• Aucun résultat trouvé

Définition de la notion d’« accident »

Du latin accidere qui signifie « arriver », l’accident est donc un événement qui se produit, qui arrive. Les dictionnaires ajoutent généralement que cet événement arrive fortuitement, de façon impromptue.

18 2464 C.c.Q

19 C’est le cas notamment en matière de responsabilité professionnelle, voir J. BIGOT, précité note 11, p. 189. 20 Rémi MOREAU, « La notion d’événement en assurance de responsabilité civile », (1987) 21 R.J.T. 412

21 Yvonne LAMBERT-FAIVRE, Risques et assurances des entreprises, 3ième édition, Paris, Dalloz, 1991, p. 508, no. 791 ;

F. CHAUMET, Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 4ième éd., Paris, L’Argus, 2008, p. 36.

22 A. LETOURNEAU, précité note 9, p. 605 ; M.G. LICHTY et M.B. SNOWDEN, précité note 2, p. 11-4, para. 11 :20.1. 23 M.G. LICHTY et M.B. SNOWDEN, précité note 2, p. 11-4, para. 11 :20.1.

Plus précisément, dans le langage ordinaire, le terme accident est défini comme un « événement fortuit,

imprévisible […] fâcheux ou malheureux […] qui entraîne des dégâts, des dangers »24. Il est synonyme de

« aventure, calamité […] ennui, malheur, mésaventure, revers »25. Dans les dictionnaires anglais, ce terme est

défini comme « […] an event that takes place without one’s foresight or expectation ; an event which proceeds

from an unknown cause, or is an unusual effect of a known cause, and therefore not expected »26.

Dans son sens ordinaire, un accident implique donc nécessairement les idées d’aléa, d’imprévisibilité, de malheur et de dommages.

Ces mêmes caractéristiques de la notion d’accident apparaissent dans un dictionnaire juridique français qui définit l’accident comme un « événement ou fait involontaire dommageable imprévu. »27

L’importance de chacun de ces éléments varie toutefois selon les circonstances. Le sens du mot accident peut donc changer considérablement en fonction du contexte dans lequel il est utilisé. Cet extrait d’une décision anglaise de la Chambre des Lords28, rendue au début du 20ième siècle et cité dans l’affaire Cité de Laflèche c.

Greenock29, fait état de la malléabilité de la notion d’accident et de la difficulté d’en donner une définition générale :

[notre traduction] […] dans le langage commun, on dit qu’on a rencontré un ami par accident

par opposition à une rencontre planifiée, qu’on a omis de donner une information par accident par opposition à une omission intentionnelle, on dit d’une personne qu’elle est invalide des suites d’un accident par opposition à une maladie, d’une découverte qu’elle est accidentelle par opposition à celle qui découle d’une recherche organisée. […] Il s’agit généralement, mais pas toujours, d’un événement inattendu. […] on ne dira généralement pas d’un soldat tué dans une bataille qu’il a subi un accident alors qu’on le dirait d’un civil tué en essayant d’échapper à la scène […] bref, le sens usuel de ce mot n’est déterminé ni par la logique, ni par l’étymologie, mais au cas par cas, et aucune définition applicable à tous les cas ne peut être formulée.30

Il faut donc apprécier le sens du mot « accident » selon le contexte dans lequel on le retrouve. Le texte dans lequel cette notion s’insère déterminera également si l’on doit donner au terme « accident » un sens large ou plus restrictif. Ainsi, lorsque cette notion se retrouve dans l’énoncé de garantie d’une police d’assurance, on lui donnera généralement un sens plus large que si elle se trouve dans le texte d’une exclusion ou d’une loi qui restreint les droits d’un justiciable.

24 ROBERT, Paul et al., Le nouveau petit Robert de la langue française 2008, Paris, Le Robert, 2008, p. 16. 25Ibid.

26 ONELOOK DICTIONNARY, « accident », dans Webster’s 1828 Dictionary [En ligne]. http://www.onelook.com (page consultée le

21 juin 2007).

27 Gérard CORNU (dir.), ASSOCIATION HENRI CAPITANT, Vocabulaire juridique, 6ième éd., Paris, Éd. Presses universitaires de

France (PUF), 2004, p. 10, « accident ».

28 Board of Management of Trim Joint District School v. Kelly, (1914) A.C. 667, p. 680. (comte Loreburn). 29 [1964] B.R. 186, p. 189 (j. Tremblay.).

Par exemple, dans l’affaire Cité de Laflèche c. Greenock31, la cour a énoncé que les blessures découlant de coups de feu et de coups de garcette délibérément assénés par des policiers n’étaient pas des blessures que la victime s’était « infligée par suite d’un accident » au sens de la Loi sur les cités et villes. Une conclusion contraire aurait imposé à la victime l’obligation d’aviser la ville par écrit de ces blessures dans un délai de 15 jours, à défaut de quoi son action contre la ville pouvait être rejetée. La cour a jugé qu’elle ne pouvait interpréter la notion d’accident, utilisée dans le contexte de cette loi, aussi largement que les tribunaux le faisaient en matière d’assurance puisque si « les polices d’assurance s’interprètent en faveur de l’assuré qui

réclame à raison de ce qu’il prétend être un accident […] les dispositions de l’article 622 [de la Loi sur les cités et villes] doivent s’interpréter strictement et à l’encontre de la municipalité qui en réclame le bénéfice. »32

On retiendra deux choses de cette décision de principe : d’abord, la notion d’accident doit être interprétée contextuellement. Lorsqu’elle est utilisée dans le cadre d’une assurance de personne contre les accidents, elle s’opposera surtout à la notion de maladie33. Dans le cadre d’un régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité où il s’agira de définir un type d’accident en particulier soit un accident de travail ou un accident d’automobile, elle fera souvent l’objet d’une définition expresse et sera interprétée en tenant compte du caractère remédiateur de la loi qui instaure le régime. Enfin, dans le cadre d’une assurance de responsabilité, l’accident se rattachera à la cause du dommage et devra nécessairement inclure le manquement de l’assuré à une obligation contractuelle ou extracontractuelle.34 Notre analyse se limitera évidemment au sens particulier qu’il convient de donner à la cette notion dans le contexte de l’assurance de dommages.

Ensuite, il faut retenir que la notion d’accident utilisée pour définir la garantie d’une assurance de responsabilité civile doit être interprétée largement et en faveur de l’assuré.

§1 L’« accident » dans le contexte du contrat d’assurance

Le professeur Didier Lluelles souligne comme suit la difficulté de définir la notion d’accident dans le contexte du contrat d’assurance : « La notion d’accident est assez difficile à cerner puisqu’elle semble se situer à mi-

chemin entre le risque ordinaire et la force majeure. En effet, il constitue un événement « soudain, fortuit et indépendant ». Mais il n’est pas nécessairement imprévisible ou irrésistible. »35

Les tribunaux québécois, canadiens et américains ont été appelés à maintes reprises à définir cette notion d’accident au sens du droit des assurances. Ils ont le plus souvent considéré que, lorsque le terme accident est utilisé dans un tel contrat, on devait lui donner son sens ordinaire, à moins que le contrat lui-même stipule une définition plus spécifique.

31 Précité note 29.

32 Id., para. 18.

33 Voir notamment J. BIGOT, précité note 11, p. 189. 34 R. MOREAU, précité note 20.

La définition jurisprudentielle à laquelle les tribunaux ont le plus souvent recours est celle formulée dans une décision anglaise du Conseil Privé selon laquelle l’accident désigne, dans le langage populaire et ordinaire, « une mésaventure non recherchée ou un événement malencontreux qui n’est ni prévu, ni planifiée »36.

Cette définition rejoint celle retenue par la Cour suprême du Canada dans les affaires Canadian Indemnity Co. c. Walkem37 et Mutuelle d’Omaha c. Stats38, selon lesquelles l’accident est « une mésaventure ou malchance

imprévue ou inattendue ou un malheur qui n’est ni prévu, ni recherché »39.

De ces définitions, on peut retenir qu’en matière d’assurance, l’accident est un événement dommageable qui, du point de vue de l’assuré, est à la fois non voulu et imprévu.

En droit québécois, le professeur Bergeron ajoute que tout événement comportant un élément imprévu dans l’événement lui-même ou dans ses effets doit être considéré comme un accident :

Ou bien la cause est un événement tout à fait fortuit et alors tant la cause que le résultat sont nécessairement accidentels. Ou bien la cause est un événement volontaire mais son résultat est non voulu et donc accidentel. Alors la cause et le résultat forment un ensemble indissociable, le résultat lui donnant sa qualification. Cela est inévitable pour attribuer à la notion d’accident son sens ordinaire et réaliste.40

Il semble donc que le fait qu’un événement ait produit des conséquences non voulues suffise à qualifier cet événement d’« accident ». Un auteur nous fait d’ailleurs remarquer que dans les rares polices ARCE qui stipulent une définition de la notion d’accident, cette définition comprend l’idée de dommages non prévus et non voulus de l’assuré :

On this test, « accident » connotes both lack of intent and lack of expectation. Both of these concepts are retained in the definition of « occurrence » found in most modern commercial liability policies, in which coverage is extended to « continuous or repeated exposure to conditions which results in property damage neither expected nor intended from the standpoint of the insured ».41

Nous verrons d’ailleurs que la jurisprudence a établi que le dommage causé par la faute intentionnelle de l’assuré n’est pas un dommage accidentel au sens de la police42. L’exigence de l’absence de volonté de l’assuré de voir le risque se réaliser découle de la nature même du contrat d’assurance et de la notion de risque. Le sinistre intentionnellement provoqué par l’assuré devient certain et perd son caractère aléatoire. Partant, il n’est plus un risque d’assurance. Le Code civil énonce d’ailleurs, à l’article 2464 al. 2, que les

36 Traduction libre de « [...] an unlooked-for mishap or an untoward event which is not expected or designed. », Fenton c. Thorley, [1903]

A.C. 443, p. 448.

37 Canadian Indemnity Co. c. Walkem Machinery & Equipment Ltd., [1976] 1 R.C.S. 309. 38 Mutuelle d’Omaha (La), Compagnie d’assurances c. Stats [1978] 2 R.C.S. 1153

39 Canadian Indemnity Co. c. Walkem Machinery & Equipment Ltd., précité note 37, p. 315-316 ; Mutuelle d’Omaha (La), Compagnie d’assurances c. Stats, précité note 38, para. 38.

40 Jean-Guy BERGERON, Les contrats d’assurance (terrestre) : lignes et entre-lignes, t.2, Sherbrooke, Éditions SEM, 1992, p. 94. 41 Gordon HILLIKER, Liability insurance law in Canada, 3rd ed., Toronto, Butterworths, 2001, p. 150

conséquences de la faute intentionnelle ne peuvent faire l’objet d’un contrat d’assurance. Enfin, la police-type ARCE exclut expressément les dommages « attendus ou voulus de la part de l’assuré »43.

Dans la définition de la notion d’accident, le critère de l’intention de l’assuré pose donc peu de problèmes, sinon ceux reliés à l’objet, à la mesure et à la preuve de cette intention44. À cet égard, les tribunaux s’entendent sur le fait que la faute intentionnelle qui fait perdre à l’assuré le bénéfice de l’assurance est la faute commise par lui avec l’intention de causer le dommage45.

Le critère de l’imprévision ou de l’imprévisibilité est plus problématique dans la mesure où il fait référence à la conscience de l’assuré concernant la probabilité que le risque assuré se réalise et à son défaut d’avoir pris les mesures pour l’éviter lorsqu’il était possible de le faire. Il fait également référence à la participation active, quoique non intentionnelle, de l’assuré, à la réalisation du dommage. Ce critère pose un problème dans la mesure où une partie importante des risques contre lesquels l’assuré désire se prémunir peuvent se produire en raison d’une négligence de sa part. Or, la négligence est généralement définie comme un geste ou une omission qui rend prévisible la réalisation du dommage.46 Les accidents purs, c’est-à-dire ceux qui surviennent sans que l’assuré n’ait quoi que ce soit à se reprocher, ne sont qu’une partie de ceux contre lesquels celui-ci désire s’assurer.47

En matière d’assurance de biens, l’application du critère de l’imprévisibilité pourrait avoir pour conséquence de soustraire de la garantie les dommages causés par le comportement négligent de l’assuré à l’égard de ses biens, ce qui réduirait de beaucoup la portée de l’assurance. Par exemple, l’assurance-habitation ne garantirait pas les dommages causés par l’incendie provoqué par l’assuré qui a oublié une casserole d’huile à frire sur le feu. De même, l’assurance des biens d’une entreprise n’indemniserait pas l’assuré pour la perte de ses biens dans l’incendie de ses locaux provoqué par des travaux de soudure effectués par lui sans prendre les précautions d’usage.

En matière d’assurance de responsabilité, l’application du critère de l’imprévisibilité pour définir l’accident a pour effet de lui nier toute utilité.

43 BAC 2100, précité note 1 : « Sont exclus de la garantie : a) Le « dommage corporel » et le « dommage matériel » attendus ou voulus de la part de l’assuré, exception faite du « dommage corporel » résultant de l’emploi d’une force raisonnable pour protéger des personnes ou des biens. »

44 Sur cette question voir Odette JOBIN-LABERGE, « La faute intentionnelle : approche objective et subjective », dans Service de la

formation permanente, Barreau du Québec, vol. 147, Développements récents en droit des assurances (2001), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 139 ; BELLEAU, C., « Faute intentionnelle et acte criminel en droit québécois des assurances », dans Responsabilité civile

et assurance, Études offertes à H. Groutel, Paris, LexisNexis Litec, 2006 ; Marie-Josée TEIXEIRA, De la faute intentionnelle et de l’accident au risque d’entreprise dans l’assurance de responsabilité, essai de maîtrise, Québec, Faculté des études supérieures,

Université Laval, 2000, 63 pages ;

45 Goulet c. Compagnie d’assurance-vie Transamérica du Canada (La), [2002] 1 R.C.S. 719 ; en doctrine, voir C. BELLEAU, précité,

note 44.

46 Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, vol.1, 7e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais,

2007, no. I-192, p. 171.

§2 L’« accident » dans le contexte particulier de l’assurance de responsabilité

Une définition restrictive de la notion d’accident, comme étant un événement imprévisible, est, à notre avis, incompatible avec l’objet de l’assurance de responsabilité, qui est de prendre en charge les conséquences de la responsabilité civile de l’assuré.

En effet, une telle définition implique que les conséquences prévisibles d’un acte ou d’une omission de l’assuré ne sont pas prises en charge par l’assurance.

Or, la responsabilité civile repose sur la notion de faute, réelle ou présumée, et la prévisibilité du dommage constitue un élément déterminant de cette faute civile.48 Ainsi, un individu sera généralement considéré fautif si les conséquences de son acte ou de son omission étaient raisonnablement prévisibles et qu’il n’a pas cherché à les éviter.

Un auteur français souligne d’ailleurs le caractère inadéquat de la notion d’accident pour circonscrire la garantie de l’assurance de responsabilité, en ce qu’elle réfère à la notion de prévisibilité : « (…) les discussions

qui peuvent s’élever sur le caractère accidentel du dommage débouchent nécessairement sur la question de sa prévisibilité pour l’assuré, et sur une appréciation du comportement de l’assuré, c’est-à-dire en définitive à refuser la garantie de certains types de fautes rendant le dommage prévisible. »49

Comment concilier le fait que la responsabilité civile implique nécessairement que l’assuré n’ait pas pris les moyens raisonnables pour éviter un dommage qui était prévisible avec une définition de l’accident qui a pour effet de restreindre la garantie d’assurance aux seuls événements imprévisibles ?

De même, comment concilier le fait que la faute doive être la cause déterminante du dommage pour engager la responsabilité civile avec le fait que, dans le cadre d’une police destinée à assurer la responsabilité civile de l’assuré, la définition du risque garanti ait pour effet d’exclure les sinistres découlant de la faute de l’assuré ? Doit-on conclure que l’assurance de responsabilité ne couvre que les dommages-intérêts dont l’assuré doit répondre indépendamment de toute faute de sa part ? Ce serait réduire considérablement le champ de cette assurance.

La notion d’accident prise dans le contexte de l’assurance de responsabilité doit, au contraire, tenir compte de l’objet de cette assurance, lequel est de garantir les conséquences de la responsabilité civile de l’assuré. Dans la mesure où la négligence est de loin la source la plus fréquente de responsabilité civile et où la faute

48 J.-L. BAUDOUIN et P. DESLAURIERS, précité note 46, no. I-616, p. 622 : « La recherche de la prévision raisonnable [des conséquences d’un acte] revient, elle aussi, à analyser la conduite de l’individu et abouti indirectement, dans un certain sens, à l’identification de la faute elle-même. ».

demeure, dans la majorité des cas, un « impératif catégorique de la responsabilité civile extracontractuelle »50, la notion d’accident ne peut donc, sans anéantir l’objet de cette d’assurance, exclure tout événement découlant de la négligence ou d’autres fautes de l’assuré.

D’ailleurs, le risque mesuré par l’assureur de responsabilité pour fixer la prime est un risque objectif, non chargé moralement de la notion de faute : avant de prendre en charge la responsabilité d’une entreprise, l’assureur estime à combien se chiffrent, en valeur, les risques de responsabilité des entreprises dans un secteur semblable. Il ne fait aucune distinction entre les condamnations contre les entreprises fondées sur la faute et celles découlant des accidents purs qui engagent sa responsabilité objective. Il ne le fait pas parce que l’assurance est fondée sur des calculs de probabilité qui révèlent que le risque est constant, objectif et indépendant de toute volonté. Le philosophe du droit François Ewald explique qu’au sens de l’assurance, l’accident représente le dommage lui-même, que celui-ci ait été causé par une conduite fautive ou non :

L’assureur fonde ses calculs sur la probabilité objective d’un accident indépendamment de toute volonté : peu importe qu’il relève de la faute de l’un ou de l’autre, qu’on eût pu l’éviter, le fait est que quelle que soit la bonne ou mauvaise volonté des hommes, quoi qu’ils aient pu vouloir faire ou ne pas faire, l’accident se produit avec telle ou telle régularité. (…) L’accident qui semble individuellement à la fois aléatoire et évitable avec un peu de prudence apparaît dans le cadre d’une population comme calculable et prévisible51

Les tribunaux demeurent toutefois réticents à considérer comme un accident un événement qui découle d’un geste fautif de l’assuré52. Il est en effet difficile de qualifier d’accident un incendie causé par un assuré qui oublie une casserole d’huile sur le feu ou qui s’endort avec une cigarette. De même, dans le domaine de l’assurance de responsabilité civile des entreprises, il peut apparaître étrange de considérer comme étant le résultat d’un accident les dommages découlant du défaut, par l’assuré, d’utiliser un produit approprié pour nettoyer des meubles ou des boiseries.

Pour cette raison, l’accident est généralement considéré comme l’antithèse de la faute intentionnelle. En d’autres mots, les limites de l’accident seraient les mêmes que celles de la faute assurable. Or, les limites de la faute assurable se sont considérablement élargies avec le temps53

La réticence à assurer les conséquences d’une faute de l’assuré repose sur deux fondements principaux, l’un moral et l’autre technique.

L’argument moral, ou celui de la protection de l’ordre public, est à l’effet que l’assurance des conséquences d’une faute peut constituer, pour l’assuré, une incitation à provoquer le risque ou, du moins, à ne pas empêcher

50 J.-L. BAUDOUIN et P. DESLAURIERS, précité note 46, no. I-158, p. 149. 51 François EWALD, L’État providence, Paris, Grasset, 1986, p. 176. 52 Voir M.-J. TEIXEIRA, précité note 44.

53 Voir notamment F.EWALD, précité note 51, p. 174 et Herman COUSY, « La fin de l’assurance ? Considération sur le domaine propre

de l’assurance privée et ses frontières » dans Droit et économie de l’assurance et de la santé, Mélange en l’honneur de Yvonne Lambert-

qu’il se réalise. Nous avons fait état précédemment54 du fait que l’assurance des fautes a longtemps, pour ces motifs, été considérée comme moralement répréhensible.55 La licéité de l’assurance de responsabilité, dont le principal objet était de protéger l’assuré contre les conséquences d’une telle faute, a ainsi été contestée jusqu’au milieu XIXième siècle56, moment où les tribunaux ont conclu à l’assurabilité de la faute simple de l’assuré et donc à la validité de l’assurance de responsabilité civile.

L’argument technique repose quant à lui sur le fait que le risque provoqué en tout ou en partie par un geste