• Aucun résultat trouvé

4. Démarche méthodologique

4.2 La recherche en bioéthique : généralités

4.2.1 La recherche empirique en bioéthique : justification

Beaucoup de recherches en bioéthique ont été conduites dans une perspective théorique. On peut se demander, alors, ce que les recherches empiriques peuvent y apporter. La réflexion ne peut-elle pas suffire pour régler les questions étudiées en bioéthique? Pourquoi ne pas limiter la présente thèse à un essai philosophique?

Diverses raisons peuvent être évoquées pour justifier des démarches empiriques en bioéthique. Rappelons, d‘abord, que la bioéthique est apparue en réponse à des problèmes concrets soulevés par l‘évolution de la technoscience (mise au point des greffes, de la

dialyse, etc.), mais aussi à cause de troubles sociaux (le Procès de Nuremberg, les scandales biomédicaux qui ont secoué les États-Unis dans les années 1950-1960, le Rapport Belmont, etc.) (Durand, 2005).

Ensuite, rappelons ce que nous avons dit quant à la nature de la bioéthique au chapitre 3. D‘après Gilbert Hottois, la bioéthique est un ensemble de recherches, de discours et de pratiques pluridisciplinaires s‘intéressant à la résolution de questions éthiques soulevées par la recherche et le développement au sein de sociétés pluralistes (Hottois, 2004 : 22 – reformulé par nos soins). Hottois voit dans le pluralisme moral l‘une des causes de l‘existence même de la bioéthique. En effet, une même avancée technologique soulèvera des questions éthiques différentes – idem pour les réponses à ces questions éthiques – selon les différentes communautés morales qui entrent en contact avec elle. Si l‘on veut étudier les comportements à adopter face à une nouvelle technologie, une connaissance de ce pluralisme moral est nécessaire. Sans cette connaissance, le travail du bioéthicien deviendrait une entreprise « autistique » et les recommandations issues de ce travail pourraient devenir inapplicables, à la fois parce qu‘inappropriées et rejetées par les membres de la société (Solomon, 2005). Or, la connaissance des communautés morales ne peut s‘obtenir que si on effectue auprès de celles-ci un travail empirique. La réflexion en bioéthique ne peut se passer d‘une telle connaissance si elle veut rester connectée aux réalités sociales et aux problèmes concrets soulevés par la technoscience. Elle ne peut donc se passer de recherches empiriques.

Dans le cadre de notre projet de doctorat, une recherche empirique est inévitable. En effet, comme nous l‘avons exposé dans les chapitres précédents, plusieurs recommandations ont été formulées quant aux relations entre les développeurs de nanotechnologies, les médias et le public. L‘étude de ces relations dans le but d‘en arriver à un encadrement des nanotechnologies est très pertinente pour la bioéthique. Toutefois, il y a une différence entre formuler des recommandations et en arriver concrètement à un encadrement des nanotechnologies. Il est important de vérifier auprès des acteurs concernés (développeurs de nanotechnologies, gens des médias, etc.) si de telles recommandations ont du sens, quels sont les obstacles avec lesquels il faudrait composer et, de là, proposer des

recommandations plus adéquates, en accord avec la réalité. Pour cette raison, une démarche empirique est pertinente dans le cadre de la présente thèse.

4.2.2 Notre thèse : une démarche qualitative

Les recherches qualitatives constituent une branche des recherches en sciences sociales. Elles reposent sur le paradigme interprétatif (ou naturaliste), qui envisage l‘être humain d‘une manière holistique. Pour comprendre l‘expérience humaine, selon ce paradigme, il faut s‘intéresser aux humains dans leur globalité, par exemple en tenant compte de leurs perceptions, de leur histoire personnelle, etc., puisque le contexte dans lequel une personne vit influence sa vision des choses, ses choix, son comportement ainsi que sa manière d‘influencer la société (Fortin, 2010; Lessard-Hébert et al., 1996). Par exemple, si l‘on cherche à comprendre ce qu‘est la souffrance, on tiendra compte du fait que l‘expérience de la souffrance (sa définition, etc.) variera d‘une personne à l‘autre, puisque les expériences de vie d‘une personne à l‘autre en la matière seront très variables – sans oublier que ces expériences seront très différentes pour une même personne en fonction des différentes étapes de sa vie (Fortin, 2010).

Les démarches qualitatives sont souvent employées quand il est question de cerner les perceptions ou les expériences des gens envers un phénomène quelconque. Pour y arriver, ces démarches vont souvent se concentrer sur les mots, le récit que les acteurs rencontrés vont faire de ces phénomènes, et sur l‘analyse rigoureuse de ces récits. On obtient ces derniers, par exemple, au moyen de rencontres avec les acteurs concernés. L‘analyse de l‘information obtenue engendre des rapports qui contiennent essentiellement des mots et très peu de statistiques ou de chiffres. Les recherches qualitatives sont donc essentiellement descriptives et servent à cerner le sens ou la signification d‘un phénomène pour l‘individu qui le vit (Fortin, 2010; Deslauriers et Kérisit, 1997; Pires, 1997; Van der Maren, 1996; Lessard-Hébert et al., 1996).

C‘est exactement à ce type de recherche que correspond le projet rapporté dans cette thèse. Si nous revenons un instant sur les questions de recherche, nous pourrons constater que notre projet de thèse a pour objectif de cerner les perceptions des acteurs en

nanotechnologies et des médias par rapport aux recommandations qu‘on retrouve dans une certaine littérature quant aux relations entre sciences et médias. Ces perceptions sont inconnues, surtout au Québec : pour les cerner, il faudra aller recueillir auprès des acteurs concernés leurs opinions et leurs expériences en la matière et décrire celle-ci. Le présent projet de recherche s‘inscrira donc dans la grande catégorie des recherches dites

qualitatives.