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3. CONCEPTS-CLÉS D’UNE ÉVALUATION ÉCONOMIQUE

3.7. Ratio de coût-efficacité incrémental et son acceptabilité

Pour réaliser la comparaison d’efficience entre deux interventions concurrentielles, il est recommandé d’utiliser le ratio incrémental de coût-efficacité (Incremental Cost- Effectiveness Ratio [ICER]), qui permet d’apprécier les coûts et les bénéfices additionnels d’une approche comparativement à une autre (Drummond et al., 2015). Il consiste en la différence des coûts totaux moyens par participante (ΔC) entre la nouvelle intervention et l’approche usuelle de soins, divisée par la différence moyenne des effets (ΔE) entre les deux mêmes interventions : ICER = ΔC/ΔE. L’incertitude entourant cet ICER est alors évaluée à partir d’analyses par bootstrap.

L’analyse par bootstrap non paramétrique permet de répliquer un nombre x d’échantillons (habituellement entre 1 000 et 5 000 ré-échantillons), en se basant sur l’échantillon original pour attribuer des valeurs au hasard et avec remplacement à chacun des ré-échantillons. Conséquemment, nous nous retrouvons avec x nombre d’échantillons composés du même nombre d’observations que l’échantillon original, où certains individus peuvent avoir été « pigés » plusieurs fois, alors que d’autres pas du tout. L’ICER sera alors calculé pour chacun de ces ré-échantillons à partir de la différence des coûts totaux moyens et du taux de naissance vivante entre les deux groupes d’intervention. Enfin, un intervalle de confiance à 95 % est calculé en excluant 2,5 % des ICER observés aux deux extrémités (ICER négatifs et positifs).

L’analyse par bootstrap paramétrique est une autre méthode d’analyse, encore peu utilisée dans le domaine de la santé. Elle utilise la même méthode de ré-échantillonnage que l’analyse par bootstrap non paramétrique, mais elle en diffère par la manière dont elle calcule

l’ICER. En effet, elle utilise une méthode de régression pour estimer le coefficient accordé à la variable groupe pour prédire le coût total moyen observé dans l’échantillon et le taux de naissance vivante, tout en introduisant d’autres variables de contrôle dans le modèle. Ainsi, puisque la variable groupe est dichotomique (cotée 1 pour intervention et 0 pour contrôle), le coefficient qui lui est accordé dans le modèle pour prédire le coût total moyen et le modèle pour le taux de naissance vivante correspond à la différence entre les deux groupes pour ces deux variables dépendantes respectives (Davidson & MacKinnon, 2005; Drummond et al., 2015). L’ICER est ensuite calculé en effectuant le ratio entre ces deux coefficients. En utilisant l’analyse par bootstrap, il est alors possible de générer x nombre d’itérations, chacune générant un ICER en contrôlant pour les variables incluses dans le modèle, et ainsi d’apprécier leur dispersion sur le plan de coût-efficacité. La principale limite des analyses par bootstrap paramétrique réside dans la prémisse que la distribution des variables est normale (Davidson & MacKinnon, 2005). Malheureusement, il est bien reconnu que la distribution des variables relatives aux coûts ne suit que très rarement une distribution normale. Ainsi, l’application des analyses par bootstrap paramétrique peut être limitée dans le cas des évaluations économiques, ce qui est en effet suggéré par la faible littérature disponible sur cette technique dans le domaine.

Une fois les analyses par bootstrap, la représentation visuelle de l’ICER sur un plan de coût-efficacité (Figure 1) permet de visualiser le scénario dans lequel s’inscrit l’ICER, ainsi que l’incertitude l’entourant. Selon la position de l’ICER sur le quadrant, l’un des quatre scénarios suivants sera retenu : 1) le nouveau programme est plus dispendieux et plus efficace que l’approche usuelle (quadrant nord-est ; ICER positif (> 0), selon ΔC > 0 et ΔE > 0) ; 2) le nouveau programme est moins dispendieux, mais plus efficace (quadrant sud- est, scénario idéal ; ICER négatif (< 0), selon ΔC < 0 et ΔE > 0) ; 3) le nouveau programme est moins dispendieux, mais aussi moins efficace (quadrant sud-ouest ; ICER > 0, selon ΔC < 0 et ΔE < 0) ; et 4) le nouveau programme est moins efficace, mais plus dispendieux (quadrant nord-ouest, pire scénario ; ICER < 0, selon ΔC > 0 et ΔE < 0).

La décision d’adopter ou non un programme par un décideur peut être simple lorsque l’ICER de celui-ci se situe dans le quadrant sud-est (meilleur scénario) ou le quadrant nord- ouest (pire scénario). Par contre, dans les cas où l’ICER est dans les quadrants nord-est ou sud-est, la décision peut être plus ambiguë. Ainsi, le décideur doit être en mesure de se prononcer sur l’acceptabilité de l’ICER observé, c’est-à-dire s’il juge que le coût moyen à débourser pour obtenir une amélioration de l’efficacité, mesurée en fonction du type d’évaluation économique retenue (ex. QALY pour l’ACU, cas de rémission pour l’ACE) est acceptable. Dans le cas de l’ACU et de sa mesure d’efficacité, le QALY, il est généralement admis par l’ACMTS que la valeur seuil pour bénéficier d’un QALY supplémentaire par l’implantation d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau programme est de 50 000 $CA par QALY (Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2017). Cependant, dans le contexte de l’ACE, puisque les interventions peuvent agir sur différentes problématiques de santé avec des unités de mesure d’efficacité différentes, il n’existe pas de valeur seuil universelle. Plutôt, les décideurs peuvent se prononcer sur l’acceptabilité d’un programme en comparant sa valeur d’ICER à celle d’autres programmes concurrentiels, ou encore en portant un jugement sur la valeur absolue de l’ICER observé au moyen de valeurs de VAP précédemment rapportées.

∆ coûts ∆ effets + + Quadrant nord-est :

nouvelle intervention plus efficace et plus coûteuse

Quadrant sud-est : nouvelle intervention dominante Quadrant nord-ouest :

nouvelle intervention dominée

Quadrant sud-ouest : nouvelle intervention moins efficace et moins coûteuse

Figure 1.

L’approche du classement consiste à comparer l’ICER d’un programme à celui d’autres programmes concurrentiels, en classant les programmes de manière croissante, i.e. du programme avec le plus petit ICER (le moins dispendieux par unité d’efficacité) à celui avec l’ICER le plus élevé (le plus dispendieux par unité d’efficacité). Le financement des programmes se fera de manière descendante, débutant par les programmes avec l’ICER le plus faible par unité d’efficacité et ainsi de suite, jusqu’à ce que toutes les ressources disponibles soient allouées (Briggs & Gray, 2000). Bien que cette approche possède l’avantage d’être simple, malheureusement elle ne permet pas d’apprécier la méthodologie derrière les études rapportant ces ICER, qui est souvent disparate, ainsi que l’incertitude entourant les résultats rapportés.

Ainsi, la méthode selon la VAP a été préférée et emprunte le principe de l’analyse coût-bénéfice selon lequel chaque unité d’efficacité, même en santé, peut être exprimée en une valeur monétaire. Cette valeur peut alors représenter le seuil maximal (nommé aussi lambda ; 𝝀) que nous sommes prêts à débourser pour obtenir une unité supplémentaire d’efficacité. Dans les cas où des études précédemment publiées ont évalué la VAP relative à l’unité d’efficacité d’intérêt, celle-ci peut être alors utilisée pour guider la décision d’adopter ou non le nouveau programme proposé. Comme mentionné dans la section 4.3, puisqu’il peut être difficile d’attribuer une valeur monétaire à des unités naturelles de santé, une approche alternative a été développée, soit celle des CEAC (Briggs, 1999). Lorsque la valeur seuil (𝝀) exacte pour l’unité d’efficacité d’intérêt est inconnue, l’utilisation des CEAC permet d’évaluer la probabilité selon laquelle le programme serait jugé efficient selon plusieurs valeurs de 𝝀 (Gafni & Birch, 2006). La Figure 2 présente un exemple de CEAC, où il est possible d’observer la probabilité de l’efficience du programme X en fonction de la VAP pour une unité d’efficacité supplémentaire causée par le programme X en comparaison aux soins habituellement offerts. Ainsi, dans l’exemple présenté à la Figure 1, s’il était admis que la VAP pour l’unité d’efficacité mesurée était de 800 $, alors la probabilité que le programme X soit jugé efficient serait de 40 %. Il est aussi possible de mettre l’emphase sur la probabilité en affirmant, par exemple, que selon une probabilité de 80 %, le programme X serait efficient si nous sommes prêts à débourser 1 000 $ supplémentaire par unité d’efficacité mesurée.

Enfin, lorsque la VAP à payer du paramètre d’efficacité est connue et que l’ICER obtenu par l’ACU ou l’ACE est négatif, il peut être utile d’appliquer le concept du bénéfice monétaire net (BMN). Ce dernier, équivalent à 𝝀 * ΔE – ΔC, permet d’interpréter facilement l’efficience d’une intervention. En effet, un ICER négatif peut indiquer deux scénarios complètement opposés, soit que la nouvelle intervention est dominante (scénario idéal) ou encore qu’elle est dominée (pire scénario). L’utilisation du BMN permet alors rapidement de voir la source et l’amplitude de la différence entre les effets et les coûts (Reed, 2014). Lorsque le BMN est positif, c’est-à-dire que la valeur monétaire accordée aux gains en efficacité est supérieure aux coûts incrémentaux engendrés par l’intervention, alors la nouvelle intervention est jugée acceptable. Dans le cas contraire, celle-ci engendre plus de coûts que de gains. L’utilisation du BMN a aussi des avantages lors de l’élaboration des intervalles de confiance, puisqu’il peut faire l’objet de régressions linéaires classiques (Hoch & Dewa, 2014). 0.00 0.10 0.20 0.30 0.40 0.50 0.60 0.70 0.80 0.90 1.00 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 Pr ob ab ili té qu e le p ro gr am m e X so it ef fic ie nt

Volonté à payer pour une unité de santé supplémentaire produite par le programme X

Figure 2.