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Partie 4. Une entrée par les résultats

II. Les innovations produites par la politique culturelle

2. Résultats de la recherche

2.2. Recommandations managériales

Le changement de paradigme de la politique culturelle s’inscrivant dans une modernisation de l’action publique, suivant une logique de Post NPM et donc de rationalisation des coûts, n’a pas été compris par l’ensemble des acteurs. Il s’en est suivi des modifications de fonctionnement et d’organisation à la fois du PDC mais également de l’attribution des subventions. Ce changement passant d’une logique de guichet à une logique de projet a été trop rapide et brutal et n’a donc pas été compris et assimilé par les opérateurs culturels. Ceci dénote un manque d’information, de communication et de co-construction de ce changement. Plus précisément, les différentes innovations (institutionnelle, organisationnelle, managériale et technologique) qui ont émergées de ce changement de paradigme n’ont pas conduit à leur appropriation par les opérateurs. Il est nécessaire que cette rupture dans la manière de concevoir la politique publique culturelle soit légitimée et entendue par les acteurs comme une nouvelle manière, une alternative pour

répondre à la fois à ces enjeux du Post NPM mais également afin de répondre au mieux aux demandes sociales territoriales. En ce sens, nous recommandons vivement aux agents du PDC d’insister à nouveau sur ces transformations en soulignant la finalité de celles-ci qui est d’aller vers davantage de prise en compte des besoins sociaux et territoriaux. Ces finalités sociales et territoriales constituant le nouveau paradigme doivent représenter la nouvelle vision commune (Tremblay et al., 2005) à l’ensemble des acteurs de la politique culturelle locale afin de leur offrir un sens et un idéal d’avenir. La construction de cette vision commune est un gage de mobilisation et d’engagement afin d’amener les acteurs à endosser leur empowerment.

En ce sens, il serait important que le PDC puisse faire prendre conscience aux opérateurs culturels des impacts de leurs projets sur le territoire et les usagers. L’explicitation claire de la vocation de la politique culturelle, elle-même en lien avec d’autre politiques publiques, comme pouvant être un moyen de résoudre des problèmes d’ordre social peut constituer un leitmotiv pour les opérateurs à la logique projet et atténuer la variable budgétaire. En d’autres termes, nous recommandons au PDC de revendiquer auprès des opérateurs culturels l’utilité de leurs projets et formaliser clairement leur stratégie. Cette dernière devant être reprise à la fois dans les discours politiques et techniques. Il s’agit de constituer des éléments de langage et de faire preuve de pédagogie pour construire une vision commune de la politique culturelle locale.

Par ailleurs, la logique projet et notamment la mise en réseau d’acteurs doit être présentée et perçue comme une chance par les opérateurs culturels de pouvoir bénéficier d’une gouvernance davantage participative et inclusive. Profiter de la légitimité de grosses structures culturelles ou encore de certaines de leurs ressources qu’elles soient financières ou non représente une opportunité. Nous recommandons que le PDC mette en avant auprès de petites associations notamment que la logique projet et donc le partage de ressources qui en découle peut représenter une occasion à saisir. En effet rappelons que l’organisation réticulaire repose sur une mutualisation des ressources et des efforts déployés. Dans le même sens il s’agit retravailler l’appropriation des outils numériques mis en œuvre qui se veulent collaboratifs. Néanmoins, le PDC doit prendre en compte que le mode projet ne se réfère pas à la même temporalité que l’innovation sociale qui s’exprime sur un temps long (l’essaimage de l’innovation sociale et effets de transformations sociales prennent du temps). En d’autres termes il existe un clivage entre le mode projet et l’innovation sociale en matière de temporalité qui peut être évité en intégrant dans la politique même l’innovation sociale. En effet, celle-ci ne doit pas être uniquement un résultat recherché à la marge mais un véritable fonctionnement à part entière. Nous recommandons donc aux au PDC d’intégrer les différentes dimensions de l’innovation sociale dans les actions de changement de la nouvelle politique culturelle.

De manière globale, les recommandations faites sous-entendent de repenser l’innovation sociale dans l’essence même de la politique culturelle locale qui tente de

répondre à une demande sociale. Afin de mieux cibler cette demande sociale, nous recommandons d’intégrer davantage de participation citoyenne. Ceci permettrait également d’aller davantage vers une appropriation collective de la valeur produite par l’innovation sociale où ses effets profitent à tous (PDC, opérateurs culturels, citoyens). La formation et la communication représentent une possibilité pour les acteurs culturels mais l’implication des citoyens permet d’aller encore plus loin dans la logique d’accessibilité de la culture et de ses effets positifs générés. En d’autres termes, le citoyen représente un élément clé de cette nouvelle politique culturelle locale qu’il est nécessaire de solliciter pour qu’il puisse prendre part à ce changement s’inscrivant dans une volonté de la part du PDC de répondre aux demandes sociales et territoriales et en bénéficier.

Conclusion

Le premier point de cette conclusion porte sur la mise en évidence de niveaux d’innovation sociale. En effet, en dépassant la dualité entre processus et résultat nous considérons différents degrés de cette innovation. Dans notre cas nous sommes bien en présence d’une innovation sociale dite « partielle » puisque toutes les dimensions ne se retrouvent pas complètement. En effet, dans notre contexte de rationalisation nous observons des tensions entre une logique de performance économique et de performance sociale. Ainsi, il existe une réelle volonté de la part du PDC de répondre à des besoins sociaux et d’améliorer le bien-être des citoyens, tout en prenant en considération les problématiques locales et en insufflant une mise en réseau. Néanmoins, les opérateurs culturels n’ont pas pris la mesure de ces autres dimensions de l’innovation sociale. C’est en ce sens que nous parlons d’innovation sociale partielle.

Nous relevons également que l’innovation sociale, à travers ses différentes dimensions, correspond in fine à une constellation d’innovations au service d’un besoin social identifié et d’un territoire. En effet, l’innovation sociale suppose un changement de paradigme et de pratiques amenant de nouvelles formes d’organisations et de nouveaux outils. Elle se veut donc à la fois institutionnelle, organisationnelle, managériale et technologique.

Enfin, nous observons que le territoire est une variable prédominante dans la prise en compte de l’innovation sociale. Au-delà de la dimension de l’innovation sociale liée au territoire, celui-ci est considéré comme transversal. En effet, la volonté du PDC est de dynamiser son territoire en mettant en relation des acteurs locaux pour répondre à des problématiques spécifiques à celui-ci et à ses citoyens. Néanmoins, il semble que le territoire, même s’il est pris en compte par les agents du PDC ne constitue pas un leitmotiv suffisant pour les opérateurs culturels. Sa prise en compte pourrait amener à parler d’innovation territoriale où le développement du territoire, à la fois dans sa forme économique et sociale, constituerait une manière de faire et une finalité.

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Conclusion générale