudence. Une telle définition est toutefois imprécise et permet difficilement de cibler ce risque que l’assurance n’entend pas couvrir ou encore de distinguer les conséquences de l’inexécution d’une obligation qui sont prises en charge par l’assurance de celles qui ne le sont pas. Elle est également mal justifiée en ce sens qu’on ignore si elle établit l’inassurabilité du risque d’affaire ou encore son exclusion conventionnelle.

Selon certains, le risque d’affaires ne serait pas un risque susceptible d’assurance en raison de l’absence d’aléa. Le contrat d’assurance exige en effet la présence d’un aléa. Le Code civil du Québec reconnaît ce principe à son article 2389 C.c.Q., qui dispose que « le contrat d’assurance est celui par lequel l’assureur,

moyennant une prime ou cotisation, s’oblige à verser au preneur ou à un tiers une prestation dans le cas où un risque couvert par l’assurance se réalise ». Il ne précise toutefois pas ce qu’est un risque au sens de

cet article.

Nombreux sont les auteurs qui ont tenté de donner une définition de cette notion de risque, que ce soit dans son acception générale ou encore dans le sens où elle s’entend dans un contexte particulier, notamment dans son sens philosophique20, économique21 et juridique22. Pour notre part, nous avons choisi de ne pas faire l’analyse de la notion de risque dans ses diverses acceptions puisque tel n’était pas l’objet de nos propos. Ce n’est pas que nous sous-estimions l’importance de cette notion en dehors du contexte de l’assurance de responsabilité de même que l’influence qu’elle pourrait avoir sur la définition du risque d’assurance, mais ce type de réflexion n’entre pas dans le cadre d’une étude qui vise essentiellement à clarifier l’état du droit sur le sujet de l’assurance de responsabilité civile des entreprises.

Le présent ouvrage n’a pas non plus pour objet d’établir une définition du risque de responsabilité assurable23, mais bien de démontrer dans quelle mesure et de quelle façon l’assurance de responsabilité établit la limite

des risques d’entreprise qu’elle entend garantir.

19 Id., p. 26.

20 Voir notamment F. EWALD, précité note 1, p. 173 ; Jenny STEELE, Risks and legal theory, Oxford, Portland, Or., Hart, 2004 ; Barbara

ADAM, The risk society and beyond : critical issues for social theory, London, SAGE, 2000 ; Ulrich BECK et al., La société du risque : sur la voie d’une autre modernité, Flammarion, 2008.

21 Parmi les auteurs contemporains, voir notamment Pierre-Charles PRADIER, La notion de risque en économie, Paris, La Découverte,

2006 ; Jean-Louis CAYATTE, Introduction à l’économie de l’incertitude, Bruxelles, Éd. De Boeck, 2004.

22 Jenny STEELE, précité note 20.

23 Sur les limites de l’assurance et le risque assurable, voir les propos très intéressants des auteurs contemporains suivants : F. EWALD,

précité note 1, p. 173 et ss. ; Claude DELPOUX, « Les assurances de responsabilité », dans F. EWALD ET J.-H. LORENZI (dir.),

Encyclopédie de l’assurance, Paris, Économica, 1998, p. 751 ; J. BIGOT, « Assurances de responsabilité : les limites du risque

assurable » ; BIGOT, J. (dir.), Traité de droit des assurances, t. 3, « Le contrat d’assurance », Paris, L.G.D.J., 1992, pp. 778 et ss. ; H. COUSY, « La fin de l’assurance ? Considération sur le domaine propre de l’assurance privée et ses frontières », dans Droit et économie de

l’assurance et de la santé, Mélanges en l’honneur de Yvonne Lambert-Faivre et Denis-Clair Lambert, Paris, Dalloz, 2002, p. 111 et ss. ;

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À ce sujet, la doctrine québécoise24 a repris essentiellement la définition classique du risque d’assurance proposée par les auteurs français Picard et Besson, selon qui le risque d’assurance est « un événement

incertain et qui ne dépend pas exclusivement de la volonté des parties, spécialement celle de l’assuré »25.

Deux caractéristiques conditionnent donc l’existence d’un risque assurable : l’incertitude quant à la réalisation de l’événement, ou quant au moment de sa réalisation, et le fait que l’événement soit survenu hors de la volonté de l’assuré. Le risque assurable est donc, au sens du droit des assurances, tout événement possible qui n’est pas encore survenu et qui n’est pas purement potestatif 26.

En assurance de responsabilité, ce risque est plus précisément un risque juridique soit, selon l’article 2396 C.c.Q., la survenance d’une obligation, pour l’assuré, de réparer le dommage causé à autrui. Dans cette forme d’assurance, le risque se matérialise donc lorsque les trois éléments de la responsabilité civile, soit une faute ou un fait générateur de responsabilité, un dommage et un lien de causalité reliant la faute au dommage, sont réunis, et que l’assuré devient ainsi débiteur d’une dette de responsabilité.

Mentionnons, à cette étape, que rien dans ces définitions de la notion de risque ne semble, à notre avis, s’opposer à l’assurance des risques d’affaires en tant que risques de responsabilité découlant de l’exploitation d’une entreprise, sauf dans la mesure où la responsabilité de l’entreprise assurée résulterait de sa faute intentionnelle.

En fait, à l’analyse, il nous est apparu que les fondements de l’exclusion des risques d’affaires sont principalement de nature technique : ces risques seraient exclus de l’assurance parce qu’ils ne répondraient pas aux exigences du principe de la répartition de leur poids sur la mutualité des assurés.

Au point de vue technique, l’opération d’assurance suppose en effet que le risque pris en charge puisse être supporté par l’ensemble de ceux qui sont exposés à la même éventualité, la mutualité, selon un mécanisme de répartition permettant de fixer pour chacun une contribution proportionnelle au risque qu’il représente pour le groupe. Pour que fonctionne le principe de la répartition des risques sur l’ensemble de la mutualité27, il est nécessaire que les règles relatives à l’homogénéité, à la fréquence et à la dispersion des risques, imposées par les lois de la statistique, soient respectées28.

NICOLAS, Essai d’une nouvelle analyse du contrat d’assurance, Paris, LGDJ, Montchrestien, 1998 ; Luc MAYAUX, « Aspects juridiques de l’assurabilité », Risques 54 (2003) 67.

24 Didier LLUELLES, Précis des assurances terrestres, 4ième éd., Montréal, Les éditions Thémis, 2005, pp. 173 et ss. ; Voir aussi

Jean-Guy BERGERON, Les contrats d’assurance (terrestre) : lignes et entre-lignes, t.1, Sherbrooke, Éditions SEM, 1989, p. 74-75.

25 Maurice PICARD et André BESSON, Les assurances terrestres, t. 1, Le contrat d’assurance, par A. Besson, 5ième éd., Paris, L.G.D.J.,

1982, p. 35, no. 22 et ss. ; voir notamment J. BIGOT, « Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable », précité note 23, p. 170.

26 J. BIGOT, « Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable », précité note 23, p. 170.

27 Nous entendons ici la notion de mutualité en tant que technique de répartition mathématique des risques. Sur les autres aspects de la

mutualité en assurance, voir André BELANGER et Joelle MANEKENG TAWALI, « Le spectre de la mutualité dans le contrat d’assurance », (2009) 39(2) Revue Générale de Droit, 8-38.

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L’exactitude des prévisions statistiques dépend d’abord largement de l’homogénéité des risques que l’on se propose de prendre en charge. Ceux-ci doivent en effet présenter entre eux une certaine similitude puisque les prévisions seront établies en mesurant la survenance de risques bien caractérisées. L’incendie, le vol, les accidents ou encore les hypothèses de responsabilité civile sont des exemples de risques qui présentent entre eux une certaine homogénéité. De plus, à l’intérieur de chacune des catégories, devront être introduites des classifications correspondant aux caractéristiques particulières à chacune d’elles. Ainsi, le risque de responsabilité civile de l’entreprise variera en fonction du secteur d’activités dans laquelle elle se situe ainsi qu’en fonction de son chiffre d’affaires29.

Une certaine fréquence dans la survenance des risques est aussi essentielle aux observations statistiques et, par conséquent, à l’assurabilité d’un risque. Si les événements envisagés se produisent trop peu souvent, il sera difficile de dresser des statistiques fiables à leur sujet. En revanche, si la fréquence des risques est très grande, la mesure de cet élément du risque sera facilitée, mais le coût de l’assurance sera prohibitif. Un risque assurable en est donc un qui survient ni trop rarement, ni trop fréquemment30.

Les risques doivent enfin, pour faire l’objet d’une assurance, être suffisamment dispersés ou disséminés dans leur possibilité de survenance. Cela signifie que les risques appartement à une même catégorie doivent pouvoir atteindre un grand nombre de personnes ou de choses à la fois, mais ils ne doivent pas frapper tous les membres de la mutualité en même temps et dans la même mesure, auquel cas l’assureur serait dans l’incapacité de les compenser tous en même temps. La non dispersion des risques a donc pour conséquences de rendre difficilement assurables certains événements qui atteignent trop de personnes ou de choses à la fois, tels les cataclysmes naturels, les risques causés par d’une crise économique, par une guerre ou par des produits dangereux31.

On pourrait penser que les risques d’affaires sont exclus de l’assurance de responsabilité civile des entreprises parce qu’ils ne répondent pas à l’une ou plusieurs de ces conditions. Particulièrement, ceux-ci surviendraient à une trop grande fréquence et, par conséquent, leur prise en charge par l’assurance rendrait le coût de celle-ci prohibitif.

Nous ne pouvons souscrire à cet argument selon lequel le risque d’affaire est en lui-même techniquement inassurable. S’il est vrai qu’il fut un temps où il était impossible pour les assureurs de prendre en charge la majorité des risques d’entreprise, bon nombre de ces risques sont toutefois aujourd’hui garantis. C’est que les frontières du domaine de l’assurance, ou les limites du risque assurable ne sont pas fixes32. Elles se déplacent et, plus précisément, reculent au fur et à mesure que l’assurance gagne du terrain. Plusieurs facteurs contribuent à cet élargissement du domaine de l’assurance. D’une part, la demande d’assurance augmente en

29 Ibid. 30 Ibid. 31 Ibid.

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raison, notamment, de l’évolution dans la répartition des risques entre l’État, les entreprises et les individus, le besoin de rationalisation et d’efficience économique des entreprises, le développement rapide de nouvelles technologies et l’augmentation constante des attentes des consommateurs. D’autre part, l’offre d’assurance se bonifie, poussée par l’émergence d’une économie plus concurrentielle dans le secteur des assurances et entre ce secteur et celui d’autres institutions financières, et rendue possible grâce à l’évolution des sciences mathématiques et à la conception de nouvelles techniques dans le but de parvenir à assurer certains risques inassurables33. Ainsi, des risques qui étaient autrefois inassurables font aujourd’hui l’objet de l’assurance et des risques aujourd’hui inassurables le deviendront peut-être dans le futur.

Nous ne croyons pas non plus que le risque dit d’affaires soit juridiquement non assurable. En effet, l’argument de l’inassurabilité technique des risques d’affaires n’est pas en soi un obstacle à leur garantie par le contrat d’assurance parce que les caractéristiques techniques et les limites économiques du risque assurable ne sont pas « consacrées par le droit des assurance qui ne connaît que la notion d’aléa »34 Ainsi, malgré que le risque de responsabilité découlant du défaut de l’assuré d’exécuter ses obligations puisse survenir très fréquemment, « ce risque n’en est pas moins affecté d’un aléa »35 et demeure par conséquent juridiquement assurable.

Par conséquent, l’assureur qui entend exclure certains risques d’affaires qu’il considère techniquement inassurables devra le faire au moyen de limitation ou d’exclusion stipulées dans la convention d’assurance.

La détermination de l’étendue et des limites de la garantie relative aux risques de responsabilité civile des entreprises devrait donc normalement apparaître de la convention d’assurance et, de fait, de nombreuses limites et exclusions y sont stipulées. Toutefois, le texte des polices-types d’assurance de responsabilité civile des entreprises en usage au Québec ne pèche pas par excès de clarté quant à la portée exacte de la garantie relative aux risques d’entreprises, notamment en raison du caractère hautement technique de cette forme d’assurance et d’une longue évolution historique de ces polices dans un contexte de common law. Cela explique l’abondance de la jurisprudence sur le sujet, en particulier dans les juridictions canadiennes et américaines d’où proviennent ces polices.

Le tribunal appelé à définir la portée de la garantie dans les polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises déterminera, dans un premier temps, si la réclamation s’inscrit dans le cadre de l’énoncé de la

garantie (insuring agreement), auquel cas l’assureur sera tenu de verser la prestation. Il vérifiera ensuite si la

réclamation ne s’inscrit pas dans le champ de l’une ou l’autre des exclusions de risques pour lesquels l’assurance refuse toute prise en charge, à moins qu’une exception à ladite exclusion ne restitue la réclamation au domaine de la garantie.

33 Ibid.

34 J. BIGOT, Traité de droit des assurances, précité note 23, p. 782.

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Objectifs de la thèse - En poursuivant notre analyse du cadre juridique applicable à la garantie des risques de

responsabilité de l’entreprise dans l’assurance de responsabilité civile des entreprises, deux objectifs nous sont apparus importants du point de vue de la méthode. Le premier était d’arriver à ordonner un ensemble de règles jurisprudentielles éparses, fondées essentiellement sur la common law, énoncées par les tribunaux américains, canadiens et québécois. Le deuxième était de proposer, à l’aide du droit comparé, une lecture critique de l’état du droit québécois relativement à la garantie des risques de responsabilité de l’entreprise et à l’exclusion du risque d’affaires, le tout à la lumière des catégories juridiques du droit civil et des principes généraux du droit québécois des assurances.

Approche historique et de droit comparé - Dans cette étude, il sera d’abord traité des fondements juridiques

et des techniques sous-jacents à la nature et à l’étendue de la garantie offerte aux assurés par la police-type d’assurance de responsabilité civile des entreprises et ensuite, à la véritable portée des exclusions généralement stipulées dans cette police. Nous devrons nous interroger sur la question de savoir dans quelle mesure les fondements invoqués lors de l’élaboration, aux États-Unis, des premières polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises sont encore justifiés eu égard aux fondements, aux fonctions et aux techniques modernes de l’assurance de responsabilité. Nous entendons notamment démontrer que la théorie voulant que soit exclu le risque d’affaires, du moins dans son acception la plus large, repose sur une conception traditionnelle de l’assurance de responsabilité selon laquelle celle-ci est une assurance dite de

dette de responsabilité ayant pour principal objet de protéger le patrimoine de l’assuré. Or, nous verrons que

cette conception est révolue depuis que l’assurance de responsabilité est devenue en quelque sorte un outil de mise en œuvre de la responsabilité civile et, dans une certaine mesure, une garantie d’indemnisation des victimes de préjudice. Nous verrons que ce changement de paradigme a d’ailleurs provoqué, à partir de 1945, un irréversible processus d’élargissement de la garantie offerte par l’assurance de responsabilité civile des entreprises.

Pour ce faire, une approche historique s’imposait afin de retracer, du moins brièvement, les origines et les fondements de l’assurance de responsabilité et de l’assurance de responsabilité des entreprises afin de réévaluer leur pertinence eu égard à l’évolution des conceptions sociopolitiques du droit, particulièrement du droit de la responsabilité civile. Pour bien cerner la portée et les limites de la garantie offerte par les polices-type actuelles d’assurance de responsabilité civile des entreprises eu égard aux risques d’affaires, il nous est également apparu essentiel de retracer les origines de ces polices et de faire état de leur évolution, largement tributaire de la common law américaine.

Le fait que les polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises en usage au Québec soient essentiellement inspirées des polices américaines et l’influence que continuent d’exercer sur nos tribunaux les décisions des tribunaux américains et canadiens concernant la portée de la garantie offerte dans ces polices, rendaient incontournable l’étude des solutions élaborées dans ces juridictions. Aussi, l’analyse comparative de

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nombreuses décisions36 issues de ces tribunaux de common law s’est-elle imposée d’elle-même. Nous verrons en effet que les polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises, lesquelles seront désignées ci-après sous le vocable ARCE, ont été introduites initialement aux États-Unis et qu’elles ont ensuite été diffusées au Canada. Par la suite, chacune des réformes mises de l’avant par les organismes de régulation chargés de la standardisation des polices d’assurances aux États-Unis a été suivie par leurs homologues canadiens, dont le Bureau d’assurance du Canada. En fait, toutes les polices d’assurance de responsabilité civile des entreprises utilisées au Québec depuis leur apparition, vers 1950, ont été, et sont encore aujourd’hui, des traductions des polices appelées « Comprehensive ou Commercial General Liability » ou « CGL » en usage aux États-Unis et ailleurs au Canada.

Les tribunaux canadiens et québécois, s’autorisant sans doute de l’origine américaine des polices ARCE, de la correspondance de leur libellé à celui des polices américaines et de l’identité des règles économiques auxquelles elles obéissent, n’hésitent d’ailleurs pas à référer aux décisions des tribunaux américains lorsqu’il s’agit d’interpréter les stipulations de cette police-type.

L’apport de la common law à l’élaboration du droit québécois des assurances est d’ailleurs reconnu depuis toujours. Les commissaires chargés de codifier les lois du Bas-Canada en matières civiles ont mentionné a maintes reprises l’influence des droits anglais et américain sur les règles énoncées au titre Des assurances introduite au Code civil du Bas-Canada en 186637.

La Cour d’appel a fait état de cet apport de la common law au droit des assurances québécois notamment dans l’affaire Aetna Casualty and Surety Co. c. Le Groupe Estrie38 :

[…] Il n’est pas contesté que notre droit des assurances, avant la codification de 1974, mise en vigueur en 1976, avait des sources multiples, dont, entre autres, la common law et le droit des assurances britannique et nord américain. Nos tribunaux n’hésitaient jamais, à cette époque, a référer tant à la jurisprudence américaine qu’à la jurisprudence anglaise ou canadienne pour interpréter soit les anciennes dispositions du Code civil, soit les dispositions statutaires de la Loi sur les assurances du Québec.

36 Nous en avons répertorié, consulté et retenu plus d’une centaine.

37 Voir notamment les extraits suivants du Rapport des Codificateurs : « Au soutien des articles sur la matière [des lois commerciales] on trouvera des citations non seulement de l’ancien et du nouveau droit français, et du droit anglais, mais encore des écrits des jurisconsultes écossais et américains, ainsi que du droit continental. », Septième rapport des Commissaires chargés de codifier les lois du Bas-Canada en matières civiles, Livre 4ième Lois Commerciales, p. iv. ; « Les principales sources d’où sont tirées les autorités sur lesquelles les articles [du titre Des assurances] ont été rédigés sont, pour l’ancien droit : l’Ordonnance de la Marine avec les commentaires de Valin, et les traités d’Émérigon et de Pothier ; pour le droit anglais et américains, qui coïncident presque toujours : les ouvrages de Marshall, Arnould, Ellis, Phillips, Kent, Duer et Angell ; et pour le droit moderne français : Pardessus, Boulay-Paty, Boudousquié, Quenault et Alauzet. On s’est beaucoup aidé du commentaire de Bell sur les lois d’Écosse, et quelques articles ont été suggérés d’après le Code de l’État de New-York. », Id., Livre 4ième Lois Commerciales, Titre 5ième, De l’assurance, p. XXIX ; Sur les

origines des dispositions du Code civil en matière d’assurance, voir notamment Claude BELLEAU, « Réflexions sur les origines et l’interprétation de certains articles du Code civil sur l’assurance », (1987) 21 R.J.T. 223.

38 Aetna Casualty and Surety Co. c. Groupe Estrie (Le), mutuelle d’assurance contre l’incendie, AZ-90011813, J.E. 90-1120, [1990]

R.J.Q. 1792, [1990] R.R.A. 742 (C.A.) ; voir aussi Canadian Pacific Ltd. v. American Home Assurance Co., AZ-50083701, J.E. 2001-482, [2001] R.R.A. 39 (C.A.).

(27)

La Cour suprême s’est exprimée dans le même sens dans Goulet c. Cie d’assurance-vie Transamerica du

Canada39 : « Au Québec, le droit des assurances a été codifié dans le Code civil du Bas-Canada dès 1866. Les

tribunaux ont eu tendance, et parfois l’ont encore, de considérer le droit des assurances au Québec comme un prolongement de la Common Law en vigueur dans les autres provinces du Canada ou aux États-Unis d’Amérique ».40

L’origine des dispositions du Code civil introduites en 1974 lors de la réformes du droit des assurances et en 1994 lors de l’adoption du Code civil du Québec, est toutefois plus contestée, ce qui pourrait remettre en doute la légitimité des tribunaux québécois à puiser certaines solutions dans le droit américain pour solutionner des litiges qui leur sont soumis.

Selon la Cour d’appel, s’il est vrai que le droit québécois des assurances codifié en 1867 tirait son origine, comme le droit américain des assurances, du droit anglais, « ce l’est beaucoup moins depuis [ces réformes] […] qui sont tou[tes] deux venu[e]s incorporer, en droit des assurances québécois, un grand nombre de normes du droit français des assurances. »41 La Cour avait, dans cette affaire, écarté l’application d’une règle de common law qu’elle jugeait contraire à la philosophie de protection de l’assuré qui constituait « la priorité

des réformes apportées en 1974 et 1994. »42

Ceci ne signifie pas pour autant que droit québécois des assurances ait, à l’occasion de ces réformes, rompu tous liens avec la common law.

Madame le juge L’Heureux-Dubé, dans l’arrêt Simmons General Insurance Co c. Sabau Construction Inc.43 a fait la démonstration que les dispositions législatives adoptées en 1974 ne tiraient pas leur source exclusivement du droit français mais également de l’ancien droit, qui s’inspirait lui-même, entre autres, de la common law. Sa conclusion reposait sur un extrait du Rapport Faribault qui énonçait ceci au sujet de cette réforme :

C’est dans un cadre de droit civil québécois et à partir de la pratique nord-américaine (et non française) qu’on doit rechercher la solution aux problèmes soulevés par le silence de la loi ou par des faits particuliers. Le fait que notre Loi des assurances soit rédigée en français n’est pas suffisant pour lui donner ipso facto une origine ou une inspiration française. Sans prôner l’implantation, dans notre droit, des solutions nord-américaines en matière d’assurance, il est bon de garder en mémoire que notre législateur s’est inspiré du « génie de la langue française » et de la « pratique nord-américaine » en la matière, pour permettre aux assureurs québécois d’évoluer de façon concurrentielle dans le contexte nord-américain44

39 Goulet c. Compagnie d’assurance-vie Transamérica du Canada (La), [2002] 1 R.C.S. 719 ; 40 Id., para.14.

41 Sécurité nationale c. Éthier, AZ-50098246, J.E. 2001-1411, [2001] R.R.A. 614 (C.A.), para. 24 à 29. 42 Id., para. 24 à 29.

43 Symons General Insurance Co c. Sabau Construction Inc., AZ-86011291, J.E. 86-1101, [1986] R.J.Q. 2823, [1986] R.R.A. 651 (C.A.). 44 Voir aussi Aetna Casualty and Surety Co. c. Groupe Estrie (Le), mutuelle d’assurance contre l’incendie, précité note 38 : « les notes explicative de la loi de 1974 [...] indiquent [...] une intention législative de concilier et d’utiliser des sources diverses mais aussi, de ne pas se lier nécessairement à toutes les habitudes et usage dans l’industrie de l’assurance. [...] Si le législateur a affirmé refléter en partie les pratiques des assureurs, il n’en accepte pas la totalité. De fait, la législation de 1974 comportait des modifications substantielles de certaines règles applicables dans l’industrie de l’assurance. ».

Figure

Figure 1  « Risque d’entreprise » (« total corporate risk ») ..........................................................................

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