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PARTIE I : LE CADRE THÉORIQUE

CHAPITRE 1 : La parole en classe de langue dans un contexte universitaire

1.5 Recherches en didactique des langues

1.5.1 À l’origine, les recherches en didactique

Dans les années 90, de nombreuses recherches ont été menées autour de l’enseignement du débat depuis 1998 par Dolz & Schneuwly (2016), De Pietro (2007), Fasel Lauzon, Pochon-Berger & Pekarek Doehler (2008), Gagnon (2010) ou encore Pollo (2000) (cités par De Pietro et Gagnon, 2013 : 156). Ces travaux s’appliquent à une réflexion didactique menée dans l’enseignement secondaire et plus particulièrement en Suisse romande. Néanmoins, l’évolution des pratiques de compétences discursives en milieu académique en Suisse romande est similaire à celle des pays francophones, voire

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hispanophones. Par compétence discursive nous retiendrons la définition qui nous est proposée par le CECRL, dans sa version espagnole : « la capacidad que posee el usuario o alumno de ordenar oraciones en secuencias para producir fragmentos coherentes de lengua » (CECRL, 2002 : 120)23.

Nous assistons, dans un premier temps, à une pratique orientée vers la communication de manière générale. Ensuite, avec l’avènement des travaux sur la linguistique énonciative et le courant constructiviste en psychologie, l’accent est mis sur les activités de production textuelle généralement en termes de types (discours narratif, descriptif, argumentatif, etc.). Le type argumentatif est abordé, mais un peu à la marge. Et enfin, depuis quelques années, c’est en référence à des genres textuels (exposé, débat, compte rendu, etc.) que la pratique de compétences discursives se développe.

L’ouvrage Pour un enseignement de l’oral : Initiation aux genres formels à l’école, aujourd’hui à sa 6e édition, de Dolz et Schneuwly (2016) propose une démarche

systématique d’enseignement de l’oral par des multiples formes, notamment la présentation de situations de communication en public allant du débat, à l’interview pour une radio scolaire, l’exposé devant la classe ou la lecture d’un conte à d’autres. Ces travaux inscrivent le débat comme objet d’une didactique de genre formel en permettant de s’intéresser à l’oral en tant que conception théorique pilotée par le genre, mais aussi comme activité de remédiation à certaines difficultés. Pour exemple, rappelons la contrainte, la restriction de l’occupation de l’espace en milieu académique. Les apprenants sont, en général, assis et statiques. Selon Billières24 (1989 : 3) la seule activité pour laquelle les apprenants peuvent bouger c’est le jeu de rôles ou autres activités de théâtre. Or, l’organisation de l’espace classe a son importance. Comme nous le verrons, la participation du corps dans l’acte de parole est essentielle pour libérer une langue orale.

1.5.2 Recherches en didactique des langues ou sciences du langage

Le constat de Dolz, Gagnon & Mosquera (2009) concernant l’importance de développer des recherches en didactique des langues peut s’appliquer également aujourd’hui, 11 ans plus tard. En effet, ces recherches alimentent le développement et la connaissance sur l’enseignement des langues, mais également la formation des enseignants.

23 [la capacité de l’utilisateur ou de l’apprenant à organiser des phrases en séquences pour produire des fragments de langue cohérents] (traduit par nous).

24 Michel Billières a travaillé sur les rapports entre la méthode verbo-tonale et le théâtre en didactique du Français Langue Étrangère.

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En revanche, il nous semble qu’aujourd’hui l’orientation de ces recherches prend aussi bien la voie praxéologique, associée à une conjoncture et à une demande sociale (cf. origine du projet Fablang), que celle épistémologique, développement et constructions de concepts et savoirs autour de la discipline (cf. un des thèmes de recherche du Lairdil).

Les recherches en didactique des langues, telles que nous les connaissons aujourd’hui, ont 60 ans d’existence. Selon Dolz, Gagnon et Mosquera (2009), les recherches en didactique des langues ont commencé par la didactique du FLE (Français Langue Étrangére) dans les années 70 avec la publication de l’ouvrage Pratiques, Le Français aujourd’hui, Enjeux et Repères (Dolz, Gagnon & Mosquera , 2009 : 135-136). Ces recherches étaient orientées vers l’ingénierie didactique et la pratique de dispositifs innovants.

Dans les années 80, nous assistons à une volonté de conceptualiser la discipline. Parallèlement, les études s’orientent vers les savoirs que l’on doit enseigner (en expression, création d’une didactique de l’écriture), les recherches centrées sur de l’ingénierie didactique (productions écrites, enseignement de l’oral et de la lecture). Les années 90 apportent une transformation dans l’orientation prise dans la recherche en didactique des langues. Il y a les défenseurs d’une position praxéologique (Alto, 1992, cité par Dolz, Gagnon & Mosquera, 2009) et ceux qui défendent une didactique de l’intervention et une didactique descriptive ou explicative (Bouchard et al., 1992). Le colloque de l’association internationale pour le développement de la recherche en didactique du français langue maternelle (DFLM) organisé par Marquilló Larruy (2001) représente un tournant pour la discipline grâce à la réunion de chercheurs en didactique du français comme première langue et chercheurs en didactique de langues secondes et étrangères. Ce colloque anticipe une discipline plurielle qui prend en compte toutes les langues, LM, L1, L2, LE et qui cherche à s’établir en tant que science à part entière.

L’époque actuelle voit émerger des projets de recherche qui traitent de l’analyse des pratiques d’enseignement sous différents angles : l’ajustement pédagogique de l’intervention de l’enseignant par rapport aux capacités de ses apprenants (Goigoux & Richard, 2002), les interactions (Bange, 1992 ; Nonnon, 2000, Pujol Berché, 2001), les tâches réalisées (Dolz et al., 2001 ; Narcy-Combes J.-P. & Narcy-Combes M.-F., 2007), l’interrogation sur les activités orales préférées des apprenants (Decuré, 2000), l’étude spécifique d’objets enseignés en classe de langues (Dolz & Schneuwly, 2006 ; Schneuwly & Thévenaz, 2006), ou encore les outils de l’enseignement (Wirthner , 2006). Cette époque

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marque la naissance d’une didactique descriptive, compréhensive et explicative qui cherche à moduler, modéliser des situations d’enseignement/apprentissage d’une langue.

Dans ce contexte, les recherches relatives à l’objet « débat », ont 30 ans d’existence. Les travaux présentés précédemment en Suisse romande (section 1.5.1), en sont un témoignage. En France, des formes embryonnaires de recherches sur ces activités sont apparues surtout sous forme de questionnaires qui tendent à valider l’intérêt pédagogique et psychologique du débat.

Les enseignants s’accordent à souligner l’enthousiasme qu’il suscite chez leurs étudiants et les étudiants interrogés confirment ce grand intérêt. Les résultats de l’enquête menée par Décuré (2000), dans une étude de terrain sur une population Lansad de premier et deuxième cycle en université, précisent que l’une des demandes des étudiants, concernant les propositions d’activités orales pour pouvoir progresser à l’oral, est la pratique des débats en classe. En effet, pour la population interrogée, le débat est un moyen pour remédier à leur problème d’expression orale. Dans une autre étude menée par O’Mahoney (2015), en école d’ingénieur, 90% des étudiants interrogés déclarent avoir choisi le cours de débat en anglais qui leur est proposé pour s’exercer à parler en public, que ce soit en langue étrangère ou non.

En Colombie, à l’université industrielle de Santander, Carrillo García et Nevado Castellanos (2017), ont expérimenté l’activité de « débat académique » pour des étudiants de première année de formation professionnelle en Ingénierie Chimique. Leurs conclusions ont permis d’affirmer que l’activité de débat doit faire partie d’une stratégie globale de formation afin de pouvoir développer la compétence argumentative (Ibid., 2017 : 29). Et dans ce sens, un seul semestre académique n’est pas suffisant pour compléter, développer et renforcer les compétences critiques-argumentatives attendues. L’expérimentation a également fait l’objet d’une enquête de satisfaction auprès des étudiants. Le résultat est une perception positive généralisée de ces derniers quant aux changements favorables en termes de compétences orales discursives et argumentatives ou encore, la résorption de la peur de parler en public.

En Espagne, Cros et Vilà (1997), Dolz et Vilà (1997) et Vilà (2000), représentent des courants de recherche sur l’enseignement / apprentissage du discours oral formel. Cabré (1999, 2010), Cabré et Gómez de Enterría (2006) et Gómez de Enterría (1998, 2007), représentent, quant à elles, le courant de l’enseignement et l’apprentissage de l’espagnol comme langue de spécialité.

74 1.5.3 En conclusion

Les appellations, ELE (Espagnol Langue Étrangère), ESP (Espagnol de Spécialité), LSP (Langue de spécialité) et Lansad se partagent, en France, le terrain de la recherche en didactique de l’espagnol. Si nous nous situons du côté espagnol, nous utilisons également les appellations EFE (Español para fines específicos) ou EUP (Español para uso profesional). Le débat que nous avons pratiqué s’inscrit dans un cadre de recherche Lansad espagnol. En prenant comme point de départ une didactique du genre (Dolz & Schneuwly, 2016), nous souhaitons mettre en place une didactique de l’émergence de la parole incarnée.

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