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Caractérisation de la sortie des exosomes de neurones corticaux en culture

Julien Fauré et Gaëlle Lachenal ont tous deux démontré que la dépolarisation membranaire augmente la sortie des exosomes chez les neurones jeunes et chez les neurones matures. Pour mesurer l’effet produit par la dépolarisation, je me suis penchée sur la sécrétion non stimulée des neurones en culture en comparaison de neurones dépolarisés pendant 3h en K25 (milieu basal contenant 25 mM de KCl). Pour cela, des neurones corticaux ont été incubés dans du milieu conditionné préalablement ultracentrifugé et réchauffé, bouchon entrouvert dans l’étude de culture. Nous avons appelé ce milieu MCEF (milieu conditionné exosome-free). Les cellules ont été placées dans ce milieu MCEF pendant 64h. Le jour de la récupération de ces surnageants, d’autres neurones (en quantité égale, environ 25 millions de cellules) ont été placés 3h en K25. Les surnageants de ces deux conditions de sécrétion ont été traités en parallèle. Les microvésicules purifiées et culottées à 100 000 g ont été déposées sur des gradients continus de sucrose distincts dont les fractions ont été analysées en Western blot (Figure S24). La comparaison des signaux est éloquente. Pour les neurones stimulés 3h en K25, les fractions exosomales sont aisément repérées grâce aux signaux Alix et Flotilline-1 (pics dans les fractions 5 et 6). En revanche, pour les neurones incubés 64h en MCEF, le signal Flotilline-1 repéré dans les mêmes fractions est très faible et le signal Alix n’a pu être exploité (bruit de fond).

Cette expérience laisse penser que sans stimulation externe, les neurones en culture sécrètent peu d’exosomes. Ce serait oublier que les exosomes sécrétés dans le MCEF par les neurones durant 64h ont pu être repris par les cellules environnantes ou dégradés. Elle confirme le fort impact d’une dépolarisation sur la sortie des exosomes.

L’inconvénient de cette dépolarisation pendant 3h est qu’elle peut s’avérer toxique pour les neurones en culture. Nous nous sommes alors tournés vers la stimulation de la sortie des exosomes via l’activité synaptique neuronale.

Figure S24 Comparaison de la sécrétion exosomale non stimulée avec celle induite par la dépolarisation membranaire.

Des neurones corticaux à 15 DIV ont été soit stimulés 3h dans une solution dépolarisante contenant 25 mM de KCl (K25) soit placés dans du milieu conditionné dépourvu d’exosomes (MCEF) pendant 64h. Les exosomes sécrétés dans les deux conditions ont été récoltés et déposés sur un gradient de sucrose. Les lysats cellulaires et les fractions du gradient ont été analysés en Western blot avec des anticorps dirigés contre Alix et Flotilline-1.

La bicuculline, un antagoniste des récepteurs GABAA, stimule indirectement l’activité glutamatergique en bloquant l’activité des synapses inhibitrices. Dans l’article 1, nous avons constaté que son utilisation entraînait une sortie massive d’exosomes neuronaux culottés à 100 000 g. J’ai analysé l’effet de la bicuculline sur des exosomes séparés sur gradient de sucrose et j’ai comparé son impact sur la sécrétion exosomale avec celui de la dépolarisation membranaire. Pour cela, j’ai récupéré les exosomes sécrétés par un même nombre de neurones (8 millions de cellules environ) ayant été stimulés soit par la bicuculline pendant 10 minutes soit par la dépolarisation membranaire pendant 3h. La comparaison des signaux Alix obtenus pour chacun des gradients de sucrose est sans équivoque : la bicuculline a un effet beaucoup plus fort que la dépolarisation membranaire (Figure S25A). Et ceci est d’autant plus convaincant que l’effet observé avec la bicuculline sur la sécrétion exosomale est extrêmement rapide (10 min dans du K5+bicuculline versus 3h en K25).

La Figure S25B permet de comparer les culots 100 000 g obtenus à l’issue de différents timings de sécrétion. Quel que soit le temps d’incubation utilisé pour la bicuculline (30 minutes, 3h, 16h), son effet est drastique comparé à celui produit par les 3h en K25. Il apparaît qu’il n’est pas nécessaire d’incuber les neurones pendant un temps long pour observer l’effet stimulant de la bicuculline sur la sortie des exosomes. Enfin, face aux problèmes de toxicité parfois observés avec la dépolarisation membranaire durant 3h, j’ai vérifié l’état de forme des neurones après incubation avec de la bicuculline. La morphologie des neurones et l’état de leurs noyaux (non condensés) permettent d’affirmer la non-toxicité de ce mode de stimulation pour les neurones (Figure S25D).

Dans l’article 1, l’effet de la bicuculline sur les exosomes est quantifié mais n’est pas corrélé avec son action physiologique sur les MAPkinases Erk 1 et 2. En effet, lorsque la bicuculline inhibe les neurones GABAergiques, cela stimule les neurones glutamatergiques, ce qui entraîne dans ces neurones une cascade de réactions dont la phosphorylation des Erk1/2 (extracellular-signal-regulated kinases). Pour confirmer l’action de la bicuculline sur nos cultures primaires, nous avons lysé les cellules et vérifier la phosphorylation des MAPkinases Erk1/2. Lorsque l’on compare des lysats de neurones incubés dans du milieu basal K5 contenant 40 µM de bicuculline à des neurones non stimulés (placés dans du K5), on constate que l’action de cet antagoniste des récepteurs GABAA

est confirmée par la phosphorylation des extracellular-signal-regulated kinases (ERK) et s’accompagne d’une augmentation de la quantité d’exosomes sécrétés (Figure S25C).

Figure S25 Analyse approfondie de l’action de la bicuculline sur la sécrétion d’exosomes par les neurones corticaux. A) les

neurones corticaux à 15 DIV ont été incubés - soit dans du K5 contenant 40 µM de bicuculline (Bicu.) pendant 10 minutes - soit 3h en K25. Les exosomes sécrétés à l’issue de ces deux protocoles de stimulation sont récupérés et traités en parallèle. Le culot 100 000 g (input: 5% de ce culot) est déposé sur un gradient continu de sucrose. Les lysats cellulaires, les inputs, et les différentes fractions du gradient sont analysés en Western blot, les exosomes sont détectés à l’aide d’un anticorps anti-Alix. B) Comparaison de la quantité d’exosomes sécrétés par des neurones incubés dans une solution contenant 40 µM de bicuculline à des temps variés (16h, 30 min, 3h) avec des exosomes sécrétés par des neurones placés 3h dans une solution dépolarisante (K25). C) La bicuculline entraîne la phosphorylation des Map-kinases Erk1/2 et induit la sortie des exosomes. Les lysats neuronaux placés en milieu K5 contrôle (Ctrl.) ou en milieu de stimulation (40 µM de bicuculline, Bicu.) et leurs exosomes (culot 100 000 g) sont analysés en Western blot. Les Map-kinases Erk1/2 non phosphorylées sont repérées avec un anti-Mek, les Map-kinases phosphorylées avec un anti-Erk1/2-P et les exosomes sont repérés avec un anti-Flotilline-1. D) les neurones ne souffrent pas de la stimulation en bicuculline ; vérification de l’état de forme des neurones après incubation dans du K5 contenant 40 µM de bicuculline.

En dernier lieu, nous avons incubé des neurones corticaux avec de la tétrodotoxine (TTX), une neurotoxine qui bloque les potentiels d’action en se fixant aux canaux sodiques voltage-dépendants. La sortie des exosomes (détectés en Western blot avec un anti-Flotilline-1) est alors complètement inhibée (Figure S26). Cette dernière observation confirme que la sécrétion exosomale par des neurones en culture dépend strictement de l’activité synaptique des neurones.

Figure S26 La sécrétion des exosomes par les neurones en culture est strictement reliée à l’activité synaptique. Des

neurones corticaux à 15 DIV ont été incubés pendant 10-15 minutes dans du milieu contrôle K5 (Ctrl.), du milieu K5 contenant 40 µM de bicuculline (Bicu.) ou du milieu K5 contenant 0,5 µM de tétrodotoxine (TTX). Les lysats cellulaires et leurs exosomes (culot 100 000 g) ont été analysés en Western blot à l’aide d’un anticorps anti-Flotilline-1.