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La frontière, zone privilégiée de l’observation des relations transfrontalières

La frontière et les espaces frontaliers apparaissent comme les lieux par excellence de l’exercice du pouvoir de l’État. Objet spatial en mutation13, elles s’inscrivent dans des espaces où la multiplicité des enjeux et des acteurs prend un relief particulier. Servant d’interface entre un territoire national et le monde, le questionnement sur la place de l’État dans la globalisation y prend une dimension concrète et nous pousse à réfléchir sur la place actuelle qu’occupe celui qui était l’acteur principal des relations internationales.

L’observation de processus à l’ancrage éminemment local doit par conséquent être faite en tenant compte des liens qui peuvent exister entre les différents cadres d’action pouvant être mobilisés au cours d’une même interaction sociale.

Si la frontière comme limite de la souveraineté d’un État semble en partie s’estomper face à l’évolution des techniques de transport et de communication, elle reste dans le même temps l’un des moteurs des échanges mondiaux à travers l’exploitation facilitée des différences économiques, juridiques et politiques qu’elle induit. De même, les processus d’intégration politique supranationaux comme l’Union européenne ne sont pas sans conséquences sur les fonctions frontalières des États membres comme des États candidats à l’intégration. C’est ainsi qu’un franchissement de la frontière gréco-macédonienne étudiée est un processus ancré sur le terrain de par l’entrée concrète sur un territoire national en même temps que ses modalités sont aujourd’hui régies par des règlements communautaires de l’Union européenne.

L’ensemble de ces dimensions se superposent et interagissent avec la fonction première de la frontière, l’effaçant ou s’y ajoutant (Ratti, Schuler, 2013). L’évolution de cet objet en géographie, des définitions qui en sont faites et des études dont il fait l’objet, sont le fruit de

l’évolution d’une discipline dont le visage s’est transformé de façon radicale depuis les années 1960.

La frontière en géographie

Tout d’abord perçue comme la limite de la souveraineté d’un territoire national, les géographes ont accordé à la frontière une place de plus en plus importante dans l’étude des relations entretenues par les hommes et les sociétés. « Limite à métrique topographique » (Lévy, Lussault, 2003), la frontière est couramment considérée comme la limite de l’exercice de la souveraineté et de la compétence territoriale d’un État (« avant que l’État n’existe, elle n’a pas d’objet » (Lévy, Lussault, 2003)). Mais la complexité de cet objet éminemment spatial, qui délimiterait le territoire et la souveraineté, les a très tôt intéressés. Ainsi Jean Gottmann y prête-t-il attention au début des années 1950 en se penchant sur les effets spatiaux de celle-ci : si la frontière est une ligne de démarcation entre deux entités spatiales souveraines, ses effets sont pour lui à la fois linéaires et zonaux. L’intensité des échanges entre les populations situées de part et d’autre de la frontière, ou l’impact de cette discontinuité sur les territorialités des individus et les sociétés, y concerne principalement une zone large d’une dizaine de kilomètres (Gottman, 1952) : le rapport à la frontière façonne des territoires qui se construisent dans leur relation avec elle - la regardant ou non - les régions frontalières. A la suite de Gottmann, le dépassement de cette approche restrictive de la frontière s’est amorcé dès les années 1970 sous l’impulsion d’auteurs tels Guichonnet et Raffestin qui se sont attachés à étudier la frontière en tant que phénomène social.

« La frontière appartient à ces concepts qui engendrent, presque toujours, sur leur tracé et à leur voisinage, une foule de phénomènes politiques, économiques et sociaux dont l’analyse est l’objet du présent volume »

Guichonnet, Raffestin, 1974 Ces auteurs insistent notamment sur le basculement d’une conception séparante de la frontière vers la conception plus unifiante de zone frontière. Ainsi, la focale de l’étude du fait

frontalier s’est progressivement déplacée de l’étude de la ligne aux processus qui la traversent ou qui y sont liés : la frontière divise, mais elle est aussi un moteur de mobilité, permettant « aux différences entre modes de vie, systèmes juridiques, organisations politiques » (Lévy, Lussault, 2003) de s’exprimer de manière visible, et d’être exploitées. A ce titre, la mondialisation économique et le contexte néolibéral déjà évoqué ne tendent pas simplement à dépasser les frontières mais aussi à leur accorder une importance nouvelle en leur donnant un sens économique. La frontière tendrait à devenir une ligne essentiellement administrative (Leloup, Moyart, 2006), interface entre deux mondes de possibles différents.

Mais il est important de garder en tête que la frontière, de par l’histoire de son affirmation comme outil du découpage de l’espace mondial, est fortement associée à la notion de contrôle. A ce titre, les acteurs qui y sont confrontés ne sont pas automatiquement égaux, loin de là, devant les règles qui régissent le fonctionnement d’une frontière donnée. Pouvant être ramenée à « un système de contrôle des flux 14», elle peut se révéler plus ou moins fluide en fonction des marchandises, ou encore de la nationalité des personnes qui souhaitent la franchir (Weber, 2009). Ainsi, l’affaiblissement des frontières au sein de l’espace Européen s’accompagne d’un fort renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne, comme le montrent les exigences d’alignement sur l’acquis Schengen demandées par la Commission Européenne à tous les pays candidats, ou encore les multiples débats concernant les migrations clandestines qui agitent régulièrement les médias et les sociétés européennes. Renforcement du contrôle des frontières qui seront des frontières extérieures de l’UE, politique de visas et Système d’Information Schengen (SIS) sont devenus des critères déterminants de l’adhésion d’un État candidat à l’Union. La frontière est donc toujours un objet spatial dont les propriétés sont modulées par les politiques des autorités souveraines qu’elle sépare.

Pour autant, la frontière n’est pas seulement visible au contact du tracé linéaire qui sépare le territoire de deux États. Comme les travaux du Groupe Frontière l’ont indiqué, cette définition westphalienne de la frontière s’estompe dans le cadre de la globalisation alors

14Groupe Frontière, "La frontière, un objet spatial en mutation.", EspacesTemps.net, Travaux, 29.10.2004

que, dans le même temps, la « réalité frontalière réapparaît ailleurs, sous d’autres formes, mais toujours en des lieux investis d’une forte structuration sociale et politique » (Groupe Frontière, 2004). C’est ainsi qu’on la retrouve sous une forme réticulaire le long des réseaux de transport mais également sous une forme sociale impliquant « des jeux ambivalents entre liaison et séparation, fractures et transitions, dehors et dedans disqualification et protection, enfermement et protection » (Groupe Frontière, op. cit.), ouvrant ainsi la voie à l’étude du rôle de la frontière dans les déplacements transfrontaliers ainsi qu’à ses différentiel frontalier afin de tirer de la ressource dans des contextes ici principalement postsocialistes.

Mais la chute des régimes socialistes, les nationalismes qui s’en suivent et le retour des tensions et de la conflictualité aux frontières en Europe a remplacé la question du sens des frontières au cœur de l’analyse. Comme le mentionnent (Denert,Hurel, 2000), celle-ci est à la fois incluse au sein d’un territoire national tout en en étant à la limite. L’espace délimité par les frontières devient le cadre de la construction du territoire national, construction

15 Sur le sujet des mobilités transfrontalières en Europe de l’est, on peut notamment citer les travaux de Bénédicte Michalon sur la frontière Roumano-Moldave ou d’Emmanuel Bioteau sur les frontières séparant la Roumanie de la Hongrie et la Serbie. B.Michalon, La périphérie négociée. Pratiques quotidiennes et jeux d’acteurs autour des mobilités transfrontalières entre la Roumanie et la Moldavie, L’Espace politique N°2, 2007, http://www.espacepolitique.org ; E. Bioteau, Des frontières et des hommes – approches de recompositions territoriales frontalières : l’exemple de l’ouest roumain, thèse de doctorat, université d’Angers, 2005.

16 Voir notamment les travaux de J. Minghi ou encore de d’A. Paasi.

17 Concernant la constitution d’espaces transfrontaliers, voir A.de Tinguy, 2000. On peut également penser aux travaux de nombreux anthropologues comme de Rapper (2004, 2006, 2007), ou encore Green (2005) ainsi que Donan et Wilson (1999)

idéologique associant des valeurs à un espace géographique, lui conférant une substance.

Une frontière est ainsi non seulement vue comme une limite politique signifiante d’un territoire, mais aussi comme un objet politiquement chargé, procédant d’un pouvoir dans le but de distinguer une unité territoriale d’une autre. Elle met de « la distance dans la proximité » (Arbaret-Schulz, 2002) tout en favorisant l’émergence de lieux d’hybridation, caractérisés par les contacts entre acteurs situés de part et d’autre de la frontière alors qu’on peut y observer une confrontation de normes, de valeurs, d’idées, etc. qui incitent à l’adaptation. Les contacts transfrontaliers peuvent alors engendrer des espaces hybrides, où l’on voit émerger des pratiques et une culture locale spécifique (Groupe Frontière, 2004).

L’interaction entre ces phénomènes et la relation transfrontalière devient alors une préoccupation pour les sociétés et les États concernés, qui peuvent chercher à la réguler en fonction de ce qu’ils jugent conforme à leur intérêt. Le transfert frontalier est alors conditionné par l’enjeu que représente la frontière et par la puissance éventuelle du discours frontalier.

Malgré une remise en question de son rôle dans le contexte de la globalisation, l’État, en tant qu’ensemble d’institutions, apparaît encore bien comme un acteur majeur d’une frontière qui le délimite. Celle-ci est le lieu où il s’expose à de multiples dangers, notamment lorsque le tracé des frontières « culturelles » qui la doublent ou la traversent ne correspond pas exactement à ses contours, pouvant alors conduire à la remise en question de l’homogénéité culturelle ou ethnique de l’État-nation (de Rapper, Sintès, 2006). En tant qu’éléments majeurs de la construction et du maintien des cultures nationales, jouant un rôle important dans la création et le maintien de la nation et de l’État (Donnan, Wilson, 1999). C’est ainsi qu’une construction culturelle et identitaire particulière au sein de ces espaces peut poser problème en s’inscrivant à l’encontre de la caractérisation du territoire par l’homogénéité.

« L’État-nation a fixé des référents de l’identité légitime et dans le même temps assigné l’extériorité spatiale à l’altérité, avec pour conséquence la suspicion vis-à-vis des espaces frontaliers (…) Face au centralisme de la production de la norme, l’éloignement du centre devient affaiblissement de la norme. »

Situées aux limites territoriales et idéologiques de ce dernier, les régions frontalières le définissent mais soulignent aussi le caractère artificiel de sa construction (Denert, Hurel, 2005). La notion de risque peut alors être associée à celle de frontière, et particulièrement dans des espaces frontaliers où peuvent être présentes des minorités nationales dont la loyauté envers l’État est potentiellement mise en doute (de Rapper, Sintès, 2006).

« La circulation est tout naturellement créatrice de changement dans l'ordre établi dans l'espace : elle consiste à déplacer. Dans l'ordre politique, elle déplace les hommes, les armées et les idées ; dans l'ordre économique, elle déplace les marchandises, les techniques, les capitaux et les marchés ; dans l'ordre culturel, elle déplace les idées, brasse les hommes. »

Gottman, 1952

La position transfrontalière de groupes ethniques peut donc se révéler problématique, tout autant que bénéfique à l’essor de relations transfrontalières pour lesquelles le passage de la frontière et le savoir passer peuvent apparaître comme des ressources propres dans le cas de frontières encore en partie fermées. Ces relations sont également conditionnées par un savoir communiquer et un savoir échanger, rendant possible l’exploitation de réseaux transfrontaliers construits sur le long terme, qui peuvent parfois préexister à la réouverture de la frontière (Sintès, 2007) C’est dans ce cadre que la dimension identitaire et ethnique s’insère, la répartition transfrontalière de certains groupes ethniques ou ayant une culture proche favorisant leur insertion dans la relation transfrontalière (Sintès, 2007, Malloy, 2010).

Inversement, l’effet retour de la relation transfrontalière sur les dynamiques ethniques doit être analysé.

Le transterritorial (…) existe dans le mouvement et le franchissement. Il se définit dans le passage, et associe des lieux de part et d’autre de la frontière pour fabriquer un espace réticulaire. L’interfrontalier, quant à lui est créateur, il met en « mouvement des significations, des représentations, des pratiques culturelles et fait émerger un nouveau

rapport à soi et à l’altérité. C’est un rapport entre territoire qui transforme les territoires en présence

Amilhat-Szary, Fourny, 2006

Le travail d’Emmanuel Bioteau sur la frontière entre la Roumanie et la Hongrie offre à ce propos un point d’appui quant à l’observation des effets sociaux du changement de statut de la frontière. Son effacement relatif à l’heure de l’intégration européenne entraînerait, là encore, une redéfinition du rapport avec l’altérité et les divisions passées. Les régions frontalières apparaissent comme des zones intermédiaires et des espaces de rencontres pour des communautés échangeant des influences endogènes et exogènes (Bioteau, 2007).

La frontière apparait alors comme un objet complexe dont le sens peut varier en fonction des contingences historiques et est constituée sur différentes échelles spatiales au sein de pratiques institutionnelles ou de discours variés (Balibar, 1997 :377 ; A. Paasi, 1999).

L’étude des relations transfrontalières entre Grèce et République de Macédoine doit donc tenir compte de l’évolution du regard de la géographie et des sciences sociales sur la question, et s’inscrire dans la lignée des études frontalières en géographie. Il ne s’agit pas ici d’étudier l’intensité des relations transfrontalières à l’aide des seules données statistiques disponibles, qui ne renseignent que de façon incomplète sur les dynamiques transfrontalières entretenues. Elles laissent hors de portée le sens que celles-ci peuvent prendre ou leurs conséquences sur les acteurs, leurs représentations, et le fonctionnement des sociétés frontalières.

Le rapport à l’autre, au cœur des dynamiques frontalières

Les territorialités contemporaines auraient tendance à s’affranchir des frontières (Amilhat-Szary, Fourny, 2006), mais les frontières politiques perdurent cependant dans leurs effets. Se pose alors la question de la redéfinition des territoires dans les espaces de bordures et d’articulations à la fois, et de ses conséquences sur cette question sensible : si le territoire étatique est un espace construit dans des limites, et par ces limites, une modification de leur

signification ou de leur nature serait à même d’ébranler les États et leurs territoires, tant dans leur configuration que dans leur nature.

Définie comme « l’ensemble des relations qu’une société entretient avec la réalité spatiale et l’altérité » (Raffestin, 1980, cité par Amilhat-Szary, Fourny, 2006), la territorialité représente un mode d’ordonnancement du monde qui catégoriserait et délimiterait des identités et altérités dans l’espace dont les sociétés frontalières donnent à voir des types particuliers à l’image de différents groupes culturels et/ou linguistiques dont les rapports à l’espace et à l’ « autre » sortent du cadre du discours national, rendant visible des configurations locales particulières. La relation transfrontalière vue sous l’angle de territorialités qui se redéfinissent peut ainsi renseigner sur le positionnement par rapport au discours national dominant porté au sein du territoire national. L’approche à l’échelle de la région frontalière permet ainsi d’étudier les relations entre acteurs situés de part et d’autre de la frontière mais aussi de comparer les territorialités d’acteurs localisés au sein d’un même État en rapport à la frontière, afin d’étudier la façon dont elle se compose et se recompose avec les limites politiques de territoires nationaux.

Cette vision inspirée de celle de Raffestin sur la géographie politique s’appuie sur une géographie politique dont l’homme est l’enjeu, en tant que membre d’une collectivité dans son existence quotidienne et dans laquelle le territoire est façonné par les hommes et leurs organisations, mais aussi vécu à travers les relations que ces organisations entretiennent entre elles.

La territorialité reflète la multidimensionnalité du vécu territorial par les membres d’une collectivité, par les sociétés en général »

Raffestin, 1980 Chaque acteur considéré individuellement a ainsi un rapport au territoire qui le façonne en retour, dynamique conditionnée elle aussi par les territorialités d’autres acteurs. Une problématique relationnelle du pouvoir peut alors se construire autour des acteurs, de leurs intentions, stratégies, ainsi que des codes utilisés et les composantes spatiales de leur relation. Populations et territoires sont étudiés ensemble, et l’étude des dynamiques transfrontalières revient à s’intéresser à ce qui se passe à la frontière lorsque celle-ci n’est plus une barrière forte pour les habitants des régions frontalières. L’étude de l’évolution des

territorialités, donc des pratiques d’acteurs dans des espaces en recomposition permet d’observer d’éventuelles recompositions « identitaires » au regard des nouvelles modalités de la relation transfrontalière.

Frontières sociales, l’exemple des frontières ethniques

Aller plus loin dans l’étude des rapports entre identité, espace et territoire frontaliers demande quelques approfondissements sur l’outil d’analyse que représente le concept d’ethnicité.

Chez Barth, les groupes ethniques ne sont pas envisagés comme des unités distinctes alors qu’il « présuppose le contact culturel et la mobilité des personnes et problématise l’émergence et la persistance des groupes ethniques comme unités identifiables par le maintien de leurs frontières » (Poutignat, Streiff-Fenart, 2008 :123). Les groupes ethniques existeraient les uns par rapport aux autres et se définiraient ainsi en faisant appel à un certain nombre de différences ou similarités culturelles, la culture devenant un moyen et non plus un donné. Le maintien et la continuité des groupes ethniques reposeraient donc sur le maintien de la frontière qui les sépare. L’objet privilégié des études portant sur l’ethnicité devient alors l’ensemble des éléments qui sont mis en œuvre pour influencer ces frontières en les renforçant, les aménageant ou les abolissant (Gossiaux, 2001). Celles-ci seraient définies par des bornes, des marqueurs, traits culturels en fonction desquels se fait l’ascription, l’attribution de l’identité, laissant par-là la porte ouverte à un franchissement de cette ligne de démarcation symbolique par un individu, et donc à ce qu’on pourrait appeler la mobilité ethnique.

Ce sont alors les conditions dans lesquelles certaines différences culturelles sont utilisées comme symboles dans la différenciation entre « Nous » et « Eux » qui relèvent de l’ethnicité.

Citant Poyer, Poutignat et Streiff-Fenart relèvent que « la similarité perçue est une reconnaissance de liens matériels, historiques, et non pas une expression d’identité. Le passage de l’un à l’autre se fait par l’affirmation de valeur contrastives ». L’ethnicité n’est alors pas la simple expression d’une culture préexistante mais implique une sélection de

traits culturels qui deviennent des critères d’assignation par les acteurs. Ces traits et symboles culturels sont ainsi des signifiants de la différence ethnique.

Si le caractère relationnel et dynamique de l’identité ne fait aujourd’hui plus débat, certains points de désaccord important subsistent. Ainsi, la question de l’ethnicité comme processus symbolique ou comme processus politique se pose. Quels sont les « motifs » qui poussent les acteurs à se distinguer les uns des autres et à organiser leurs relations sociales autour de ces distinctions ? Ces motifs sont-ils liés à la notion de pouvoir ou bien correspondent-ils à la nécessité d’organiser le monde social de façon significative ? Ces points de vue répondent en réalité à deux questions différentes, à prendre en compte au cours de cette étude. Tout d’abord, les théories mobilisationnistes cherchent à savoir pourquoi c’est l’ethnicité qui est choisie pour organiser la compétition et le conflit social, alors que les approches

« culturelles » cherchent à comprendre comment ces processus de différenciation et d’identification ethnique fonctionnent. La prise en compte de ces deux approches et de leurs questionnements peut alors permettre d’appréhender la question des dynamiques ethniques et des relations transfrontalières en s’intéressant à la fois aux éléments mobilisés dans des processus d’identification à d’éventuels groupes ethniques transfrontaliers, ainsi qu’à l’éventuelle utilisation comme ressource de cette identification et son exploitation par certains acteurs dans le cadre des relations transfrontalières.

Et si les frontières sociales sont définies comme une « limite interne à la société qui tient selon Georg Simmel à la différence de degrés de participation à la société des membres de

Et si les frontières sociales sont définies comme une « limite interne à la société qui tient selon Georg Simmel à la différence de degrés de participation à la société des membres de