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Reconnaissance de l’agent étranger et formation du phagosome

PARTIE 1 : LE SYSTÈME IMMUNITAIRE PROTÈGE NOTRE ORGANISME CONTRE LES AGRESSIONS

F. La phagocytose, quand les cellules immunitaires jouent à Pac-Man

1. Reconnaissance de l’agent étranger et formation du phagosome

Pour initier la phagocytose, le phagocyte doit entrer en contact direct physique avec sa cible. Pour ce faire, les phagocytes émettent des protrusions de membrane qui sondent l’environnement à la recherche de particules stationnaires ou à mouvements aléatoires (Flannagan, Harrison, Yip, Jaqaman, & Grinstein, 2010). Ce mécanisme continu et dynamique résulte de la polymérisation de filaments d’actine sous la membrane plasmique (Campellone & Welch, 2010), sous le contrôle du complexe Actin-related proteins 2 et 3 (Arp2/3). Ce complexe n’est pas constitutivement actif et nécessite la présence d’un facteur promoteur de nucléation (NPF) (Goley, Rodenbusch, Martin, & Welch, 2004). Parmi ces facteurs, la protéine associée au syndrome de Wiskott-Aldrich (WASP) a été montrée comme indispensable aux bourgeonnements membranaires des DC (Vargas et al., 2016). Brièvement, les récepteurs couplés aux protéines G, comme le Calcium Sensing Receptor, induisent une augmentation locale de phosphatidyl-inositol-triphosphate (PIP3) et d’acide phosphatidique activant les Facteurs d’Echange de Guanine (GEF). Les GEF activent à leur

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tour les Rho GTPases comme Rac et Cdc42 qui induisent WASP, puis le complexe Arp2/3 (Campellone & Welch, 2010).

Si ce processus de protrusion est le plus fréquent, il arrive aussi que la reconnaissance se fasse par migration des phagocytes. Par exemple les polymorphonucléaires neutrophiles reconnaissent les particules opsonisées par le complément et migrent jusqu’à elles selon un gradient chimiotactique (C. Y. Lee, Herant, & Heinrich, 2011). De même, les cellules en apoptose expriment des signaux « find me » qui attirent les macrophages par chimiotactisme (Gude et al., 2008).

Enfin le contact peut se faire de façon passive, lorsque le pathogène est amené au macrophage splénique par le flux sanguin par exemple, mais ce dernier mode de contact est beaucoup plus rare.

Ces différents mécanismes amènent la cible en contact direct avec la surface du phagocyte. Les phagocytes expriment à leur surface un large éventail de récepteurs chargés de reconnaitre la cible à phagocyter. Ces immuno-récepteurs sont capables de discriminer un potentiel pathogène ou une cellule en apoptose d’une cellule du soi. Ils peuvent aussi reconnaitre les protéines du complément ou les anticorps fixés sur un pathogène.

Pour cet exposé, nous avons pris en exemple les récepteurs pour les fragments constants (Fc) des immunoglobulines (FCγR), qui peuvent reconnaitre les anticorps fixés à la surface d’un pathogène par leur partie constante. Les FCγR font partie des récepteurs les mieux décrits pour l’induction de la phagocytose. Les mécanismes décrits ici restent valables dans de nombreux cas puisque la plupart de ces immuno-recepteurs possèdent un motif d’activation basé sur tyrosine (ITAM) cytosolique.

Les domaines ITAM contiennent deux résidus tyrosines qui peuvent être phosphorylés par des tyrosines kinases spécifiques. Ces tyrosines sont dans des séquences canoniques YXX[L/I] séparées de 6 à 9 acides aminés (où X est un acide aminé quelconque, Y la tyrosine, L la leucine et I l’isoleucine). La proximité de ces deux tyrosines permet le recrutement sur ITAM de protéines contenant des domaines SH2 en tandems (telles Syk ou Zap70)

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Figure 11. Reconnaissance de la cible phagocytaire et formation du phagosome

La figure représente les acteurs moléculaires engagés dans chacune des étapes de formation du phagosome, de la détection de la cible par émission de prolongements (i), la transduction du signal (ii), la polymérisation de

l’actine formant la coupe phagocytaire (iii) à la fermeture du phagosome (iv). Les changements de phosphoinositides sur la face cytosolique de la coupe phagocytaire sont indiqués en couleur (Levin, Grinstein, &

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Ainsi, la liaison d’un anticorps au FCγR entraine la phosphorylation des tyrosines des domaines ITAM par les tyrosines kinase de la famille Src (SFK) (Fitzer-Attas et al., 2000). Ces sites de phosphorylation servent d’ancrage à la tyrosine kinase splénique (Syk) (Johnson et al., 1995). Syk amplifie le signal en phosphorylant les ITAM alentour (Mocsai, Ruland, & Tybulewicz, 2010); recrute la phospho-inositide 3-kinase (PI3K) et la phospholipase C-γ (PLC-γ) (Ninomiya et al., 1994). Cela provoque un changement local dans la composition lipidique de la membrane plasmique. Les proportions de diacylglycerol (DAG) et de PIP3 membranaire augmentent et de l’inositol tri-prosphate (IP3) diffusible est produit. Ces variations dans la composition lipidique, et plus particulièrement la présence PIP3, sont nécessaires à la phagocytose des particules les plus larges (Cox, Tseng, Bjekic, & Greenberg, 1999). Cette étape permet le recrutement des GEF et des Rho GTPases, qui activent les NPF. Cette activation est régulée par les protéines à domaine Bin-Amphiphysin-Rvs (BAR), localisées dans la protubérance membranaire qui formera le phagosome (Tsuboi et al., 2009). Enfin les NPF recrutent le complexe Arp2/3, qui élabore d’un vaste réseau d’actine branchée. Ce remodelage du cytosquelette conduit à l’émission de prolongements membranaires qui entourent progressivement la cible. On parle de coupe phagocytaire (Figure 11).

Parmi les autres immuno-recepteurs capables d’induire la phagocytose, on distingue notamment :

Certains PRR. En effet les PRR incluent des récepteurs spécialisés dans la détection et la signalisation (comme les TLR, les NOD like receptors (NLR) et les retinoic acid-inducible gene 1 like helicase receptor (RLR)) et des PRR impliqués dans l’initiation de la phagocytose. Ces derniers incluent les récepteurs à lectines de Type-C (CLR) comme le récepteur à mannose (CD206) et la molécule DC-SIGN (CD209). Le récepteur à Mannose est exprimé sur les DC et les Macrophages et reconnait les protéoglycanes avec un mannose terminal, exprimés à la surface de micro-organismes tel Candida albicans (Martinez-Pomares et al., 1998), Pneumocystis carinii (O'Riordan, Standing, & Limper, 1995) et Leishmania donovani (Chakraborty, Chakraborty, & Basu, 1998). La reconnaissance d’un pathogène par CD206 recrute, la taline, la protéine kinase Cα (PKCα) et son substrat myristoylated alanine-rich

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kinase substrate (MARCKS) et finalement le cytosquelette d’actine, qui initie la formation de la coupe phagocytaire.

Finalement, les récepteurs du complément (CR) peuvent reconnaitre les molécules du complément déposées sur les micro-organismes par opsonisation. Lors de la liaison au complément, et en présence d’un autre stimulus activant PKCα, CR recrute également le cytosquelette d’actine. Cependant, Il a été montré que la phagocytose initiée par CR est un mécanisme qui n’implique pas de coupe phagocytaire, le pathogène s’enfonce dans la cellule sans émission de protubérances. Ce mécanisme dépend du cytosquelette de tubuline et est accompagné de nombreux mouvements de membrane à l’intérieur du phagocyte.

La fermeture du phagosome est la phase la moins caractérisée de la phagocytose. En se basant sur l’endocytose médiée par clathrines, il a été proposé que les protéines à domaine BAR jouent un rôle dans ce mécanisme (Daumke, Roux, & Haucke, 2014). Elles facilitent l’activité nucléatrice d’Arp2/3 vers la partie apicale de la protrusion membranaire ; puis elles recrutent la dynamin-2 responsable de l’étape finale de scission permettant la fermeture du phagosome (Marie-Anais, Mazzolini, Herit, & Niedergang, 2016).