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Réglementations pour limiter l’exposition des populations aux nanomatériaux

PARTIE 2 : LES NANOPARTICULES, ENTRE PROMESSES ET INCERTITUDES

F. Réglementations pour limiter l’exposition des populations aux nanomatériaux

populations aux nanomatériaux

Il est important de distinguer l’exposition aux nanomatériaux dans le cadre de l’entreprise (exposition professionnelle) qui doit être légiférée par le code du travail, de l’exposition dans les produits du quotidien.

1. Protéger les professionnels d’une exposition aux nanomatériaux : ce que dit le code du travail

Dans le code du travail, aucune réglementation spécifique ne régit la manipulation des nanomatériaux. Cependant, certaines règles et principes de protection des salariés restent applicables.

Premièrement, en l’absence de données précises concernant la toxicité des nanomatériaux, le principe de précaution s’applique à la manipulation de ces matériaux. Ce principe est énoncé dans la loi Barnier 95-101 du 2 février 1995 : « L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque ». Ainsi, dès lors que l’innocuité d’un composé n’est pas démontrée, il advient de mettre en place les mesures nécessaires pour s’en protéger et cela est valable pour les nanomatériaux.

Deuxièmement, la réglementation de prévention du risque chimique (définie par l’article L.4121-2 du Code du travail) s’applique aux nanomatériaux, en tant que composés chimiques. Cette réglementation comprend les règles générales de prévention du risque chimique (articles R.4412-1 à R.4412-58 du Code du travail) et les règles plus particulières concernant les agents chimiques cancérogènes, mutagènes et repro-toxiques (CMR) (articles R.4412-59 à R.4412-93 du Code du travail). Ces mesures permettent d’appréhender les risques liés aux nanomatériaux et de distinguer des mesures propres aux nanomatériaux CMR.

Troisièmement, Le code du travail définit des valeurs limites d’exposition à différentes catégories de poussières : dioxyde de titane, noir de carbone, certains oxydes et sels métalliques, etc. Cependant, ces valeurs limites doivent être adoptées aux substances sous forme nanométrique.

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A l’échelle internationale, l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) diffuse également des valeurs limites d’exposition des professionnels aux poussières. Ainsi, conjointement avec le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), cette organisation a établi des valeurs limites pour les NP de dioxyde de titane à 300 µg/m3 et pour les nanotubes de carbone à 1 µg/m3. D’autres organismes européens (comme que la British Standards Institution ou l’Institut für Arbeitsschutz der Deutschen Gesetzlichen Unfallversicherung) définissent des valeurs limites d’exposition des professionnels à certaines catégories de nanomatériaux (fibres, CMR, nano-objets insolubles …).

Ces valeurs limites tendent à réduire l'exposition des salariés aux nanomatériaux, et peuvent être utilisées par les industriels français avant l’établissement d’une règlementation française précise. Cependant, ces valeurs limites ne sont que spéculatives ; les connaissances sur la toxicité des nanomatériaux étant pour l’heure insuffisantes pour établir des limites précises d’exposition professionnelle. Dès lors, il advient de rechercher le niveau d'exposition le plus bas possible.

2. Protéger les populations d’une exposition aux nanomatériaux

a. Obligation de déclaration

Depuis le 1er janvier 2013, les fabricants, les importateurs et les distributeurs de nanomatériaux sur le marché en France ont l’obligation légale de déclarer annuellement l’utilisation de ces substances. Ils doivent préciser l’identité du déclarant, le type matériau et ses propriétés physico-chimiques, les quantités produites ou distribuées, leur usage et l’identité de l’utilisateur final de ces produits. De même, les dangers connus associés à ces nanomatériaux ou toute information permettant d’évaluer leurs risques pour la santé et l’environnement doivent être communiqués. Cette mesure est décrite dans les articles L.523-1 à L. 523-3 du Code de l’environnement.

Les décrets n° 2012-232 et 2012-233 du 17 février 2012 précisent que cette déclaration concerne tout nanomatériau produit, importé ou distribué (à partir de 100 grammes par an) et doit être réalisée auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de

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l’environnement et du travail (ANSES) via le site internet dédié http://r-nano.fr/. Ainsi, en mai 2014 (soit pour la deuxième année d’activité de R-nano), plus de 10 000 déclarations ont été enregistrées par plus de 1700 professionnels. Ces déclarations représentent 275 000 tonnes de nanomatériaux produits et plus de 122 000 tonnes de nanomatériaux importés en France en 2014.

Ce dispositif permet de connaitre les quantités de nanomatériaux produits, importés ou distribués en France, d’avoir une traçabilité des filières d’utilisation et de collecter des informations sur les propriétés toxicologiques et écotoxicologiques de ces matériaux, connues par les professionnels (données issues du rapport « Aspects juridiques et réglementaires des nanotechnologies » de Anne Van Der Meeren et Anna Bencsik pour l’observatoire des micro et nanotechnologies).

b. Obligation d’étiquetage

La règlementation européenne oblige l’étiquetage des produits contenant des nanomatériaux, pour trois catégories de produits : les cométiques, les denrées alimentaires et les produits biocides.

Dans les produits cosmétiques, La présence de nanomatériaux doit être signalée par le terme [nano] entre crochets après l’ingrédient concerné. Ce Règlement daté de 2009 est entré en vigueur en juillet 2013.

Dans l’industrie agro-alimentaire, depuis 2014, le règlement européen 1169/2011 dit INCO établit que les denrées comprenant des nanomatériaux manufacturés doivent également être identifiées par le terme [nano] entre crochets. Le règlement européen 2015/2283 du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments et applicable à compter du 1er janvier 2018 précise la définition de nanomatériau manufacturé et mets en place une procédure d’autorisation de mise sur le marché.

Enfin, le 10 mai 2012, le Conseil de l'Union européenne adoptait que la présence de nanomatériaux dans les produits biocides devait être indiquée avec le terme (nano) entre parenthèses après le nom de l'ingrédient concerné. Ce règlement oblige aussi le fabriquant à préciser les risques éventuels liés à l’utilisation de ce nanomatériau.

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Cependant ces règlementations d’étiquetage sont très peu appliquées. Dans l’agroalimentaire par exemple, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) met en évidence une absence de marquage sur la quasi-totalité des produits alimentaires testés. Ce défaut concerne majoritairement le dioxyde de titane (référencé comme additif alimentaire E171) pour lequel la mention [nano] est souvent omise.

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