1.3 Rayons d’ondes internes
1.3.1 Rayons d’ondes internes en champ lointain
Comme nous l’avons dit en §1.2.2, en 1967, Mowbray et Rarity [MR67]
ont observé expérimentalement la croix de Saint-André caractéristique de
la relation de dispersion des ondes de gravité internes (cf. figure1.9). Cinq
ans plus tard, Thomas et Stevenson [TS72] ont proposé une modélisation
analytique des observations de Mowbray et Rarity. Il a été prouvé par Peat
[Pea78] que les conclusions présentées ici ne changent pas radicalement pour
une étude avec rotation.
Sans perte de généralité, Thomas et Stevenson s’intéressent au rayon du
premier cadran et commencent par tourner le repère cartésien d’un angleθde
manière à ce que les nouveaux axes(O,e
s) et(O,e
η)soient respectivement
dans le sens de c
get de k, avec un nouveau jeu de coordonnées (s, η) tel
que s = xcosθ+zsinθ et η = xsinθ−zcosθ (cf. figure 1.10). De plus,
devant modéliser des phénomènes d’échelles centimétriques, ils ne négligent
pas la viscositéν. Curieusement
9, l’étude réalisée en [TS72] est réalisée sans
inclure directement certaines approximations devenues usuelles telles que
Figure 1.9 – Expérience de Mowbray et Rarity [MR67, Planche 1(6)], visualisée
par strioscopie et avecω/N= 0.699.
O x
z
s
η
θ
|η| = Λ
0s
1/3/(2a
ts)
k
k
c
gFigure 1.10 – Rayon de Thomas et Stevenson. Son amplitude diminue en s
−2/3et la courbe |η| = Λ
0s
1/3/a
tspermet d’estimer l’évolution de la longueur d’onde
dominanteλle long du rayon.
l’approximation de Boussinesq ou le fait de considérer la viscosité comme
constante. Ils supposent cependant que les déplacements du fluide sont très
faibles (termes non-linéaires négligés) et surtout que le champ (de vitesse,
de déplacement. . .) a une structure de couche limite interne.
Cette dernière approximation est guidée par les expériences de [MR67] et
signifie que les variations selonssont bien moins importantes que les
varia-tions selonη(cf.figure1.9) et que le faisceau est concentré transversalement
dans une très faible portion de l’espace
10. La traduction en termes
mathé-matiques de cette approximation est que ∂
sest du même ordre que ε
ts∂
η(ε
ts= ((N
2ων/2g
2) tanθ)
1/3≪1) et quelim
η→±∞(v, b, P) = 0.
Après adimensionnalisation et développement au premier ordre enεts des
1.3. Rayons d’ondes internes 27
−1 −0.5 0 0.5 1
−1
−0.5
0
0.5
1
Λ
0k
p/Λ
0A
tsFigure 1.11 – Profil de la fonctionA
ts(p, q), c. à d. du rayon de Thomas et
Ste-venson pourp=a
tsηs
−1/3etq=ωt. Les traits pointillés sont l’enveloppe du profil
|A
ts|, le profil tracé en rouge correspond à q = 0 et les autres profils sont tracés
pourq=nπ/10 (n= 1. . .5).
équations régissant la dynamique des fluides, les auteurs de l’article montrent
que le champξ
tsde déplacement des particules le long du rayon doit être tel
que :
ξ
ts∝s
−2/3ℑ(A
ts(a
tsηs
−1/3, ωt)), (1.39)
ℑ désignant la partie imaginaire, ats = (g/N ω)
2/3/εts = (2ω/νtanθ)
1/3et
avec :
A
ts(p, q) =
Z
∞ 0Kexp −K
3+i(pK−q)
dK. (1.40)
Le profilA
ts(p, q) est affiché en figure 1.11.
La forme de ξts est riche en contenu physique. Par définition de Ats, le
rayon est le résultat de la superposition d’une infinité d’ondes planes ayant la
même fréquenceω mais des nombres d’ondes différents. Il est tout de même
possible de définir une “longueur d’onde dominante” λ, calculée à partir de
K
0= 3
−1/3qui maximise Kexp(−K
3). La longueur d’onde adimensionnée
correspondante est Λ
0= 2π3
1/3et en définissant λtelle que Λ
0=a
tsλs
1/3,
on obtient :
λ= 2π
3sνtanθ
2ω
1/3, (1.41)
Cette méthode peut apparaître approximative mais la figure 1.11 montre
nettement que pour q= 0,Λ
0est la distance entre les deux zéros de A(p, q)
entourant p = 0. Ainsi, la longueur d’onde λ et donc la largeur du rayon
augmentent ens
1/3. Il est remarquable que quelque soits, la forme du rayon
s’étire mais ne change pas, d’où la qualification d’autosimilaire et qui justifie
que la longueur d’onde ait été cavalièrement associée à la largeur du rayon.
Ensuite, par hypothèse du modèle, la structure du rayon ne dépend pas
de la taille de l’objet. Plus spécifiquement, en s= 0 (à l’origine), λ = 0et
tout se passe donc comme si on se plaçait infiniment loin de l’objet, d’où le
fait que ce modèle soit adapté au champ lointain.
Pour ce qui est de l’amplitude, elle décroît le long du faisceau en s
−2/3.
Les responsables sont en fait les effets dissipatifs, qui sont en outre
respon-sables de l’élargissement du rayon. En effet, plus une onde plane a un nombre
d’onde k élevé (petite échelle), plus la viscosité va atténuer son amplitude.
Ainsi, au cours de sa propagation le long du rayon, un paquet d’onde
possé-dant initialement toutes sortes d’échelles du fait de la taille nulle de l’objet
oscillant va progressivement voir ses petites échelles se dissiper et la largeur
du rayon va donc augmenter, en plus de voir son amplitude diminuer. Ces
considérations (élargissement du rayon ens
1/3, diminution de son amplitude
ens
−2/3) sont résumées en figure1.10.
On voit donc que la dissipation visqueuse joue un rôle fondamental dans
l’existence des rayons dont la longueur d’onde est proportionnelle à ν
1/3.
Dans l’océan, les échelles en jeu pour les rayons d’ondes internes sont de
l’ordre de 100 m, pour des vitesses de l’ordre de 10 cm.s
−1. Ainsi, les nombres
de Reynolds construits avec la viscosité moléculaire de l’eauν= 10
−6m
2.s
−1sont de l’ordre de 10
7et la viscosité moléculaire n’a pas d’effet sur de tels
rayons. Cependant, de tels nombres de Reynolds indiquent que l’écoulement
est turbulent à l’intérieur des rayons. Or, la turbulence augmente fortement la
diffusion de quantité de mouvement et peut être modélisée par une viscosité
effective supérieure à la viscosité moléculaire de plusieurs ordres de grandeur
(p. ex. [GHP01, §11.1]). Ainsi, dans l’océan comme dans le laboratoire, la
viscosité (éventuellement turbulente) joue un rôle essentiel dans la définition
de l’échelle transverse des rayons d’ondes internes.
Dans le document
Réflexions et réfractions non-linéaires d'ondes de gravité internes
(Page 36-39)