• Aucun résultat trouvé

5. Résultats

5.7 Perceptions envers des initiatives médiatiques

5.7.3 Contraintes envers une initiative

Face aux différents moyens listés ci-dessus, mais aussi face à la proposition générale d‘établir des collaborations entre science et média dans le but d‘instaurer un dialogue entre les acteurs concernés par les nanotechnologies, les répondants ont souligné différentes contraintes auxquelles il faudrait réfléchir. Établir des collaborations ne serait pas une chose impossible, mais très difficile.

5.7.3.1 Perceptions des chercheurs

Si on examine les propos des chercheurs, ces limites sont principalement (tableau IX) : 1) le manque de temps [C13] (chercheurs et journalistes sont fort occupés); 2) l‘ampleur de la tâche [C16] (s‘investir dans un dialogue demandant du temps, des ressources et de l‘énergie au-delà de ce que chercheurs et journalistes peuvent fournir); 3) des contraintes naturelles de la vulgarisation [C8; C12] (la vulgarisation possède des exigences – métaphores, raccourcis, etc. – avec lesquelles les chercheurs sont peu à l‘aise et qui peuvent, aussi, déformer la réalité); 4) le manque de stimulation du côté académique [C13] (les universités incitent peu ou pas les chercheurs à s‘investir dans des activités de

vulgarisation ou de dialogues); 5) l‘accès aux acteurs [C16] (par ex. : les journalistes pourront-ils facilement accéder aux chercheurs?); 6) la décentralisation des nanotechnologies [C16] (les nanotechnologies sont répandues dans plusieurs laboratoires et entreprises; il n‘y a pas d‘acteurs majeurs faciles à cibler comme, par exemple, Monsanto pour les OGM); 7) les nanotechnologies sont un domaine méconnu du public [C20]; 8) l‘incapacité à rejoindre tous les publics [C4; C20] (le « public » recouvre en fait plusieurs groupes de personnes et certains de ces groupes ne s‘intéressent pas à la science, ne sont pas joignables, etc.); 9) l‘intérêt des acteurs concernés à s‘impliquer [C10; C12; C14; C17] (chercheurs et journalistes vont-ils, même avec du temps et des ressources disponibles, être seulement intéressés à s‘investir dans un dialogue?).

5.7.3.2 Perceptions des journalistes

Si on examine les propos des journalistes, ces limites sont principalement (tableau IX) : 1) le manque de temps [J10]; 2) le manque de ressources et le bénévolat forcé pour les chercheurs [J1; J10]; 3) le manque d‘intérêt des gens et acteurs concernés à s‘impliquer [J6; J10]; 4) le manque de stimulation du côté académique [J1]; 5) le fait que le contact avec le public est difficile pour le chercheur [J10]; 6) les capacités de vulgarisation des chercheurs sont limitées [J8; J9].

5.7.3.3 Commentaires généraux

Les deux groupes de répondants semblent converger vers l‘idée que s‘impliquer dans des initiatives de dialogue avec le public demande du temps et des ressources : gérer un dialogue peut se révéler une tâche de grande ampleur (par exemple si, sur un portail web, des centaines de questions arrivent chaque heure, pour reprendre l‘exemple du répondant C16). Or, le temps manque aux chercheurs qui sont pris dans des tâches de recherches et administratives. À cela on peut ajouter le manque de ressources dans le milieu de médias et qui sont souvent aux prises avec des contraintes temporelles très serrées.

À ces contraintes de temps et de ressources semble s‘ajouter une autre contrainte qu‘il faudrait examiner, soit le milieu académique lui-même qui serait peu compatible avec

l‘implication des chercheurs dans des initiatives de dialogue. Certains chercheurs et journalistes signalent que des initiatives de vulgarisation dans lesquelles pourraient s‘investir les chercheurs ne sont encouragées ni par le milieu académique, ni par les organismes subventionnaires [C13; J1; J3; J7] – en dépit de ce qu‘on retrouve, par exemple, sur le site du CRSNG. Si l‘on souhaite envisager des activités de dialogue, il faudrait que celles-ci, et que les activités de vulgarisation en général, soient reconnues d‘une manière quelconque, mais en ce moment ce ne semble pas être le cas.

Enfin, vulgariser, communiquer avec le public et échanger avec lui est un art qui possède ses propres contraintes – on pourrait donc parler ici des contraintes inhérentes à

la vulgarisation et au dialogue avec des acteurs profanes. Vulgariser un sujet, le rendre

accessible au public est un art difficile : il peut y avoir une perte d‘informations importantes ou bien les chercheurs peuvent mal s‘y prendre avec la conséquence que le public ne peut pas davantage comprendre les sujets dont il est question et encore moins en discuter. Certains reconnaissent que les chercheurs sont dans l‘ensemble de piètres vulgarisateurs, ou qui acceptent mal les raccourcis nécessaires à la vulgarisation. D‘un autre côté, tant les chercheurs que les journalistes reconnaissent que parler des nanotechnologies en peu de temps et sous une forme imagée est une entreprise difficile : non seulement le domaine est- il méconnu du public, mais l‘expliquer prend du temps, il faut toujours repartir de zéro. Un journaliste [J9] dit ailleurs que prendre cinq minutes pour exposer les enjeux liés à la toxicité des nanotechnologies avec toutes les nuances requises serait un acte irresponsable. Ajoutons à cela que les nanotechnologies constituent un domaine scientifique décentralisé aux applications multiples. La contrainte semble double pour les chercheurs en nanotechnologies : 1) on ne donne guère aux chercheurs de formation pour vulgariser leurs travaux et 2) les chercheurs en nanotechnologies travaillent dans un domaine difficile à expliquer, que même des vulgarisateurs chevronnés comme les journalistes scientifiques trouvent difficiles à traiter. Rejoindre le public sur ce sujet est d‘autant plus difficile… Aux contraintes inhérentes à la vulgarisation on peut donc rattacher les contraintes inhérentes

en matière de vulgarisation, il s‘agit sans doute là de lacunes qu‘on pourrait rattacher à la critique du milieu académique qui est faite un peu plus haut.

À ces remarques, on peut ajouter aussi un questionnement formulé par les deux groupes de répondants : est-ce que les acteurs concernés (chercheurs, mais aussi journalistes etc.) vont être intéressés à s‘impliquer dans ce processus? Tant les chercheurs eux-mêmes questionnent l‘intérêt de leurs collègues que celui des journalistes, et le même phénomène s‘observe chez les journalistes qui questionnent autant l‘intérêt des chercheurs que celui de leurs collègues. Les répondants remarquent qu‘on ne peut intéresser les journalistes à parler d‘un sujet si ceux-ci ne s‘y intéressent pas d‘abord ou s‘il n‘y a pas de scandale ou si le public ne s‘y intéresse pas. De même, certains répondants font remarquer qu‘en dehors des contraintes de temps et de ressources, certains chercheurs n‘accordent aucune priorité à la vulgarisation — un chercheur [C19] est même sceptique envers l‘argument du manque de temps, disant que ces collègues ne s‘adonnent pas à la vulgarisation simplement parce que ce n‘est pas dans leur priorité. On pourrait donc voir des contraintes liées aux intérêts-valeurs personnels des acteurs.