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1.2   Les fondements méthodologiques de notre étude 22 

1.2.4  Une recherche coopérative 33 

Une caractéristique d’une démarche itérative et empirico-inductive est de considérer que les gestionnaires-participants ne sont pas des sujets soumis à l’observation objective d’un chercheur qui établit une distance entre lui et ces sujets. Tout comme Reason (1999), « nous croyons qu’une bonne recherche est une recherche avec les gens plutôt que sur les gens [traduction libre] » (p. 208). Dans une telle perspective, nous avons opté pour une stratégie de recherche qui s’inscrit dans une association coopérative ou une démarche par- tenariale entre un chercheur qui est, au même titre que les gestionnaires engagés dans la recherche, un observateur-participant à la démarche réflexive conduisant à une compréhen- sion commune du phénomène de savoir-être humaniste enraciné dans une pratique d’un leadership démocratique. Nous créons les conditions de recherche pour que nos participants soient à la fois « cochercheurs » et « cosujets » de la recherche.

En choisissant de donner aux participants un rôle de cochercheurs, notre recherche épouse la stratégie des « recherches coopératives6 », concept proposé au départ par John Heron (1996), ensuite développé par Peter Reason (1999) et raffiné en collaboration avec Robert W. Torbert (Reason & Torbert, 2001). Selon Reason (1999), les participants à une recherche coopérative s’engagent dans des cycles d’action et de réflexion répartis en quatre étapes : 1) entente sur les buts de la recherche ; 2) observation et collecte des données ; 3) immersion dans son expérience ; 4) retour sur la question de départ à la lumière de l’expérience.

6 En anglais: “co-operative inquiery”

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Signalons d’entrée de jeu que notre recherche ne répond pas tout à fait aux critères de la première étape qui implique les cochercheurs dans l’identification des cibles poursui- vies par la recherche et les moyens utilisés. Dans notre cas, la problématique, les questions de la recherche, les objectifs et la méthodologie ont été déterminés par nous, à titre de cher- cheur, et par notre directeur de recherche. Cependant, ces choix sont présentés et largement expliqués aux participants dès le départ dans le but qu’ils y adhèrent sur une base volon- taire. La deuxième étape d’une recherche coopérative consiste en l’observation et la col- lecte de données par les cochercheurs. Pour notre recherche, cette étape s’opérationnalise par l’utilisation du récit de pratique et du journal d’itinérance, soutenue par les échanges en groupe autour d’une quête de sens. Lors de l’étape 3, toujours selon Reason (1999), les co- chercheurs deviennent complètement immergés dans leur expérience et oublient souvent qu’ils participent à une recherche. Ils peuvent alors devenir plus ouverts à ce qui se passe et peuvent commencer à voir leur expérience de façon différente. Les premières compréhen- sions du phénomène sont alors plus approfondies et plus élaborées, à un point tel que les participants peuvent commencer à remettre en question leur modèle d’action et modifier certains gestes ou attitudes dans leur quotidien. Dans le cadre de notre recherche, nous pen- sons que la période de quelques mois, séparant la rencontre de discussion en groupe sur les récits de pratique et l’expérience en contexte de nature et d’aventure est propice à une telle transformation personnelle, d’autant plus que chacun retourne en contact avec son environ- nement de travail. La quatrième étape, selon l’auteur, consiste pour sa part à un nouveau rassemblement des cochercheurs pour revoir le phénomène étudié à la lumière des expé- riences vécues par chacun. Cette étape se concrétise pour nous lors de l’expérience en con-

Chapitre 1 

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texte de nature et d’aventure. Pour Reason (1994), il peut s’en suivre une remise en ques- tion ou un besoin d’approfondissement ; un nouveau cycle d’action / réflexion est alors lancé. Dans le cas de notre recherche, une telle continuation de la quête ne pourra être pour- suivie au-delà de la période d’expédition en plein air, car il faut bien terminer quelque part (!), mais une rencontre de suivi avec les participants ainsi que des échanges par cour- riel sont prévus au programme afin de bien boucler l’expérience vécue intensivement. Voilà donc comment nous nous sommes inspirés des 4 étapes caractéristiques d’une recherche coopérative, dans le but d’établir une démarche favorisant le partage des théories d’usage.

Le premier chapitre nous a permis, d’une part, de présenter le cadre de la recherche qui s’inscrit dans le giron d’une démarche de compréhension du phénomène du savoir-être humaniste issu d’une pratique d’un leadership démocratique en impliquant le chercheur et des gestionnaires, devenus cochercheurs, à coconstruire, selon une recherche coopérative, un modèle théorique de ce savoir-être humaniste enraciné dans leur pratique. Pour com- prendre ce phénomène complexe comme le vivent des gestionnaires, le cadre de la science- action postulant que la théorie procède de la pratique nous permet d’avoir accès à un sa- voir-être humaniste qui est enraciné dans leur pratique d’un leadership démocratique. D’autre part, nous avons démontré que la méthodologie praxéologique d’une exploration réflexive, touchant la totalité de l’agir de l’être humain tant dans sa dimension rationnelle que dans ses dimensions relationnelle, sensorielle, émotive, intuitive et transpersonnelle constitue une approche pour atteindre ce que vivent réellement les gestionnaires. D’une manière spécifique, la démarche praxéologique d’exploration réflexive dans et sur une pra-

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tique devrait nous conduire à recueillir des réflexions laissant émerger des composantes du savoir-être humaniste issu d’une pratique d’un leadership démocratique. Ces réflexions, de nature subjective et qualitative, seront recueillies tout au long d’une démarche itérative de 12 mois. Selon une logique inductive, nous pourrons progressivement, lors de ce parcours d’une recherche coopérative, analyser et interpréter le savoir-être humaniste émergeant de ces réflexions sur une pratique d’un leadership démocratique pour coconstruire les compo- santes d’un modèle théorique intégré du savoir-être humaniste, enraciné dans une pratique d’un leadership démocratique.

C

HAPITRE

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LAPHASE1DELADÉMARCHED’EXPLORATIONRÉFLEXIVE :

LERÉCITDEPRATIQUEETLEJOURNALD’ITINÉRANCE

Les deux prochains chapitres présentent les activités de recherche mises en place pour recueillir les réflexions des gestionnaires ou les données qualitatives de notre étude. En étant guidé par des activités itératives de collecte et d’analyse des réflexions des ges- tionnaires mobilisés dans notre stratégie de recherche coopérative, nous avons choisi de présenter la démarche d’exploration réflexive des gestionnaires en deux phases. Une pre- mière phase, décrite au chapitre 2, présente l’outil du récit de pratique qui aide les gestion- naires à raconter par écrit la pratique quotidienne et singulière de leur leadership démocra- tique. Elle décrit la démarche de mise en commun, lors de cercles de dialogue, des ré- flexions sur le savoir-être humaniste tacite qui émerge de chacun des récits. Elle permet un début d’identification des composantes d’un savoir-être humaniste enraciné dans le savoir pratiqué des gestionnaires. Une seconde phase, développée au chapitre 3, consiste à faire vivre aux gestionnaires une expérience de leadership démocratique en contexte de nature et d’aventure. L’objectif visé par cette méthodologie de création d’un groupe, isolé en îlot culturel hors du milieu naturel de travail, est d’intensifier chez les gestionnaires leur explo- ration du savoir-être humaniste grâce à une réflexion dans et sur l’action d’une pratique réelle d’un leadership démocratique lors d’une expédition en kayak de mer.

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Le chapitre 2 de la démarche d’exploration réflexive des gestionnaires présente les quatre étapes de la première phase. La première étape a pour but de favoriser la naissance d’une communauté d’apprentissage composée de huit gestionnaires. La deuxième étape consiste pour chaque gestionnaire à écrire un récit de sa pratique d’un leadership démocra- tique. La troisième étape porte sur la lecture et l’analyse des récits de pratique pour déga- ger, lors de rencontres sous forme de cercles de dialogue, des réflexions des gestionnaires les premières composantes du savoir-être humaniste enraciné dans la pratique d’un lea- dership démocratique. La quatrième étape situe la façon dont nous avons effectué un bilan de la phase 1, en proposant aux gestionnaires d’identifier les 10 principales valeurs huma- nistes tirées de leur expérience de rédaction d’un récit de pratique.

2.1 La première étape : recrutement des gestionnaires et création de la communauté