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2.3. L ES RECHERCHES EN A TTITUDES L INGUISTIQUES

2.3.2. La recherche en termes pratiques

Les Attitudes Linguistiques, sont une abstraction théorique hypothétique ne pouvant être ni observées ni mesurées directement. Elles sont donc inférées des déclarations et des comportements des gens (Baker 1972, cité par Lasagabaster, 2006). Ceci représente une difficulté réelle et concrète lors de leur analyse car, dans certains cas, les informateurs peuvent faire des assertions influencées par le contexte

et même par la manière dont une question est formulée et qui ne correspondent pas forcément à ce qu’ils pensent ou sentent réellement (Ugueto, 2005).

C’est ainsi que des éléments comme l’humour, l’attention, les objectifs indivi- duels, les attentes et les motivations des informateurs ont une influence sur leurs attitudes. De ce fait, la bonne humeur des récepteurs/évaluateurs d’une langue, par exemple, peut provoquer des évaluations favorables, alors que la mauvaise humeur peut, au contraire, provoquer des évaluations négatives (Cargile et Bradac, 2001).

Or, comme nous ne pouvons pas vérifier l’état émotionnel des informateurs, afin de faire une recherche fiable, nous avons fort intérêt à maîtriser les aspects que nous pouvons objectivement considérer70.

Les premières études rigoureuses en sociolinguistique ont été menées par La- bov (1968), notamment à Martha’s Vineyard. Dans cette île, sur la côte de Massa- chusetts, une équipe coordonnée par Labov a appliqué une enquête aux individus de cette communauté autour d’un processus de changement linguistique produit par la causalité sociale externe. De même qu’à Martha’s Vineyard, des enquêtes (et des pré- enquêtes) ont été appliquées à la ville de New York pour faire une étude sur des changements phonétiques. Elles consistaient à proposer aux informateurs de ré- pondre à des test (des paires minimales, de commutation, de contraste incrusté, de réaction subjective, de background familial, de fréquence, de discours propre rap- porté et d’insécurité linguistique), de participer à des entretiens en face à face, des entretiens téléphoniques et encore des enquêtes anonymes. Par la suite, Gumperz (1996) a développé, de son côté, les techniques d’observation (directe et indirecte, voire l’observation participante). Quelles que soient les techniques utilisées, les cher- cheurs essayent systématiquement qu’elles puissent répondre à deux objectifs essen-

70 Cependant, la prise en compte des facteurs hors de la portée du chercheur, lors de l’analyse, nous permettra

tiels : arriver à collecter un important volume de données de grande qualité et éviter, autant que possible, l’effet de l’observateur. Grâce à l’expérimentation constante ces deux objectifs ont été atteints de plus en plus fréquemment, permettant aux cher- cheurs de l’époque d’établir certains principes de la recherche sociolinguistique71 et, surtout, une importante liste des caractéristiques techniques des instruments de me- sure, encore en vigueur actuellement, et que nous considérerons donc pour l’établissement de notre protocole expérimental.

Les Attitudes Linguistiques, spécifiquement, ont été largement étudiées sous des approches diverses. Ainsi, les chercheurs se sont intéressés, d’un côté, à l’analyse des normes linguistiques dictées par les gouvernements et systèmes éducatifs natio- naux, permettant en extraire des conclusions sur les politiques et la planification lin- guistique dans certaines communautés. D’autres se sont penchés sur les productions écrites des communautés linguistiques, basant leurs études sur l’analyse littéraire, l’analyse de l’usage que les journaux et d’autres moyens de communication ou de création lexicale font du langage, ou encore sur l’analyse des documents officiaux de ces communautés. Enfin, d’autres études ethnographiques sur les AL se sont consa- crées au travail sur le terrain par le contact direct avec les membres des communau- tés linguistiques. Dans ce cas, les études se sont développées à partir de l’observation participante, l’application de questionnaires, les entretiens et, très ma-

71 D’après Labov (1968, p. 263), la recherche en sociolinguistique doit se baser sur ces cinq principes : 1. il n’y

a pas de parleur avec un style « individuel », 2. les styles de parole peuvent se classer dans des dimensions et se mesurer selon l’influence exercée par l’attention que l’on prête à la personne qui parle, 3. le vernaculaire (trouvé surtout dans le parler des pré-adolescents) fournit les données les plus systématiques pour l’analyse linguistique, 4. toute observation systématique portée sur un individu définit un contexte formel au sein du- quel ce dernier fera plus attention à sa manière de parler, et 5. l’entretien face à face est le seul moyen d’obtenir le volume et la qualité des enregistrements nécessaires à l’analyse quantitative. Il est important de clarifier que ces principes s’appliquent parfaitement aux études dont le but est d’évaluer linguistiquement les productions des individus ou bien, de constituer des corpus pour leur postérieure analyse et non pas forcé- ment de mesurer les AL, objet de notre travail. C’est pour quoi, nous sommes obligée de les laisser de côté.

joritairement, en se servant du subjectif reaction test ou la technique « matched-guise72 » de Lambert (Cargile et Bradac, 2001).

Or, étant données les caractéristiques particulières de ce travail, notamment le fait qu’il s’agit d’une étude appliquée à l’enseignement de la langue française, nous ne pouvons pas suivre pleinement les modèles couramment mis en place dans l’observation et l’analyse des AL. Pourtant, ils nous serviront certes comme réfé- rence pour construire notre propre méthodologie empruntant des éléments à telle ou telle technique éprouvée.

Il existe deux approches possibles pour aborder la recherche en Attitudes Lin- guistiques : l’approche comportementaliste et l’approche mentaliste. La première amène les chercheurs à tirer des conclusions à partir des observations directes des conduites des individus, dans des situations de laboratoire, selon le schéma stimulus- réponse de Skinner. L’approche mentaliste implique, de son côté, le recours à des techniques plus complexes qui permettent d’accéder à ce qui n’est pas directement visible (Fasold dans Moreno Fernández, 1998, p. 182).

Nous avons choisi une approche mentaliste car nous souhaitons analyser pro- fondément les états essentiellement mentaux que sont les AL, composés indubitablement par un grand pourcentage de « non observable ».

72 Le matched guise ou technique des masques est une méthode utilisée par Lambert en 1967 (cité par Labov,

1972, p. 212) consistant à la présentation d’au moins deux enregistrements aux sujets cibles pour leur deman- der plus tard de qualifier la personnalité des locuteurs qu’ils ont entendus, selon qu’ils les considèrent comme étant des gens cultivés, intelligents, sympathiques, malhonnêtes, rudes, rustres, ignorants, honnêtes, dignes de crédibilité, etc. (Álvarez, 2007, p. 71). Ceci se fait afin de mesurer les attitudes de ces sujets face à deux langues, dialectes ou variétés. La particularité de ce test est que les individus ne savent pas qu’à chaque fois ils sont en train d’écouter la même personne. Il s’agit d’un locuteur bilingue. La raison de ce choix est de pouvoir s’assurer que ce qui est évalué est vraiment la langue parlée et non pas la personne (selon les qualités de sa voix, par exemple).

Quant aux méthodes, Álvarez (2007) distingue les méthodes directes et indi- rectes. La différence entre elles est la possibilité ou l’impossibilité qu’ont les indivi- dus de connaître les finalités des recherches auxquelles ils participent.

Lorsqu’il utilise une méthode directe, le chercheur indique ouvertement à ses informateurs ce qu’il souhaite analyser dans leur(s) réponse(s). Il leur dira clairement qu’il cherche à connaître l’opinion qu’ils ont au sujet d’une langue ou d’une variété de langue afin de trouver, en l’occurrence, des réponses liées à leurs difficultés d’acquisition.

Par l’utilisation d’une méthode indirecte, en revanche, le chercheur déviera l’attention de ses collaborateurs afin de cacher ses intentions réelles. Il leur présente- ra, par exemple, un choix de locuteurs en leur demandant de signaler celui qu’ils préfèrent pour devenir présentateur d’un programme télévisé très important de leur pays. Il les convoque au rôle d’évaluateur mais, en réalité toutes les questions et la situation même sont des prétextes pour qu’il puisse en extraire des informations concernant leurs AL.

En général, l’intérêt de cette deuxième option est d’éviter que les individus se focalisent sur la valeur linguistique des productions des locuteurs et de leurs propres réponses, pour qu’ils laissent émerger leurs sentiments et/ou attitudes envers les langues.

Étant donné que l’objectif final de cette recherche est de trouver des moyens pour améliorer la situation d’apprentissage des étudiants de FLE, ceux-ci deviennent les bénéficiaires des avancements scientifiques auxquels pourrait nous conduire cette recherche. Nous considérons, de ce fait, que s’ils connaissent cet objectif, ils enta- meront le quastionnaire avec un sens de l’engagement plus soutenu.

À notre avis, ceci les motivera à faire des efforts pour donner des réponses très claires nous permettant de travailler plus aisément. D’ailleurs, les AL ayant un carac-

tère subjectif très particulier, l’informateur répondra, fréquemment, aux question- nements sur ce sujet, selon son état d’esprit du moment. Or, nous considérons que s’ils sont pleinement conscients de la potentielle amélioration de la qualité de leur propre éducation, grâce à cette recherche, cela peut inviter les étudiants à être aussi objectifs que possible dans leurs réponses. Nous favorisons donc une méthode di- recte pour atteindre les objectifs de notre travail. Dans tous les cas, le choix de la méthode reste indispensable pour définir la nature des questionnaires.

Or, une fois choisies l’approche et la méthode de recherche, il reste à définir le type de démarche et le moyen par lequel les données seront collectées. Ainsi, en ce qui concerne les démarches, les auteurs préconisent la prise en compte de la tempo- ralité dans la recherche dans ce domaine. Selon que la démarche est diachronique ou synchronique, les résultats devront s’analyser très différemment, spécialement si l’on considère le dynamisme des AL et, donc, leur particularité changeante dans le temps. En fonction de la démarche choisie, on parlera d’une étude longitudinale ou transversale. Quant aux moyens, nous nous sommes penchée, en l’occurrence, comme la plupart des chercheurs en AL (nous le verrons), sur l’utilisation des ques- tionnaires, dont la conception et description feront l’objet de notre méthodologie.

2.3.3. Quelques références des recherches