• Aucun résultat trouvé

II. Formation et fonction des exosomes

5. Recapture des exosomes

De plus en plus d’études tendent à prouver que les exosomes sont un moyen de communication intercellulaire. Cela implique qu’une fois sécrétés, les exosomes interagissent avec une (des) cellule(s) receveuse(s) modifiant ainsi sa (leur) physiologie. Néanmoins, les mécanismes qui régissent cette interaction sont largement méconnus, notamment pour des raisons techniques, la petite taille des exosomes et la probable rapidité des événements les rendant difficilement observables en microscopie optique. Cependant, il est possible de recenser quelques publications ayant tenté de lever le voile sur la réception des exosomes.

Parmi les protéines exprimées par la majorité des exosomes sécrétés se trouvent les molécules d’adhésion cellulaire et notamment la famille des intégrines. On est en droit de penser que ces

molécules jouent un rôle dans la fixation des exosomes à leur cible. En 2004, les travaux d’Aled Clayton et al ont montré que les exosomes de lymphocytes B portaient les intégrines β1 et β2 et que ces dernières étaient impliquées dans la fixation de ces exosomes à la fibronectine, au collagène et aux fibroblastes activés au (TNF)-α. De plus, la fixation des exosomes à des fibroblastes activés au (TNF)-α déclenche des variations du calcium cytosolique sous la dépendance des intégrines (Clayton et al., 2004). Il est vraisemblable de penser que le ciblage spécifique des exosomes à un ensemble déterminé de cellules receveuses fait intervenir des ligands spécifiques et des molécules d’adhésion. Cela a notamment été démontré dans la communication exosomale entre le système immunitaire et l'épithélium intestinal. Les exosomes sécrétés par ce dernier se fixent préférentiellement aux cellules dendritiques immatures plutôt qu’aux lymphocytes B et T (Mallegol et al., 2007). En 2007, Elodie Segura et ses collaborateurs se sont intéressés au mode d’interaction des exosomes avec les cellules dendritiques. Des DC préalablement fixées au paraformaldéhyde (afin de prévenir tout mouvement membranaire) ne sont alors pas capables d’activer les lymphocytes T lorsqu’on leur fournit un antigène. En revanche, si on les incube avec des exosomes porteurs de complexes CMH-antigène, elles deviennent en mesure d’activer les lymphocytes. Ces résultats montrent que les exosomes sont capables de participer à l’activation des lymphocytes T par les DC sans la nécessité d’une endocytose. D’ailleurs, la fixation des exosomes sur les DC passerait par une interaction entre ICAM-1 (abondamment présent sur les exosomes de cellules dendritiques) et son récepteur LFA-1 sur les DC (Segura et al., 2007).

Les exosomes peuvent donc interagir en surface avec des récepteurs présents à la membrane de la cellule. Cette interaction de surface peut déclencher la transduction du signal à même d’activer la cellule réceptrice. Les exosomes fixés à la surface de la cellule receveuse peuvent également participer à l’activation d’une autre cellule en apportant une partie des protéines nécessaires à cette activation. En revanche, le transfert de protéines cytosoliques ou d’ARN actifs dans le cytosol de la cellule réceptrice implique une fusion de l’exosome avec cette dernière. Cette étape de fusion pourrait avoir lieu soit directement à la membrane plasmique soit avec la membrane limitante de l’endosome après son endocytose, on parle alors de back fusion. Enfin, il est également envisageable que les exosomes soient internalisés par phagocytose (Figure 17).

Figure 17Les différents modes d’interaction des exosomes avec leur cellule cible. Un exosome peut interagir avec des

récepteurs transmembranaires présents à la surface de la cellule réceptrice. Il peut ensuite se produire une transduction du signal directement par activation en surface de récepteurs (1). L’exosome peut également fusionner (ou hémifusionner) directement avec la membrane plasmique, ses protéines se retrouvant ancrées à la membrane de la cellule réceptrice, et son contenu libéré dans le cytosol (2). L’exosome peut également être endocyté, puis fusionner avec la membrane limitante de l’endosome. Son contenu est alors également libéré dans le cytosol, et ses protéines membranaires peuvent se retrouver ré-exprimées en surface après fusion de l’endosome avec la membrane plasmique (3). En outre, les exosomes peuvent servir de partenaire à la cellule réceptrice pour activer une autre cellule, en apportant une partie des protéines nécessaires à cette activation (4). Enfin, l’exosome peut être phagocyté et pourrait, comme avec la membrane de l’endosome, fusionnait avec la membrane du phagosome pour libérer son contenu luminal dans le cytosol (5).

L’hypothèse d’une possible back fusion de l’exosome internalisé (par endocytose ou phagocytose) trouve des arguments favorables dans l’étude des vésicules intraluminales et des virus. En effet, Falguières et al ont démontré que les ILV étaient capables de refusionner avec la membrane limitante des MVE dont elles sont issues (Falguieres et al., 2009). De plus, certains rétrovirus sont endocytés puis sont capables de fusionner avec la membrane de l’endosome, libérant ainsi leur ADN dans le cytoplasme de la cellule. Ce mécanisme de back fusion virale est contrôlé par des protéines qui sont également impliquées dans la formation des vésicules intraluminales (Le Blanc et al., 2005; Luyet et al., 2008). On peut donc imaginer une back fusion exosomale qui impliquerait les mêmes acteurs protéiques. Un tel processus pourrait non seulement permettre le déversement du contenu exosomal dans le cytosol de la cellule mais pourrait aussi conduire à l’entrée de protéines membranaires exosomales dans la membrane endosomale et leur possible réexpression à la membrane plasmique (récepteurs de surface, etc).

Une étude réalisée en 2004 a montré que les exosomes sécrétés par les cellules dendritiques en culture peuvent être endocytés par d’autres cellules dendritiques. Des exosomes de DC marqués avec le colorant lipidique fluorescent PKH67, sont incubés sur des cellules dendritiques et leur internalisation est suivie en microscopies confocale et électronique. Ils sont d’abord localisés au niveau des compartiments endosomaux précoces (colocalisation avec la transferrine) puis ils passent dans les compartiments plus tardifs (colocalisation avec Lamp1 après 20 minutes). In vivo, des exosomes fluorescents injectés à une souris se retrouvent 2h après dans les endosomes des macrophages du sang circulant, puis dans les cellules dendritiques spléniques 24 à 48h plus tard. Ces cellules dendritiques expriment ensuite à leur surface les antigènes apportés par les exosomes et les présentent aux lymphocytes T CD8+ en association avec les molécules du CMH synthétisés dans la cellule dendritique. Il y a donc un apprêtement des antigènes exosomaux dans les endosomes de la cellule réceptrice avant leur exposition en surface (Morelli et al., 2004). La réexpression à la surface cellulaire de protéines apportées par les exosomes implique une fusion des exosomes endocytés avec la membrane limitante de l’endosome, puis une fusion des compartiments endosomaux avec la membrane plasmique. Cette étude semble donc suggérer l’existence du mécanisme de back fusion. En 2008, cette même équipe publie des images convaincantes de microscopie électronique représentant des exosomes marqués aux billes d’or incubés sur des cellules dendritiques et qui se retrouvent à la surface des cellules et dans des compartiments endocytaires (Figure 18 d’après (Montecalvo et al., 2008)).

Figure 18Observation en microscopie électronique de l’interaction entre les exosomes et des cellules dendritiques. Des

exosomes isolés à partir de surnageants de cellules dendritiques issues de la moelle osseuse (BMDC) de souris sont marqués avec un anticorps dirigé contre IAd (CMH II) conjugué à des billes d’or de 5 nm puis incubés sur des BMDC immatures et matures (IAb). Trente minutes plus tard, les exosomes marqués aux billes d’or sont détectés fixés à la surface cellulaire ou à l’intérieur de vésicules endocytaires dans des BMDC immatures (a et b) et matures (c et d). Les encarts sont des grossissements des exosomes indiqués par une flèche. Bar : 100 nm. (Montecalvo et al., 2008).

En 2009, l’équipe de Stefano Fais s’est intéressée à la sécrétion et à la réception des exosomes de mélanomes au sein du microenvironnement particulier de ces cellules tumorales qui survivent dans un environnement acide, une condition qui ne permet pas la survie des cellules saines. Ils ont montré que l’acidité augmentait la sécrétion et la réception de ces exosomes tumoraux par les cellules tumorales. En microscopie confocale, ils démontrent que des exosomes labellisés avec de la NHS-Rhodamine (amine-reactive fluorescent labeling reagent) sont internalisés par des cellules tumorales. En effet, les exosomes marqués NHS-rhodamine colocalisent avec des compartiments de la voie endocytaire mais pas avec l’appareil de Golgi. Ils observent des colocalisations avec les endosomes précoces (marqués avec un anti-Rab5) et les lysosomes (anti-Lamp1). Pourtant, dans la suite de leur étude, basée sur des essais de fusion impliquant le R18, les auteurs s’opposent à l’hypothèse que les exosomes puissent être endocytés. Lors de la fusion de deux membranes lipidiques dont l’une est marquée au R18, la dilution de ce colorant lipophile fluorescent augmente l’émission de sa fluorescence. Des exosomes marqués au R18, ont été incubés sur des cellules tumorales et l'émission de la fluorescence a été mesurée jusqu'à 30 minutes après l’ajout des exosomes, leur permettant d’affirmer des événements de fusion quasi ininterrompus entre les lipides exosomaux et les lipides cellulaires. Ils ont ensuite montré que le taux de fusion des exosomes avec la membrane plasmique était amélioré sous un pH acide reproduisant le microenvironnement des cellules tumorales in vivo. Lorsqu’ils observent au microscope confocal les exosomes R-18 incubés sur des cellules dont les lipides ont été marqués au PKH67, ils constatent une colocalisation des exosomes avec la membrane plasmique mais également avec les membranes intracellulaires (Parolini et al., 2009). Il se pourrait donc que les exosomes fusionnent avec la membrane plasmique (ce que les auteurs affirment) et/ou que les exosomes fusionnent avec la membrane limitante des endosomes après leur endocytose. D’autant plus que la condition d’un pH acide est remplie par les compartiments de la voie endocytaire. Les mécanismes régissant l’internalisation des exosomes sont donc loin d’être totalement élucidés.

En 2011, le groupe d’Adrian E. Morelli s’est à nouveau penché sur l’internalisation des exosomes par les cellules dendritiques. Dans cette étude, ils ont utilisé des exosomes de BMDC (bone marrow-derived cells = cellules dendritiques issues de la moelle osseuse) labellisés avec du pHrodo, un colorant qui émet une fluorescence rouge lorsqu’il est au pH du phagosome. Les BMDC acceptrices cultivées en présence d’exosomes pHrodo se sont mises à émettre de la fluorescence rouge traduisant la phagocytose des exosomes. Ce phénomène serait dépendant de la température et mettrait en jeu le cytosquelette et l’ATPase vacuolaire à protons. Ces observations ont été confirmées in vivo avec l’injection d’exosomes pHrodo dans des souris et la visualisation de cellules dendritiques de la rate fluorescentes rouges et dans une moindre mesure des macrophages et des

lymphocytes B positifs. Ils ont ensuite travaillé avec des exosomes colorés au R18 (dont la fluorescence augmente proportionnellement au niveau de fusion membranaire) pour observer la fusion ou l’hémifusion des exosomes avec les membranes des DC acceptrices. Comme Parolini et al, ils ont constaté que la présence de filipine (qui se fixe au cholestérol et le séquestre) perturbait l’allumage du R18, ce qui signifierait que la fusion/l’hémifusion des exosomes avec leurs cellules receveuses impliquent des microdomaines enrichis en cholestérol. Le fait que les exosomes échangent R18 avec la membrane plasmique des DC ne signifie pas qu’une fusion totale ait lieu à cet endroit. C’est pour cette raison que les auteurs prennent la précaution de parler également d’hémifusion : le R18 présent sur le feuillet externe de la membrane exosomale peut se retrouver dans le feuillet externe de la membrane plasmique dès que les deux feuillets s’unissent et cela suivi ou non d’une fusion totale. L’observation en microscopie électronique d’exosomes marqués aux billes d’or attachés à la membrane plasmique et dans des phagosomes (dans le lumen ou accolés à la membrane limitante) suggère que les exosomes pourraient hémifusionner avec la membrane plasmique puis être internalisés et fusionner avec la membrane du phagosome. Ils n’ont hélàs pas d’images concluantes d’exosomes internalisés fusionnant avec la membrane de la vésicule qui les contient. Pour finir, ils démontrent le déchargement du contenu luminal des exosomes dans le cytosol des BMDC en utilisant des exosomes contenant une luciférine encapsulée (incapable de traverser la membrane lipidique des exosomes) et des cellules receveuses transfectées avec le plasmide codant pour la luciférase. Avec cet outil, la lumière observée par l’action de la luciférase sur la luciférine ne peut être obtenue que par déversement du contenu luminal des exosomes dans le cytosol des cellules receveuses. Technique élégante qui confirme la façon dont les miR se retrouvent dans le cytosol des cellules et peuvent ainsi y jouer leur rôle régulateur (Montecalvo et al., 2011). Cette étude récente n’est pas la seule à suggérer que l’internalisation des exosomes passerait par la phagocytose. En effet, Du Feng et al ont démontré que des exosomes de cellules K562 ou de MT4 (HTLV-1 transformed T-lymphoblastoid cell line) sont internalisés de façon plus efficace par des phagocytes que par des cellules non-phagocytaires. Ils ont notamment observé que non seulement les exosomes se retrouvent entourés d’extensions de la membrane cellulaire et sont présents dans de large phagosomes mais surtout qu’ils sont internalisés conjointement avec des traceurs de la phagocytose. De plus, l’extinction de la dynamine 2, un élément du cytosquelette fortement impliqué dans la phagocytose, inhibe l’entrée des exosomes dans ces cellules (Feng et al., 2010).

Le fait que les exosomes assurent le transfert de miR fonctionnels dans les cellules receveuses permet d’affirmer que le contenu luminal de ces vésicules s’est déversé dans le cytosol cellulaire. Néanmoins, les processus par lesquels ce mécanisme de communication cellulaire passe, doivent encore être étudiés.