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2.3  La troisième étape : lecture et analyse par les gestionnaires des récits de

2.3.3  Le journal d’itinérance pour poursuivre la réflexion 61 

Dans notre échéancier de recherche, nous avions une période de cinq mois entre la deuxième activité de partage et de dialogue sur les récits de pratique et la prochaine occa- sion pour le groupe de se retrouver ensemble. C’était la semaine d’expédition en kayak de mer, planifiée pour le début août 2010. Pour aider les gestionnaires à continuer leur dé- marche praxéologique d’exploration réflexive, nous avons choisi la technique d’un journal personnel. Cet outil personnel de prise de note de réflexions sur leur pratique pouvait être utilisé par les gestionnaires non seulement jusqu’au prochain rendez-vous, mais également

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comme méthode de collecte de données durant l’expédition. De plus, l’utilisation de cet outil alimentait notre intention que les gestionnaires puissent avoir appris différentes façons de réfléchir sur leur pratique suite à leur participation à notre recherche.

La technique du journal, importée de l’ethnologie, est un mode de collecte de don- nées fréquemment utilisé chez les chercheurs en recherche-action (Barbier, 1996). Elle se décline sous différentes formes et utilisations : journal intime, journal de bord, journal insti- tutionnel, journal de recherche, etc. Barbier (1996) propose le journal d’itinérance comme un instrument méthodologique spécifique qui se distingue des autres formes de journal et qui correspondait bien à notre méthodologie de recherche à dominante existentielle. Selon l’auteur : « il s’agit d’un instrument d’investigation sur soi-même en rapport avec le groupe » (Barbier, 1996, p. 95). L’utilisation de cette méthodologie de collecte de données sied bien à une exploration réflexive et à notre objectif de recueillir les réflexions de nos gestionnaires sur leur savoir pratiqué.

Barbier (1996) décompose sa technique du journal d’itinérance en trois phases : la première phase appelée journal brouillon consiste à écrire « tout ce que [l’on] a envie de noter dans le feu de l’action ou dans la sérénité de la contemplation » (p. 98). Cette partie la plus intime du journal n’est lue vraisemblablement que par son auteur. La seconde phase, le journal élaboré, est ce que l’auteur veut dire à quelqu’un d’autre. C’est le texte construit qu’il veut transmettre à autrui. La dernière phase, le journal commenté, est constitué de tout

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ce que l’auteur donne à lire ou expose de son journal élaboré. Cette phase est l’action du partage au lecteur ou au groupe de lecteurs.

Soulignons que la technique du journal est souvent utilisée dans les programmes de développement par l’aventure en plein air (outdoor adventure education) afin de faciliter la réflexion et l’apprentissage personnel (Sugerman, Doherty, Garvey & Gass, 2000). Le journal est un outil favorisant « la prise de conscience, l’observation constante et la ré- flexion à un second niveau de son vécu » (Paré, 1984, p. 10). Dans le cadre de notre re- cherche, nous avons proposé à nos gestionnaires une adaptation de la technique du journal d’itinérance par l’usage d’un livre d’écriture divisé en deux sections : le journal brouillon et le journal partagé.

Le journal brouillon :

La première section du journal contient toutes les réflexions spontanées qui pou- vaient venir à l’esprit des gestionnaires à tout moment. C’est en quelque sorte « un carnet de route dans lequel chacun note ce qu’il sent, ce qu’il pense, ce qu’il médite, ce qu’il poé- tise, ce qu’il retient d’une théorie, d’une conversation, ce qu’il construit pour donner du sens à sa vie » (Barbier, 1996, p. 95). Cette partie demeura privée et son contenu ne sera ni partagé, ni retenu pour la recherche.

Le journal partagé :

La deuxième section du livre d’écriture des gestionnaires, nommée journal partagé, consiste en une adaptation des phases du journal élaboré et du journal commenté selon la

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technique originale de Barbier (1996). C’est dans cette partie que les gestionnaires ont transcrit les réflexions issues de leur journal brouillon qu’ils désiraient remettre au cher- cheur. C’est aussi dans cette section qu’ils ont été invités à écrire leurs réflexions à partir de questions que le chercheur leur proposerait à chaque journée de l’expédition. Ce journal partagé, qui comprend ce que chacun des gestionnaires voulait communiquer ouvertement au chercheur, a été remis à la fin de la démarche. Pour respecter l’entente de confidentialité, chaque gestionnaire devait, lors de la remise de son journal partagé, utiliser son surnom11 ainsi que ceux des membres de l’équipe et s’engager à modifier toute information écrite de nature à compromettre la confidentialité des informations.

Pour notre recherche, les journaux partagés remis par chacun des gestionnaires constituent ainsi des données qualitatives qui sont lues et analysées par le chercheur. À ces données, s’ajoutent certains passages provenant de notre propre journal d’itinérance rédigé depuis le début de notre programme de doctorat. De plus, nous avons, à titre de chercheur principal, utilisé un journal de bord comme outil de collecte de données lors de l’expédition en kayak de mer. Il s’agit d’un document dans lequel un chercheur note une grande variété d’informations : à propos de lui-même, des personnes impliquées et du site de recherche (Savoie-Zajc, 2004). Le contenu peut concerner autant le sujet de la recherche que sa méthodologie. Ces données qualitatives s’ajoutent à celles du journal partagé des gestionnaires.

11 Afin de préserver l’anonymat des participants à la recherche, les gestionnaires ont été invités à nous propo- ser un surnom pour les identifier.

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Comme nous l’avons déjà souligné, le lancement du journal d’itinérance auprès des gestionnaires s’est effectué à la fin de la rencontre de partage sur les récits de pratique lors de la rencontre de février 2010. Pour donner un caractère plus solennel à cette action et créer ainsi un petit rituel, nous avons remis à chaque gestionnaire un livre d’écriture pour être utilisé comme journal (chacun avait une couverture unique). Nous leur avons expliqué la technique du journal d’itinérance et nous leur avons remis un feuillet d’instructions (voir Appendice 7) en soulignant l’importance de cet outil dans la démarche de la recherche.

Vers la fin de mars, soit près d’un mois après la rencontre de partage et de dialogue sur les récits de pratique, nous avons repris contact avec les gestionnaires par courriel. Par cette correspondance, nous voulions rappeler aux gestionnaires l’usage de leur journal d’itinérance comme outils pour y noter en tout temps leurs observations et leurs réflexions sur leur pratique quotidienne d’un leadership démocratique associé à leur savoir-être huma- niste. Nous les avons également informés que dans les semaines à venir, ils allaient rece- voir une analyse détaillée du contenu de leur récit de pratique effectuée par le chercheur principal.