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2. PROBLÉMATIQUE

2.7. Perte de poids sur la fertilité féminine, en contexte d’obésité

2.7.1. Méthodes chirurgicales

Les méthodes chirurgicales pour le traitement de l’obésité sont regroupées sous le terme de « chirurgie bariatrique », et incluent un ensemble de techniques. Celles-ci peuvent être classées en deux principaux types : 1) les techniques restrictives (anneau gastrique et gastroplasties) et 2) les techniques mixtes (restrictives et malabsorptives; dérivations gastriques et dérivations biliopancréatiques). Les premières contraignent le patient à diminuer la quantité d’aliments ingérés en réduisant l’espace gastrique disponible, soit par la création d’une poche gastrique par agrafage horizontal ou vertical de l’estomac, ou par la mise en place d’un anneau autour de la partie supérieure de l’estomac. Les deuxièmes utilisent le principe de restriction gastrique, additionnée d’une malabsorption des aliments par les intestins. Ces techniques consistent en une résection d’une partie de l’estomac (technique restrictive) et la création d’une dérivation, ou d’un court-circuit, entre l’estomac et le petit intestin (dérivation biliopancréatique) ou le jéjunum et l’intestin grêle (dérivation gastrique Roux-en-Y) (Buchwald et al., 2004).

Les lignes directrices en matière d’accès à la chirurgie bariatrique au Canada recommandent celle-ci aux individus avec un IMC ≥ 40 kg/m2, ou un IMC ≥ 35 kg/m2 avec présence d’au moins une comorbidité sévère, et après une tentative infructueuse d’atteindre un poids santé au moyen d’une intervention orientée vers un changement des HDV (Lau et al., 2007). Il est estimé qu’en 2017-2018, un peu plus de 10 000 chirurgies bariatriques ont eu lieu au Canada (Obesity Canada - Obésité Canada, n.d.). Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé, 2003), la chirurgie bariatrique représente actuellement le seul traitement ayant une efficacité à long terme contre l’obésité et ses complications. Une revue systématique, avec méta-analyse publiée en 2014, rapporte des taux de rémission de l’ordre

de 92 % pour le diabète de type 2 et de 75 % pour l’hypertension artérielle et les dyslipidémies, en plus d’une diminution entre 12 et 17 points d’IMC 5 ans post-chirurgie bariatrique (S.-H. Chang et al., 2014). À cela s’ajoute une seconde et récente méta-analyse rapportant une diminution significative du risque d’événements cardiovasculaires (RC avec IC à 95% : 0,71 [0,54-0,94]), de cancer (RC avec IC à 95% : 0,74 [0,65 – 0,85]) et de mortalité toutes causes confondues (RC avec [IC à 95%] : 0,55 [0,46 – 0,65]), comparativement à des patients contrôles (Zhou et al., 2016).

Comme toute opération chirurgicale, la chirurgie bariatrique comporte certains risques et complications. L’avancement des techniques utilisées dans les dernières décennies, notamment l’usage de techniques minimalement invasives telles que la laparoscopie, a permis de réduire ces risques et complications. Ainsi, le taux de mortalité rapporté est de 0,28 % dans les 30 jours suivant la procédure chirurgicale et de 0,35 % pour la période entre 30 jours et 2 ans post-chirurgie (Buchwald, Estok, Fahrbach, Banel, & Sledge, 2007). Les principales causes de décès pour ces périodes étant la thromboembolie veineuse, les complications cardiopulmonaires et les complications en raison de fuites gastro-intestinales (Longitudinal Assessment of Bariatric Surgery (LABS) Consortium et al., 2009; Morino et al., 2007).

Par contre, bien que son risque de mortalité soit faible, Chang et coll. ont rapporté, dans leur méta-analyse incluant 16 essais randomisés contrôlés, un taux de complications directement associées à la chirurgie de 17 % toute technique chirurgicale confondue, et d’un taux de ré-opération nécessaire dans 7 % des cas (S.-H. Chang et al., 2014). Quant aux mois et années suivant l’opération, les patients ayant subi une chirurgie bariatrique sont contraints à un suivi régulier et à long terme pour limiter les risques de déficience en nutriments. Il a été en effet rapporté que jusqu’à 75 % des patients présenteraient une déficience en fer suite à l’opération, et que près de 100 % des patients auraient des carences importantes en vitamine D et en calcium en raison d’un apport calorique inadéquat et réduit, et d’une malabsorption des nutriments suite à l’opération (Pareek et al., 2018).

Quant à la population de femmes obèses ayant conçu après avoir subi une chirurgie bariatrique, l’ASRM rapporte que celle-ci aurait des risques réduits de complications durant

la grossesse, tels que le diabète gestationnel, la pré-éclampsie et la macrosomie fœtale (poids > 90ième percentile) (Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine, 2015b). En contrepartie, certaines études ont suggéré des risques significativement plus élevés de complications périnatales et néonatales (Berlac, Skovlund, & Lidegaard, 2014; Johansson et al., 2015; Shai et al., 2014), sans toutefois indiquer le délai observé entre le moment de la chirurgie bariatrique et celui de la grossesse. Parent et coll. ont, quant à eux, tenu compte de l’influence possible du temps écoulé entre la chirurgie bariatrique et le moment de la grossesse. Les auteurs rapportent entre autres que les risques de prématurité et de nouveau-nés admis aux soins intensifs sont encore plus élevés chez les femmes ayant eu une grossesse dans les 2 premières années suivant la chirurgie, comparativement aux femmes devenues enceintes au plus tôt 4 années post-chirurgie (prématurité : RR avec IC à 95% : 1,48 [1,00-2,19], admission aux soins intensifs néonataux : RR avec IC à 95% : 1,54 [1,05-2,25]) (Parent et al., 2017). Ils ont également noté, de manière générale, des taux plus élevés de prématurité (14,0% vs 8,6%, risque relatif (RR) avec IC à 95% : 1,57 [1,33 – 1,85]), d’admission aux soins intensifs néonataux (15,2% vs 11,3%, RR avec IC à 95% : 1,25 [1,08 – 1,44]), de nouveau-nés avec hypotrophie néonatale (poids < 10ième percentile ; 13,0% vs 8,9% ; RR avec IC à 95% : 1,93 [1,65 – 2,26]) et un faible score Apgar1 (17,5% vs 14,8%, RR avec IC à 95% : 1,21 [1,06 – 1,37]) parmi les femmes ayant subi une chirurgie bariatrique comparativement à des femmes du groupe contrôle appariées pour l’année d’accouchement. À cela s’ajoute une étude publiée par Johansson et coll., rapportant un risque possiblement plus élevé de mortalité néonatale (RC avec IC à 95% : 2,39 [0,98-5,85], p=0,06) parmi les femmes devenues enceintes en médiane 1,8 année [1,4 – 2,5] après avoir subi une chirurgie bariatrique (Johansson et al., 2015). Puisque la littérature scientifique est encore récente sur le sujet, il est généralement recommandé que les femmes obèses désirant une grossesse utilisent des moyens de contraception durant au moins la première année suivant une chirurgie bariatrique (Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine, 2015b).

1 Le score Apgar est un score composite permettant d’évaluer la vitalité d’un nouveau-né, en se basant sur

5 indicateurs de la santé (coloration, respiration, tonus, réactivité et fréquence cardiaque). Chaque indicateur est coté de 0 à 2 points, jusqu’à un score Apgar maximal de 10 points, indiquant le meilleur état de santé.