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CHAPITRE 1 : Problématique : résilience des jeunes en transition vers l‘âge adulte

1.2 Le concept de résilience

1.2.3 La résilience des adultes après des services de protection de la jeunesse

1.2.3.1 Les recherches empiriques

Diverses perspectives ont été données à la résilience, dans les études recensées, pour aborder la vie des adultes après des services de PJ. Diverses méthodes et façons d‘opérationnaliser le concept ont aussi été privilégiées. Certaines études ont choisi des méthodes quantitatives auprès de larges échantillons (Anctil, McCubbin, O'Brien, & Pecora, 2007; Cashmore & Paxman, 2006; Daining & DePanfilis, 2007; Gwadz et al., 2006; McGloin & Widom, 2001; Merdinger, Hines, Lemon Osterling, & Wyatt, 2005) alors que d‘autres ont combiné des analyses quantitatives et qualitatives sur de plus petits échantillons (Jackson & Martin, 1998; Jahnukainen, 2007)20. D‘autres encore ont privilégié des méthodes qualitatives (Conway, Uhrich, & Shaver, 2003; Hines et al., 2005; Iglehart & Becerra, 2002; Samuels & Pryce, 2008; Schofield, 2001, 2002; Ungar, 2005) même si, chez Schofield (2001, 2002), la méthode n‘a pas été explicitée.

Les études quantitatives ont révélé des relations entre des variables bien précises susceptibles d‘avoir un effet protecteur ou néfaste sur d‘autres variables caractérisant une situation de résilience. Toutefois, l‘étude de McGloin et Widom (2001) fait exception. Sans chercher les « corrélats de la résilience » (Masten, 2007), McGloin et Widom ont élaboré une mesure visant à caractériser une situation de résilience chez des adultes ayant été

20 Dans le cas de Jahnukainen (2007), les données qualitatives ont été transformées en des indices chiffrés.

Chez Jackson et Martin (1998), des données quantitatives et qualitatives ont été recueillies. Quant à l‘étude mixte de Hines, Merdinger et autres collaborateurs, les résultats qualitatifs (Hines, Merdinger, & Wyatt, 2005) et quantitatifs (Merdinger et al., 2005) ont été présentées dans deux publications distinctes.

victimes d‘abus ou de négligence de façon à les comparer entre eux et avec un groupe contrôle. Leur mesure a été reprise ou adaptée par Daining et DePanfilis (2007), Cashmore et Paxman (2006) ainsi que par Gwadz et al. (2006). Les études qualitatives ont davantage exploré les processus ou illustré des éléments théoriques.

Certaines études se sont attardées exclusivement à la résilience scolaire (Hines et al., 2005; Jackson & Martin, 1998; Merdinger et al., 2005) et celle liée à des variables psychologiques (psychological outcomes) (Anctil et al., 2007) alors que d‘autres ont mis l‘accent sur une situation englobant plusieurs domaines de vie.

La catégorisation décrite par Masten (2006) s‘avère utile pour regrouper les principaux résultats de ces études. Elle permet de situer les éléments positifs et les obstacles à la résilience selon trois niveaux : individuel, familial (ou relationnel) et communautaire. Au niveau individuel, les études rapportent comme éléments de résilience : un lieu de contrôle interne (Hines et al., 2005; Jackson & Martin, 1998), de la satisfaction de vie, une santé mentale positive et une capacité à créer des relations significatives avec des amis (Hines et al.), une faible perception de stress (Daining & DePanfilis, 2007), une capacité à résoudre des problèmes et à prendre du recul face aux situations douloureuses et une certaine valorisation de soi (self worth) (Conway et al., 2003). Gwadz et al. (2006) se sont intéressés à l‘identité sexuelle chez les jeunes hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes et ont fait valoir qu‘une identité homosexuelle affirmée, chez ces derniers, était associée à une situation de résilience. Inversement, la honte, le sentiment d‘avoir été trahi, les souvenirs du passé qui viennent hanter le présent (Conway et al., 2003), la peur et le regret (Iglehart & Becerra, 2002) influencent négativement la résilience.

Au niveau relationnel ou familial, les éléments positifs qui ont été associés à un processus de résilience sont : une relation significative et continue avec un adulte, une figure parentale positive ou un mentor (Hines et al., 2005; Jackson & Martin, 1998; Schofield, 2001), un sentiment d‘appartenance (Cashmore & Paxman, 2006; Schofield, 2002), la présence d‘amis (Hines et al.) qui réussissent bien à l‘école (Jackson & Martin) et l‘apport d‘un soutien social (Cashmore & Paxman; Daining & DePanfilis, 2007; Merdinger et al., 2005) et spirituel (Daining & DePanfilis). Quant aux obstacles à la résilience, à ce même niveau, ils sont en lien avec l‘expérience pré-placement (Jackson & Martin), les

conflits familiaux ayant mené à l‘itinérance (Iglehart & Becerra, 2002) et la transmission intergénérationnelle d‘une situation familiale difficile (Conway et al., 2003).

Au niveau communautaire, les éléments qui ont été associés à la résilience sont : une stabilité et une continuité dans la vie des participants (Cashmore & Paxman, 2006; Jackson & Martin, 1998; Merdinger et al., 2005), une sortie plus tardive des services de PJ (Daining & DePanfilis, 2007), la participation à un programme de préparation à une vie autonome pour créer des relations durables avec un adulte ou des pairs (Iglehart & Becerra, 2002), l‘utilisation de services en santé mentale et la présence de « parents » de famille d‘accueil perçus comme aidants (Anctil et al., 2007), une participation à des groupes sociaux (Merdinger et al.) et à des activités de loisir (Jackson & Martin; Merdinger et al.) ainsi qu‘une expérience d‘éducation vécue comme positive (Jahnukainen, 2007). L‘importance de l‘intervention en PJ a été mentionnée par Hines et al. (2005) comme contribuant à la résilience des participants alors que Conway et al. (2003) montrent que le manque de soutien professionnel nuit à la résilience. Dans le cas de l‘étude de Jackson et Martin, le manque de prise en compte de la réalité scolaire par les services de PJ est présenté comme un obstacle à la résilience. L‘instabilité dans les placements a été mise en relation avec une apparition tardive de troubles de santé mentale (Anctil et al.). Un dernier obstacle recensé est celui du peu d‘efficacité des programmes de préparation à la vie autonome à faire retenir à long terme le contenu de ces programmes (Iglehart & Becerra).

Certaines études font bien voir les interrelations entre ces différents niveaux, comme celle de Hines et al. (2005) qui montre le lien entre la capacité de se créer des amis (niveau individuel) et la présence d‘amis (niveau relationnel ou communautaire). L‘étude d‘Ungar (2005)21 fait aussi voir le lien entre la capacité de « négociation » et de « navigation » des individus dans les structures de services et les opportunités de négociation offertes par ces structures ainsi que la capacité de ces structures à mettre en place des interventions qui contribuent à ce que les jeunes tirent avantage de telles opportunités.

21 Les travaux d‘Ungar ne portent pas spécifiquement sur la résilience d‘adultes après des services de PJ, mais

l‘étude citée inclut deux cas venant d‘une étude plus large dont un adulte ayant été placé en milieu substitut. Ce sont d‘ailleurs les travaux d‘Ungar qui seront présentés pour conclure cette section.

Les résultats de Samuels et Pryce (2008) et de Jahnukainen (2007) se classent difficilement selon ces trois niveaux. Dans le premier cas, les chercheuses s‘intéressent particulièrement aux processus de résilience dans la transition (forcée) vers une vie indépendante; elles mettent en évidence un processus qu‘elles identifient comme étant une « confiance en ses capacités de survie » qui rend compte des mécanismes utilisés par l‘individu lorsqu‘il négocie les tensions entre d‘une part, une attitude d‘indépendance face à une situation où il doit ne compter que sur lui-même et se montrer rapidement mature, et d‘autre part, une attitude de dépendance à l‘égard du système de PJ qui réduit du même coup le contrôle qu‘il a sur sa vie. Dans le deuxième cas, Jahnukainen22 élabore une typologie de trajectoires dont la plus positive (nommée "Making-it" -pathway) se caractérise par une histoire de vie sans trop de troubles de comportements, des placements en institution plus longs et des raisons de placements qui ne sont pas liées à la drogue et la criminalité.

1.2.3.2 Une intégration des recherches en vue d’élaborer des trajectoires de résilience