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Quel « héritage » de pratique de l’oral possède un étudiant primo entrant en

PARTIE I : LE CADRE THÉORIQUE

CHAPITRE 1 : La parole en classe de langue dans un contexte universitaire

1.2 La place et la pratique de l’oral en classe de langue : de l’écrit oralisé à l’oral en

1.2.1 Quel « héritage » de pratique de l’oral possède un étudiant primo entrant en

Nous souhaitons faire le point ici sur l’héritage de travail sur l’oral que possède un étudiant en arrivant à l’université. Autrement dit, quel est le contact avec « l’oral », les occasions « d’oralité » ou encore les pratiques langagières qu’un apprenant a pu vivre pendant sa scolarité en cours de langue ou ailleurs ? L’objectif est toujours le souci de mieux catégoriser, de mieux définir notre objet de recherche et au-delà d’en illustrer une conception didactique. Ce dernier point sera traité, en détail, en troisième partie de cette étude. Connaître l’« expérience orale » en langues d’un apprenant, les perceptions sur ses propres usages oraux, les difficultés ou obstacles qu’il a rencontrés pendant son parcours scolaire ainsi que, ce qu’il pense savoir-faire, le « déjà-là » (De Pietro & Schneuwly, 2003 : 37), et ce qu’il pense devoir améliorer ou encore la valeur qu’il donne à la maîtrise de la langue parlée, permet à l’enseignant de construire, de manière plus réflexive, la situation didactique d’intervention. Par « situation », nous adoptons le sens phénoménologique du terme développé par Romano (2010 : 633-634) :

Une situation n’est que la manière dont le monde se montre à nous, selon l’aspect qu’il revêt en fonction de notre propre situation et des modalités de notre compréhension finie. La situation est le visage individuel que présente le monde pour chacun de nous à un moment de son histoire. (cité par Castellotti, 2017 : 197)

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Et par « didactique d’intervention », nous nous situons dans les propos développés par Coste (dans Castellotti, 2001 : 192-193) :

En tant que discipline d’intervention, la didactique des langues puise sa légitimité, en dernier ressort, dans la pertinence et l’efficacité des propositions qu’elle formule, des orientations qu’elle suggère. Elle fonde ces orientations et propositions, aussi rigoureusement que possible, sur les descriptions et analyses qu’elle peut mener des phénomènes qui l’intéressent, sur les explications qu’elle peut avancer de ces phénomènes. Elle doit évidemment prendre en compte les hypothèses, observations et résultats dus à d’autres disciplines et de nature à intéresser son propre domaine. Mais cette démarche d’ensemble s’inscrit, à un moment et dans une configuration épistémique donnée, en relation à un projet de recherche et d’action. (cité par Narcy-Combes, J.-P. & Narcy-Combes, M.-F., 2019 : 11)

La connaissance des pratiques scolaires développées à l’école est également une donnée importante pour l’élaboration d’une intervention didactique. Elle nous apporte une autre connaissance qui est celle de la place de l’oral en situation académique. Selon Goffman (1987 : 178), il y a, essentiellement, trois « façons principales d’animer les paroles prononcées : la mémorisation, la lecture à voix haute […] et la parole spontanée », cette dernière constituant « l’idéal général » (De Pietro & Schneuwly, 2003 : 39). Il est ainsi important de définir le type de traitement de la parole attendu par l’apprenant en tenant compte de son « héritage » oral. Parmi les pratiques parolières constatées dans nos situations de débat, celle de la lecture à voix haute représente une part importante.

1.2.2 « La parole pour convaincre » dans le système éducatif

Les règles de l’argumentation, de la pratique du discours, du débat ne font l’objet d’aucun apprentissage disciplinaire. Philippe Breton, affirme que « dans nos systèmes éducatifs contemporains, on n’y trouve pas d’enseignement systématique qui sensibilise les élèves ou les étudiants aux ressources de la parole pour convaincre » (2019 : 150). Même si la rhétorique, l’argumentation et ses méthodes figurent dans les programmes scolaires, comme c’est le cas des enseignements de spécialité proposés pour le prochain Baccalauréat 2020-2021, elles sont abordées à travers les concepts de linguistique et d’analyse littéraire, dans la classe de philosophie, de français ou encore par l’instruction civique. Si le souhait est de donner un sens, tisser un lien entre la compréhension de la manière concrète dont le convaincre fonctionne et l’enjeu éducatif de la formation du citoyen de demain, le travail devrait être de laisser une place à part entière à ce domaine.

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Les pratiques pédagogiques dans le domaine de la parole pour convaincre en contexte universitaire sont également très réduites. À l’université nous ne trouvons pas de formation ou de parcours spécifique pour l’enseignement de l’oral à des fins de convaincre. Même dans les filières de l’InfoCom (Information Communication) l’absence de ce domaine est un constat, au plus grand paradoxe en la matière. Nous trouvons essentiellement des initiatives personnelles d’enseignants qui tantôt enseignent des techniques d’expression, par des cours d’expression ou de communication, tantôt, une sensibilisation à la rhétorique lors des cours de linguistique (PPN, Programmes Pédagogiques Nationaux, 2013). Les enseignants de langues y participent aussi, en proposant des activités d’expression orale axées sur l’art du bien-dire.

Pour Breton, cette absence d’un volet essentiel de la formation du citoyen dans nos systèmes éducatifs contemporains est due « à l’absence de développement et de structuration théorique de ce champ » (2019 : 152). Breton précise également que la recherche rhétorique n’a pas de point d’ancrage dans l’institution universitaire à part dans quelques travaux de pointe, très isolés.

La réalité est que la transformation de l’oral en objet enseignable et objet de recherche ne va pas de soi. Cette transformation requiert la connaissance des conceptions et des savoirs des enseignants à propos de la didactique de l’oral (Nuñez-Delgado, 2002). Elle requiert également un travail de programmation, de sensibilisation, et de possibilité de pratiquer ces interventions. La recherche en didactique des langues a un rôle à jouer dans l’approfondissement de recherches concernant les répercussions des activités orales sur les autres habilités communicatives (Nuñez-Delgado, 2002). Nous pouvons inscrire ce constat dans la compréhension de l’histoire de l’enseignement de langues et plus particulièrement de l’oral.