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Les nanoparticules de Gadolinium – Polysiloxane AguIX

PARTIE 2 : LES NANOPARTICULES, ENTRE PROMESSES ET INCERTITUDES

G. Les NP à usage bio-medical

4. Les nanoparticules de Gadolinium – Polysiloxane AguIX

Les AguIX (ou GdSi dans ce manuscrit) sont des NP ultrafines de polysiloxane présentant des cations de Gadolinium Gd3+ à leur surface. Pour prévenir la fuite de ces ions, ils sont chélatés par des dérivés du 1,4,7,10-tetraazacyclododecane-1,4,7,10-tetraacetic acid (connu sous le nom de DOTA).

Ces NP sont formées par approche bottom-up et top-down conjuguées. Brièvement, un cœur de gadolinium oxyde Gd2O3 est formé par précipitation en solution de diéthylène glycol. Puis une couche de polysiloxane est ajoutée en surface, formant une particule de 4,5 nm. Les chelates de DOTA sont greffés en surface de façon covalente avec les molécules de polysiloxane. La particule ainsi obtenue, Figure 30 c, mesure entre 6 et 8 nm. Lorsque cette NP est resuspendue dans de l’eau, le cœur se dissout en ions de Gd3+ qui se logent dans les DOTA. La surface de siloxane se réduit passivement en NP de 2 à 4 nm, en fonction du nombre de DOTA par atome de Gd, Figure 30 f. La NP finale est complétement dépourvue de Gd2O3 dans le cœur (Mignot et al., 2013).

Alternativement, le diethylene triamine pentacetic acid (DTPA) peut être utilisé comme agent chélatant des ions Gd3+ à la surface des NP GdSi.

Ces NP ont été d’abord développées pour l’imagerie par résonnance magnétique (IRM). En effet, les ions Gd3+ produisent un signal de résonnance magnétique soutenu et proportionnel à la concentration en NP. Utilisant ces propriétés, les GdSi ont permis le marquage de pDC in vitro. Ce marquage n’altère pas la survie des pDC, ni leur activation par un ligand TLR7 ou TLR9. Après injection de ces pDC chez la souris, un fort signal en IRM est trouvé au niveau de la rate. Ce signal est dû à la migration des pDC jusqu’à cet organe (Aspord et al., 2013). Un autre exemple de l’utilisation de ces NP en imagerie in vivo a été apporté récemment par Bianchi et ses collègues. Une injection intra trachéale de GdSi a permis le marquage de tumeurs pulmonaires (non small-cell lung cancer) par IRM. Cette administration ne produit pas de réaction inflammatoire au niveau des voies respiratoires. Les GdSi administrées par cette route passent rapidement dans le sang et sont éliminées par filtration rénale (Bianchi et al., 2014).

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Figure 30. Synthèse des GdSi par approches Bottom-Up et passive Top-Down.

Figure adaptée de Mignot et al (Mignot et al., 2013)

Ces NP peuvent aussi être utilisées en radiothérapie. En effet, en 2014, le département « radiation oncology » à Harvard a mis en exergue que les NP à base de Gd peuvent augmenter l’effet de rayons X de faible énergie (220kV) sur les cellules HeLa ; se traduisant par une augmentation de la mortalité cellulaire (Luchette, Korideck, Makrigiorgos, Tillement, & Berbeco, 2014). La présence d’atomes de gadolinium proches augmente la probabilité de formation d’une cascade d’électrons Auger lors d’une irradiation (Lux, Detappe, et al., 2015). Grâce à ces propriétés dites de « radiosensibilisation », les GdSi ont été employés pour traiter des cellules de carcinome humain SQ20B. Après traitement avec 0.6mM de GdSi puis une irradiation à 250kV, la survie de ces cellules est considérablement diminuée ; cela est associé à la présence de cassures doubles brins dans l’ADN, à des perturbations dans la mitose, à la production de ros et à l’activation des caspases. In vivo, l’utilisation des GdSi couplée à une irradiation aux rayons X de 10 gray (Gy) retarde significativement la croissance d’une tumeur de SQ20B implantée chez la souris (Miladi et al., 2015).

Le double usage de ces NP à la fois en imagerie et en radiothérapie ouvre la voie à des approches de théranostique (Lux, Sancey, et al., 2015). Comme pour les AuNP vues

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précédemment, les propriétés des GdSi seraient utilisées en thérapie, guidée par l’imagerie par IRM, permettant une médecine personnalisée.

Cependant, hormis les données sur les pDC évoquées plus haut, nous ne disposons que de très peu d’informations concernant l’immunotoxicité des GdSi. De la même façon qu’avec les LNP, il est nécessaire d’accumuler plus de preuves de la biocompatibilité de ces NP avant leur utilisation bio-médicale.

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Contexte de l’étude et objectifs

Les NP sont utilisées, depuis la dernière décennie, dans des domaines d’application très variés parmi lesquels nous pouvons citer l’industrie, l’agro-alimentaire et la pharmaceutique. Ce dernier domaine d’application est particulièrement important puisque les NP à visée thérapeutique pourraient permettre le développement de thérapies ciblées, d’augmenter la diffusion et l’efficacité des drogues tout en facilitant les modes d’administration et diminuant les couts de santé publique.

Cependant, malgré les promesses que représentent les NP pour la médecine, nous ne disposons pas encore de données complètes sur les risques pour la santé des personnes, liés à une exposition à ces NP. Il est particulièrement important d’étudier l’impact des NP sur la santé, en amont de leur utilisation.

Le système immunitaire, étant impliqué dans la prise en charge et l’élimination des corps étrangers, est susceptible d’initier une réponse à l’encontre de ces NP. En effet, comme indiqué précédemment, les CPA du système immunitaire sont dotées d’une activité de phagocytose et endocytose, qui leur permet d’internaliser des NP. Ainsi, ces cellules seront parmi les plus affectées par une exposition aux NP.

Or, les CPA sont des acteurs majeurs des réactions immunitaires, en induisant les réponses inflammatoires et en initiant les réponses immunitaires adaptatives. Une perturbation fonctionnelle des CPA, qualifiée d’immunotoxicité par certains auteurs, pourrait avoir un impact sur les réponses immunitaires subséquentes. De plus, les CPA persistent dans les tissus de l’organisme pendant plusieurs mois. Ainsi une exposition aux NP pourrait modifier les fonctions de ces cellules à long terme et altérer la réponse à un pathogène même plusieurs semaines après exposition aux NP.

Considérant les éléments de littérature évoqués précédemment et la problématique posée ci-dessus, l’objectif principal de ces travaux de thèse était de développer un ensemble de tests in-vitro pour évaluer l’immunotoxicité des NP sur les fonctions immunitaires des CPA lors d’une infection pouvant intervenir subséquemment. Cet ensemble de test permettrait de prédire rapidement l’immunotoxicité à long terme des NP.

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Ces travaux font suite à une première étude réalisée par le Dr. C. Villiers dans le laboratoire. Il démontre que les nanoparticules d’or AuNP (20nm) sont accumulées dans les cellules dendritiques et que cette accumulation n’altère pas la viabilité des DC aux concentrations testées (100µg/mL). En prenant ces AuNP comme particule modèle, nous avons développé un ensemble de tests in-vitro permettant d’évaluer l’impact des NP sur les fonctions des CPA. Plus particulièrement, L’immunotoxicité des AuNP a été évaluée sur l’internalisation d’un agent étranger par endo-pinocytose ou par phagocytose (1), sur l’activation de la CPA et la sécrétion de cytokines qui en résulte, régulant l’inflammation, (2) et enfin sur la présentation antigénique aux lymphocytes T induisant la réponse immunitaire spécifique (3). Pour ce faire, trois modèles de CPA ont été utilisées : la lignée de monocytes/macrophages de souris J774, qui a été extensivement utilisée pour les analyses de phagocytose et d’internalisation en raison de l’avidité de ces cellules pour les corps étrangers et qui offre une bonne reproductibilité expérimentale (1), des cellules dendritiques de souris cultivées à partir de la moelle osseuse (BMDC), cellules primaires non transformées qui reproduisent au mieux la présentation antigénique et l’induction de la réponse adaptative in vitro (2), et la lignée de cellules dendritiques JAWS-II qui présente moins de variabilité que les BMDC pour l’étude des mécanismes intracellulaires les plus sensibles (3).

L’objectif secondaire de cette thèse était de valider la biocompatibilité de plusieurs NP à visée médicale, issues de plusieurs programmes nationaux et européens. Ces NP comprennent des Lipidots de 50nm, des PLGA de 150nm et des GdSi AguIX de 3nm, décrites en introduction. L’ensemble des tests d’immunotoxicité réalisés sur les AuNP a été étendu à ces différentes NP.

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Matériel et méthodes