1.3 Rayons d’ondes internes
1.3.2 Rayons d’ondes internes en champ proche
Dans sa thèse, Louis Gostiaux [Gos06, §4.2-4.3] montre qu’en pratique, la
taille de l’objet oscillant peut difficilement être ignorée. Il montre notamment
que le modèle de Hurley et Keady [HK97], de 25 ans le cadet de [TS72], est
plus adapté aux rayons dans l’océan.
Modèle de Hurley et Keady
Les hypothèses de [HK97] comprennent celle de Boussinesq, la non-prise
en compte des effets non-linéaires (amplitude de déplacement de l’objet
faible devant sa taille), l’approximation de couche limite avec cette fois
ε
hk= δ
2tanθ/2R
2, δ = p
ν/ω étant l’épaisseur de la couche limite
vis-queuse autour de l’objet et R sa taille caractéristique (rayon dans le cas
d’un cylindre). Une condition à la limite de l’objet de glissement sans
frot-tement est implémentée, ce qui implique que l’objet “effectif” est considéré
comme étant l’objet solide augmenté de la couche limite visqueuse
l’entou-rant, d’épaisseurδ. Dans le cadre de ces approximations, le modèle [HK97]
1.3. Rayons d’ondes internes 29
Figure 1.12 – Enveloppe du rayon de Hurley et Keady pour ω/N = 0,5 et R =
1,5 cm (tiré de [Gos06, Fig. 4.6]).
prédit que le déplacement ξ
hkdes particules est tel que :
ξ
hk∝s
−1/3ℑ(A
hk(η, s, t)), (1.42)
avec :
A
hk(η, s, t) =
Z
∞ 0J
1a
hk(Rs)
1/3K
exp
−K
3+ia
hkη
s
1/3K−ωt
dK,
(1.43)
avec J
1la fonction de Bessel de première espèce d’ordre 1 et avec a
hk=
(R
2/ε
hk)
1/3= (2R
4cotθ/δ
2)
1/3. On peut remarquer que du fait de la taille
de l’objet, on ne peut plus regroupersetηen une seule variable (ce qui nous
avait permis de faire intervenir les variables p etq dans le modèle [TS72]) :
le profil n’est plus autosimilaire. En revanche, à grande distance, du fait de
la viscosité, seules les faibles valeurs deK contribuent significativement à la
structure du rayon. Or, pour ζ ≫1,J
1(ζ)∝ζ et donc lim
s→∞ξ
hk=ξ
ts, ce
qui fait de [TS72] une bonne approximation de [HK97] en champ lointain.
Enfin, il est utile de remarquer que la décroissance de l’amplitude de ξ
hkn’est pas ens
−1/3car une partie de sa dépendance ensest contenue dans la
fonction de Bessel.
L’enveloppe du rayon de Hurley et Keady est tracée en figure 1.12. On
voit que près du cylindre oscillant, le rayon comporte deux maxima autour
de l’axe (0,e
s) : on parle alors de rayon bimodal. Au fur et à mesure de la
propagation, les deux moitiés de rayon fusionnent pour donner un rayon de
Thomas et Stevenson unimodal.
Rayons générés par une topographie
Si on se rapproche encore du cylindre, on observe un champ d’ondes
internes tel que tracé en figure 1.13(a). À chaque fois que l’angle de la
tan-(a) (b)
Figure1.13 – (a) Gradient vertical de densité associé à des ondes internes émises
par un cylindre de rayonR= 3cm, pourω/N= 2/3. Un des huit “demi-rayons” est
coupé transversalement par la ligne en pointillés (il s’agit en fait de la figure [Gos06,
Fig. 4.12] tournée de 90° pour pouvoir être comparée à (b)). (b) Comparaison entre
des expériences de génération d’ondes par un talus continental (en haut) et la théorie
de Hurley et Keady (en bas). Pour l’expérience, le gradient vertical de densité filtré
harmoniquement à la fréquence de forçage est affiché. Les distances sont en cm (tiré
de [GD07, Fig. 3]).
gente au cercle est critique, c’est à dire égal à θ, un rayon est émis dans
les deux directions permises par la relation de dispersion. Il y a donc huit
“demi-rayons” émis qui vont s’apparier pour former les quatre rayons de la
croix de Saint-André. Notons que d’après la forme analytique deA
hk(1.43),
un demi-rayon isolé tendra aussi vers un profil de type Thomas et Stevenson
en champ lointain.
Dans l’océan, des topographies présentant des pentes critiques peuvent
émettre des rayons d’ondes internes. Cela peut se produire par exemple avec
des montagnes, dorsales ou rebords de plateaux continentaux suffisamment
pentus ([PN89,PN91], figure1.14). Gostiaux et Dauxois [Gos06,GD07] ont
montré expérimentalement que ces deux rayons d’ondes peuvent s’apparenter
à deux demi-rayons émis à un endroit de pente critique d’un cercle dont le
rayon est égal au rayon de courbure de la topographie au même endroit, en
comparant de manière quantitativement satisfaisante la structure du rayon
émis par un rebord de plateau continental idéalisé avec la prédiction du
modèle de Hurley et Keady (cf.figure 1.13(b)).
Ainsi, un rayon d’ondes internes dans l’océan est apparenté à un
demi-rayon de Hurley et Keady. On peut conjecturer que si le demi-rayon de courbure
de la topographie est de taille comparable ou supérieure à la distance sur
1.3. Rayons d’ondes internes 31
(a) (b)
Figure 1.14 – (a) Topographie sous-marine du Golfe de Gascogne. Les zones en
bleu clair correspondent au plateau continental profond d’environ 200 m, les zones
en bleu foncé à l’océan abyssal profond d’environ 4 km. La ligne rouge correspond à
la ligne le long de laquelle la coupe de la topographie est affichée en (b), qui montre
l’émission de deux rayons d’ondes internes à l’endroit où la pente est critique. La
composante de vitesse affichée u (unités arbitraires) est extraite d’une simulation
numérique linéaire et filtrée harmoniquement à la fréquence de la marée semi-diurne
(de période 12,42 h). Figure adaptée de la figure7.7.
laquelle les rayons se propagent, le modèle le décrivant au mieux sera [HK97].
Suffisamment loin de sa zone de génération (typiquement 50 km pour le
Golfe de Gascogne), [TS72] sera un modèle satisfaisant, en gardant en tête
le fait que l’affirmation repose sur des approximations importantes (2D,N =
cte. . .).
Les travaux de Gostiaux et Dauxois ont été cités, ceci dû au fait que
l’au-teur du manuscrit a été sensibilisé à leurs travaux très tôt. Il faut cependant
préciser que ces conclusions ont été tirées postérieurement mais
indépendam-ment par une équipe de l’Université du Texas à Austin ([ZKS07]).
Dans le document
Réflexions et réfractions non-linéaires d'ondes de gravité internes
(Page 39-42)