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Alors que ces recherches ont débuté sur la base des données de 2001, le recensement de la population conduit en Grèce en mai 2011 permet d’analyser l’évolution de la présence de citoyens macédoniens dans le pays pendant les dix ans qui séparaient ces deux opérations.

Premier constat, le nombre de citoyens macédoniens recensés connaît une augmentation significative avec 1.534 individus recensés en 2011, soit un peu plus du double des 732 recensés en 2001. Second constat, le doublement de cette population n’avait, en apparence, pas entrainé de transformation majeure de leur répartition dans le pays, qui restait proche de celle observée à propos de 2001 : la majorité des citoyens macédoniens étaient toujours recensés en Macédoine centrale, suivie de la Crète et de l’Attique qui dépassait désormais légèrement le Péloponnèse. Au sud de la Grèce, ces implantations régionales apparaissaient toujours comme principalement localisées dans des espaces bien définis : dans l’Attique, qui voyait sa part du total de citoyens de République de Macédoine accueillis passer de 9 à 10%, les municipalités athéniennes regroupaient encore, logiquement, le plus grand nombre de citoyens macédoniens, alors que dans le Péloponnèse c’était toujours autour d’Argos et de Nauplie, en Argolide, qu’on les retrouvait. Cette dernière région avait néanmoins reculé dans cette hiérarchie des régions puisqu’elle n’accueillait plus que 6% du total de ces citoyens macédoniens, contre 10% en 2001. En Crète, enfin, la part des citoyens macédoniens résidant sur l’île avait très légèrement baissé, passant de 20 à 18% entre les deux recensements. On notait tout de même toujours la présence de citoyens macédoniens dans plusieurs municipalités de la côte septentrionale, dans et autour des trois villes principales de La Canée, Réthymnon et Héraklion, et c’est bien à l’ouest de l’île, à La Canée et dans ses alentours, que la majorité des citoyens macédoniens étaient recensés. Une différence de localisation s’était néanmoins glissée dans ce tableau, puisque c’est dans la municipalité de La Canée même, et non plus dans quelques municipalités rurales voisines de cette préfecture que les citoyens macédoniens étaient désormais les plus nombreux à être recensés. Cette prééminence était d’ailleurs d’autant plus marquée que les deux municipalités dans lesquelles étaient recensés le plus grand nombre de citoyens macédoniens en 2001, Moussouri et Platanias, sont depuis 2011 regroupées au sein d’une seule, le dème de Platanias.

La Macédoine grecque, une position particulière renforcée en 2011

Enfin, dans le nord de la Grèce, l’agglomération de Thessalonique constituait toujours un pôle majeur de la présence de citoyens macédoniens, mais la figure 17 nous permet d’observer que les municipalités frontalières telles que Kilkis, Paionias (qui regroupe notamment l’ancien dème d’Aridaia) ou encore Pella étaient plus attractives encore que dix années plus tôt. Et si elle reste très majoritaire, la part des citoyens macédoniens résidant dans la préfecture de la métropole régionale a diminué au profit de ces espaces puisqu’en 2011, 40% des citoyens macédoniens recensés dans la région de Macédoine centrale l’étaient dans la préfecture de Thessalonique, contre 56% en 2001. Dans le même temps, le poids de la seule Macédoine centrale augmentait légèrement alors que la part des citoyens macédoniens du pays y résidant passait de 45 à 48%. Le particularisme régional persistait donc en 2011 et s’était renforcé au cours de la décennie passée. Les citoyens macédoniens étaient toujours, en 2011, présents en plus grand nombre dans les régions du nord du pays que dans les autres espaces du territoire grec, et cette présence semblait en cours de diffusion avec le recul du poids de la ville de Thessalonique dans les implantations observées. Autre signe de cette évolution, les individus étaient désormais recensés dans la quasi-totalité des municipalités de Macédoine centrale et occidentale, contrastant ainsi avec la précision de la répartition observée dans le Péloponnèse et l’Attique. La Crète faisait néanmoins encore figure d’exception avec une répartition assez large sur l’île, et pas limitée à quelques communes particulières malgré l’émergence de pôles d’attraction (figure 15).

Quant à l’activité des citoyens macédoniens recensés, le nombre d’actifs était toujours largement inférieur à leur nombre total, enregistrant même une baisse entre les deux recensements. En 2011, il ne représente que 38% de celui-ci, soit un taux légèrement inférieur aux 42% de l’ensemble de la population du pays, contre 50% en 2001 (46% pour l’ensemble de la population de Grèce). En Macédoine centrale, ce taux restait bas, comme en 2001, à 33% du total des citoyens macédoniens recensés dans la région. Il en va de même en Crète où ce même taux, qui culminait à 66% en 2001, était passé à 48% en 2011 alors que la population des citoyens macédoniens présents sur l’île augmentait fortement. Les nouvelles personnes recensées sont alors nombreuses à ne pas avoir déclaré d’activité. Au-delà des possibles effets de la crise économique qui touche la Grèce depuis la fin des années

de certains types de migrations, dont les migrations matrimoniales liées à une des installations se pérennisant, à la hausse des activités informelles rendue possible par la crise mais également par la libre circulation des citoyens macédoniens. Renforçant la possibilité d’aller et venir, elle a également renforcé les possibilités de mobilités dans un but de travail informel. En 2010, en Crète, ils étaient ainsi nombreux à s’être rendus chez une connaissance pour prendre quelques jours de vacances et en profiter pour chercher du travail dans les stations balnéaires de la côte, prévoyant de rester dans le pays pendant 90 jours. Pour d’autres, plus rompus à l’exercice, cette limite n’avait pas de réelle importance. Il existait, disaient-ils, des possibilités « d’arrangements », via certains contacts, avec la police des frontières grecques, pour que la date de sortie indiquée sur les documents d’identification soit en accord avec la période de séjour autorisée38 (sur ces

« arrangements » administratifs, cf. chapitre 2).

En 2011 comme en 2001, la population active venue de République de Macédoine en Macédoine centrale était principalement active dans les secteurs de l’agriculture (35%) et de l’industrie manufacturière (17%), qui remplaçait le bâtiment comme second secteur d’activité. Ce dernier, qui tombait à 8% était également devancé par les secteurs de l’hôtellerie restauration et du commerce de gros ou de détail, dans lesquels 12% des citoyens de République de Macédoine actifs étaient recensés. Il n’y avait que dans cette région que l’on trouvait une présence significative de ces individus dans plusieurs secteurs d’activités comme l’industrie ou le commerce de gros ou de détail, indiquant une insertion professionnelle plus diverse dans la région que dans le reste du pays.

38 Ces informations ont été recueillies dans le cadre d’un terrain réalisé en Crète en juillet 2010

En Attique, c’était essentiellement, et de façon classique, dans le bâtiment et le commerce

Figure 16: La répartition par sexe des citoyens macédoniens recensés dans les régions grecques en 2011.

Figure 15 : La répartition des citoyens macédoniens recensés dans les communes grecques en 2011

qu’on les retrouvait le plus, alors que dans le Péloponnèse c’était, comme en 2001, dans le secteur agricole que les actifs étaient le plus nombreux. Là encore, le changement le plus important s’observait dans le cas de la Crète : en 2001, c’était 32% des actifs qui étaient recensés dans l’agriculture et 34% dans le bâtiment, ainsi que 20% à avoir été recensés dans les secteurs liés au tourisme. Mais en 2011, ce rapport s’est profondément modifié puisque 48% d’entre eux qui étaient recensés dans l’hôtellerie restauration et le commerce39, pour 23% et 14% dans l’agriculture et la construction. Ces deux derniers n’étaient alors plus les principaux secteurs d’activité des ressortissants macédoniens recensés, puisqu’ils sont dominés par le secteur touristique.

Au-delà de ces évolutions de la population active, c’est la structure de ces populations qui a le plus changé entre les deux recensements. Alors que la répartition par sexe était en 2001 dominée par les hommes (62% contre 38%), ce sont les femmes qui sont devenues majoritaires en 2011 puisqu’elles représentaient 57% des individus recensés. Comme le montre la figure 16, elles sont toujours fortement majoritaires en Macédoine occidentale et le sont devenues en Macédoine centrale ainsi qu’en Attique. Et si les femmes ne sont toujours pas plus nombreuses que les hommes en Crète, le rapport entre les deux sexes s’est équilibré puisqu’il est désormais de 53% d’hommes et 47% de femmes, contre 76%

d’hommes et 24% de femmes en 2001. Parmi ces espaces où la présence de ces citoyens est la plus importante, seule celle du Péloponnèse n’a pas vu ses effectifs se féminiser alors qu’elle a perdu de l’importance par rapport aux autres régions accueillant des ressortissants macédoniens. Car c’est là que se situe la clé de l’augmentation de la population venue de République de Macédoine, alors que le nombre d’hommes recensés a plus faiblement évolué que l’augmentation générale de la population concernée. On comptait en 2011 48%

d’hommes en plus par rapport à 2001, quand cette hausse s’élevait à 109% pour la population totale. Ce sont donc les femmes, avec 113% de hausse de leurs effectifs, qui ont le plus contribuées à cette hausse générale. Ce constat est particulièrement visible en

39 Ces deux catégories sont distinctes dans le recensement de 2011 mais étaient regroupées en 2001. Les 48%

regroupent donc les deux secteurs du commerce de gros et de proximité ainsi que l’hôtellerie restauration pour les comparer aux données du recensement précédent.

comparant les pyramides des âges des citoyens macédoniens recensés dans ces régions en

Figure 19 : Pyramides des âges comparatives des effectifs de citoyens de République de Macédoine recensés en Crète en 2001 et 2011.

Source : EL.STAT Figure 18 : Pyramides des âges comparatives des effectifs

de citoyens de République de Macédoine recensés en

Figure 17: Les citoyens macédoniens résidant en Grèce recensés en Macédoine centrale et occidentale

En Macédoine centrale, entre augmentation des effectifs et stabilité

En Macédoine centrale, les femmes étaient déjà presqu’aussi nombreuses que les hommes en 2001. Elles représentaient dix ans plus tard 64% du total des macédoniens qui y sont recensés contre 46% au début des années 2000. Suivant la tendance nationale, l’augmentation des effectifs masculins y est largement inférieure à celle des effectifs totaux, avec une augmentation de 66% (de 178 à 268) contre 158%. Alors que les catégories des 20-29 et 30-39 ans regroupaient la majorité des effectifs, elles n’ont que très peu évoluées entre 2001 et 2011, ne comptant que quelques individus en plus ou en moins. Ces deux catégories sont aujourd’hui dépassées par celle des 40-49 ans, là-encore probablement composée d’individus recensés en 2001 et qui seraient toujours sur place en 2011. C’est donc l’augmentation du nombre de femmes qui a le plus contribué à l’augmentation totale du nombre de citoyens macédoniens recensés en Macédoine centrale. Alors que ceux-ci ont été multipliés par 2,6, la population féminine a triplé entre 2001 et 2011, passant de 153 à 475. Ce phénomène est d’ailleurs similaire dans l’autre région du nord accueillant de nombreux citoyens macédoniens, puisque les femmes représentent même près de 75% des individus recensés en Macédoine occidentale. La tendance observée en 2001, qui voyait déjà

40 20 0 20 40

Figure 20 : Pyramides des âges comparatives des effectifs de citoyens de République de Macédoine recensés en

Figure 21 : Pyramides des âges comparatives des effectifs de citoyens de République de Macédoine recensés dans le Péloponnèse en 2001 et 2011.

Source : EL.STAT

les femmes majoritaires dans certaines préfectures de la région, s’est donc poursuivie et les écarts se sont accrus. En Macédoine centrale, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la quasi-totalité des classes d’âge. Mais si les effectifs sont plus importants, la structure par âge de la population féminine n’a pas énormément évolué entre 2001 et 2011, témoignant d’une augmentation globale. Une différence peut être notée, puisque le nombre de femmes âgées de 40 à 49 ans a fortement augmenté, passant de 13 en 2001 à 101, témoignant là encore d’une probable installation à long terme des femmes de la catégorie 30-39 recensées en 2001.

Cette installation à long terme est appuyée par l’importance du taux de femmes mariées parmi ces résidentes de Macédoine centrale. Si 54% des hommes recensés y sont déclarés comme mariés, ce sont 71% des femmes qui le sont dans la région. Ce taux monte même à 75% en Macédoine occidentale (58% pour les hommes), et s’élève à 67% en Attique (44%

pour les hommes). Bien que cela ne constitue pas une preuve en soi, il semble exister une relation de corrélation entre le nombre élevé de citoyennes macédoniennes recensées dans ces régions et leur fort taux de mariage, que les taux de mariages inférieurs et le plus faible nombre d’hommes citoyens macédoniens recensés ne peut expliquer. Il existe ainsi autre chose que des processus de migrations familiales, permettant de soutenir, après 2001, l’importance de la conclusion d’unions transfrontalières dans les processus de migrations féminins de la République de Macédoine vers la Grèce.

Part des

Figure22 : Part des citoyens macédoniens mariés dans les régions grecques en 2011.

Source : EL.STAT

Conclusion

Qu’il s’agisse des investissements grecs en République de Macédoine ou des migrations macédoniennes en direction de la Grèce, les deux phénomènes étudiés ici font ressortir la place particulière occupée par les espaces frontaliers dans les relations transfrontalières observées. Si Athènes est un centre important pour les investissements grecs en République de Macédoine, les liens unissant les principales villes de Macédoine grecque et du sud de la République de Macédoine sont également nombreux. Surtout, ils concernent des acteurs de taille plus modeste dont l’action s’inscrit à l’échelle locale de la région frontalière, créant des liens directs entre différents espaces tout en s’inscrivant dans des processus plus larges, comme le montre la question de la sous-traitance des travaux textiles pour de grands groupes européens et la position d’intermédiaire des entreprises grecques qui en découle.

De leur côté, les migrations apportent des arguments à cette idée d’une forme de particularisme macédonien alors qu’une majorité des citoyens macédoniens résidant en Grèce est également localisée dans les régions de Macédoine grecque, s’éloignant ainsi du parcours habituel des migrants internationaux dans le pays. Ce particularisme s’est d’ailleurs renforcé entre 2001 et 2011 avec une présence macédonienne qui se diffuse en Macédoine centrale et orientale. Et si des installations semblent s’être pérénisées dans les autres régions du territoire, la logique de l’installation en Macédoine grecque apparaît comme particulière à cet espace tant dans son ampleur au regard de la présence macédonienne en Grèce que dans ses modalités.

C HAPITRE 2. L ES MOBILITES TRANSFRONTALIERES , AU CENTRE DES