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4. Démarche méthodologique

4.3 Aspects méthodologiques concrets

4.3.4 Codage des données

Examiner des données qualitatives est un processus complexe. Dans la présente section, nous allons exposer le codage des données qualitatives en vue de leur analyse. Notre objectif est de montrer qu‘il est possible d‘analyser des transcriptions d‘entrevues d‘une manière assez rigoureuse pour en tirer des informations sans se laisser biaiser par nos

4.3.4.1 Éléments théoriques

L‘analyse des transcriptions de plusieurs entrevues ne peut se limiter à la simple lecture de celles-ci. Non seulement le cerveau humain saturerait et deviendrait incapable de repérer les fragments de texte utiles, mais il ne pourrait à lui seul jongler avec toutes ces informations. Aussi emploie-t-on la technique du codage, à l‘aide d‘un logiciel spécialisé, pour découper les entrevues et en extraire les informations susceptibles de répondre à nos questions de recherche. Le codage peut être résumé par les grandes étapes suivantes (Allard-Poesi, 2003; Miles et Huberman, 2003) :

1) Lecture attentive des entrevues par le chercheur;

2) Repérage, au fur et à mesure de cette lecture, des segments d‘informations pertinents pour répondre à nos questions de recherche;

3) Assignation à chacun de ces segments, au moyen d‘un logiciel spécialisé, d‘un code permettant de classer ce segment dans des catégories prédéterminées.

Par exemple, si nous voulons dresser une liste des questions éthiques que les répondants associent aux nanotechnologies, nous pourrions lire nos entrevues et, chaque fois que nous repérons un passage traitant de questions éthiques, lui associer un code du genre « ÉTHIQUE-NANOS ». À la fin du codage, nous pouvons programmer le logiciel d‘analyse pour extraire tous les passages avec ce code, et ce pour toutes les entrevues. Il sera possible, en lisant ce matériel restreint, de faire une liste des différentes questions éthiques associées aux nanotechnologies à travers toutes les entrevues. Il devient alors plus facile de voir si les questions éthiques identifiées se résument à quelques catégories conceptuelles, si on retrouve tel ou tel type de ces catégories chez une sorte de répondant en particulier, etc. Plusieurs analyses sont possibles, tout dépendant des questions ayant guidé la recherche.

Il existe trois grands types de codage. D‘abord le codage ouvert : il s‘agit d‘un codage où le chercheur lit les entrevues et crée la liste de codes (ou « grille de codage ») au fur et à mesure pour ensuite analyser les entrevues. Ce genre de codage se rencontre dans les recherches exploratoires où le chercheur va analyser le matériel en quête d‘un phénomène à mettre en évidence. Ensuite, nous avons le codage fermé : il s‘agit d‘un codage où le chercheur analyse les entrevues à l‘aide d‘une grille de codage préétablie qui ne sera pas modifiée en cours de route. Dans ce type de recherche, on analyse les entrevues en quête d‘un phénomène déjà bien cerné par la littérature. Par exemple, on pourrait lire des entrevues pour vérifier comment les répondants réagissent au stress engendré par l‘imposition d‘une politique quelconque. Comme le stress et ses manifestations sont un phénomène déjà bien décrit, il serait envisageable de créer une liste de codes incluant les diverses manifestations associées au stress et susceptibles d‘être mentionnées par les répondants (ex. : SUEURS, PERTES D‘APPÉTIT, etc.). Un chercheur n‘aurait qu‘à appliquer cette grille fermée pour mettre en évidence l‘état de stress chez les répondants. Enfin, nous avons le codage mixte : il arrive dans certaines recherches descriptives ou exploratoires que le chercheur possède des a priori ou des éléments d‘information qu‘il souhaite repérer dans le matériel à l‘étude – tout en voulant se garder une certaine souplesse si jamais le matériel étudié présente des informations inédites. Le codage mixte est tout à fait indiqué dans ces situations : il consiste à commencer l‘analyse des entrevues avec une grille préétablie que le chercheur va rajuster en cours de route, en fonction des nouveaux éléments mis en évidence ou seulement pour clarifier sa grille. Une fois qu‘une version définitive de la grille est établie, cette version est employée pour analyser toutes les entrevues, comme s‘il s‘agissait d‘un codage fermé. Les approches varient un peu d‘un ouvrage de méthodologie à un autre, mais en règle général on conseille de coder avec notre grille préliminaire une certaine quantité d‘entrevues (par exemple : 10 % de nos entrevues), de rectifier la grille, de procéder à l‘analyse des 90 % restants des entrevues et, à la fin, de recoder le premier 10 % (qui a servi à établir la grille finale). On s‘assure ainsi d‘avoir un outil d‘analyse standardisé pour analyser l‘ensemble de nos entrevues (Miles et Huberman, 2003; Van der Maren, 1996).

Signalons qu‘il existe plusieurs divergences sur la manière de coder les entrevues. Certains chercheurs préconisent le codage et l‘analyse des entrevues en même temps que la collecte des données, alors que d‘autres préconisent le codage des entrevues à la toute fin, une fois que le matériel est récolté, pour ne pas biaiser la collecte de données (Miles et Huberman, 2003; Allard-Poesi, 2003). Pour notre part, nous avons choisi d‘analyser les données seulement après la collecte pour éviter d‘induire un biais lors de la réalisation des entrevues.

4.3.4.2 Application concrète au projet de thèse

Le projet de thèse étant exploratoire et descriptif, un codage fermé était d‘emblée exclu. Il en allait de même pour un codage ouvert : en effet, en lisant les entrevues, nous cherchions un certain type d‘information, à savoir les perceptions des acteurs par rapport aux sujets mentionnés dans les premiers chapitres (nanotechnologies, questions éthiques associées à celle-ci, perceptions envers les recommandations sur les médias, etc.). Nous avions donc un certain a priori sur la nature des informations que nous pouvions recueillir. Nous avons eu toutefois le souci de garder la grille assez ouverte pour inclure les informations inattendues susceptibles d‘apparaître en cours d‘analyse et pertinentes pour répondre à nos questions de recherche. Une grille de codage mixte a donc semblé beaucoup plus adéquate pour notre thèse.

À partir de notre grille d‘entretien et de nos questions de recherche, nous avons esquissé une première grille de codage que nous avons testée sur quatre entrevues, deux entrevues de chercheurs et deux de journalistes, choisies au hasard. Ce premier codage nous a permis de réviser la liste de codes, d‘améliorer la définition de certains d‘entre eux et d‘en ajouter de nouveaux. Une fois la grille révisée, nous avons pu procéder au codage des entrevues restantes. À la fin du processus, nous avons codé les quatre entrevues qui ont servi lors de la mise au point initial de la grille. Tout le codage a été effectué avec le logiciel QDAminer.

Après un premier codage, nous avons mis de côté ce travail pendant une période de trois semaines pour procéder à ce qu‘on appelle le « contrecodage », afin de valider notre

première analyse. Nous reviendrons dans une rubrique ultérieure à ce contrecodage, ainsi qu‘à la question de la scientificité d‘une analyse de données qualitatives.