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3.2  La planification et le déroulement de l’expédition en kayak de mer 79 

3.2.2  Un accompagnement humain de qualité et un encadrement sécuritaire 81 

Un autre aspect que nous avons pris le soin de considérer dans l’utilisation du plein air et de l’aventure au sein de notre méthodologie de recherche est la qualité d’encadrement que nécessite une vie de groupe aussi intense, et ses retombées sur le degré d’ouverture et d’introspection des participants. Sugerman et al. (2000), à titre de praticiens et de cher- cheurs dans le domaine du plein air, ont mis en commun leurs expériences de facilitateurs pour porter divers points à notre attention. Ils rappellent que la sécurité physique et psycho- logique du participant est une préoccupation de tout instant. Ils soulignent la portée de la communication verbale et non-verbale par laquelle la vérité se perçoit. Selon eux, un facili- tateur compétent et ayant confiance en lui, tout en faisant preuve d’humilité et de modestie, va créer ce climat de respect et de soutien nécessaire au partage des réflexions les plus pro- fondes. Par une communication verbale positive et accueillante, par des questions ouvertes et par des reformulations pertinentes, le facilitateur saura, en ce qui concerne notre re- cherche, faire nommer le savoir-être humaniste tacite qui se cache derrière les comporte- ments et les attitudes d’un leadership démocratique. Pour ces auteurs, la technique de l’entonnoir (debriefing funnel) utilisée lors des périodes de rétroaction en groupe favorise des apprentissages significatifs à partir de la réflexion des participants sur l’expérience qu’ils viennent de vivre.

Cette technique de l’entonnoir que nous avons l’habitude d’utiliser comporte six ni- veaux de questionnement sur l’expérience vécue, passant du général au plus spécifique : 1) le résumé descriptif de l’expérience vécue, 2) l’identification d’incidents significatifs riches

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en apprentissages, 3) le partage sur les affects et sur les effets vécus par chacun, 4) l’identification des apprentissages pouvant être retirés de l’expérience, 5) les applications de ces apprentissages lors d’une prochaine expérience ou dans son milieu professionnel, 6) l’engagement de tout un chacun face à ces apprentissages (Priest & Naismith, 1993). Après avoir fait ressortir les bienfaits de la capacité d’adaptation du facilitateur au rythme et au niveau de profondeur de chaque participant, Sugerman et al. (2000) soulignent l’importance de faire preuve d’une éthique professionnelle sans faille : compétence, intégrité, responsa- bilité, respect, intérêt du client, reconnaissance de l’autre et objectivité. Notre demi- douzaine d’expéditions d’envergure vécues en groupe (durée de deux à trois semaines), combinée à notre expérience professionnelle comme facilitateur en formation par l’action, et la présence d’un guide professionnel d’expérience, nous permettaient de croire que nous étions en mesure de mettre en place ces conditions d’accompagnement humain favorables à la réussite de cette aventure en contexte de plein air.

Dans le but de réaliser une telle expédition de façon sécuritaire dans un endroit aussi majestueux mais également imprévisible que le fjord du Saguenay, nous avons fait appel aux services de la Coopérative d’Intervention par la Nature et l’Aventure du Québec (INAQ)14. Il s’agit d’une entreprise d’économie sociale sans but lucratif qui a été fondée en 2005 par des diplômés du baccalauréat en intervention plein air de l’UQAC et par l’un de ses professeurs, Mario Bilodeau. Elle a pour mission d’amener des petits groupes de per- sonnes à apprendre, à se réaliser et à s’engager vers le changement dans des expéditions de

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grande nature et des activités de plein air d’aventure. Le personnel de cette entreprise, lea- der au Québec, est en mesure de garantir la sécurité des participants, tout en étant familier avec l’utilisation du plein air à des fins éducatives. De plus, la coopérative INAQ possède un plan de gestion des risques (PGR) approuvé par l’association professionnelle d’Aventure Écotourisme Québec (AEQ) qui certifie la qualité des opérations des entreprises œuvrant dans le domaine.

Le guide professionnel de la Coopérative INAQ qui a été choisi pour encadrer le groupe est le plus expérimenté de l’entreprise : il possède une solide expérience d’une ving- taine d’années à titre de guide d’expéditions et d’instructeur en kayak de mer. Avant de joindre les rangs de l’INAQ en 2005, il a œuvré auprès de la National Outdoor Leadership School (États-Unis), qui est la référence nord-américaine dans le domaine de l’expédition. Ce guide enseigne également à l’UQAC depuis 1997 en tant que chargé de cours au bacca- lauréat en intervention plein air. De plus, il a eu l’occasion à quelques reprises d’accompagner d’autres groupes en notre compagnie dans un contexte de formation par l’action. Il a été convenu que les interventions du guide seraient limitées de façon à laisser le plus d’autonomie possible au groupe.

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Afin de compléter l’encadrement sécuritaire du groupe selon les normes15 de l’industrie, il a été prévu que nous assumerions le rôle d’assistant guide en cas d’urgence ou de nécessité lors des déplacements en kayak. Nous possédons une certification de secou- risme en région isolée ainsi qu’une formation de pratiquant niveau III de la Fédération qué- bécoise du canot et du kayak (FQCK). Nous avons aussi une grande expérience d’expéditions en régions éloignées et nous pratiquons le kayak sur une base régulière sur le Saguenay. À titre de membre travailleur occasionnel pour la Coopérative INAQ, nous sommes familiers avec les différentes procédures d’urgence et de gestion des risques.

Comme il est d’usage, un plan de sortie détaillé a été préparé pour l’expédition. Ce plan rassemble toutes les informations requises pour prévenir les risques et gérer les situa- tions d’urgence. On y retrouve le dossier médical de tous les participants, les numéros de téléphone importants et d’urgence, le protocole de communication, les procédures d’urgence, le trajet projeté (cartes et horaire), le plan d’évacuation propre à chaque journée, les prévisions météo et les prédictions des marées, la liste des risques et des dangers poten- tiels, l’énumération du matériel en cas d’urgence et celui de premiers soins, la liste des équipements de sécurité et ceux de réparation. Pour leur part, les participants ont reçu avant l’expédition un document décrivant les risques et les dangers potentiels (voir Appendice 8), ils ont vu les cartes du trajet, et ils ont complété un formulaire médical ainsi qu’un formu- laire d’acceptation des risques. Pour prévenir les risques d’hypothermie occasionnée par

15 Le trajet suivi sur le fjord du Saguenay est en général classé 2, mais selon l’endroit et les conditions météo, il peut parfois être classé 3 sur une échelle de zone d’intervention allant de 1 (facilement atteignable) à 4 (très difficilement atteignable) selon l’A.E.Q. Le niveau d’encadrement requis pour l’expédition est par conséquent de 2 guides pour 12 participants.

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une immersion dans l’eau froide du Saguenay, des combinaisons nautiques isolantes en néoprène (wetsuit) ont été mises à la disposition de ceux qui n’en possédaient pas.

Six participants prenaient place dans des kayaks tandem, reconnus comme des em- barcations très stables sur l'eau. Un participant a fait l’expédition avec son kayak solo : cette personne possédait une accréditation de niveau II délivrée par la FQCK et avait déjà pagayé certaines sections du Saguenay. Le guide professionnel ainsi que nous-même étions en kayak solo afin de pouvoir intervenir rapidement. Nous agissions respectivement à titre de chef de file et de serre-file lorsque les conditions maritimes le dictaient. Même si tous les participants avaient déjà fait du kayak de mer, une formation et un entraînement sur les techniques de récupération en cas de dessalage16 étaient prévus lors de la première journée d’expédition.

Une expédition de 7 jours avec 7 participants exige une bonne logistique et beau- coup de matériel adapté au kayak-camping. Chaque participant a reçu longtemps à l’avance la liste du matériel personnel requis pour l’expédition et un suivi a été effectué sur ce dos- sier. Afin d’assurer le confort et la sécurité de tous, le guide professionnel a pris soin de contre-vérifier l’équipement de chacun avant de partir. Quant au matériel de groupe, il était fourni par la Coopérative INAQ. Les couchers se sont effectués sous la tente, à l’exception de la dernière nuit où un refuge était à notre disposition.

16 En cas de renversement du kayak, différentes techniques permettent au kayakiste de remonter à bord de son embarcation sans retourner au bord de l’eau.

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